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Bruno Le Roux, ici en 2010. AFP/LIONEL BONAVENTURE En affirmant que Nicolas Sarkozy n'a pas voté la loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne introduisant des dispositions visant à renforcer la lutte contre le terrorisme qui avaient permis d'arrêter Mohamed Merah, Bruno Le Roux, porte-parole de François Hollande, s'est un peu avancé. > Lire le blog des "Décodeurs" : Après Toulouse, querelle gauche-droite autour d'une loi antiterroriste Comment les choses se sont-elles passées en 2001 ? Rappel des faits. Après les attentats du 11 septembre 2001, le gouvernement de Lionel Jospin dépose par voie d'amendements une série de dispositions renforçant les moyens de lutte contre le terrorisme. Treize amendements au total, constituant un nouveau volet du projet de loi sur la sécurité quotidienne qui était en cours de "navette" au Parlement. Le texte, présenté en conseil des ministres le 14 mars 2001, avait été voté en première lecture à l'Assemblée nationale le 26 avril, puis au Sénat, dans une rédaction divergente, le 30 mai. La commission mixte paritaire ayant échoué, le projet de loi était revenu en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, où il avait été de nouveau adopté par la majorité de gauche, le 27 juin, avant de repartir au Sénat pour une nouvelle lecture, au cours des séances des 16 et 17 octobre 2001. LE PCF S'ABSTIENT, LES VERTS CONTRE C'est à cette étape que le gouvernement introduit ces nouvelles dispositions antiterroristes. Elles sont approuvées par le rapporteur, Jean-Pierre Schosteck, sénateur (RPR) des Hauts-de-Seine, et soutenues par la majorité sénatoriale de droite, qui les vote. C'est donc avec l'approbation de la droite que ces mesures ont pu être introduites au Sénat en deuxième lecture avant que le projet de loi soit définitivement adopté à l'Assemblée nationale. Si tel n'avait pas été le cas, les amendements du gouvernement n'auraient pas pu être soumis aux députés (article 45 de la Constitution). A l'Assemblée nationale, la droite (RPR-UDF-DL) a approuvé et voté le nouveau volet antiterroriste. En revanche, elle a voté contre l'ensemble du texte. Le PCF s'est abstenu, et les Verts ont voté contre. En outre, pour ne pas prendre le risque de voir ces mesures censurées – elles auraient en effet pu être considérées comme des "cavaliers législatifs" –, la droite s'est abstenue de saisir le Conseil constitutionnel. Patrick Roger | election-presidentielle-2012 | 51 |
Sur les quais, à Marseille. AFP/BORIS HORVAT Doucement mais sûrement, la Société nationale maritime Corse Méditerranée (SNCM) s'achemine vers le dépôt de bilan. Structurellement déficitaire, avec des pertes cumulées (hors éléments exceptionnels) de plus de 200 millions d'euros depuis 2001 et un seul exercice bénéficiaire en treize ans, la compagnie pourrait se trouver en cessation de paiement dès la fin du mois de septembre. Selon nos informations, la direction de la SNCM aurait dressé un tableau très pessimiste de l'état de la compagnie lors d'un conseil de surveillance qui s'est tenu à Paris, jeudi 25 septembre. « La saison touristique a été mauvaise et les caisses sont vides », a en substance expliqué Olivier Diehl, le nouveau président du directoire de la SNCM. « La SNCM fait face à une situation de trésorerie extrêmement difficile », confirmait vendredi matin au Monde le cabinet du secrétaire d'Etat aux transports, Alain Vidalies. Voir la chronologie : Grèves à répétition : si vous n'avez rien suivi aux conflits à la SNCM La situation est d'autant plus préoccupante que la compagnie maritime, qui assure la desserte de la Corse mais aussi des liaisons avec le Maghreb, a reçu au début du mois une rallonge de 10 millions d'euros accordée par l'Etat. Cette somme correspond à la dernière tranche des 30 millions d'euros promis fin 2013 par Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre, pour « permettre de couvrir les besoins de trésorerie estimés nécessaires par l'entreprise pour l'année 2014 ». ÉVITER UNE MISE EN CESSATION DE PAIEMENT IMMÉDIATE Le hic ? Les actionnaires de la SNCM, détenue à 66 % par Transdev, à 25 % par l'Etat et à 9 % par les salariés de l'entreprise, se sont engagés, le 9 juillet, à ne pas déposer le bilan de la compagnie avant le 31 octobre. Cet engagement avait été concédé pour mettre fin à la grève qui avait paralysé au début de l'été la SNCM, bloquant à quai durant 17 jours les bateaux. Pour éviter une mise en cessation de paiement immédiate, la compagnie va demander au tribunal de commerce de Marseille (Bouches-du-Rhône) de pouvoir utiliser dès maintenant une partie des presque 60 millions d'euros de prime d'assurance obtenus par la SNCM suite à des avaries intervenues à l'automne 2012 sur l'un de ses huit navires, le Napoléon-Bonaparte, vendu depuis. Cette somme avait été mise sous séquestre, en janvier 2014, par les actionnaires de la compagnie, afin de financer la future restructuration de la SNCM et, notamment, le plan social qui aurait suivi. Selon nos informations, la direction de l'entreprise marseillaise, qui emploie 2 600 personnes en équivalent temps plein, demanderait à pouvoir utiliser une vingtaine de millions d'euros sur les 57,1 millions versés par l'assureur Axa, sachant que 13 millions ont d'ores et déjà été alloués au financement d'un plan de départs volontaires lancé en 2013 et dont l'objectif est de supprimer 500 postes. « PRÉPARER LE DÉPÔT DE BILAN » Preuve de la gravité de la situation, la direction de la SNCM a également annoncé lors de ce conseil de surveillance qu'elle allait demander au président du tribunal de commerce de Marseille l'ouverture d'une procédure de conciliation, ce que confirmait vendredi le secrétariat d'Etat aux transports. Cette demande fait suite à un droit d'alerte lancé début août par les commissaires aux comptes de la compagnie. Officiellement chargé de rechercher un accord amiable avec les créanciers de la compagnie, le conciliateur, qui pourrait être nommé dans les prochains jours, devrait en fait « préparer le dépôt de bilan et la mise en redressement judiciaire de la SNCM », assure un proche du dossier. Depuis de nombreux mois, Jean-Marc Janaillac, le PDG de Transdev, et Antoine Frérot, le patron de Veolia (actionnaire à 50 % de Transdev), expliquent en effet que la compagnie n'est plus viable en l'état et doit être restructurée si elle veut survivre. « La SNCM ne s'en sortira pas sans redressement judiciaire », a également déclaré Manuel Valls, le premier ministre, au début de l'été. Outre une exploitation structurellement déficitaire, la compagnie a il est vrai été condamnée par Bruxelles à rembourser 440 millions d'euros d'aides publiques indues, ce qu'elle est dans l'incapacité de faire. Pour le moment, les recours introduits par la SNCM comme par l'Etat ne semblent pas avoir d'effet : le 4 septembre, la Cour de justice de l'Union européenne a encore confirmé l'illégalité de quelque 205 millions d'euros d'aides reçus en 2006, lors de la privatisation de l'entreprise. BAIN DE SANG SOCIAL Selon les actionnaires de la compagnie, passer par un dépôt de bilan et une mise en redressement judiciaire permettrait de mettre un terme à ces amendes et de restructurer la compagnie sur un périmètre viable, ramené à la desserte de la Corse depuis le seul port de Marseille et éventuellement quelques liaisons avec le Maghreb. « La négociation engagée avec la Commission européenne n'est pas finalisée mais il ne fait plus de doute aujourd'hui que seul un plan de redressement pour construire une nouvelle SNCM peut permettre de mettre fin aux contentieux européens », explique-t-on au cabinet d'Alain Vidalies. Lire aussi : La justice européenne pourrait précipiter le dépôt de bilan de la SNCM Mais, accusent les syndicats, cela équivaudrait à un bain de sang social : la fermeture des lignes opérées depuis Nice et Toulon, qui n'ont jamais gagné d'argent, risquerait d'entraîner de trop nombreux licenciements. « Le redressement judiciaire, c'est un moyen de démanteler la SNCM, avec plus d'un millier de licenciements. Ce n'est pas acceptable », avait notamment déclaré Frédéric Alpozzo, le représentant CGT des marins, lors de la dernière grève. De plus, estiment les syndicats, rien ne dit qu'un dépôt de bilan permettra d'éteindre les amendes de Bruxelles. « Pour cela, il faudra démontrer que la nouvelle SNCM n'a plus rien à voir avec l'ancienne, qu'il s'agit d'une nouvelle compagnie, avec de nouveaux actionnaires, sans continuité économique, cela n'a rien d'évident », reconnaît un bon connaisseur du dossier. Interrogés vendredi matin, la direction comme les actionnaires et les syndicats de la compagnie n'ont pas souhaité commenter ces informations. | economie | 7 |
L'émir du Qatar, le cheikh Hamad Ben Khalifa Al-Thani, et le chef du gouvernement du Hamas, Ismaël Haniyeh, dans le sud de Gaza, mardi 23 octobre. AP/Mohammed Salem "Une visite historique et bénie" : c'est par ces mots qu'Ismaïl Haniyeh, premier ministre du Hamas, le mouvement islamiste qui contrôle la bande de Gaza, a accueilli, mardi 23 octobre, l'émir du Qatar, le cheikh Hamad ben Khalifa Al-Thani. "Aujourd'hui, vous annoncez officiellement la levée du blocus politique et économique imposé à la bande de Gaza", s'est réjoui M. Haniyeh. Le Mouvement de la résistance islamique n'a pas lésiné pour rendre cette première visite d'un chef d'Etat étranger dans le territoire – depuis qu'il y a pris le pouvoir en 2007 –, en tous points mémorable. Tapis rouge, garde d'honneur, hymnes et drapeaux nationaux, rues pavoisées, chanson titrée Merci Qatar diffusée en boucle à la radio… Tout a été fait pour souligner que le Hamas n'est plus un mouvement pestiféré, au moins pour le chef de l'Etat de la très riche monarchie du Golfe, qu'il est même légitime. La démonstration ne pouvait que provoquer la colère de Mahmoud Abbas, qui dirige le Fatah et l'Autorité palestinienne, et d'Israël. Car en décidant d'apporter sa caution au Hamas, dont les dirigeants sont soigneusement ignorés lors des très rares visites à Gaza de représentants de gouvernements étrangers, l'émir Hamad Al-Thani a choisi son camp entre les frères ennemis du mouvement palestinien, puisqu'il a de facto affaibli la légitimité de M. Abbas, lequel s'efforce de maintenir l'illusion que son autorité s'exerce non seulement en Cisjordanie, mais aussi à Gaza. Le chef du gouvernement du Hamas Ismail Haniya et l'émir du Qatar Hamad Ben Khalifa Al-Thani dans le nord de Gaza, mardi 23 octobre 2012. AFP/ALI ALI CRISE FINANCIÈRE Ce faisant, il a pris le risque d'accentuer la séparation politique entre les deux entités supposées être réunies un jour dans un seul Etat palestinien, alors même qu'un accord de réconciliation entre les deux mouvements – il est vrai mort-né – avait été signé à Doha, en février 2012. Le président de l'Autorité palestinienne avait récemment accusé M. Haniyeh de vouloir instaurer un "émirat islamique" à Gaza, et c'est ce qui est en train de se passer. Le Fatah, le parti dominant de l'Autorité palestinienne, a stigmatisé cette attitude : "Rechercher un pouvoir politique dans la région au détriment des droits et de l'unité du peuple palestinien est inacceptable." | international | 13 |
s. Les journalistes Baptiste Schweitzer et Matthieu Mondoloni. Matthieu Gorisse-Mondoloni / France Info Avec plusieurs dizaines de millions de vues en à peine cinq jours, la bande-annonce du dernier opus de Star Wars diffusée le mardi 20 octobre (pour la sortie du film le 16 décembre) a déjà battu des records. Des scores qui montrent combien cette saga a marqué les esprits depuis près de quarante ans. Au-delà du simple divertissement, les deux trilogies imaginées par George Lucas ont, profondément, imperceptiblement, influencé un nombre incalculable de domaines dans notre monde de Terriens. Pendant près de six mois, Baptiste Schweitzer et Matthieu Mondoloni, deux journalistes du service Web de France Info, ont enquêté en France, au Danemark, en Suisse et bien sûr aux Etats-Unis – berceau de l’épopée – pour rendre compte du phénomène. Depuis le 29 août, France Info diffuse chaque samedi « Génération Jedi », les chroniques de ce voyage. « Nous avons voulu connaître les raisons pour lesquelles tant de gens s’intéressent et s’identifient aux personnages ainsi que la manière dont Star Wars est devenu un monument de la pop culture, racontent Baptiste Schweitzer et Matthieu Mondoloni. Star Wars est le reflet déformé de notre planète. George Lucas ne l’a peut-être pas fait exprès, mais il a eu le talent d’aller puiser des éléments dans toutes les sociétés, de les mixer et de les projeter dans les étoiles pour, en fait, raconter notre propre histoire. Aujourd’hui, c’est nous qui nous inspirons de son œuvre, la boucle est bouclée. » Palpatine, comme Hitler Tout au long des dix-sept épisodes de la saga de France Info nous découvrons comment celle de George Lucas a pu créer des vocations. Ainsi apprend-on comment le rêve de piloter des engins spatiaux a conduit l’astronaute italien Luca Parmitano à prendre les manettes d’un Soyouz. Mais aussi comment les ingénieurs de la NASA imaginent des robots et des engins interplanétaires à partir de ceux montrés dans les films. Un robot d’accompagnement baptisé R2 – référence au petit robot du film, R2-D2 – a été embarqué dans la station spatiale internationale. Les militaires essayent, quant à eux, sans grand succès pour le moment, de créer un blaster, le pistolet laser utilisé à tout-va dans la saga. Plus étonnant, un collège de l’Yonne se sert de La Guerre des étoiles pour enseigner des matières plus ou moins abstraites. Les élèves apprennent ainsi comment les discours de l’horrible empereur Palpatine sont dans la veine de ceux de Hitler et de Staline. Les professeurs d’université utilisent également des références à Star Wars pour capter l’attention et expliquer des concepts aussi compliqués que la physique quantique. | televisions-radio | 128 |
Colère des agriculteurs en Bretagne AFP TV Après plus de quinze jours d’action et alors que l’agriculture doit s’adapter à la nouvelle donne écologique, la mobilisation des paysans reste forte pour sortir la profession du marasme économique. Marc Dufumier constate que les « produits vendus à bas prix nous reviennent en fait très cher, du fait des coûts de la dépollution pour l’eau potable, des impôts à payer pour retirer les algues vertes du littoral, des maladies provoquées par les pesticides, de l’abaissement des nappes phréatiques, de la surmortalité des abeilles, etc. » . Aussi préconise-t-il de « promouvoir une agriculture plus artisanale, plus soignée, plus respectueuse de l’environnement mais aussi plus intensive en emplois. Il convient, pour ce faire, de réorienter au plus vite les aides de la PAC (actuellement concédées en proportion de la surface) afin que nos paysans, droits dans leurs bottes, puissent être correctement rémunérés, en échange de bons produits et de services d’intérêt général ». Pour sa part, la géographe Sylvie Brunel met en avant l’excellence de « la France, devenue le troisième exportateur mondial de blé, le premier de semences, sur 5 % seulement des terres cultivées de la planète », et la qualité « de nos produits attractifs dans le monde entier ». Aussi Les agriculteurs mériteraient de « percevoir une part équitable de la valeur ajoutée qu’ils apportent à notre économie, à nos emplois (un emploi agricole en génère 5, et même 7 dans l’élevage), à nos paysages (...). Il faut reconnaître leur travail, accepter que la nourriture belle, saine et pas chère se mérite, privilégier la qualité du « made in France ». L’oligopole de la grande distribution, avec quatre centrales d’achat seulement qui font la pluie et le beau temps, doit cesser la guerre des prix, dont les agriculteurs sont les premières victimes ». - « Vive la production artisanale ! », par Marc Dufumier, professeur honoraire à AgroParisTech. L’exportation de produits bas de gamme subventionnés ne rapporte plus rien. Seule la production de denrées à haute valeur sanitaire, gustative et environnementale pourrait être rentable pour les agriculteurs et bénéfique pour les consommateurs. - « Les agriculteurs devraient être déclarés d’utilité publique tant la France a besoin d’eux ! », par Sylvie Brunel, géographe et écrivain, professeur à Paris-Sorbonne, ancienne présidente d’Action contre la faim. La colère des agriculteurs est légitime et dangereuse, selon la géographe, qui estime que la profession doit être déclarée d’utilité publique tant la France a besoin de ses paysans. A lire aussi: - Eleveurs : les raisons d’un malaise, par Laurence Girard. Mobilisés un peu partout en France, les agriculteurs vivent une crise dont les causes sont très diverses. - L’Europe, idiote de la production laitière mondiale, par Stéphane Dubois, professeur agrégé de géographie en classe préparatoire aux grandes écoles. Le démantèlement des aides aux producteurs, au nom de la mondialisation, est l’inverse des politiques pratiquées par de grands pays comme le Canada et les Etats-Unis. - Changeons notre chaîne alimentaire pour résoudre la crise de l’élevage, par Christian Rémésy, nutritionniste et directeur de recherche INRA. C’est la société tout entière qui doit revoir son approche de l’élevage et remettre en question ses habitudes alimentaires pour sauver les éleveurs. | idees | 12 |
Le dossier franco-belge dit « du Kazakhgate » a connu, lundi 7 mai, un rebondissement spectaculaire en Belgique. Le parquet de Mons a mis en examen le ministre d’Etat et ancien président du Sénat Armand De Decker, pour trafic d’influence dans l’enquête belge de cette affaire portant sur des soupçons de corruption en marge de contrats commerciaux entre la France et le Kazakhstan. M. De Decker est soupçonné d’avoir fait un intense lobbying en faveur du milliardaire d’origine kazakhe Patokh Chodiev – devenu belge en 1997 – et de deux de ses associés, en 2010 et en 2011. Redevenu avocat, Armand De Decker, homme politique libéral de premier plan, était le conseiller du trio, qui a obtenu une transaction pénale à hauteur de quelque 22 millions, en échange de l’abandon des poursuites le visant. M. De Decker a touché 730 000 euros pour ses services. « Des honoraires pour l’important travail de conseiller stratégique que j’ai accompli », a-t-il constamment expliqué, sans apparemment convaincre la justice, celle-ci ayant donc estimé qu’il existait assez de motifs pour l’inculper, à l’issue d’investigations – non achevées –, tant en France qu’en Belgique. Le procureur général de Mons a estimé que l’ancien ministre avait bel et bien usé de son influence politique au profit des trois hommes d’affaires. Une chambre doit désormais décider de l’éventuel renvoi de M. De Decker devant un tribunal. Le président de son parti, le Mouvement réformateur (MR) de l’actuel premier ministre fédéral, Charles Michel, a quant à lui demandé à l’intéressé de démissionner de tous ses mandats publics, sous peine d’exclusion. Il s’agit, pour cette formation, d’éviter à tout prix d’être impliquée dans un scandale politico-financier. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le Kazakhgate : une affaire d’Etat M. De Decker, qui était encore député régional de Bruxelles, mais avait abandonné son poste de maire de la commune d’Uccle il y a quelques mois, a rapidement réagi : il a annoncé son retrait du MR, déplorant que la présomption d’innocence ne lui bénéficie pas. Une commission parlementaire a voté, il y a une dizaine de jours, un volumineux rapport final sur le « Kazakhgate ». Expurgé de pas mal d’éléments à la suite de pressions de la majorité, il a surtout conclu à l’immixtion de la France – et de l’Elysée à l’époque de Nicolas Sarkozy – dans les affaires belges, afin qu’un sort favorable soit réservé aux Kazakhs. A la clé, il y avait la conclusion d’un important marché d’hélicoptères militaires avec le régime du président Noursoultan Nazarbaïev. « L’ingérence française est claire et devrait entraîner des suites diplomatiques et judiciaires », estime le députe écologiste Georges Gilkinet, l’un des membres les plus en vue de cette commission. | societe | 3 |
L'un des hommes interpellé à Anvers lors d'un coup de filet dans les milieux islamistes mardi 23 novembre. AP La justice belge a annoncé, mardi, une "quinzaine" d'interpellations à Bruxelles dans les milieux islamistes. Dix-sept perquisitions ont été menées par la police judiciaire dans plusieurs quartiers de la capitale belge "dans le cadre d'un dossier ayant pour objectif le démantèlement d'un groupe à caractère terroriste", a précisé le parquet fédéral belge. "Une quinzaine de personnes" ont été interpellées au cours de ces perquisitions. Certaines de ces personnes, qui étaient entendues en fin d'après-midi par les enquêteurs de la police judiciaire, sont "suspectées d'appartenir à une groupe actif notamment dans le recrutement et l'envoi de candidats djihadistes vers l'Irak ou l'Afghanistan", indique le communiqué du parquet fédéral. Elles sont également soupçonnées d'activités de propagande en faveur de la "guerre sainte", a dit Mme Pellens, porte-parole du parquet. Cette opération n'a "pas de lien" avec le démantèlement, également mardi, d'un groupe islamiste lié à la Tchétchénie soupçonné d'avoir préparé un attentat en Belgique, a encore précisé la porte-parole du parquet. Dans le cadre de ce dossier distinct, onze personnes avaient été interpellées. UN CENTRE ISLAMIQUE AU CŒUR DES SOUPÇONS L'enquête bruxelloise vise quant à elle "l'entourage du Centre islamique belge assabyle", situé dans le quartier populaire de Molenbeek, et considéré depuis le début des années 1990 comme un foyer du radicalisme islamique en Belgique. L'un de ses responsables, l'imam Bassam Ayachi, un prédicateur ayant la double nationalité française et syrienne, avait été arrêté en Italie en novembre 2008 en même que temps que Raphaël Gendron, un Français d'une trentaine d'années. La découverte d'immigrés clandestins dans leur camping-car avait d'abord fait penser à un trafic d'êtres humains, mais les enquêteurs estiment désormais qu'il s'agit d'un dossier de terrorisme, a expliqué Mme Pellens. Le coup de filet effectué à Bruxelles a "notamment pour origine des informations des enquêteurs de la justice italienne" chargés du dossier Ayachi, a ajouté Mme Pellens, en soulignant que "l'enquête n'est pas terminée". Bassam Ayachi avait notamment fréquenté en Belgique l'un des assassins du commandant afghan Massoud, le Tunisien Abdessatar Dahmane. C'est lui qui avait béni le mariage d'Abdessatar Dahmane et de Malika El Aroud, une musulmane radicale, condamnée en mai à huit ans de prison à Bruxelles pour avoir été la principale animatrice d'un réseau de recrutement de volontaires proche d'Al-Qaida. Le verdict dans le procès en appel de Malika El Aroud, qui s'est déroulé cet automne, est attendu début décembre. | europe | 11 |
A peine un satisfecit pour la SNCF, un bonnet d’âne pour l’Etat… Le rapport parlementaire de « suivi de la mise en application de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire », rendu public mercredi 19 octobre, dresse un bilan sévère pour les pouvoirs publics. Après les soubresauts de l’été – grève, dette ferroviaire et crise d’Alstom –, le texte était très attendu. Ses deux rapporteurs, le député socialiste de la Gironde, Gilles Savary, et son collègue député UDI de la Meuse, Bertrand Pancher, ont présenté leurs conclusions devant la commission du développement durable de l’Assemblée nationale deux ans après l’entrée en vigueur de la réforme. Et leurs préconisations devraient faire du bruit. Ils proposent d’aller plus loin dans la modernisation du rail français, en particulier par la transformation de la SNCF en société anonyme et la résurrection régionalisée de la défunte écotaxe. D’abord les points positifs de la réforme. Car il y en a. Au premier rang, « la performance managériale remarquable » qui a permis la transformation de la SNCF en un groupe intégré formé de trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) : une mère, la SNCF, et deux filles, SNCF Mobilités et SNCF Réseau. En un temps record, 50 000 cheminots ont été transférés de Mobilités vers Réseau. Les gains de productivité de 653 millions d’euros en 2015, résultats de la réorganisation, sont un motif d’espoir. Toutefois, le rapport pointe « l’extrême difficulté à vérifier de telles informations au sein d’un groupe à la comptabilité difficilement pénétrable ». L’autre point positif : « Une plus-value incontestable liée au renforcement très substantiel des prérogatives du régulateur. » L’action de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer) est saluée, ainsi que l’indépendance dont elle a fait preuve. Le rapport conseille vivement de porter ses moyens financiers à la hauteur de ses missions de plus en plus nombreuses. Obsession du tout-TGV C’est après que cela se gâte. Il y a d’abord cet accord d’entreprise négocié en juin dernier, encore plus favorable au personnel de la SNCF qu’il n’était avant la réforme. Des règles du jeu préjudiciables à cette dernière dans la perspective de l’ouverture à la concurrence. Il y a aussi une obsession du tout-TGV, erreur stratégique issue du Grenelle de l’environnement de 2009 et jamais rectifiée. Mais il y a surtout une politique d’investissement de l’Etat devenue une machine folle relevant de la « fuite en avant », dont les grands projets sont d’abord des petits arrangements clientélistes. « Une carence manifeste de l’Etat stratège », juge Bertrand Pancher ; « la plus grave menace pour l’avenir du ferroviaire », renchérit Gilles Savary. L’injonction contradictoire règne, illustrée par la tentative permanente de l’Etat de contourner le principe de ne lancer aucun projet non financé, règle d’or qu’il a lui même édictée. Le rapport égrène les exemples, distribuant les mauvais points à droite comme à gauche. Sept axes d’amélioration Un coup pour le gouvernement Fillon, qui lance la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux, financée sur papier, mais dont le poids financier est en fin de compte transféré vers SNCF Réseau après la défection de l’Etat et de vingt collectivités territoriales. Lire aussi Les régions aux commandes des transports, dès 2017 Un coup pour le gouvernement Valls, qui veut d’une liaison Roissy-Paris, inventant un système sophistiqué de financement par une société de projet aux prévisions très optimistes. Comme cela s’est produit pour la ligne Perpignan-Figueras, la faillite prévisible, selon les auteurs du rapport, du modèle économique transformera le tout en dette supplémentaire alors que celle-ci, qui atteint presque 50 milliards d’euros, étouffe déjà l’entreprise. Lire aussi Le gouvernement défavorable à une reprise par l’Etat de la dette de SNCF Réseau Alors comment mettre fin à ces dérives, transformer l’essai de la réforme ? Savary et Pancher identifient sept axes d’amélioration : concurrence, programmation, financement, gares, régions, industrie, fret. Parmi leurs recommandations, la transformation de SNCF Mobilités en société anonyme à capitaux 100 % publics fait figure d’épouvantail. C’est pourtant ce qu’a fait la Deutsche Bahn, en Allemagne il y a… vingt-deux ans, souligne le rapport, estimant qu’il s’agit du meilleur moyen de transformer le dinosaure en groupe plus agile et de préparer la concurrence. Un niveau soutenu de financement public Outre la proposition déjà réclamée par l’Arafer de transférer les gares de SNCF Mobilités vers SNCF Réseau, les deux députés plaident pour un niveau soutenu de financement public. Ils proposent de donner aux régions la possibilité d’instaurer une taxation consacrée à l’investissement dans les infrastructures de transport. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La SNCF sacrifiée Cet impôt pourrait prendre la forme d’une eurovignette régionalisée étendue à tous les véhicules à moteur. Une sorte de nouvelle écotaxe (mais sans les portiques), au taux faible, donc acceptable, et à l’assiette très large, assurant un financement robuste au rail comme à la route. Donner les moyens aux régions d’assumer pleinement leurs missions d’autorités organisatrices de mobilité, c’est aussi leur permettre d’acheter en direct du matériel roulant et de le gérer. « Il n’y a pas de raison que les collectivités paient très cher pour offrir des trains à la SNCF, plaide Gilles Savary. C’est logique, dans la perspective de l’arrivée de la concurrence sur les lignes régionales entre 2017 et 2023. » Une telle possibilité aurait aussi l’intérêt d’ouvrir le portefeuille français de clientèle pour les industriels du train (Alstom, Bombardier…) qui, pour le moment, en France, ont pour seul client la SNCF et pour seul arbitre l’Etat. | economie | 7 |
La Maison Blanche n'est toujours pas favorable à une zone d'exclusion aérienne entre la Syrie et la Turquie, défendue avec force par Ankara, a indiqué lundi 1er décembre le porte-parole de l'exécutif américain. Cette proposition n'est pas une bonne solution « à ce stade », a déclaré ce dernier, en réponse à des articles dans la presse américaine évoquant une évolution de la position américaine sur ce point, à l'issue d'un voyage du vice-président, Joe Biden, en Turquie. Lire (en édition abonnés) : Joe Biden en visite de déminage en Turquie La Turquie a posé comme condition à son entrée dans la coalition contre l'Etat islamique (EI) la création d'une zone tampon et d'une zone d'interdiction aérienne le long de sa frontière avec la Syrie. La zone tampon viserait à accueillir notamment les réfugiés poussés à fuir par les combats entre régime Assad, les rebelles et les djihadistes de l'Etat islamique. Ankara considère insuffisants les raids aériens de la coalition et juge que la menace djihadiste ne sera écartée qu'avec la chute du président Bachar Al-Assad, sa bête noire. Mais le pays n'a pas réussi à ce jour à convaincre ses alliés de l'OTAN. LA LUTTE ANTIDJIHADISTE, PRIORITÉ AMÉRICAINE Contrairement aux Turcs, les Américains restent focalisés sur la lutte antidjihadiste. « Nous sommes d'accord avec les Turcs, il faudra une transition politique sans Assad au bout du compte », a insisté à Istanbul Joe Biden, « mais pour le moment, notre priorité absolue en Irak et en Syrie reste la défaite de l'EI ». Contrairement aux Etats-Unis, la Turquie refuse de fournir une aide militaire aux forces kurdes qui défendent la ville syrienne de Kobané assiégée par les djihadistes. Sous pression de ses alliés, elle s'est contentée d'autoriser le passage vers Kobané, via son territoire, de combattants kurdes venus d'Irak. | europe | 11 |
Gato Barbieri le 15 septembre 2006 à Saint-Domingue, en République dominicaine. Ramon Espinosa / AP Né à Rosario (Argentine), le 28 novembre 1932, Leandro Barbieri, dit « Gato », est mort le 2 avril 2016, dans un hôpital de New York, des suites d’une pneumonie, a annoncé sa femme Laura. Sa première femme s’appelait Michèle – rôle essentiel dans les liens de la musique et du cinéma. En novembre 2015, on pouvait encore entendre Gato Barbieri lors de son récital mensuel au Blue Note. Il n’avait plus l’aura qui fut la sienne dans les années 1960 et 1970, mais sa renommée excédait toujours le septième cercle du « jazz ». Son nom remue ceux de Don Cherry, Carla Bley, Charlie Haden, Enrico Rava, Steve Lacy, J.-F. Jenny-Clark et Nana Vasconcelos : plus qu’un orchestre, une communauté de cœur, de pensée, d’objectif politique et d’amour. On le dirait aujourd’hui « altermondialiste », l’un de ses triomphes fut, à Montreux, en 1971, le très tiers – mondiste El Pampero. La face lumineuse, gauchiste, populaire, festive, présente dans tous les meetings politiques et sur tous les podiums de la joie, du très introuvable « free jazz ». « Le chat » au chapeau De Barbieri, on retiendra trois détails : son surnom de « Gato » (« le chat ») qui suffisait à l’identifier, chaffre aux étymologies aussi nombreuses que les pompeux informateurs qui vous en instruisaient ; son légendaire chapeau noir qu’un contestataire inspiré lui avait piqué, le 23 août 1977, à Chateauvallon (Var), le même sans doute qui venait de brailler à l’adresse de la pianiste Carla Bley : « Retourne à tes fourneaux ! » (le gauchisme n’a pas donné que des résultats satisfaisants ; les cons étaient à la mesure du projet) ; ce son de saxophone ténor qui semblait démarqué du rajo, l’inimitable fêlure des cordes vocales des flamencos de Jerez. Tout cela pour dire qu’il fut, de son vivant, visage malin, petites lunettes plus stylées que celles de Lennon, un mythe en scène et dans la vie. Porté par les orages du bonheur des tambours, son lyrisme incandescent eut tôt fait d’écarter les pisse-vinaigre et les amateurs au chef dodelinant – les bons amateurs. Fils de charpentier, il taquine le violon, découvre le viril ténor auprès de son oncle maternel (dans Les Structures élémentaires de la parenté, Lévi-Strauss établit clairement l’importance dans ce fatras de l’oncle maternel), et attaque par la face sud le requinto. Le requinto est une clarinette jivarisée qui ne fait pas sérieux. Là-dessus, coup de tonnerre, il tombe sur Charlie « Bird » Parker (un vilain poste de TSF à Buenos Aires) : pilier de Notre-Dame (voir Claudel) ! Joie, Joie, Pleurs de joie ! (se réciter le Mémorial de Pascal, cousu dans sa doublure jusqu’à sa mort). Altiste dans l’orchestre de son compatriote Lalo Schifrin, Gato choisit le ténor (1955). En 1962, après un bref séjour au Brésil (João Gilberto, etc.), il s’établit à Rome où il joue avec Jim Hall et Ted Curson. C’est à Paris, où Don Cherry se déplaçait à Solex, trompinette dans la poche, au printemps 1965, qu’ils se rencontrent pour ne plus se quitter. À New York, ils gravent un miracle – par définition rétif à tout enregistrement : Complete Communion suivi de Symphony For Improvisers (1966). Quand on a eu la chance de vivre en direct cette époque bénie de tous les diables, on peine un peu à se faire interviewer par un gandin effaré, sur l’air de : « La première fois que vous avez entendu du free jazz, vous avez été épouvanté ? Ahuri ? Sonné ? Agressé ? » Il faut cocher. Gato Barbieri le 18 novembre 2015 à Las Vegas. Chris Pizzello/Invision/AP Tout-terrain esthétique La rencontre avec Giorgio Gaslini a lieu à Milan (Nuovi Sentimenti). En 1967, il signe ses deux premiers albums personnels, In Search Of The Mystery et Obsession, avec Sirone à la basse. Rôle des contrebassistes auprès de Gato. À Rome, avec Enrico Rava, Don Cherry, J.-F. Jenny-Clark et quelques égéries, ils vivent en communauté une vie de bâton de chaises qui tient de l’expérience scientifique et du tout-terrain esthétique. La nature des conflits actuels (quatre vingt-trois guerres au compteur, et des institutions aussi nobles que l’Eglise déchirées par la chair) donne à cette période une allure assez sportive. D’un poil plus âgé que la bande à Gato, Steve Lacy qui tenait le rôle de passeur quasiment bilingue, fit non sans sagacité observer : « Attenchion, attenchion, mes amis, si vous continouiez à mener le vie gracieuse, le Bon Dieu, il va vous punisser… » Blonde et aussi bouclée que Delphine Seyrig, Carla Bley est l’autre rencontre décisive. Gato participe à ce chef-d’œuvre signé Carla Bley et Paul Haines pour le livret : Escalator Over The Hill. 1968 se profile partout, même aux Jeux de Mexico. Non, non, on n’a été ni épouvanté, ni ahuri, ni sonné, encore moins agressé… Simplement heureux comme devant l’épiphanie du free. Deuxième chef-d’œuvre d’une bande de révolutionnaires dont Charlie Haden et Carla Bley portent la banderole de manif (rouge), le Liberation Music Orchestra : Don Cherry, Perry Robinson, Dewey Redman, Michael Mantler, Roswell Rudd, Bob Northern, Howard Johnson, Sam Brown, Paul Motian et Andrew Cyrille. Moins un orchestre qu’un style de vie et une pensée. Pendant une semaine, pour dire les osmoses du temps, le Liberation Music Orchestra sert de générique à l’irremplaçable « Pop-Club » de José Artur, sur France Inter. Luttes, tambours Gato enregistre avec le pianiste sud-africain adoubé par Duke Ellington, Dollar Brand (Abdullah Ibrahim). Virage à 180° vers ses origines sud-américaines, les luttes, les tambours. Ce qui nous conduit au Carnet de notes pour une Orestie africaine (1970), de Pier Paolo Pasolini, où il apparaît autant qu’il joue avec le contrebassiste sarde Marcelo Melis et le percussionniste Don Moye. Ses commandos à géométrie variable, où se succèdent les plus grands bassistes, nombre de percussionnistes (Airto Moreira, James Mtume) autour de piliers (Lonnie Liston Smith jusqu’en 1973, Roswell Rudd…) obtiennent de vifs succès auprès des jeunes et des classes laborieuses. Après quoi, elles accentuent leur tonalité latina, le goût des chansons et des messages (Viva Emiliano Zapata !), chantent l’Euphoria comme aujourd’hui on brame à la Melancholia. Il est possible que l’on traverse désormais le pont de Bir-Hakeim sans immédiatement songer au Dernier Tango à Paris (1972) de Bernardo Bertolucci, autre affidé à la bande. C’est Gato qui a composé la musique, récoltant au passage un de ses Grammys dorés. Petite curiosité, lorsqu’on voit à l’écran le voisin qui fait ses exercices au ténor (on l’aperçoit bien de la cuisine où le beurre est dans le frigo), le son est celui de Gato, mais le figurant qui joue du saxophone est noir. Ah ! effets de réel… Passons… Les amateurs, les bons amateurs, tiennent la fin de la carrière de Gato Barbieri pour trop populaire et commerciale. Relire sur ce point Le Meunier, son fils et l’âne (Jean de La Fontaine). Musicien d’époque, son de cathédrale, mouvements intestinaux des révolutions, tentative de Hip Hop All Stars (2000), on a donc tant perdu la passion de l’Histoire ? | culture | 4 |
L'été en séries : Improbables musées... 1/12. La distillerie du Palais Bénédictine. PALAIS BÉNÉDICTINE, FÉCAMP Alexandre Le Grand s'est rendu maître de l'épice, et elle a fait sa fortune. Nous ne sommes pas dans la Grèce hellénistique, ni sur la planète Arrakis, imaginée par Frank Herbert dans son roman Dune, mais à Fécamp, à l'époque dans le département de Seine-Inférieure, aujourd'hui devenue Maritime. A sa naissance, le 6 juin 1830, son père, Vincent Le Grand, capitaine au long cours, et sa mère, Eugénie Le Grand, née Couillard, un peu taquins sans doute, ou désireux de garantir à leur fils un destin hors du commun, l'ont baptisé Alexandre. Il va en effet conquérir le monde, non avec des armées, mais avec une liqueur, et un sens du marketing dont bien des stratèges, d'hier ou d'aujourd'hui, pourraient s'inspirer. D'ailleurs, ils le font. La trentaine venue, Alexandre est un honnête marchand de vin, et, avec l'aide d'un potard local, travaille à l'élaboration d'une liqueur. Pas moins de 27 épices différentes – la recette est tenue secrète – entrent dans sa composition. Ce serait un pisse-mémé de plus, à ranger entre le Cointreau et le Grand Marnier, si Alexandre Le Grand n'avait l'idée de lui donner une histoire : il en aurait retrouvé la recette dans un manuscrit du XVIe siècle rédigé par un moine de l'abbaye bénédictine de Fécamp, Bernardo Vincelli, d'origine vénitienne, lequel l'aurait fait goûter à François Ier. Le roi l'apprécia tant qu'il s'en fit le premier publicitaire : "Oncques n'en goustai de meilleure." C'est ce que dit la légende, car si le bon roi François aimait la Normandie – il fonda le port du Havre – et ne dédaignait pas tâter de la chopine, il ne subsiste aucune trace de son passage à Fécamp. Pas plus que de celui de Vincelli... Quand on doit s'inventer un passé et espérer se créer une postérité, on fait appel aux artistes, tous les bourgeois gentilshommes savent cela - il n'y a qu'à regarder du côté de nos modernes fondations. Alexandre Le Grand fera travailler les meilleurs - ou plutôt, les plus en vue - de son temps, Mucha, Abbéma ou Sem (une de ses affiches est accompagnée de ce mot de l'aviateur Santos-Dumont : "S'il fallait monter dans les nues pour boire de la Bénédictine, il y a longtemps que le problème de la locomotion aérienne serait résolu.") | culture | 4 |
Alep, le 23 décembre. Un bilan provisoire de l'Observatoire syrien des droits de l'homme a établi que plus de 517 personnes avaient trouvé la mort dans les bombardements des derniers jours. REUTERS/SAAD ABOBRAHIM Dans le ciel d'Alep, les avions et les hélicoptères de l'armée syrienne se livrent, depuis le 15 décembre, à un ballet macabre, bombardant sans répit les quartiers et villages passés aux mains des rebelles. Des images amateures diffusées sur Internet montrent l'ampleur de la désolation dans l'ancienne capitale économique de la Syrie. Des rues entières ont été réduites à un tapis de ruines. Des immeubles ont laissé place à d'énormes cratères, jonchés de décombres, d'où sont extraits un à un les corps des victimes. Plus de 330 personnes, dont une centaine d'enfants, ont été tuées dans ces raids, selon un bilan provisoire établi lundi 23 décembre par l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Pour la seule journée de lundi, au moins 30 personnes, dont 12 enfants et deux femmes, ont été tuées lors du largage de barils de TNT contre les quartiers rebelles de Marjé et Soukkari, dans le sud-est de la ville. « MÉTHODES DE GUERRE» Le recours systématique à des barils bourrés d'explosifs, de clous et d'autres éclats cause des pertes humaines et des dégâts matériels considérables. L'organisation Human Rights Watch dénonce des « méthodes de guerre qui ne font pas la distinction entre civils et combattants ». Mais le régime de Damas continue d'imputer l'ampleur du bilan humain au fait que les « terroristes » se cachent au sein de la population civile. A moins d'un mois de la conférence de paix internationale de « Genève 2 », qui doit s'ouvrir le 22 janvier 2014 à Montreux, en Suisse, Bachar Al-Assad multiplie les offensives pour se présenter en position de force à la table des négociations. Après les succès engrangés dans la province de Damas, il espère porter un coup décisif aux rebelles, qui tiennent depuis l'été 2012 les secteurs est de la ville d'Alep et la plus grande partie de la campagne environnante. Le régime a progressivement resserré son étau autour de la ville, reprenant des localités et des bases alentour. Il a su profiter des luttes intestines entre groupes rebelles, notamment les djihadistes de Jabhat Al-Nosra et de l'Armée islamique de l'Irak et du Levant, déjà en guerre larvée contre l'Armée syrienne libre. | international | 13 |
Les drapeaux européen et belge sont hissés devant le Parlement européen, le 2 juillet 2001 à Strasbourg, la veille du début de la présidence belge de l’Union européenne. An EU and Belgian flag flutter in the breeze in front of the European Parliament in Strasbourg 02 July 2001 on the eve of the debut of the Belgian presidence of the European Union. / AFP PHOTO / MARTIN BUREAU MARTIN BUREAU / AFP Le problème ne concerne pas que la France. Outre-Quiévrain, les salariés belges jugent aussi que le fonctionnement des entreprises est encore fort hiérarchisé, et nombre de travailleurs se sentent quelque peu exclus, analyse Le Soir. « Une révolution de l’organisation du travail est en cours dans les entreprises. Les marchés se mondialisent et changent rapidement. La disruption numérique bouleverse de nombreux secteurs. Du coup, on assisterait à une certaine décentralisation. De plus en plus de décisions seraient déléguées à des équipes relativement autonomes. La participation du salarié moderne serait donc beaucoup plus active », commente-t-on chez Randstad, qui a mené une enquête auprès de 3 000 personnes, et qui démontre qu’il faut relativiser. « Selon les travailleurs, les possibilités de participation n’ont pas augmenté au fil du temps. La traditionnelle organisation hiérarchisée du travail résiste beaucoup mieux qu’on ne pourrait le croire. » « Les thèmes nouveaux et modernes, tels que l’innovation, la formation, les carrières, n’ont nullement gagné en importance. C’était déjà le cas en 2012 et rien n’a changé », poursuit-on chez Randstad. Quand on demande aux salariés d’évaluer leur possibilité de participation sur une échelle de 1 à 10, la note moyenne est de 6,3. Dans ce contexte, les syndicats gagnent en popularité. Soixante-quinze pour cent des Flamands et 81 % des francophones estiment, selon une récente étude de l’Université catholique néerlandophone de Louvain sur l’image des syndicats dans le public, que les syndicats sont nécessaires pour défendre les droits sociaux. | europe | 11 |
Des bulletins de vote lors du référendum organisé par le collectif "Votation citoyenne", à Paris, au sujet du droit de vote des résidents étrangers aux élections locales, en mai 2008. AFP/STEPHANE DE SAKUTIN Si le droit de vote des étrangers non communautaires est loin de rencontrer un consensus au sein des dirigeants politiques, comme l'a montré le débat au Sénat le 8 décembre, les sondages montrent toujours qu'une majorité de Français y est favorable. Plus d'un sur deux (55 %) se prononcent pour l'instauration du droit de vote des étrangers aux élections locales pour les non européens résidant depuis plus de cinq ans en France, selon un sondage IFOP à paraître dans Sud Ouest Dimanche du 11 décembre. Près d'un Français sur cinq (18 %) se dit même tout à fait favorable à la mesure, révèle le sondage. Une proposition de loi de la majorité de gauche au Sénat a provoqué un vif débat, jeudi 8 décembre, suscitant les critiques de la droite et de l'extrême droite. Le texte a finalement été adopté, dans la nuit de jeudi à vendredi, par 173 voix contre 166. | election-presidentielle-2012 | 51 |
Des militaires proches de l'ancien président Blaise Compaoré ont annoncé jeudi 17 septembre avoir « destitué » le président intérimaire du Burkina Faso, Michel Kafando, et dissous le gouvernement. Il s'agit d'un nouvel épisode dans l'instabilité que connaît le pays depuis un an. Fin 2014, une insurrection populaire avait balayé le régime de Blaise Compaoré qui tentait de s'octroyer une nouvelle prolongation. Après vingt-sept ans de pouvoir, le chef de l'Etat espérait briguer un cinquième mandat par une nouvelle modification de la Constitution avant d'en être empêché par la rue, l'opposition et l'armée. Après qu'un officier, le lieutenant-colonel Isaac Zida, s'était autoproclamé chef de l'Etat, un nouveau président de transition, civil cette fois, Michel Kafando, avait été désigné pour mener le pays à des élections en novembre 2015. Michel Kafando prendra ainsi ses fonctions vendredi. Le cas du Burkina est à bien des égards singulier, mais sur le continent, sa situation est suivie avec intérêt par ceux qui tiennent les clés des palais présidentiels et par ceux qui voudraient les en déloger. D'autant que les événements qui se sont produits à Ouagadougou trouvent une résonance dans plusieurs Etats africains. Petits et grands arrangements avec la Constitution En 2010, au Niger, le président Mamadou Tandja, au pouvoir depuis onze ans, avait été renversé par un coup d'Etat militaire après avoir dissous le Parlement et la Cour constitutionnelle et fait adopter par référendum une réforme de la Constitution lui permettant de se maintenir au pouvoir trois ans au-delà de la limite de son mandat. Si l'onde de choc partie de Ouagadougou a déjà provoqué des remous chez un voisin du Burkina, le Bénin, où ont eu lieu fin octobre des manifestations exigeant la tenue d'élections municipales repoussées sine die depuis 2013, le président béninois, Thomas Boni Yayi, a juré qu'il ne toucherait pas à la Constitution. En revanche, trois autres chefs d'Etat africains envisageraient, à l'instar de l'ancien dirigeant burkinabé Blaise Compaoré, de se maintenir au pouvoir grâce à des modifications d'ampleur ou à de simples petits arrangements avec les règles constitutionnelles : Joseph Kabila en République démocratique du Congo ; Paul Kagamé au Rwanda ; Denis Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville. Au Burundi, Pierre Nkurunziza a fait modifier la Constitution en 2015, provoquant des manifestations monstres, avant d'être réélu pour un troisième mandat en juillet lors d'un scrutin boycotté par l'opposition. Arrivé au pouvoir pour la première fois en 1979, Denis Sassou Nguesso ne l'a, depuis lors, quitté que pendant cinq ans, entre 1992 et 1997, et a sans cesse été réélu depuis, lors de scrutins boycottés par une partie de l'opposition. A 71 ans, il souhaiterait, selon plusieurs sources, faire adopter une nouvelle loi fondamentale pour contourner la Constitution, qui l'empêche de se représenter en 2016. >> Lire l'analyse : Ces chefs d'Etat africains qui s'accrochent au pouvoir Il faut dire que tous les espoirs sont permis car la manœuvre a jusque-là souvent fonctionné. Ainsi, 8 des 54 chefs d'Etat africains actuellement au pouvoir ont réussi à s'y maintenir à la faveur d'une modification de la Constitution. C'est notamment le cas en Angola, au Cameroun, au Tchad, en Ouganda ou en Algérie. En 2008, par un vote à main levée, le Parlement algérien a ainsi abrogé la loi limitant à deux le nombre de mandats, permettant au président algérien, Abdelaziz Bouteflika, élu en 1999 et réélu en 2004, d'être encore candidat en 2009 et, pour la quatrième fois, en avril 2014 lors d'un scrutin qualifié de « supercherie » par l'opposition. Depuis, M. Bouteflika a lancé une révision de la Constitution pour rétablir la limite à deux mandats, un engagement pris en 2011 pour calmer les premiers remous du printemps arabe en Algérie. Un régime qui s'achève en coup d'Etat Qu'un coup d'Etat précipite un changement de régime est également fréquent sur le continent : c'est de cette façon que les chefs d'Etat antérieurs ont quitté le pouvoir dans quatorze pays africains, alors que douze seulement sont allés normalement au bout de leur mandat. Douze autres sont morts au pouvoir. Et trois ont été renversés par une révolte populaire, tous lors du printemps arabe en 2011 : le président Ben Ali en Tunisie, le président Hosni Moubarak en Egypte, et le colonel Mouammar Kadhafi en Libye. Si certains de ces coups d'Etat remontent aux années 1980 et que leurs auteurs se sont depuis maintenus au pouvoir – souvent après des simulacres d'élections comme Teodoro Obiang Nguema, qui règne sur la Guinée équatoriale depuis 1979 –, d'autres sont beaucoup plus récents : ce fut le cas en République centrafricaine en 2013, au Mali et en Guinée Bissau en 2012, au Niger en 2010, en Mauritanie et en Guinée en 2008. Des élections démocratiques après un coup d'Etat ? Au Burkina Faso, il aura fallu à peine trois semaines pour que l'armée, qui avait pris « ses responsabilités pour éviter le chaos » après la démission de Blaise Compaoré le 31 octobre, se prépare à rendre le pouvoir à Michel Kafando, un président de transition civil. La place qu'occuperont les militaires dans le futur gouvernement suscite des débats, mais ce nouvel éxécutif intérimaire a pour objectif de préparer le pays à des élections générales en novembre 2015. >> Un diplomate désigné président de transition du Burkina Faso Si la situation au Burkina Faso ne peut être assimilée stricto sensu à un coup d'Etat, l'histoire récente de plusieurs pays africains rappelle qu'un putsch est parfois suivi d'élections libres et transparentes. Au Mali, par exemple. En 2012, l'armée renversait le président Amadou Toumani Touré, au pouvoir depuis 10 ans. Mais la junte a finalement cédé à la pression internationale et rendu le pouvoir à un président par intérim jusqu'à la tenue de nouvelles élections en 2013. Les Maliens ont alors élu président Ibrahim Boubacar Keïta « dans le calme et la sécurité » selon les termes du ministre français des affaires étrangères, lors d'un scrutin dont « les Maliens doivent se féliciter », à en croire le représentant spécial de l'ONU au Mali. De la même façon, en Guinée, les militaires qui avaient succédé à Lansana Conté, président depuis 24 ans, ont finalement laissé la place en 2010 à un opposant historique, Alpha Condé, à l'issue du premier scrutin considéré comme « libre et démocratique » de l'histoire du pays. Et en janvier 2011, le déroulement du scrutin qui a porté Mahamadou Issoufou au pouvoir au Niger, un an après le coup d'Etat mené par Salou Djibo contre Mamadou Tandja, a également été salué par la communauté internationale. (Sont considérées comme « élections démocratiques » sur cette carte celles jugées « libres et équitables » par les observateurs internationaux. Sont considérés comme « contestées » celles dont le résultat a été mis en cause et par l'opposition et par les observateurs internationaux) Si les elections peuvent être un indice de la santé démocratique d'un pays, elles peuvent également être utilisées par les régimes les plus autoritaires pour légitimer leur pouvoir. Dans la moitié des cas où un scrutin présidentiel est organisé, la validité de son résultat est mise en cause par les opposants comme par les observateurs internationaux. C'est souvent en raison de fraudes, parfois à cause de violences ou d'entraves faites à l'opposition. En 2011, à Djibouti, l'opposition a boycotté le scrutin après avoir dénoncé la répression violente de manifestations demandant le départ du « dictateur » Ismaël Omar Guelleh. Ce dernier avait, juste avant le scrutin, obtenu, par une modification de la Constitution, la possibilité de se présenter pour un troisième mandat, à 67 ans. Certains au pouvoir depuis parfois plus de trente ans Un tiers des dirigeants africains dépassent les 70 ans. Le plus vieux, Robert Mugabe, président du Zimbabwe, a 90 ans et vient encore de faire modifier la Constitution pour pouvoir briguer un nouveau mandat. Arrivé au pouvoir la même année que Blaise Compaoré au Burkina Faso, en 1987 (il y a vingt-sept ans), Mugabe n'atteindra sans doute pas la longévité au pouvoir de ses cadets Eduardo Dos Santos en Angola et Teodoro Obiang en Guinée équatoriale, qui, à 72 ans, gouvernent déjà depuis trente-cinq ans. | les-decodeurs | 164 |
La baisse des livraisons s'explique d'abord par la faiblesse du marché français. AFP/FRANCOIS NASCIMBENI C'est loin d'être la gueule de bois. Mais ce n'est pas l'euphorie non plus, loin s'en faut. L'année 2013 s'est achevée sur un résultat mitigé pour le Champagne. Comme en 2012, le nombre de bouteilles écoulées s'inscrit à nouveau en recul : il a atteint 303 millions, contre 309 millions un an plus tôt, selon les chiffres publiés, mercredi 15 janvier, par le Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC). Pour autant, la profession affiche un certain soulagement dans la mesure où la barre des 300 millions n'a pas été franchie à la baisse - ce qu'elle redoutait. Ce seuil avait déjà été franchi suite à la crise financière de 2008 et cela avait secoué le monde de la bulle de prestige. VOLUMES COMPRABLES À CEUX D'IL Y A DIX ANS Toutefois, avec une deuxième année de repli consécutive, les volumes de Champagne redeviennent comparables à ceux vendus il y a une décennie. Le plus beau millésime commercial sur cette période avait été l'année 2007, où plus de 338 millions de bouteilles s'étaient arrachées. La baisse des livraisons s'explique d'abord par la faiblesse du marché français, mais aussi par les difficultés rencontrées sur les marchés européens. | economie | 7 |
Thierry Martel, le nouveau patron de Groupama, met les bouchées doubles pour sortir l'assureur mutualiste du gouffre où l'ont plongé, cet été, la crise de la dette et le krach boursier. Nommé dans l'urgence le 24 octobre, après l'éviction de Jean Azéma, patron historique du groupe et figure du mutualisme français, M. Martel met la dernière main, avec ses conseils, à un plan de redressement drastique. Ce plan, qui est supervisé par la banque d'affaires américaine Morgan Stanley, pourrait être prêt d'ici à trois semaines. Il prendra la forme d'une cure d'amaigrissement incluant des cessions d'actifs et la vente de filiales jugées "non stratégiques". Cet été, sous l'effet de la crise, avant d'être débarqué par ses caisses régionales, M. Azéma avait chiffré le besoin de recapitalisation à... un milliard d'euros. Selon nos informations, sans attendre l'exécution de ce programme, Groupama vient de vendre, sur le marché, et dans la discrétion, un bloc important de dettes souveraines, comprenant des obligations étrangères mais aussi françaises. Cette cession vise à rassurer au plus vite l'Autorité de contrôle prudentielle (ACP) et les agences de notation, très attentives au sujet, alors que Groupama est particulièrement exposé aux obligations d'Etats du sud de l'Europe. Cessions d'actifs Fin septembre, l'agence de notation Fitch abaissait la note de solidité financière de l'assureur (de A- à BBB), l'assortissant d'une perspective négative, en raison notamment de son exposition à la dette grecque. Fin juin, le groupe avait en portefeuille, 2,9 milliards d'euros de titres grecs, italiens, espagnols, irlandais et portugais. Toujours selon nos sources, la vente de dettes souveraines (hors décote sur les titres grecs) à laquelle a procédé Groupama lui enlèverait une première épine du pied, puisqu'elle lui permettrait de passer l'année avec un ratio de solvabilité conforme aux attentes des régulateurs. Ce ratio, qui reflète la solidité financière d'un assureur, était tombé à 13o %, très en deçà des 150 % que le groupe affiche d'habitude. "Il n'y a plus de problèmes pour passer le 31 décembre, ni en termes de solvabilité ni en termes de liquidités. Groupama a réalisé d'importantes plus-values et retrouvé de la manoeuvrabilité", confie un proche du dossier. | economie | 7 |
Deux collaborateurs présumés de l'organisation indépendantiste basque armée ETA ont été interpellés dans la nuit de lundi à mardi au Pays basque espagnol, a annoncé le ministère de l'intérieur espagnol. Ils ont été arrêtés par la police espagnole dans la province de Bilbao, selon un communiqué du ministère, qui confirme une information diffusée dans la matinée par la Radio nationale espagnole (RNE). Quatre perquisitions ont été réalisées au cours de cette opération, menée sur ordre du juge Fernando Andreu de l'Audience nationale, tribunal madrilène chargé des dossiers de terrorisme. La police a saisi une "importante quantité" de matériel informatique, une bonbonne de camping-gaz, un livre intitulé Cloratita (nom en espagnol d'un composant explosif fréquemment utilisé par l'ETA dans ses attentats), et des documents liés à l'ETA, a indiqué le communiqué. Le ministère n'a pas précisé de quoi sont soupçonnés ces deux collaborateurs présumés du groupe armé, et souligne que l'opération était toujours en cours mardi à la mi-journée. L'ETA est tenue pour responsable de la mort de 828 personnes en plus de 40 ans de violences pour l'indépendance du Pays basque. De multiples arrestations ont eu lieu dans ses rangs depuis la fin de sa dernière trêve, en 2006-2007. | europe | 11 |
C'était dans la foulée du deuxième discours de Toulon sur la crise, en décembre 2011. Nicolas Sarkozy avait bizarrement annoncé un sommet social pour janvier 2012. Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher se retrouvent à La Closerie des lilas à Paris. Deux blessés de la politique : le premier n'a pas obtenu Matignon, le second a perdu la présidence du Sénat. Deux vétérans du social, qui dirigèrent en tandem le ministère du travail avant 2007. Et ils décident de s'inviter dans ce fameux sommet sur l'emploi, thème bien malmené à leur goût depuis le début du quinquennat. Chacun en parle de son côté à Nicolas Sarkozy avant Noël, et l'affaire est lancée. Les deux hommes vont jouer les "Monsieur bons offices" entre les syndicats et le président. Ils ne sont pas présents au sommet social de ce mercredi 18 janvier : les acteurs officiels sont le ministre du travail, Xavier Bertrand, et Jean Castex, conseiller social de l'Elysée. Mais depuis des semaines, ils cherchent à donner du contenu à ce sommet. A chacun ses réseaux : Jean-Louis Borloo aime parler avec la CGT, Gérard Larcher avec la CFDT. Tout le monde a vu tout le monde. Objectif, raconte un ministre, montrer aux syndicats que Nicolas Sarkozy n'organise pas qu'un show politique, qu'il veut aussi avancer sur le fond. VIRAGE SOCIAL Pour Jean-Louis Borloo, qui a retiré sa candidature à la présidentielle, c'est aussi un moyen de renouer avec Nicolas Sarkozy. Pas par la voie politicienne, mais sur les projets. Il se présente en homme libre. "Je suis républicain. Hollande me le demanderait, je le ferais", précise Jean-Louis Borloo, qui veut enfin obtenir le virage social qu'il rêvait d'incarner à Matignon. Il est un peu à l'origine du grand naufrage de la TVA sociale, lui qui fut attaqué sur le sujet par Laurent Fabius au soir du premier tour des législatives de 2007. Aujourd'hui, Jean-Louis Borloo cherche partout des financements, pour limiter la hausse annoncée de la TVA. La solution réside dans sa proposition de loi, déposée fin décembre : suppression de la niche Copé, qui permet aux holdings de céder des filiales sans payer d'impôt ; non-déductibilité des intérêts d'emprunts pour les rachats d'entreprise par endettement (LBO), qui siphonnent les liquidités des entreprises ; droit de timbre sur les transactions financières. Jean-Louis Borloo parle de 24 milliards d'euros par an, ferraille avec le ministère de l'économie et des finances, qui renâcle à fournir ses chiffres. Sa proposition doit montrer que l'aile sociale de la droite est écoutée. Arnaud Leparmentier | election-presidentielle-2012 | 51 |
Les terrils de Loos-en-Gohelle. FlickR - CC BY 2.0 Le Nord-Pas-de-Calais vient de franchir une nouvelle étape vers l’exploitation d’un nouvel hydrocarbure non conventionnel aussi controversé que prometteur : le gaz de couche. Une mission d’enquête constituée à l’automne sous l’égide du schéma régional de développement économique a rendu, mardi 18 février, des conclusions favorables à des forages exploratoires, qui devraient commencer dès la fin de l’année. Ce gaz de couche, composé à 95 % de méthane, sommeille à quelque 1 500 mètres de profondeur dans des veines de charbon jamais exploitées au temps des mines. Il est déjà extrait au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Australie ou au Canada, mais pas encore en France. Après la Lorraine il y a quatre ans, deux permis d’exploration ont été accordés l’été dernier à l’entreprise Gazonor dans le bassin minier du Pas-de-Calais, à Avion et Divion. Cette ancienne filiale des Charbonnages de France, spécialisée dans la récupération du « grisou » au fond des anciennes mines, a confié la réalisation de ces forages à European Gaz Limited (EGL), le seul spécialiste français du gaz de couche. Lequel pense pouvoir extraire en un quart de siècle l’équivalent de deux années de consommation de gaz française. LE BOULET GAZ DE SCHISTE Ces perspectives mirifiques ne vont pas sans une certaine résistance. Depuis le dépôt des premières demandes de permis, en mai 2012, un collectif d’opposants baptisé Houille-ouille-ouille se bat contre ce qu’il pressent comme un désastre écologique. « Les forages vont traverser les nappes phréatiques et risquent de provoquer des fuites de gaz », prédit leur porte-parole, Christine Poilly. Des accusations balayées par le président de la société EGL, Julien Moulin, qui assure respecter toutes les normes de sécurité en vigueur : « Nous avons commencé à forer des puits en Lorraine il y a un an et n’avons eu aucun problème. » Selon lui, les crispations du débat sur le gaz de schiste ont injustement jeté l’opprobre sur ce nouvel hydrocarbure. Pour faire émerger un débat scientifique contradictoire, les conseillers régionaux Bertrand Péricaud (PCF) et André Flajolet (UMP) ont pris la tête à l’automne d’une mission d’enquête censée éclairer les enjeux de l’exploitation du gaz de couche. Après l’audition de vingt-sept experts et un voyage d’étude sur les forages d’EGL en Lorraine, ils estiment aujourd’hui avoir répondu à la majorité des questions que se posaient les sceptiques dans leur rapport de 50 pages, présenté comme un « état de l’art » sur le sujet. Leurs conclusions rejoignent celles de la synthèse élaborée à l’automne par l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) et le Bureau de recherches géologiques et minières et du rapport de l’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : la fracturation hydraulique ayant été exclue, l’exploration du gaz de couche ne portera pas atteinte à l’environnement, à condition de respecter les normes en vigueur. Bien que les autorisations dépendent du ministère de l’environnement, ce nouveau rapport vient sérieusement renforcer la position des pro-gaz de couche. LA « RÉVOLUTION RIFKIN » EN POINT D’ACHOPPEMENT Mais pour les écologistes, qui ont claqué la porte de la mission en cours de route, cette enquête était partiale : « C’était une instruction à décharge, on y perdait notre temps ! », s’emporte Emmanuel Cau, qui regrette que les experts indépendants qu’il avait suggérés n’aient pas été auditionnés. Le vice-président EELV du conseil régional dénonce la posture idéologique des communistes sur les questions énergétiques : « C’est identitaire, ils n’ont toujours pas digéré la fin des mines. » En face, l’alliance de circonstance UMP-PCF regrette le refus de principe des écologistes, qui n’auraient pas fait l’effort de s’intéresser sérieusement à la question. « Je préfère que ce gaz soit exploité chez nous, dans le respect de l’environnement, plutôt que d’importer du gaz de schiste des Etats-Unis », ajoute Bertrand Péricaud. Au-delà des risques environnementaux à proximité des forages, c’est en effet sur la stratégie énergétique de la région que bute la question du gaz de couche. Elle est engagée depuis l’an dernier dans la « troisième révolution industrielle » de l'économiste américain Jeremy Rifkin, dont le plan prévoit une réduction de 60 % de sa consommation énergétique et la division par quatre de ses émissions de gaz à effet de serre. « L’exploitation du gaz de couche serait un contre-sens historique, alors que nous avons déjà perdu trop de temps sur les renouvelables », lance Emmanuel Cau. « Mais en attendant 2050, qu’est-ce qu’on va faire ? », rétorque André Flajolet. « Le gaz de couche nous permettra de réduire notre dette énergétique pendant la période de transition », poursuit Bertrand Péricaud, qui ne conçoit pas « trouver un emploi aux 360 000 chômeurs de la région sans consommer d’énergie. » « En plus, EGL ne nous demande aucun argent public... contrairement aux panneaux solaires », ajoute-t-il. Ce qui n’a pas empêché les deux corapporteurs de soutenir l’idée d’une « participation financière » de la région au projet. En tout état de cause, même une exploitation intensive du méthane souterrain n’améliorerait guère la situation de l’emploi dans le Nord-Pas-de-Calais. La mission régionale parie sur la création d’au maximum 500 emplois, dont 200 emplois directs. | planete | 5 |
Au Sommet de l’élevage de Cournon (Puy-de-Dôme), le 3 octobre. THIERRY ZOCCOLAN / AFP Le 11 octobre 2017, Emmanuel Macron prononçait, à Rungis (Val-de-Marne), un discours plein de promesses pour les agriculteurs et les consommateurs. Comme un point d’orgue aux Etats généraux de l’alimentation souhaités par le président de la République pour inviter, autour de la table, l’ensemble des interlocuteurs de la filière alimentaire. C’était une première. Avec un double objectif : mettre fin à la guerre des prix entre les enseignes, destructrice de valeur et source de faibles revenus pour les agriculteurs, tout en faisant la promotion d’une alimentation plus saine et plus durable. A la clé, une loi fixant de nouvelles règles du jeu. Un an plus tard, la loi alimentation a bel et bien été votée, mardi 2 octobre. Mais la question de la rémunération des agriculteurs reste entière. Le gouvernement a choisi de lancer la balle dans le camp des filières. A elles de fixer les coûts de production et les indicateurs pour répartir la valeur entre agriculteurs, industriels et distributeurs. Mais l’absence d’accord et les tensions prouvent que rien n’est réglé au sein des interprofessions, au moment où les discussions habituelles et souvent conflictuelles entre distributeurs et industriels s’ouvrent maintenant aux agriculteurs. M. Macron a décidé de recevoir, lundi 8 octobre, huit interprofessions pour faire le point avec elles sur l’état d’avancement de leurs travaux. Les filières du lait, de la viande bovine, du porc, des fruits et légumes, de la volaille, des céréales, du vin et celle des œufs… Hausse des coûts de production Le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, en visite, jeudi 4 octobre, au Sommet de l’élevage de Cournon (Puy-de-Dôme), a d’ailleurs reconnu l’existence de tensions. Il a demandé à la distribution de « prendre en compte » le « salaire » des agriculteurs dans le coût de production. Sa déclaration intervient après le violent désaccord, quelques jours plus tôt, dans la filière de l’élevage bovin. « La distribution a refusé de valider nos coûts de production, raconte Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine. Nous avons proposé d’évaluer le prix de revient en tenant compte de nos charges, des aides de la politique agricole commune, en nous appuyant sur les indicateurs de l’Institut de l’élevage, et d’ajouter notre rémunération sur la base de deux mille six cents heures de travail annuel. Cette prise en compte du temps de travail n’a pas été acceptée. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Prix, glyphosate… la loi alimentation déçoit agriculteurs et ONG « Le prix moyen versé aujourd’hui aux éleveurs est de 3,50 euros le kilo, alors que nos coûts de production sont de 5,20 euros », affirme M. Dufayet. Or, il considère que les voyants du marché sont au vert, avec une consommation de viande bovine quasi stable, à – 0,7 %, et des exportations plutôt bonnes. La tension était d’autant plus forte que les conséquences de la sécheresse inquiètent les éleveurs. Alors que les prairies n’offrent plus de pâturages, les agriculteurs ont dû entamer leur stock de fourrage pour l’hiver. L’augmentation du prix de ce dernier, mais aussi des céréales, aboutit à une hausse des coûts. Cette situation pourrait conduire certains éleveurs à réduire leurs troupeaux. « Nous avons déjà perdu 200 000 animaux en trois ans, dont 70 000 cette année », précise M. Dufayet. | economie | 7 |
Le caricaturiste Joaquin Lavado, connu sous le nom de Quino, a rejeté jeudi 19 juillet l’utilisation de sa légendaire Mafalda par le mouvement qui s’oppose à la légalisation de l’avortement en Argentine, en plein débat parlementaire. « Je ne l’ai pas autorisée, cela ne reflète pas ma position », a écrit Quino dans une déclaration sur l’usurpation de sa célèbre fille irrévérencieuse qu’il a créée il y a plus de cinquante ans. Quino, qui vient d’avoir 86 ans, a expliqué que « des images de Mafalda portant le foulard bleu symbolisant l’opposition à la loi sur l’interruption volontaire de grossesse [avaient] été diffusées. Je n’ai pas donné mon autorisation, cela ne reflète pas ma position et je demande qu’elles soient retirées ». « J’ai toujours suivi les causes des droits humains en général et les causes des droits des femmes en particulier, et je leur souhaite bonne chance dans leurs revendications. » Foulard vert L’image montre une Mafalda souriante avec un foulard bleu clair sur lequel on peut lire : « Sauvons les deux vies », le slogan des antiavortement, à côté de la photo de Quino avec une supposée citation du dessinateur dans laquelle il dirait « ne pas porter un foulard vert parce que sa couleur est bleu clair ». Une citation que le dessinateur a également niée. Le foulard vert est depuis 2003 le symbole en Argentine de la campagne nationale pour un avortement légal, sûr et gratuit. Le 8 août, le Sénat prévoit d’examiner le projet de loi visant à légaliser l’interruption volontaire de grossesse, qui a déjà été approuvé par la Chambre des députés. Article réservé à nos abonnés Lire aussi La lutte des Argentines pour l’IVG encourage les féministes d’Amérique latine | ameriques | 10 |
Battus par Castres, les coéquipiers de Benjamin Fall n’ont jamais trouvé leurs marques dans cette finale. CHRISTOPHE SIMON / AFP Un titre de deuxième division et un challenge de l’espérance : voilà donc encore aujourd’hui, au niveau national, le mince palmarès du Montpellier Hérault Rugby (MHR). Car, oui, les Montpelliérains ont de nouveau perdu en finale du championnat de France. À force de dire qu’il fallait respecter leur adversaire, les favoris ont fini par pousser un peu trop loin la déférence : le Castres olympique l’a emporté contre eux (29-13) sans se faire prier, samedi 2 juin, à Saint-Denis. À croire que le président Mohed Altrad devra encore investir. En sept ans, l’homme d’affaires a déjà transformé le jeune club ; recruté des joueurs sud-africains en quantité industrielle ; donné son nom au stade du MHR ; viré un ancien entraîneur pour cause de résultats insuffisants ; puis remporté le Challenge européen, la Coupe d’Europe bis (2016). Mais donc toujours pas gagné ce championnat de France qui persiste à lui tenir tête. En 2011, à peine après son arrivée, il perdait déjà en finale face au Stade toulousain. En 2018, ce sont donc les Castrais qui le privent à leur tour du bouclier de Brennus, confirmant la fable éculée du David contre Goliath. De fait, Mathieu Babillot, Rory Kockott, l’homme du match Benjamin Urdapiletta et tous leurs coéquipiers tarnais se présentaient en Ile-de-France avec le onzième budget du Top 14 cette saison (21 millions d’euros), là où Montpellier revendiquait le 5e (26 millions d’euros). Bravo @CastresRugby https://t.co/iUukAmfbZ6 — MHR_officiel (@Montpellier Rugby) Une sous-préfecture cinq fois championne Au-delà, les deux clubs renvoient surtout deux images contraires. Castres dépend des puissants labos Pierre-Fabre (2,3 milliards d’euros de chiffres d’affaires annuels), mais communique plutôt sur son rugby dit « raisonnable » et « de sous-préfecture » (peu de recrues onéreuses, des joueurs à la relance pour certains). Montpellier, à l’inverse, et au risque de la caricature, figure le nouveau rugby : celui des métropoles, de l’inflation des salaires et des gros investisseurs, toujours plus nombreux à mesure que ce sport se professionnalise. Avec 2,7 milliards d’euros, Mohed Altrad détient la 36e fortune de France selon le classement, qui n’a rien de sportif, de l’hebdomadaire Challenges. Le patron du groupe Altrad, spécialisé dans le matériel de construction, reprochait vendredi sur « RMC » « la tonalité globale » des journalistes avant le match, qu’il estimait pro-castraise. « Lorsque vous parlez de Castres, Castres est “le petit village gaulois”, c’est la “sous-préfecture”, c’est “le petit peuple qui se bat”… Alors que Montpellier, c’est “l’ogre”. Vous ne dites rien de faux car tout cela est vrai. » « Mais la tonalité globale, une fois que vous avez fait votre émission ou votre article, on s’aperçoit que vous avez vraiment envie que ce soit Castres qui gagne, vous, la presse. Accordez-nous un peu de crédit de temps en temps. » De façon la plus impartiale possible, Le Monde se contentera de rappeler que le Castres olympique remporte là ce samedi le cinquième championnat de France de sa longue histoire, après ceux de 1949, 1950, 1993 et 2013. Les supporteurs tarnais ont de quoi jouer du klaxon : leur club revient de loin, après avoir fini cette saison 6e de la saison régulière, puis éliminé Toulouse en barrages et le Racing en demies. Visite surprise des enquêteurs Côté héraultais, après avoir parcouru la majeure partie du championnat en tête, la défaite de ce soir marque l’épilogue d’une saison particulière pour le MHR et pour son président Altrad. Depuis août 2017, le dirigeant est soupçonné de conflits d’intérêts avec la Fédération française de rugby (FFR) et le président de celle-ci, Bernard Laporte. Au point d’avoir reçu à son domicile la visite surprise des enquêteurs de la brigade de répression de la délinquance économique, le 23 janvier, sous le contrôle du Parquet national financier. Quelques jours plus tôt, le 8 janvier, Mohed Altrad devenait pourtant le nouveau sponsor maillot du XV de France pour une période allant de 2018 à 2023. Dans un entretien donné mercredi à l’Agence France-Presse, Mohed Altrad est revenu sur sa place particulière dans le rugby français : « Peut-être que je suis le petit – ou gros – dernier qui arrive et qui n’est pas encore intégré à l’establishment. Peut-être qu’une victoire changerait la donne. J’aime faire le parallèle avec le business : j’ai créé mon entreprise il y a 32 ans, je considère que je ne fais partie de l’establishment que depuis quelques années. » « Il a fallu que je prouve, peut-être deux fois plus qu’un autre, que j’avais ma place. Et le rugby est, d’une certaine manière, un business, même si c’est un business particulier. Il perd de l’argent et perdra de l’argent pendant longtemps car aujourd’hui son modèle économique n’est pas viable. » Un problème n’arrivant jamais seul, dans un autre registre le MHR est suspecté depuis mars d’avoir dépassé le « salary cap » (plafond salarial autorisé) à hauteur de 350 000 à 400 000 euros lors de la saison 2016-2017. La Direction nationale d’aide et de contrôle de gestion (DNACG) doit bientôt auditionner le MHR, qui risque une amende pouvant aller jusqu’à dix fois la somme dépassée. Finaliste malheureux du Top 14, Mohed Altrad se dit « extrêmement serein et tranquille, persuadé qu’on a les arguments pour démontrer la réalité des choses. Après, on ne peut pas empêcher des gens qui ne connaissent pas la gestion du club et le projet que l’on porte de se dire : “Altrad a beaucoup d’argent, il dépasse le salary cap” ». Ses adversaires castrais, eux, ont d’autres soucis immédiats : ramener le Brennus en bon état dans le Tarn pour lui réserver le meilleur accueil. | rugby | 71 |
John Irving, séance d'entraînement dans son club de gym. André Schäfer/Florianfilm/SWR Le claquement régulier d’une corde à sauter invite à pénétrer dans la maison de John Irving, dans le Vermont. On y découvre l’auteur américain, 73 ans aujourd’hui, en survêtement, sur un tapis de lutte. Aux murs, des photographies et des maillots rappellent son passé de lutteur. C’est d’ailleurs dans la pratique de ce sport qu’il dit avoir acquis la discipline nécessaire à l’écriture de romans. Intimiste et ambitieux, ce documentaire recueille les secrets d’écriture du romancier. On apprend qu’il travaille à rebours, déployant son intrigue à partir de la fin. « Il y a un plan du roman, comme une carte routière qui m’indique où aller », explique-t-il. Ses œuvres sont avant tout le résultat d’un travail acharné et rigoureux. Sur son bureau, parfaitement ordonné, pas d’ordinateur mais des feuilles et des stylos : « J’ai toujours écrit mes brouillons à la main, parce que ça m’obligeait à progresser lentement. » Mais Le Monde selon John Irving n’est pas seulement un face-à-face passionnant avec l’un des auteurs les plus lus dans le monde. C’est aussi un film dont la construction intelligente fait écho au processus de création de l’écrivain, en partant à la découverte des lieux et des personnes qui l’ont inspiré. Travail d’enquête colossal Afin de ficeler des intrigues crédibles et de donner vie à des personnages profonds, il mène un travail d’enquête colossal, s’imprégnant d’univers aussi variés que la cuisine, le tatouage, la médecine légale ou encore la musique. Du « quartier rouge » d’Amsterdam à Vienne, du Canada au Maine, en passant par Zurich, le réalisateur retrouve ainsi le tatoueur qui fournit la clé du roman Une veuve de papier, l’organiste qui a initié l’écrivain à son instrument complexe pour les besoins de Je te retrouverai, ou encore les prostituées qui lui ont confié leur quotidien. Les paysages qui lui ont fourni ses décors défilent sur la lecture d’extraits tirés de plusieurs livres. Pour les amoureux de l’œuvre d’Irving, il y a un plaisir jubilatoire à voir les pièces du puzzle s’assembler. L’auteur, qui jongle entre fiction et réel, ne renie pas la veine autobiographique de ses livres. « Dans presque tous mes romans apparaît un enfant qui ne sait pas tout de sa famille ou des circonstances de sa naissance », reconnaît celui qui n’a pas connu son père biologique. A mi-chemin entre tête-à-tête chaleureux et road-movie littéraire, le charme de ce documentaire opère. Souen Léger « Le Monde selon John Irving », d’André Schäfer (Allemagne, 2012, 93 minutes). Mercredi 8 à 22 h 40 sur Arte. | televisions-radio | 128 |
Entre ultralibéralisme et capitalisme d'Etat, la Chine peine à accoucher d'un système adéquat pour réguler des relations de travail explosives : les actions collectives se sont multipliées en 2009 et 2010, aussi bien dans les PME et groupes privés tournés vers l'exportation, dont la main-d'oeuvre est constituée de jeunes paysans migrants, que dans les secteurs plus traditionnels, comme la sidérurgie, où les tentatives de restructurer à la hussarde un groupe sidérurgique endetté du nord-est du pays ont conduit au meurtre du manager chargé de l'opération en juillet 2009. Le mois suivant, un officiel de la Sasac, l'administration de tutelle des entreprises publiques, a été retenu 90 jours en otage par des ouvriers dans le centre de la Chine, lors d'une autre tentative de réorganisation d'une aciérie. L'ACFTU (All China Federation of Trade Union), la seule centrale syndicale chinoise, forte de 212 millions de membres, dont 70 millions de travailleurs migrants, a pour mission de défendre les intérêts du... Parti communiste : ses représentants dans les usines, quand il y en a, ne sont pas élus par les travailleurs, qui ne leur font guère confiance. Or, les ouvriers chinois, jeunes ou moins jeunes, ne se laissent plus faire : la réforme de la loi sur les contrats de travail, en 2008, a suscité une prise de conscience de leurs droits parmi les travailleurs. Individuellement, ils ont de plus en plus de recours aux institutions, même si le processus est incertain et extrêmement long : les « comités d'arbitrage des conflits du travail » - les prud'hommes locaux - ont vu doubler le nombre de cas entre 2005 et 2008, pour atteindre 690 000 - une goutte d'eau toutefois, eu égard à la taille de la population active chinoise. De même, selon la Cour suprême, le nombre de conflits de travail traités par les tribunaux a doublé entre 2007 et 2008, et a augmenté de 10,8 % en 2009 - au point d'engorger complètement le système, qui « ne peut répondre aux conflits collectifs, dont le nombre a fortement augmenté ces trois dernières années. Les comités d'arbitrage et les tribunaux souffrent d'un manque cruel de personnel », constate Geoffrey Crothall, porte-parole du China Labour Bulletin, une ONG basée à Hongkong. « Les procédures de résolution doivent être améliorées et rendues plus accessibles aux travailleurs, notamment dans les cas d'accident du travail. On ne peut pas dire que le système soit brisé, mais si rien n'est fait pour l'améliorer dans un futur proche, alors une crise grave pourrait éclater ! », poursuit-il. | asie-pacifique | 2 |
Documentaire sur France Ô à 20 h 55 « Soy croco libre », de Stéphane Jacques. © ZED Il arrive parfois que des animaux participent à certains événements historiques. On se souvient par exemple des exploits de l’ours Wojtek, notamment à la bataille de Monte Cassino en 1944 au sein du corps d’armée polonais engagé aux côtés des forces alliées. En deuxième ligne, l’ourson orphelin recueilli quelques années auparavant par des soldats polonais avait aidé à charger de lourdes caisses de munitions d’ordinaire portées par trois ou quatre soldats ! Cette fois, dans le surprenant documentaire de Stéphane Jacques, il n’est pas question d’ours mais de crocodiles. On y retrace l’histoire mouvementée du rhombifer, un crocodile 100 % cubain que Fidel Castro a choyé et qui, aujourd’hui, risque gros. Pourquoi ? Parce que le crocodile américain arrive par la mer des Caraïbes, s’introduit dans les cours d’eau, à travers les roches friables, les cavités spéléo lacustres. Et s’accouple ensuite, non sans plaisir, avec son joli camarade cubain. Le mélange des gènes risque donc de faire disparaître le crocodile cubain et ça, le peuple de la grande île des Caraïbes (dont la forme évoque… un crocodile) ne peut l’accepter. D’autant plus que ces galipettes sous-marines se déroulent dans la Cienaga de Zapata, autrement dit la région de la célèbre baie des Cochons, lieu emblématique où, en avril 1961, des exilés cubains armés par les Etats-Unis débarquèrent et tentèrent en vain de mettre un terme à la jeune révolution au pouvoir. Braconniers reconvertis Menacé à pleines dents par son voisin impérialiste, le rhombifer peut compter sur la vigilance de gardiens patriotes habillés de vert : les cocodrileros, pour la plupart anciens braconniers convertis. L’histoire de ces crocodiles devenus fierté nationale à Cuba remonte aux années 1950. Avant l’arrivée aux commandes de Fidel Castro en janvier 1959, les crocodiles locaux n’étaient pas protégés. Bien au contraire, les très pauvres habitants de la région, souvent des carboneros (« charbonniers »), les tuaient pour vendre leur peau. Lorsque Fidel prend le pouvoir, il vient s’afficher avec les classes laborieuses de la région et s’engage formellement à améliorer leurs conditions de vie. En contrepartie, ils doivent arrêter de chasser le crocodile. « Soy croco libre », de Stéphane Jacques. FRANCE Ô Témoignant face à la caméra, les trois vieux frères Alonso racontent ces années folles quand, avec leur père, ils allaient chasser le crocodile – tradition familiale oblige. Une fois adultes, ils sont devenus les gardiens de ces crocodiles cubains. Le documentaire alterne images d’archives des années 1960, témoignageset visite du sanctuaire où sont regroupés des milliers de crocos cubains qui se reproduisent entre eux. Si l’espèce est menacée dans la nature, ce n’est pas le cas dans le sanctuaire, où l’on assiste aux soins, aux repas et aux accouplements de ces belles bêtes. Méticuleux et vigilants, les gardiens étudient également l’ennemi intime, à savoir quelques crocos américains parqués dans un bassin spécifique. Protégé depuis 1959, le crocodile local a connu une autre période délicate entre 1989 et 2000, lorsque la situation économique s’est détériorée. De nouveau, des braconniers ont risqué leur vie la nuit pour tuer ces reptiles et vendre leur peau. Puis la situation s’est de nouveau calmée. Avec le temps, le crocodile cubain est même devenu un argument de poids pour faire venir les touristes dans cette région isolée. Autrement dit, un crocodile cubain vivant rapporte plus qu’un crocodile mort. Cuba libre ? Croco aussi ! Soy croco libre, de Stéphane Jacques (France, 2017, 52 min). | televisions-radio | 128 |
L'équipe médicale du service de médecine palliative du CHU de Reims a de nouveau décidé d'arrêter l'alimentation et l'hydratation de Vincent Lambert, patient tétraplégique en état végétatif chronique, selon l'hôpital, lundi 13 janvier. Le processus doit débuter lundi en fin de journée. Une telle décision avait déjà été prise dans le cadre d'une procédure collégiale au printemps 2013, mais le patient avait dû être réalimenté à la suite de la saisie en référé du tribunal administratif par ses parents qui s'opposent, contrairement à son épouse, à l'arrêt des traitements. Le juge avait estimé que leur avis n'avait pas été suffisamment pris en compte. Une nouvelle procédure collégiale a été lancée à l'automne. Deux conseils de famille se sont tenus autour des soignants, et trois médecins extérieurs ont été consultés, choisis par les différentes parties. L'équipe médicale a fait connaître sa décision à la famille samedi 11 janvier. Selon le blog de Jeanne Smits, la directrice de Présent, publication d'extrême droite catholique traditionaliste, l'avocat des parents envisagerait un nouveau référé devant le tribunal administratif. | sante | 82 |
Une étude de l’Institut des politiques publiques a montré que le système d’affectation centralisé Affelnet, en introduisant un bonus spécifique pour les élèves boursiers à partir de 2008, a permis de réduire très fortement la ségrégation sociale dans les lycées parisiens. PIERRE ANDRIEU / AFP Par Marc Gurgand (CNRS-Ecole d’économie de Paris) L’école française fait difficilement face à l’hétérogénéité des élèves. Les plus faibles d’entre eux connaissent l’échec scolaire : des premiers indices (les difficultés en lecture) à la sanction finale (la sortie sans diplôme), ce sont aujourd’hui 15% à 20 % d’une cohorte dont le destin d’adulte sera très fragile. Ces difficultés sont largement corrélées à l’origine sociale : la nature des stimulations dès le plus jeune âge, la pauvreté monétaire, l’autocensure des familles défavorisées, tout un ensemble de mécanismes sont documentés, et leurs effets se cumulent au cours du temps. Ces inégalités sociales se reflètent dans la ségrégation scolaire. En Ile-de-France, environ la moitié des enfants de familles défavorisées (ouvriers et chômeurs pour l’essentiel) est scolarisée dans des lycées qui accueillent moins de 8 % de la population totale des élèves favorisés (cadres supérieurs et enseignants). Ceci résulte en grande partie de l’interaction entre la sectorisation et un marché du logement très segmenté, au point que le prix des logements est sensible à l’image des écoles du secteur ! Dans les années 1960, l’économiste libéral américain Milton Friedman (1912-2006) a proposé que la puissance publique continue de financer l’éducation, tout en ouvrant largement le marché scolaire à la concurrence : chaque enfant se verrait attribuer un « chèque » (voucher) qu’il pourrait faire valoir dans n’importe quelle école, privée ou publique. Ce plan pouvait avoir trois vertus : stimuler une offre éducative diversifiée et mieux adaptée aux goûts des familles ou aux besoins des enfants ; rompre le lien avec le marché du logement ; stimuler une concurrence entre les écoles, pour les inciter à être plus efficaces. La réforme scolaire menée au Chili à partir de 1981 est un exemple d’adaptation à vaste échelle de ce modèle. Les écoles privées et publiques se sont trouvées en concurrence pour recevoir les vouchers des familles, et la part de l’éducation privée dans les premier et second degrés est passée de 21 % à 40 % entre 1981 et 1989 ! Mais cette politique a surtout renforcé la ségrégation scolaire : les classes moyennes ont massivement quitté les écoles publiques, qui ont concentré de plus en plus d’enfants pauvres et en difficulté. En outre, personne n’a pu démontrer que cette réforme avait augmenté le niveau scolaire. Le Chili a stagné dans les classements internationaux pendant vingt ans. | economie | 7 |
« Aucune entreprise ne mérite l’impunité. Mais les sociétés implantées dans l’UE ont droit à des règles du jeu équitables et à la sécurité juridique » (Le Jordanien Zeid Ra'ad al Hussein, haut-commissaire aux droits de l’homme, le 7 mars à Genève). Salvatore Di Nolfi / AP Tribune. Jeudi 8 mars, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a tenu une réunion consacrée entre autres au « traité sur les entreprises et les droits humains », en discussion depuis 2014 au sein d’un groupe de travail intergouvernemental placé sous les auspices du Conseil. Lors de la session la plus récente de ce groupe, qui s’est tenue à Genève en octobre 2017, les premiers éléments avaient été soumis aux délégations pour orienter les débats. L’Union européenne (UE) avait initialement refusé d’y prendre part. Elle a finalement accepté, à contrecœur. Nous regrettons cette réticence. En tant qu’Européens, nous sommes profondément attachés au principe d’une UE dont les politiques externes sont fondées sur ses valeurs, notamment l’universalité et l’indivisibilité des droits humains et la promotion du multilatéralisme pour résoudre des problèmes communs. Il est dans l’intérêt de l’UE elle-même de contribuer aux négociations, pour plusieurs raisons. « Plans de vigilance » Premièrement, en refusant de s’engager de manière constructive, l’UE aura plus de mal, à l’avenir, à mobiliser des soutiens en faveur de ses propres priorités. Quand il s’agira de dénoncer les manquements des autres gouvernements, sa crédibilité sera considérablement ébranlée en raison de son attitude dans ce dossier. Deuxièmement, les entreprises domiciliées dans l’UE sont déjà, de loin, les plus encadrées en matière de respect des droits humains, ce qui garantit qu’elles ne commettent pas de violations et ne deviennent pas complices de violations des droits humains. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Des obligations défavorables aux entreprises françaises en l’absence d’harmonisation internationale » Au niveau des Etats membres également, des progrès notables peuvent être notés : la France a montré l’exemple dans ce domaine, en adoptant en mars 2017 une loi qui oblige les sociétés d’une certaine taille à adopter des « plans de vigilance », notamment afin de garantir le respect des droits humains tout au long de leurs chaînes d’approvisionnement. Les Pays-Bas s’inscrivent dans cette même dynamique, en centrant leurs efforts sur la lutte contre le travail des enfants : neuf parlements nationaux ont demandé à la Commission européenne qu’une telle initiative sur la « diligence raisonnable » soit proposée au niveau de l’UE. Il est dans l’intérêt des entreprises elles-mêmes que l’UE fasse respecter ces normes au-delà de son périmètre : la concurrence demeurera injuste et les règles du jeu continueront d’être « faussées » tant qu’elles ne seront pas instaurées par l’ONU. | idees | 12 |
Donald Trump à la Maison Blanche, le 23 mai. CARLOS BARRIA / REUTERS Tribune. Après la fin du monde bipolaire et les espoirs de relations internationales plus coopératives, le retournement semble complet : revanche des intérêts nationaux, crispations des souverainetés, blocage du Conseil de sécurité des Nations unies, rupture de certains accords internationaux. L’heure est sombre pour le multilatéralisme. Face aux résistances anti-hégémoniques exprimées notamment par Macron et Trudeau, Donald Trump mène la danse. Il amplifie la contagion du « chacun pour soi » dans un environnement où la lente construction de la confiance réciproque (les « palabres », selon le secrétaire d’Etat américain au commerce, Wilbur Ross) cède à l’arrogance des prétentions unilatérales et au bilatéralisme de combat. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Au sommet du G7, Trump seul contre tous Nous vivons clairement une période de régression mais qui ne détruira pas le multilatéralisme, entendu comme une méthode de négociation inclusive et comme une politique de coordination dans un monde de plus en plus interdépendant. La dynamique multilatérale ne date pas d’hier. C’est un mouvement de fond qui travaille les relations internationales depuis plus d’un siècle. Les ruptures ont été retentissantes (l’effondrement de la Société des nations) et les avancées laborieuses (le bilan mitigé de l’Organisation des Nations unies), mais l’orientation générale n’a guère varié : rechercher des solutions collectives satisfaisant les intérêts des parties prenantes pour éviter le recours à une violence de plus en plus coûteuse. La situation actuelle pourrait tenir cette interprétation pour irénique. Il n’en est rien pour autant que l’on remette l’histoire de la coopération multilatérale en perspective et que l’on cesse de considérer que la coopération est exclusive de la poursuite de ses intérêts. D’une part, les incitations à des conduites coopératives se sont multipliées au fil des années et d’autre part, la coopération n’est jamais aussi forte que lorsqu’elle sert les intérêts qui la servent. Les sociétés se mobilisent dans un espace transnational connecté Dans ces conditions, et malgré les coups de frein que subit aujourd’hui la coopération multilatérale, il existe au moins trois raisons qui poussent la dynamique en sens inverse. En premier lieu, la densité des institutions internationales a pris dans ses filets bien des aspects de la politique étrangère des Etats. Ceux-ci peuvent toujours s’en dégager mais le prix à payer est souvent dissuasif (isolement, sanctions), même pour les plus puissants, contraints de s’épuiser dans une diplomatie coercitive qui précipitera leur déclin relatif. Le recours à la force brute peut produire quelques résultats, mais dans un monde de 193 Etats, c’est le combat pour la légitimité qui est décisif et il ne peut se mener que collectivement. | idees | 12 |
Au soir des élections législatives qui auront lieu dimanche 13 juin en Belgique, un homme focalisera l'attention : l'Anversois Bart De Wever, 38 ans, chef du parti séparatiste - il préfère le terme d'indépendantiste - Nouvelle alliance flamande (NVA). Les sondages lui prédisent une large victoire en Flandre : quelque 25 % des suffrages, ce qui est beaucoup dans un paysage politique très fragmenté. En 2007, la NVA, alors associée au parti chrétien-démocrate flamand (CD& V) d'Yves Leterme, avait récolté environ 3 % des voix, tandis que son partenaire obtenait 27 %. Ce dernier devrait, cette fois, enregistrer une chute brutale. Un quart des votes flamands : ce ne sera pas assez pour permettre à M. De Wever d'imposer seul ses vues, mais cela pourrait le rendre indispensable à la formation d'un gouvernement fédéral et à la conclusion d'un hypothétique accord institutionnel. A condition, toutefois, que les partis francophones acceptent de discuter avec une formation qui prône la fin du fédéralisme au profit d'une solution confédérale, la scission de la sécurité sociale et la disparition de la région de Bruxelles, majoritairement francophone mais qui, estime-t-il, devrait être à l'avenir cogérée par les Wallons et les Flamands. Pour Charles Picqué, président PS de Bruxelles, cette dernière exigence s'apparente à une "déclaration de guerre". Devant la presse internationale, mardi 8 juin, M. De Wever s'est voulu prudent. Il a parlé de sa victoire au conditionnel. Il voulait surtout, a-t-il expliqué, rectifier la fausse image qui serait donnée de lui par la presse francophone belge. Et il entendait manifestement désamorcer ce qui pourrait devenir une menace pour son triomphe annoncé : la presse anglo-saxonne relaye depuis quelques jours les inquiétudes des marchés financiers à l'égard de la Belgique, promise, selon le Financial Times, à devenir "la Grèce du nord". Pas de cassure Des journaux flamands ont embrayé mardi, soulignant que trois éléments suscitent l'inquiétude des marchés : l'accroissement de la dette publique, l'exposition des banques belges à des risques en Europe orientale et une prolongation de l'impasse politique. Or, pour divers observateurs, M. De Wever, en remettant en cause l'existence de la Belgique fédérale, est un facteur de danger. "La Belgique n'est pas en route vers le confédéralisme mais vers la même misère que celle qu'elle a connue en juin 2007", juge Bart Eeckhout dans le quotidien de gauche De Morgen. Les élections avaient, à l'époque, entraîné une phase de grande instabilité. | europe | 11 |
Un palmier marcheur ("Socratea Exorrhiza"), dans le parc national Yasuni, en Amazonie équatorienne. RODRIGO BUENDIA / AFP Le palmier marcheur se déplace-t-il vraiment ? Surnommé aussi l’« arbre qui marche » dans plusieurs langues, ou « palmier à échasses », Socratea exorrhiza pousse dans les forêts tropicales d’Amérique centrale et du Sud. Les longues racines aériennes à la base de son stipe (tronc) lui valent une réputation étonnante : la capacité de se mouvoir de plus d’un mètre par an. Les amateurs de botanique, les guides touristiques et la presse scientifique relaient régulièrement cette singularité. Mais qu’en est-il en réalité sur le terrain ? Ce palmier peut atteindre près de 25 mètres de haut pour rejoindre la canopée. Les dix à vingt centimètres de diamètre du stipe lui donnent une allure fine et élancée. Il est soutenu à la base par des racines-échasses épaisses qui forment un cône de deux mètres de haut en moyenne. Ces dernières sont à l’origine du mystère du palmier marcheur et seraient capables, selon les croyances populaires, de se développer rapidement pour « déplacer » le tronc suspendu au-dessus du sol. « Tiges verticales » Gerardo Avalos, directeur de la School for Field Studies au Center for Sustainable Development Studies aux Etats-Unis, est l’un des rares botanistes à avoir étudié le palmier marcheur. Il prévient que « dans des conditions normales, ce palmier ne se déplace pas ! » Dans son étude publiée en 2005 dans Biotropica, il a en observé des dizaines au Costa Rica qui poussaient sur une pente de plus de 45 degrés, pour évaluer si la quantité de racines adossées ou non à la pente variait dans ces conditions. Résultat ? « Le palmier ne glisse pas vers le bas le long de la pente. S’il ne le fait pas avec une pente extrême, il est peu probable de le faire lorsque la pente est égale à zéro, dans des conditions plates. » Autrement dit, le palmier marcheur reste immobile. Pour évacuer aussi l’idée répandue selon laquelle le palmier marcheur se déplacerait pour rechercher la lumière, il a « mesuré le degré d’inclinaison de la tige sur plus de 50 palmiers. Nous avons constaté que l’inclinaison de la tige est inférieure à cinq degrés. Ces palmiers restent donc presque complètement avec des tiges verticales. Dans le cas de très grands palmiers des forêts complexes et multicouches, le sommet du palmier peut être un peu dirigé vers les points de la canopée mieux éclairés », conclut le chercheur. Une seule exception : la chute du tronc Une seule exception résiste cependant à cette immobilité : la chute du tronc. En effet, si un arbre voisin ou un choc fait tomber le palmier marcheur au sol, celui-ci développe de nouvelles racines aériennes éloignées du lieu de germination originelle, pour reprendre une ascension verticale quelques mètres plus loin. « Ceci est très différent de “marcher” ou se déplacer dans le sol spontanément. Cette réponse est exceptionnelle et très probablement limité aux jeunes palmiers », souligne Gerardo Avalos. L’observation du phénomène, décrite en 1980 dans Biotropica par les chercheurs américains Bodley et Benson, a depuis alimenté la réputation tenace et déformée du palmier marcheur. | sciences | 75 |
Spécialiste des institutions politiques sous l’Ancien Régime, l’historien Michel Antoine est mort le 20 février à Paris. Il avait 89 ans. Né en 1925 en Allemagne, dans la Sarre occupée par les troupes françaises, où son père Félix, ingénieur des mines, était en poste, Michel Antoine a cependant une enfance lorraine, nancéienne précisément – Lunéville est le berceau de sa famille. Il s’attache très fortement à la capitale régionale. Malgré quelques souvenirs éprouvants : la mort d’une jeune sœur, de méningite, maladie qu’il contracte lui-même et dont il reste à demi sourd, puis d’une autre sœur. Quand la famille quitte Nancy pour Orléans en 1937, le lycéen fréquente un établissement religieux où un abbé l’éveille au goût de l’histoire et de la préhistoire. Mais durant l’été 1940, la défaite et l’exode jettent la famille sur les routes de la Sologne. Un mois plus tard, retour en charrette à Orléans, où Michel Antoine prépare le baccalauréat – pendant les cours d’histoire, en seconde, il crayonne par ennui le visage du chancelier Maupeou en parodie d’Hitler – et l’entrée dans les classes préparatoires parisiennes, à Louis-le-Grand, puis Henri-IV. C’est là qu’il apprend, à la mi-mai 1944, le bombardement d’Orléans par l’aviation américaine : il se précipite auprès de sa famille et découvre la maison en ruine. Il retrouve les siens hébergés dans la salle des ventes, mais reste pour aider au déblaiement. A Paris, il intègre l’Ecole nationale des Chartes, qui le destine naturellement au poste de conservateur aux Archives nationales. Poste qu’il occupe plus de vingt ans, de 1949 à 1970, malgré une brève infidélité qui le ramène en Meurthe-et-Moselle en 1962. « Maître de rigueur » Alors que son père, Félix, issu de la bourgeoisie catholique, d’une droite modérée, se reconnaît dans la ligne de De Gaulle, Michel Antoine, lui, se réconcilie avec la France des Lumières, dont il s’est détourné au lycée en lisant les livres de Pierre Gaxotte, d’un conservatisme réactionnaire. Sans doute, plus que leur origine lorraine commune, un même attachement à l’ancienne France comme une distance critique qui se ménage la possibilité de l’ironie réservée à ceux qui rejettent l’esprit de doctrine font-ils le lien entre Gaxotte et Antoine. Quoi qu’il en soit, pour sa thèse de chartiste (1948) consacrée à Henri Bertin, secrétaire d’Etat sous Louis XV et Louis XVI, le jeune homme replonge avec Le Siècle de Louis XV (Fayard, 1933) de Gaxotte et rencontre le vieux maître, qui devient son ami. | disparitions | 14 |
Depuis plusieurs mois, la rumeur agite les médias et le monde de la politique américaine : non content d’être l’un des plus riches et des plus puissants chefs d’entreprise au monde, le créateur de Facebook, Mark Zuckerberg, viserait une carrière politique – voire la présidence des Etats-Unis. Une rumeur qui s’appuie sur quelques éléments concrets : une modification des règles byzantines de l’entreprise, autorisant son patron à en conserver la tête même s’il s’absentait quelque temps pour servir son pays ; une série de déclarations très critiques contre la politique menée par Donald Trump ; et enfin, la publication d’un long manifeste de six mille mots dans lequel il décrit sa vision de l’avenir de Facebook mais qui évoque aussi largement le destin de l’Amérique. Fin janvier, M. Zuckerberg l’a fermement démenti : il ne cherche pas à devenir président des Etats-Unis mais à se consacrer à Facebook et à la fondation caritative qu’il codirige avec sa femme, Priscilla Chan, la Chan Zuckerberg Initiative. Un « tour des Etats-Unis » Pourtant, un simple coup d’œil sur sa page – mise à jour par une équipe de plusieurs personnes, qui y modère aussi les commentaires – semble montrer une tout autre réalité. Depuis janvier, et le début d’un « tour des Etats-Unis » que M. Zuckerberg a décidé d’entreprendre cette année, les photographies qui y figurent ressemblent à s’y méprendre à celles d’un candidat en campagne. Lire aussi Les vœux très politiques du patron de Facebook Durant le mois de février, il a ainsi publié, coup sur coup, des images chargées d’une forte symbolique historique : une photographie au cimetière de Vicksburg, dans le Mississippi, théâtre d’une importante bataille lors de la guerre de Sécession, ou encore une photographie prise devant les bureaux du Selma Times-Journal, dans l’Alabama. Devant le « Selma Times-Journal », dans l’Alabama. Mark Zuckerberg/Facebook Une image symbolique à deux niveaux, explique Cara A. Finnegan, professeure de communication à l’université de l’Illinois et spécialiste de l’histoire de la photographie politique américaine. « Le texte qui accompagne cette photo évoque l’histoire du droit à la liberté d’expression aux Etats-Unis. Mais Selma est aussi le berceau du mouvement pour les droits civiques », détaille-t-elle. C’est de la ville de Selma qu’étaient parties les marches pour les droits civiques dans les années 1960, violemment réprimées par la police, tandis que des membres du Ku Klux Klan s’en prenaient aux marcheurs – parmi lesquels figurait Martin Luther King. « Classiquement, les candidats aux élections aiment montrer qu’ils ont une relation particulière à l’histoire du pays, au patriotisme et aux grandes figures mythiques des Etats-Unis, note Mme Finnegan. Une photo sur un champ de bataille de la guerre de Sécession, ce n’est pas simplement une visite sur un lieu touristique. » Mark Zuckerberg invoque aussi dans les photos qu’il publie une des figures mythiques de l’histoire américaine, Alexander Hamilton (1757-1804), l’un des principaux pères fondateurs de la nation. Attention, toutefois, à ne pas trop imaginer des choses avec la diffusion de ces images, prévient Kenneth L. Hacker, responsable du département communication à la New Mexico State University, et auteur d’un livre analysant l’image des candidats à l’élection présidentielle. « Oui, les candidats aux élections prennent des photographies de ce type, mais c’est aussi le cas de très nombreuses personnes qui ne cherchent aucunement à être élues. La plupart les prennent pour… les publier sur Facebook ! » « Je suis un type normal » Les deux chercheurs s’accordent pour noter que le principal point commun entre les photographies de Mark Zuckerberg et celles des hommes politiques, c’est un même message : « Je suis un type normal. » « Ces photos le montrent comme un Américain moyen, pas comme un milliardaire. Comme tous les candidats qui veulent se faire passer pour des gens normaux ! », assure Mme Finnegan. Dans une pâtisserie, l’un de ces commerces familiaux emblématiques de la classe moyenne américaine. MARK ZUCKERBERG / FACEBOOK On voit ainsi Mark Zuckerberg couper du bois, caresser un veau, commander de la nourriture à emporter, préparer un repas en famille, ou encore, dans ce qui est peut-être la plus belle photographie de la série, au comptoir d’une petite pâtisserie. Ce que les Américains appellent un mom and pop store, commerce familial emblématique de la classe moyenne américaine et symbole en voie de disparition de l’Amérique prospère de l’après-guerre que Donald Trump a promis de ressusciter. Même lorsqu’il visite, accompagné d’ingénieurs, le nouveau data center de Facebook à Fort Worth, au Texas, il est photographié vêtu d’un casque de chantier, comme un ouvrier du bâtiment. « On le voit sur toutes les images avec son tee-shirt gris. Un type ordinaire, dans la vie de tous les jours. C’est une tentative de construire une image – mais pas nécessairement une image politique », analyse M. Hacker. Visite du nouveau data center de Facebook, à Fort Worth, au Texas. Mark Zuckerberg / Facebook Parler à autrui Plus généralement, note Mme Finnegan, « sur quasiment toutes les images, on le voit interagir avec d’autres personnes. Ou plus précisément, on voit des gens interagir avec lui, et ce sont des personnes très différentes de lui : des pêcheurs de crevettes, le coach de football américain Nick Saban… C’est à la fois une manière de montrer son ouverture, courante en photographie politique. Mais, et c’est une différence importante par rapport aux photos de candidats, qui placent une grande importance sur les discours, il n’est pas dans une position où il parle, il écoute. » Le discours est un « passage photographique obligé » pour un candidat qui manque effectivement à l’appel, mais ce n’est pas le seul : « On ne le voit pas aider physiquement ou financièrement des personnes pauvres, ni parler avec des leaders étrangers », note M. Hacker – une seule photographie, prise lors d’une rencontre avec le pape François en 2016, entre dans cette dernière catégorie. Mark Zuckerberg avec des policiers, à Dallas. Mark Zuckerberg / Facebook Et si certaines des photographies empruntent très directement aux codes de la photographie politique, le fait que leur personnage central soit aussi le PDG d’une entreprise utilisée par des millions d’Américains leur donne souvent un double sens. Lorsque Mark Zuckerberg discute avec des policiers en uniforme de Dallas, s’agit-il d’un candidat potentiel qui tente de montrer, comme tout candidat qui se respecte, qu’il comprend les problèmes des forces de l’ordre et qu’il sera un bon garant de la sécurité de ses électeurs ? Ou est-il là en tant que patron d’une entreprise dont les services ont servi, l’an passé, à diffuser des images de brutalités policières ? Le PDG de Facebook avec des résidents d’Oak Cliff (Texas). Mark Zuckerberg / Facebook De même, lorsqu’il plante, avec une dizaine de résidents d’Oak Cliff (Texas), un arbre pour les commémorations de la mort de Martin Luther King, Mark Zuckerberg agit-il en tant que potentiel candidat qui cherche à séduire un électorat ? Ou cherche-t-il à faire oublier que le mouvement Black Lives Matter, qui milite contre la violence et le racisme envers les Noirs, a aussi émis des critiques contre Facebook, notamment après la suspension – par erreur, affirme Facebook – du compte d’un de ses militants ? M. Zuckerberg lors d’un rodéo au Texas. Mark Zuckerberg / Facebook Ou encore, lorsque M. Zuckerberg assiste à un rodéo, entouré de cow-boys portant le Stetson, s’adresse-t-il à un électorat ? Ou à des utilisateurs de Facebook qui se méfient d’un réseau social bâti sur des valeurs jugées de « gauche », au sens américain du terme ? Pour Mme Finnegan, c’est surtout une « manière de casser les reproches contre les “bulles de filtres”, de montrer qu’il parle avec des personnes qui ont voté pour Donald Trump ». Pour M. Hacker, c’est bien le PDG qui ressort de ces images : « La stratégie d’entreprise me semble ici centrale. Facebook a souvent été accusé de nuire à la vie privée de ses utilisateurs, et de telles accusations nuisent à l’entreprise. D’où l’importance d’avoir un PDG qui semble se soucier du grand public, la vie quotidienne des Américains et les valeurs du pays. Si vous aimez le PDG, vous avez plus de chances d’aimer l’entreprise. C’est une stratégie classique de communication. » Quelques photographies de Pete Souza montrant Barack Obama comme « un type normal ». Pete Souza / White House Ces séries de photographies qui rappellent celles de la présidence Obama ne seraient donc rien de plus qu’une banale stratégie de communication d’entreprise ? « Les photographies prises dans le style de Pete Souza [le photographe d’Obama] ont infusé dans tous les domaines, note Mme Finnegan. Son arrivée comme photographe de la Maison Blanche a coïncidé avec l’explosion des smartphones et des photos sur les réseaux sociaux. L’imagerie créée par Souza avec Barack Obama s’est révélée très populaire ; il n’est pas surprenant que des personnes puissantes souhaitent avoir la même chose. » Pour autant, le tour des Etats-Unis entamé par Mark Zuckerberg, et immortalisé sur sa page Facebook, reste un outil précieux pour l’avenir, note M. Hacker. « L’authenticité est un atout important pour tout candidat, et il utilise ces photographies pour se donner un caractère authentique. Mais cela ne veut pas dire qu’il sera candidat à une élection ! De mon point de vue, il se pose surtout en leader d’une communauté globale capable de contribuer à la paix dans le monde, à l’engagement politique… Qu’il mette cela au profit de sa fondation philanthropique, de sa vision politique libertarienne, ou pour préparer, à lui ou à sa famille, un avenir de grand dirigeant mondial, cela lui sera utile. » | pixels | 172 |
La colonie de Maalé Adumim, près de Jérusalem, en 2009. Bernat Armangue / AP Les autorités israéliennes continuent, en toute discrétion, de travailler à de vastes projets de construction de logements dans les colonies, et notamment dans la zone très sensible dite E1, à proximité de Jérusalem. C’est ce que révèle un rapport de l’ONG La Paix maintenant publié lundi 28 décembre. En juillet 2013, l’organisation israélienne avait demandé au ministère du logement et de la construction de publier ses plans concernant les colonies, en vertu de la loi sur la liberté de l’information. Des éléments finalement communiqués par le gouvernement, de manière partielle, après une action en justice de l’ONG. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Pour Tzipi Hotovely, les colonies sont « les premières lignes de la société démocratique » israélienne Couper la Cisjordanie en deux Selon ces données, les autorités cherchent à bâtir plus de 55 500 logements dans des colonies existantes et dans deux nouvelles de Cisjordanie, dont plus de 8 300 en zone E1. De nouvelles constructions dans ce secteur controversé permettraient de relier plus étroitement Jérusalem à la colonie de Maalé Adoumim, au nord-est de la Ville sainte. Elles couperaient encore davantage en deux la Cisjordanie, empêchant toute continuité territoriale palestinienne. « La zone de Maalé Adoumim et de E1 est l’une des plus sensibles quand il s’agit d’évoquer les chances d’arriver à la solution à deux Etats, écrit La Paix maintenant. C’est pour cela qu’à chaque fois qu’un dirigeant israélien essaye de relancer les plans [de construction] de E1, la communauté internationale les condamne fermement. » En novembre 2013, le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, avait opposé son veto à la construction de nouvelles habitations en zone E1 en raison de pressions de la communauté internationale, qui considère la colonisation israélienne comme illégale. Un an plus tard, le ministère du logement a pourtant mandaté des architectes, recrutés sans appels d’offres, pour travailler sur ces projets. Comme le souligne Haaretz, l’embauche d’un architecte ou d’un urbaniste ne signifie pas l’approbation du plan de construction. « Mais si le gouvernement décide de ne pas le promouvoir pour des raisons politiques ou diplomatiques, il n’y a alors pas de justification à dépenser maintenant pour ces projets des millions de shekels israéliens », ajoute le quotidien israélien. Le ministère du logement a affirmé de son côté qu’il agissait uniquement en fonction des plans et des décisions du gouvernement et « qu’aucun travail » n’avait été effectué dans la zone E1 en 2015. Lire aussi La prise du pouvoir des colons israéliens Extension des colonies à Jérusalem-Est Le rapport publié par La Paix maintenant révèle par ailleurs que les autorités prévoient la « légalisation », en Cisjordanie, de six avant-postes considérés comme illégaux, y compris par Israël. Le ministère a financé des projets de construction non autorisés dans des colonies et a versé au moins 1,8 million de shekels (422 000 euros) aux autorités des colonies pour des campagnes de promotion. Israël prévoit aussi l’extension des colonies de Jérusalem-Est. « Le gouvernement d’Israël ne perd pas une journée et investit des dizaines de millions de shekels dans le développement et l’établissement de nouvelles colonies. Dans les coulisses, il planifie secrètement la mise en place d’un Etat binational » (contraire à la solution à deux Etats), a insisté Yariv Oppenheimer, le directeur général de La Paix maintenant. Près de 400 000 colons vivent aujourd’hui en Cisjordanie et 200 000 autres à Jérusalem-Est, la partie palestinienne de la Ville sainte occupée et annexée par Israël. Début décembre, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, estimait que « la multiplication des colonies qui se poursuit pose de sérieuses questions sur les intentions d’Israël sur le long terme ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Ramat Shlomo, colonie ultraorthodoxe, la bataille pour la terre bat son plein | proche-orient | 1 |
RIM a souffert ces derniers mois du retard du lancement du BlackBerry 10, utilisant le nouveau système opérationnel QNX, et de l'échec commercial de la tablette PlayBook. AP/Paul Sakuma Le groupe canadien Research in Motion (RIM), fabricant des téléphones BlackBerry, a encore remanié sa direction, jeudi 29 mars, dans l'espoir de redresser la barre après une année de crise qui s'est achevée par un trimestre dans le rouge. Le groupe de Waterloo, dans l'Ontario, a provoqué la surprise en annonçant la démission de son cofondateur Jim Balsillie, qui présidait encore le conseil d'administration de la société après avoir abandonné en janvier, avec Mike Lazaridis, son titre de co-PDG au profit de Thorsten Heins. Le nouveau PDG a orchestré une véritable refonte de la direction du groupe en annonçant le départ de deux autres poids lourds, David Yach, qui était à la tête du développement des technologies, et de Jim Rowan, qui était chargé des opérations internationales. VULNÉRABLE À UNE OPA Le groupe va entamer une "révision globale" de sa stratégie, y compris par d'éventuels partenariats ou ventes de brevet, afin de maximiser la valeur pour les actionnaires, a indiqué M. Heins, laissant même entendre lors d'une conférence téléphonique que la direction "considérerait" une éventuelle offre de rachat. La valeur de l'action du groupe canadien a fondu de 80 % depuis un peu plus d'un an, pour une capitalisation boursière de sept milliards de dollars, ce qui le rend particulièrement vulnérable. "J'ai évalué plusieurs aspects du contexte économique de RIM au cours de mes dix premières semaines comme PDG. La compagnie recèle de grandes forces qui peuvent encore être développées afin d'améliorer ses performances financières", a déclaré M. Heins. SÉRIE DE RETARDS Car les résultats financiers de RIM, ex-chouchou canadien des télécommunications, n'ont rien de grandiose pour un groupe qui revendique 77 millions d'utilisateurs de ses téléphones BlackBerry. RIM a vu son bénéfice net annuel divisé par trois en 2012, à 1,16 milliard de dollars américains contre 3,4 milliards un an plus tôt. Le chiffre d'affaires du groupe s'est établi à 4,2 milliards de dollars, en baisse de 23 % sur un an, avec la vente de 11,1 millions d'exemplaires du BlackBerry, 21 % de moins qu'au trimestre précédent, et de 500 000 tablettes numériques PlayBook. RIM a souffert ces derniers mois du retard du lancement du BlackBerry 10, qui utilise le nouveau système opérationnel QNX, et de l'échec commercial de la tablette PlayBook, arrivée en retard sur ses concurrentes, et dont les ventes ont été décevantes au point de déboucher sur des baisses de prix massives. Le lancement du BlackBerry 10 est prévu plus tard en 2012, a assuré M. Heins. | technologies | 21 |
L'Histoire montre que l'organisation des Jeux olympiques a une rentabilité financière mitigée : les Jeux olympiques de Munich (1972) et ceux de Montréal (1976) ont engendré de lourdes pertes, tandis que ceux de Los Angeles (1984), de Barcelone (1992) et d'Atlanta (1996) ont tous généré des profits. Les recettes ont dépassé les frais d'opérations. Cependant, en totalisant l'ensemble des frais qui sont engagés dans l'organisation des Jeux - notamment les coûts de constructions, d'installations et d'infrastructures, les dépenses de sécurité et autres frais annexes -, on peut se demander si des Jeux olympiques ont déjà dégagé le moindre bénéfice financier au sens strict du terme. On s'attend à ce que les Jeux olympiques de Londres de 2012 dégagent des bénéfices. Pour autant, la facture de la construction et des frais annexes demeure salée pour le Royaume-Uni. Cela étant dit, la gestion et le rapport coût-efficacité de la préparation de ces Jeux sont dans l'ensemble perçus comme un succès, puisque les infrastructures nécessaires ont été achevées à temps et en dessous du budget prévu (en 2007). En 2005, au moment de la sélection de Londres comme ville d'accueil des Jeux olympiques, on estimait les coûts prévisionnels d'organisation des Jeux à environ 3 milliards de livres (3, 8 millirads d'euros). Ces prévisions ont fortement augmenté en 2007, pour atteindre 9 milliards de livres sterling lors de la première estimation détaillée - autrement dit, réaliste. Depuis, les coûts estimés sont revenus à 8,5 milliards de livres sterling, ce qui reflète en partie la réduction des coûts globaux de construction dans un contexte de récession. Cette expansion a eu un impact limité sur les finances publiques : 8,5 milliards de livres sterling représentent 0,55 % du PIB britannique annuel ou 1,4 % des recettes annuelles du gouvernement - bien que les dépenses elles-mêmes aient été étalées sur un certain nombre d'années. Avec le temps, une partie importante de cette facture de 8,5 milliards de livres sterling devrait être recouvrée par la vente des terrains et autres installations. Même si la gestion financière et une bonne préparation sont évidemment importantes pour des Jeux olympiques réussis, se concentrer sur leur seule performance financière empêche d'en observer les effets économiques plus larges - à court et à long terme - sur le pays hôte. Les effets à court terme découlent des frais engagés en matière de biens et services liés à l'hébergement des Jeux olympiques, enregistrés comme des rentrées au moment du paiement des dépenses. Le Comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques d'été de 2012 à Londres (Locog) estime qu'il pourrait dépenser la somme d'environ 2 milliards de livres sterling au total - pour l'emploi d'intérimaires, les frais de sécurité, etc. -, une somme dont la moitié (environ 0,3 %-0,4 % du PIB) est susceptible d'être dépensée au cours du troisième trimestre. Hôteliers, restaurateurs et détaillants verront aussi probablement leurs rendements augmenter face à la demande supplémentaire des visiteurs étrangers. Dans ce contexte, cependant, certains touristes pourraient justement éviter de se rendre au Royaume-Uni à cause des Jeux olympiques, et d'autres secteurs d'activité pourraient être affectés par les Jeux en termes de perturbation du trafic. Il est difficile d'estimer quel sera l'effet net des effets indirects et compensatoires. Nous supposons cependant que tous ces effets seront largement compensatoires et que, globalement, l'accueil des Jeux olympiques aura donc pour conséquence à court terme de relancer l'économie britannique au troisième trimestre 2012 à hauteur de 0,3 %-0,4 % par rapport au trimestre précédent - soit une augmentation de 1,2 % à 1,6 % en glissement trimestriel annualisé. Les bénéfices à long terme de l'accueil des Jeux olympiques incluent la promotion de Londres et du Royaume-Uni en tant que lieux touristiques et comme une destination attractive pour l'investissement étranger. Enfin, la restauration d'une partie de la capitale britannique qui était délabrée est une bonne chose pour les habitants de ces quartiers. Ces effets sont, par nature, plus compliqués à prévoir, mais ils ne sont pas nécessairement moins importants que les effets à court terme. Les passionnés de sport argueront qu'en mettant l'accent sur la gestion financière des Jeux ou sur les coûts et bénéfices attendus pour le pays hôte, on perd de vue le principal. Autant une nation peut retirer des bénéfices économiques à court et à long terme en accueillant les Jeux olympiques, autant elle peut en retirer des bénéfices sportifs à court et à long terme. Les bénéfices à long terme prennent alors la forme des installations sportives qui demeureront après les Jeux olympiques, et de la promotion du sport auprès de la communauté. Mais pour ces passionnés, le plus important quand on est pays hôte est peut-être le bénéfice à court terme qu'on en retire typiquement en termes de meilleure récolte de médailles. Certes, les Britanniques sont encore à la traîne, mais la compétition vient de débuter. Ils peuvent en outre compter sur le fait que, en moyenne, le pays qui accueille les Jeux olympiques remporte 54 % de médailles en plus que ce qu'il aurait pu gagner s'il n'était pas le pays d'accueil. Si les médailles sont la devise de votre choix, cela représente donc bien un fort retour sur investissement. Kevin Daly, économiste spécialiste du Royaume-Uni chez Goldman Sachs | idees | 12 |
Le Mobile (El movil), de Javier Cercas, traduit de l’espagnol par Elisabeth Beyer et Aleksandar Grujicic, Actes Sud, 96 p., 13,80 €. Le Point aveugle (El punto ciego), de Javier Cercas, traduit par E. Beyer et A. Grujicic, Actes Sud, « Un endroit où aller », 224 p., 18,80 €. Javier Cercas, 2006. JOHN FOLEY/OPALE/LEEMAGE Les écrivains sont des parents dénaturés. Souvent, ils finissent par renier une partie de leur progéniture. Honteux qu’ils sont de leurs débuts littéraires, de leurs tâtonnements et de leurs maladresses, ils s’empressent de faire oublier au public leurs premiers bébés. Escamotant l’écrit d’apprentissage. Envoyant au pilon le livre de jeunesse… Avec l’écrivain espagnol Javier Cercas, c’est exactement le contraire. Comme Alphonse Allais, qui conseillait de « se méfier de la première impression parce que c’est souvent la bonne », Cercas, lui, invite à s’intéresser aux balbutiements. « Méfiez-vous du premier roman, car c’est souvent le plus important. » Le plus important et le plus éclairant. En ce sens qu’il contient – non pas « tout », comme le voudrait le cliché habituel du « tout est déjà là en germe » – mais rien, justement. Le rien de départ. Ce quelque chose d’insaisissable, d’impalpable, d’innommable même, autour duquel toute l’œuvre va un jour graviter. Ce trou noir aimanté, sur les bords duquel les mots reviendront sans cesse s’agglutiner. Un recueil de conférences données à Oxford Cet endroit mystérieux, Javier Cercas l’appelle « le point aveugle ». Il le décrit très bien dans un recueil de conférences qu’il a données à Oxford en tant que professeur invité de la chaire Weindenfeld en littérature comparée. « Au cœur de tous les romans, il y a ce point, résume-t-il lors d’un passage à Paris. Un point où l’on ne distingue rien. Or, paradoxalement, c’est à travers cette obscurité centrale que le livre “voit”. Qu’il nous illumine. » Comme pour « éclairer » cette théorie, Cercas a insisté pour que l’on Republic en France son tout premier livre, une très courte fiction – une novella de même pas 100 pages – parue il y a trente ans, en 1987, sous le titre El Movil (Le Mobile). L’homme avait alors 25 ans et, depuis l’âge de 14, se rêvait en écrivain. Il avait lu Flaubert « d’une façon obsédante et maladive ». Aussi compulsive que le besoin d’écrire de celui qui est ici son héros, le jeune Alvaro, un « modeste conseiller juridique dans un modeste cabinet d’affaires », qui considère la littérature comme une « maîtresse possessive ». A servir avec une dévotion et un zèle absolus. | livres | 0 |
Christian Bobin écrit dans La plus que vive (Gallimard, 1996) : « Toutes les mères sont impossibles, qu'elles aiment trop ou qu'elles n'aiment pas assez. Il n'y a pas en la matière de juste mesure. » AP/Sholten Singer «M'man, cesse de poster sur mon mur Facebook, les photos que tu aimes d'Elvis Presley. Publie-les sur ton mur. Je les verrai… », ai-je (encore) supplié ma mère. Cela m'a valu un énième « Comment, tu n'aimes pas mon King ? »… Comment lui expliquer que ses photos – sans aller jusqu'à incriminer ses commentaires cucul la praline et ses systématiques « Ta maman aime ça » – me valent d'être la risée de mes amis. J'ai lorgné mille fois la page Facebook « Bloquer des personnes », frôlant le matricide numérique sans jamais passer à l'acte. « Mamaaaaan, cesse également de dire sur Facebook que tu m'aimeeeeees ! » Je le sais et mes amis bien plus qu'ils ne le devraient. Tes mots doux ont ma préférence quand ils sont confiés à l'intimité de tes SMS. Ôoooo, je n'irai pas jusqu'à pleurer dans les jupons du Tumblr « MILK » – pour « Mother I would like to kill », cette mère que j'ai envie de tuer – (Motheridliketokill.tumblr.com) sur lequel s'amoncellent, depuis le mois d'octobre, les pires statuts et photographies de mères inscrites sur Facebook. Quand elles gâtifient et s'épanchent en commentaires mièvres, notamment. "METS UN PULL…" Des tests de grossesse au contenu des couches de leurs petitous, des « hebodversaires » et « moisiversaires » à la photographie du « choupinou d'amour trop mignon », tout se veut ici un portrait volontairement au vitriol des cyberfrasques maternelles. Christian Bobin écrit dans La plus que vive (Gallimard, 1996) : « Toutes les mères sont impossibles, qu'elles aiment trop ou qu'elles n'aiment pas assez. Il n'y a pas en la matière de juste mesure. » Ces mots auraient-ils pu être inspirés par les SMS qu'il échangeait avec sa mère ? M. Bobin pourrait contribuer au Tumblr « Avec maman », « oeuvre de fiction » d'Alban Orsini (Avecmaman.tumblr.com). Chaque jour, y est livrée la pseudo-copie d'écran d'un échange SMS entre une mère et son fils. Tendres et cyniques à souhait, ces « buses » maternelles pour des « bises », ces « Je ne trouve plus le a circonflexe. Tu as regardé sous ton lit ? » et « Je suis à découvert, tu peux m'aider ? Oui, mets un pull… » « Pourquoi détruis-tu toujours mon bonheur, même lorsqu'il est simple ? » demande cette mère fictive à son fils qui lui intime de cesser de le « poker » à la manière de Facebook par SMS… Enfants ingrats que nous sommes. M'man ? Va pour les photos du King… « That's all right mama, just anyway you do… » [email protected] | economie | 7 |
Les Palestiniens sont en campagne. Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, entend présenter une demande officielle d'adhésion de la Palestine aux Nations unies lors de la prochaine Assemblée générale à New York, à partir du 13 septembre. Dans cette perspective, il a lancé ses équipes dans de grandes manoeuvres diplomatiques. L'objectif est double : devenir membre de l'ONU et obtenir d'une large majorité de pays la reconnaissance de l'Etat palestinien dans les frontières de 1967, englobant la Cisjordanie, la bande de Gaza et Jérusalem-Est. Des délégations palestiniennes se sont rendues au cours de l'été dans les pays dont l'appui sera stratégique, pendant que Mahmoud Abbas faisait lui-même le déplacement en Bosnie et au Liban, pays qui présidera en septembre le conseil de sécurité. Si l'exécutif ne ferme pas la porte à une reprise des négociations de dernière minute avec Israël, le coordonnateur de la campagne en Cisjordanie et principal négociateur, Saeb Erekat, prévient que "le train palestinien a quitté la gare" et qu'il "va arriver à New York". En attendant le rendez-vous de septembre, dirigeants et diplomates palestiniens engrangent les soutiens. Malgré la contre-campagne menée par Israël, plus de 120 pays sur les 193 membres de l'ONU ont déjà reconnu ou se sont engagés à reconnaître l'Etat palestinien. La liste s'est encore allongée depuis vendredi 26 août avec le ralliement du Salvador, puis du Honduras et de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, alors qu'au même moment, selon l'agence palestinienne Wafa, la Chine garantissait son vote pour l'admission d'un Etat palestinien à l'ONU. Les Palestiniens disposent de deux options. Ils peuvent déposer en premier lieu une demande d'admission comme Etat membre à part entière des Nations unies. Cette requête doit recevoir la recommandation du Conseil de sécurité, dont les cinq membres permanents (Chine, Etats-Unis, Russie, France, Royaume-Uni) disposent d'un droit de veto. Un veto dont les Etats-Unis devraient faire usage selon toute probabilité. De nombreuses chancelleries occidentales déconseillent donc cette voie en raison du "risque d'une requête mort-née et de voir l'Europe divisée au Conseil de sécurité", souligne un diplomate. | proche-orient | 1 |
L'arbitre Benjamin Jon Williams, lors de Honduras-Equateur, le 20 juin à Curitiba. AFP/RODRIGO ARANGUA Vedette de la Coupe du monde au Brésil, le spray utilisé par les arbitres pour placer les murs à bonne distance sur les coups-francs pourraient bientôt faire son apparition sur les terrains français. La Fédération française de football tranchera fin juillet quant à la possibilité d'utiliser dès cette saison ledit spray, a fait savoir la Ligue de football professionnel (LFP), mercredi. « Frédéric Thiriez [président de la LFP] confirme, après accord du conseil d'administration de la LFP, que ce sujet sera bien à l'ordre du jour du prochain comité exécutif de la FFF du 24 juillet », a fait savoir la LFP dans un communiqué. Le patron de la LIgue « souhaite que ce système de traçage, qui a été une réussite à la Coupe du monde, soit utilisé dès cette saison dans les compétitions organisées par la LFP (Ligue 1, Ligue 2 et Coupe de la Ligue) ». Lors de sa dernière chronique de cette Coupe du monde sur Le Monde.fr, l'arbitre français Stéphane Lannoy avait lui estimé que c'était une bonne idée : « Le spray, pour placer le mur sur coup franc, est un outil très intéressant et ça ne m'étonnerait pas qu'on l'adopte bientôt en Ligue 1. » Ce fameux spray est fait d'une mousse qui s'évapore une minute après sa pose au sol. Déjà utilisé dans les pays d'Amérique latine, il permet de placer un mur à distance légale. Ce simple trait devient une barrière mentale pour les joueurs, qui respectent bien mieux la distance légale. L'arbitre peut aussi déterminer l'endroit exact de la faute, donnant un repère au tireur du coup franc tout en l'obligeant à le respecter. | football | 122 |
De retour de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le président iranien, Hassan Rohani, est accueilli par des partisans enthousiastes à Téhéran, le 28 septembre. AP/Ebrahim Noroozi Des millions de "like" ("J'aime") sur Facebook et de grands poètes persans appelés à la rescousse sur le réseau social pour évoquer cette "rivière de joie qui coule en nous". Le président iranien, Hassan Rohani, en poste depuis moins de deux mois, a suscité une immense vague de sympathie et d'espoir dans son pays pour avoir, vendredi 27 septembre, parlé quinze minutes au téléphone avec le président américain Barack Obama juste avant de prendre l'avion qui le ramenait à Téhéran. Cela faisait trente-quatre ans que des chefs d'Etat iranien et américain n'avaient pas échangé un mot. Son geste, à la fois audacieux et décontracté, a confondu les sceptiques qui, durant tout son séjour à New York pour l'Assemblée générale des Nations unies, ont disserté sur le périmètre exact de son pouvoir, strictement limité par le Guide suprême, Ali Khamenei. Or le président "modéré" semble avoir su utiliser toute la marge de manoeuvre à sa disposition. Ce faisant, et quelle que soit l'âpreté des négociations sur le dossier nucléaire iranien qui auront lieu à Genève les 15 et 16 octobre, il a profondément marqué ses compatriotes. "Pour ma génération, qui devait marcher sur le drapeau américain avant d'aller en cours et crier "Mort à l'Amérique" [à l'école], cet appel signifie l'effondrement d'un de ses principes d'éducation. Mon enfance a été empreinte de haine", écrit un certain Pedram sur sa page Facebook. REVALORISATION DU RIAL, LA MONNAIE IRANIENNE Comme lui, les Iraniens se frottent les yeux. Les deux mandats de Mahmoud Ahmadinejad les avaient habitués à ce que tout aille de mal en pis : les relations de l'Iran avec le monde extérieur ainsi que la situation économique. Or, depuis quelques jours, l'actualité à Téhéran a pris un tour très différent. Le rial, la monnaie nationale, a repris de la vigueur face au dollar. Certaines sanctions vont être allégées, notamment celles frappant la compagnie maritime nationale et la banque de développement des exportations. Et lundi 30 septembre, sur son compte Twitter, le président Rohani confirmait avoir demandé que soit étudiée la possibilité d'un vol direct entre Téhéran et New York. | proche-orient | 1 |
David Lappartient, ici en 2016, a été élu à la tête de l’UCI par 37 voix contre 8. NICOLAS TUCAT / AFP À son arrivée à Bergen (Norvège), Brian Cookson assurait avoir le soutien d’une large majorité des 45 délégués de l’Union cycliste internationale (UCI), qui y tenait congrès. Le président sortant ne sera pourtant pas parvenu à stopper l’irrésistible ascension de David Lappartient au sein des instances du cyclisme. Le Breton a été élu président de l’UCI, jeudi 21 septembre, en marge des championnats du monde de cyclisme sur route. Il est le premier Français depuis la fin du mandat d’Achille Joinard, il y a soixante ans, à présider aux destinées du cyclisme mondial. Le jeune challenger (44 ans) n’a laissé aucune chance à son prédécesseur, s’assurant l’appui de 37 délégués sur 45, et le clan tricolore refusait d’y voir la moindre surprise. « C’est une excellente nouvelle pour notre pays qu’une fédération internationale soit à nouveau dirigée par un Français, s’est réjoui Vincent Jacquet, ex-directeur technique national et soutien de David Lappartient. Il avait bien préparé sa campagne, fait le tour du monde. C’est la victoire de l’humain. » Labourer le terrain, serrer des mains, multiplier les promesses à même de faire pencher l’issue du suffrage : des aptitudes que ce géomètre de formation a développées sous sa casquette d’élu local. Le nouveau patron du cyclisme mondial est une figure montante de la droite bretonne. Soutien de Nicolas Sarkozy jusqu’à la primaire des Républicains de l’automne 2016, il exerce actuellement les mandats de maire (Les Républicains) de Sarzeau (Morbihan), vice-président du département et président du parc naturel régional du golfe du Morbihan. Des responsabilités qu’il annonçait ne pas vouloir abandonner en cas d’élection à Bergen. « Il est capable de faire plusieurs choses à la fois », affirme Michel Benoît, son adjoint à Sarzeau. « Il laisse la fédération dans un état désastreux » Issu d’une famille férue de « petite reine », David Lappartient devient commissaire régional à seulement 18 ans. Président du Vélo Sports de Rhuys en 1997, il mettra douze ans pour prendre la tête de la Fédération française de cyclisme (FFC), qu’il quitte en mars 2017 pour partir à l’assaut de l’UCI. S’il se félicite à l’époque de l’ouverture du Vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines et de la hausse du nombre de licenciés, son bilan au sommet du cyclisme français ne fait pas l’unanimité. « Il laisse la fédération dans un état désastreux », raille Thierry Braillard, alors secrétaire d’Etat chargé des sports. En 2013, le Morbihannais devient président de l’Union européenne de cyclisme, soutenu par Igor Makarov. Le milliardaire, propriétaire de l’équipe Katusha et patron de la fédération russe, fut, la même année, un artisan de la conquête de l’UCI par… Brian Cookson. Largement défait, le Britannique n’aura donc effectué qu’un seul mandat à la tête du cyclisme mondial. Quatre années que même ses adversaires reconnaissent comme honorables, après deux décennies sombres pour la fédération internationale, engluée dans les affaires de dopage. Proche d’Amaury Sport Organisation – l’organisateur du Tour de France –, David Lappartient a notamment promis de renforcer les actions engagées par son prédécesseur dans la lutte contre le dopage, d’accélérer la mondialisation du cyclisme, d’interdire totalement les corticoïdes et de fixer un salary cap dans le peloton. Un plafond salarial dont la première victime serait la Sky, tête de pont du cyclisme britannique et victorieuse des derniers Tours de France et d’Espagne avec Christopher Froome. | cyclisme | 226 |
La tempête Xynthia, qui a balayé l'Europe les 27 et 28 février 2010, a tué 47 personnes en France. La plupart d'entre elles dormaient à La Faute-sur-Mer (Vendée) cette nuit-là. Ce n'est pas sur cette commune que l'événement fut le plus violent, mais c'est pourtant là que le réveil fut le plus brutal. Quinze mois après le drame, le juge d'instruction des Sables-d'Olonne, Yannick Le Goater, commence à démêler l'écheveau des responsabilités : après le maire de La Faute-sur-Mer, René Marratier, mis en examen pour "homicide involontaire" et "mise en danger de la vie d'autrui" le 14 avril, le magistrat a mis trois autres personnes en examen pour les mêmes motifs : Françoise Babin et Patrick Maslin, deux des adjoints au maire ; et Alain Jacobsoone, le directeur adjoint de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de Vendée, le 7 juin. Le fait que le maire ne soit plus seul désigné laisse ses avocats, Mes Olivier Metzner et Antonin Lévy, penser que "ses responsabilités ne sont pas aussi certaines que cela". La justice tente de comprendre pourquoi un tel drame est survenu sur cette fine bande de terre coincée entre l'océan et l'estuaire du Lay. "Les proches des victimes estiment que des manquements ont été commis et que l'alerte météo n'a pas été suivie d'effets", résume leur avocat, Me Benoît Denis, associé du cabinet Huglo-Lepage. Outre l'homicide involontaire et la mise en danger de la vie d'autrui, la plainte déposée par 97 personnes et l'Association des victimes des inondations de La Faute-sur-Mer, et de ses environs (AVIF) vise la prise illégale d'intérêts. Des élus locaux sont montrés du doigt pour avoir eu des intérêts privés dans la promotion immobilière. La responsabilité du maire de La Faute-sur-Mer en question. La première véritable audition de René Marratier, qui avait été placé en garde à vue le 13 avril, a eu lieu jeudi 9 juin. La seconde est programmée le 22 juin. Le juge Le Goater s'interroge sur l'attitude des élus de La Faute-sur-Mer, qui ont continué à construire en zone inondable alors que le préfet avait prescrit, dès 2001, un plan de prévention des risques et inondations (PPRI). Pourquoi n'avaient-ils pas non plus mis en place un plan communal de sauvegarde (PCS), comme la loi les y oblige depuis 2004 pour informer la population sur les risques auxquels elle est exposée et sur la conduite à tenir en cas d'alerte ? | societe | 3 |
Patrick Drahi, actionnaire majoritaire d’Altice, propriétaire de SFR. THOMAS SAMSON / AFP La guerre est déclarée entre Altice et un actionnaire minoritaire, le fonds CIMA. La maison mère de SFR a déposé une plainte le 18 juillet devant le Tribunal de grande instance de Paris pour « dénonciation calomnieuse », d’après un document dont Le Monde a pris connaissance. Dans sa ligne de mire, la présidente de CIMA, Catherine Berjal. Dans le magazine Option finance, cette dernière soupçonne Altice d’avoir agi « contrairement aux intérêts de SFR » et surtout de « s’être rendu coupable d’abus de biens sociaux ». Article réservé à nos abonnés Lire aussi TVA : le gouvernement cible les pratiques de SFR et Bouygues Télécom En accusant publiquement le groupe d’une infraction pénale, sans qu’une décision de justice ait été rendue, Mme Berjal pourrait être reconnue coupable de « dénonciation » et risque donc « cinq ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende », rappelle la plainte, qui cite le code pénal. La présidente de CIMA, qui dit avoir porté plainte devant le Tribunal de grande instance de Paris et qui détient grâce à son fonds 0,11 % de SFR Group, une filiale d’Altice, justifie ses accusations par « trois décisions de gestion ». La première concerne l’amende de 80 millions d’euros infligée par l’Autorité de la concurrence à Altice, qui aurait dû être prise en charge à moitié par Altice, et non à 100 % par l’opérateur. La deuxième concerne la décision de Patrick Drahi d’abandonner la marque SFR au profit de la marque Altice. Annoncé en grande pompe par le propriétaire du groupe, à New York en mai, le projet devrait être mis en place l’an prochain en France. Catherine Berjal regrette que la marque Altice appartienne non pas au groupe mais à Patrick Drahi lui-même, ce qui lui permettra d’encaisser une généreuse redevance. Enfin, l’activiste dénonce la décision de faire prochainement emménager SFR dans des locaux appartenant à M. Drahi. Sans contester les faits, Altice se justifie en assurant que ces trois décisions relèvent selon lui d’actes de bonne gestion. | economie | 7 |
sion Internet Explorer chez Microsoft, jeudi 29 avril. Après les attaques de Steve Jobs, directeur général d'Apple, Microsoft a à son tour émis, jeudi 29 avril, des récriminations contre la technologie Flash d'Adobe. Dans une lettre ouverte publiée sur le site Internet du groupe, le directeur général d'Apple, Steve Jobs, a voulu justifier son refus d'intégrer cette technologie sur ses terminaux iPhone et iPad, évoquant notamment des questions de sécurité, de fiabilité, et de consommation de batterie. Microsoft estime, pour sa part, que si l'omniprésence de Flash facilite l'accès à la vidéo sur Internet pour les consommateurs, cette technologie n'est pas exempte de défauts. GUERRE DES FORMATS VIDÉO Le responsable du géant informatique a également expliqué que Microsoft soutient les mêmes protocoles qu'Apple pour afficher des contenus multimédia sur Internet, en ayant recours notamment à l'HTML5. Mais Microsoft s'est montré plus conciliant qu'Apple à l'égard d'Adobe, expliquant travailler étroitement avec les ingénieurs de Flash pour corriger les défauts de la technologie. Les déclarations de Microsoft relancent ainsi le débat sur l'avenir de la vidéo sur Internet. Le format H.264, un outil propriétaire dont l'utilisation nécessite le versement de plusieurs millions de dollars de licence par an, a désormais l'appui d'Apple et de Microsoft. La fondation Mozilla, qui édite le navigateur Firefox, a pour sa part choisi le format Ogg Theora, libre et gratuit. Propriétaire depuis février de l'entreprise On2, Google pourrait aussi faire passer son codec vidéo, le VP8, en open source. | technologies | 21 |
Le documentaire Paris, années folles de Montmartre à Montparnasse (2013), de Vincent Labaume, réalisé par Fabien Béziat, qu’affichait France 3 au programme de sa première partie de soirée, lundi 2 décembre, est à la fois satisfaisant et problématique. Qui n’a pas la moindre idée de ce qui s’est passé pendant ces années de grande ébullition sociétale, politique et artistique se verra enrichi d’une bonne information : cette « couture » d’archives filmées colorisées et sonorisées, commentées en voix off, montre en quoi cette courte période, bordée par deux guerres, fut très vite compromise par la montée du fascisme européen ; ses auteurs dépeignent bien les vastes colonies d’artistes étrangers venus trouver à Paris des conditions de vie meilleure et un climat de liberté intellectuelle qui permit à James Joyce, en 1922, d’y publier Ulysse, interdit en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Prohibé aux Etats-Unis, l’alcool coulait à flots autour du pont Mirabeau. A Paris, « le mot “nègre” ne servait qu’à parler d’art », est-il rappelé, les Noirs y étaient fêtés et le jazz, apprécié de tous. Ainsi que l’a noté Langston Hughes, le héraut de la Harlem Renaissance, dans une correspondance publiée dans le formidable livre de Michel Fabre, La Rive noire, les écrivains noirs américains à Paris 1830-1995 (André Dimanche éditeur, 1999) : « Si on leur offrait un billet de retour demain, je doute que plus de dix d’entre eux accepteraient de quitter Paris. » Il en allait de même pour les homosexuels, les amazones et les garçonnes de la Rive gauche qui pouvaient s’adonner librement à leurs amours. C’est pour cette raison que Janet Flanner, la correspondante du New Yorker, s’est installée à Paris avec sa compagne Solita Solano – les modèles des personnages de L’Almanach des dames (1928), de Djuna Barnes – et y est restée presque toute sa vie durant… Le problème que pose ce film – et d’ailleurs, à sa décharge, tout propos vulgarisateur – est qu’à ratisser trop large et à battre le pavé de l’époque au pas de charge, il néglige certains détails. Il est ainsi curieux que la figure et le lieu essentiels que sont Jean Cocteau et Le Bœuf sur le toit, étape à mi-chemin entre Montmartre et Montparnasse, les deux monts de gloire de la capitale, n’y soient pas évoqués et que la musique classique figure une fois de plus aux abonnés absents (alors que jazz, chanson et musique savante ont connu à cette époque une idéale période de « goûts réunis »). | idees | 12 |
La banque américaine JPMorgan fait actuellement l'objet d'une demi-douzaine d'enquêtes de la part du département de la justice. EDUARDO MUNOZ/REUTERS L'autorité fédérale américaine de l'énergie, la FERC, accuse la banque JPMorgan Chase de manipulation des prix de l'énergie, d'après un document publié lundi 30 juillet. Selon une source proche des négociations, la publication de ce document est "une formalité" et un accord amiable devrait être annoncé dans les prochains jours pour mettre fin aux poursuites de la FERC. Il comprend un versement d'environ 400 millions de dollars par la première banque américaine en termes d'actifs, très inférieur à la somme d'un milliard de dollars évoquée il y a quelques jours par le Wall Street Journal. La FERC a conclu, à la suite d'une enquête, que "JPMorgan Ventures Energy Corporation (JPMVEC) avait enfreint la réglementation de la Commission interdisant les manipulations des prix sur les marchés de l'électricité" en utilisant des modèles d'enchères destinés à faire monter ces prix, selon le document préliminaire qui résume les conclusions de l'enquête de l'agence fédérale. "DES PRIX SUPÉRIEURS À CEUX DU MARCHÉ" En particulier, les enquêteurs fédéraux accusent les courtiers de JPMorgan Chase d'avoir, entre septembre 2010 et juin 2011, mené à cinq reprises des enchères visant à "obtenir de façon irrégulière des paiements à des prix supérieurs à ceux du marché" de la part du distributeur californien d'électricité CAISO. Ils accusent aussi la première banque américaine en termes d'actifs d'avoir, entre octobre 2010 et mai 2011, mené à trois reprises des enchères du même type pour obtenir des paiements supérieurs à ce qu'ils auraient dû être de la part de l'opérateur du Midwest, MISO. JPMorgan s'est abstenu de tout commentaire. | economie | 7 |
La secrétaire d'Etat aux sports, Rama Yade, a écrit à Sakineh Mohammadi-Ashtiani, condamnée à mort par lapidation, que la France s'était portée "responsable" de son sort. Cette lettre a paru mercredi sur le site Internet de la revue de Bernard-Henri Lévy, La Règle du jeu. "La France s'est mobilisée comme un seul citoyen pour faire valoir votre droit, pour empêcher l'ignominie programmée de votre sentence. Le président de la République a fait de votre sort une affaire personnelle : la France, par sa voix, s'est portée responsable de Sakineh Mohammadi Ashtiani, et dénonce vigoureusement le recours à la peine de mort dont la persistance, à l'aube du troisième millénaire, est un lugubre archaïsme. Comme le sort moyenâgeux fait aux femmes dans votre système judiciaire", a écrit Mme Yade. "TATOUÉS DANS NOS CONSCIENCES" "Votre visage et votre nom sont maintenant tatoués dans nos consciences : ils sont dans le cœur de tous ceux qui luttent pour que les droits de l'homme et leur universalité s'appliquent à tous les hommes et à toutes les femmes", a également souligné la secrétaire d'Etat. L'Iran a indiqué mardi poursuivre l'examen du cas de Sakineh Mohammadi-Ashtiani, dont il a suspendu en juillet la condamnation à mort par lapidation à l'origine d'une vaste mobilisation internationale. Mme Mohammadi-Ashtiani, mère de famille iranienne de 43 ans, a été condamnée en 2006, selon les autorités iraniennes, à dix ans de prison pour avoir participé au meurtre de son mari avec l'un de ses amants, et à la lapidation pour plusieurs adultères. Avant d'être nommée secrétaire d'Etat aux sports en juin 2009, Rama Yade avait occupé pendant deux ans le secrétariat d'Etat aux droits de l'homme. Un portefeuille purement et simplement supprimé après que le ministre des affaires étrangères, Bernard Kouchner, eut qualifié d'"erreur" sa création. | politique | 9 |
M le mag Article réservé à nos abonnés Il y a trente ans à Montréal, le premier féminicide de masse M le mag Article réservé à nos abonnés Adaptation de son Goncourt au cinéma, nouveau roman, défense des libertés des femmes… Leïla Slimani sur tous les fronts L'époque Article réservé à nos abonnés S’aimer comme on se quitte : « Il est laid, chauve, j’ai la conviction absolue que ce n’est pas son amant » Les recettes du Monde La salade en trois déclinaisons : la recette de Thomas Grunberg | europe | 11 |
Sherlock Holmes (Benedict Cumberbatch) et le Dr John Watson (Martin Freeman) mènent leurs enquêtes dans un Londres contemporain. COLIN HUTTON/HARTSWOOD FILMS/BBC Tant de livres, de films, de thèses... Car Sherlock Holmes fascine. Pourquoi ? Son génie cérébral ! Il ne dispose d'autre arme que sa vélocité d'esprit, ses facultés de déduction. En ce sens, il s'agit d'un super-héros, certes dépourvu de cape, mais habillé d'un long manteau noir. Un robot ne l'égalerait pas, encore moins un technicien de laboratoire, un "expert" de Miami ou un profileur de Quantico. Là est sa modernité, dans cette intelligence hors normes qui fait de lui un asocial et un excentrique, capable d'emprunter le métro, ensanglanté, une lance à la main, ou de se rendre à Buckingham nu sous un drap. Raison pour laquelle le héros de Conan Doyle n'a besoin pour le servir que de son colistier Watson, aucunement de boursouflures ou d'effets spéciaux spectaculaires comme les affectionne le cinéaste Guy Ritchie. Tel est heureusement le parti pris par les deux auteurs anglais, qui ont dû juger le personnage suffisamment solide pour ne pas ressentir l'utilité de le "dépoussiérer". Pour cette remarquable projection au XXIe siècle du détective privé, les auteurs Mark Gatiss et Steven Moffat ont eu l'habileté de concevoir de fidèles correspondances. A la place du journal tenu par le docteur John Watson, un blog lu par des milliers de fans. Au lieu de l'opium consommé par Sherlock, des dizaines de patchs de nicotine accentuant sa nervosité. De ci, de là, des incrustations visuelles permettent de rendre intelligible son processus de réflexion, ces indices qu'il collecte en un clin d'oeil et énumère avec un débit de mitraillette. HUMOUR ANGLAIS Disons-le, le pensionnaire du 221 b Baker Street, s'il éblouit, n'est guère sympathique. Arrogant, manquant de tact, apparemment dénué de sensibilité, il tient que l'amour est un handicap. Il ne tolère pas la bêtise, trépigne dès qu'il s'ennuie, se moque de toute sociabilité. Aussi réjouit-il. La physionomie de son interprète, Benedict Cumberbatch, ajoute à son étrangeté. Son visage oblong où perce un regard très clair, ses yeux étirés, ses pommettes très hautes possèdent quelque chose d'irréel. Martin Freeman apporte la touche de banalité, de façon à inscrire les relations nouées par ces colocataires dans la lignée des duos de comédie. "Sherlock" jouit de cet humour anglais fait de subtiles allusions et de ridicule grandiosement assumé. Les deux saisons de cette remarquable série (3 × 90 minutes), qui valurent à BBC One des records d'audience, furent révélées, pour la première fois, aux téléspectateurs français sur France 4. En ce début d'été, France 2 les rediffuse durant trois semaines, avec, chaque mercredi, un épisode de la saison 2 suivi d'un autre de la saison 1. Mark Gatiss et Steven Moffat - (Grande-Bretagne, 2010 et 2012, 3 × 90 minutes). Avec Benedict Cumberbatch, Martin Freeman, Rupert Graves, Vinette Robinson. Diffusion le mercredi 3 juillet à 20 h 45 sur France 2. | culture | 4 |
Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur. AFP/JOHN THYS Michel Barnier votera "sans états d'âme" dimanche pour le candidat socialiste qui affrontera un représentant du Front national dans son canton d'Albertville, en Savoie, pour le deuxième tour des élections cantonales. Le commissaire européen chargé du marché intérieur et des services a souligné que la présidente du FN, Marine Le Pen, voulait sortir la France de l'euro. "Je vote pour les valeurs républicaines qui sont les miennes et je vote pour l'Europe, parce que derrière Mme Le Pen et ses amis, il y a des choix politiques qu'il faut rappeler", a-t-il dit sur RTL. "Mme Le Pen veut sortir la France de l'Europe, veut sortir la France de l'euro", a ajouté Michel Barnier, qui est issu de l'UMP. La majorité se déchire sur la stratégie du secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, qui ne privilégie pour le second tour "ni PS, ni FN" et refuse de donner une consigne de vote. | politique | 9 |
Le bâtiment du cabinet Mossack Fonseca, à Panama. RODRIGO ARANGUA / AFP Décortiquer la base des « Panama papers » est un travail de longue haleine. Il faut comprendre les termes jargonneux, appréhender les mécanismes, trouver les rôles des différents acteurs et décisionnaires pour appréhender l’importance du système et sa logique. Les « Panama papers » en trois points Le Monde et 108 autres rédactions dans 76 pays, coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont eu accès à une masse d’informations inédites qui jettent une lumière crue sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux. Les 11,5 millions de fichiers proviennent des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias. Les « Panama papers » révèlent qu’outre des milliers d’anonymes de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, des grands noms du sport, des célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales ont recouru à des montages offshore pour dissimuler leurs actifs. Si la base est aussi touffue, c’est avant tout parce que Mossack Fonseca est une entreprise florissante. Les centaines d’employés, les dizaines de milliers d’entreprises créées, les dizaines de filiales à l’international, les milliers d’interlocuteurs sont autant d’indices de l’imposante industrie que représente Mossack Fonseca, rouage fondamental des activités du secteur offshore. 214 488 sociétés C’est le nombre d’entreprises, trusts et fondations domiciliés par Mossack Fonseca entre 1977 et 2015 que l’on retrouve dans la base. Un chiffre encore inférieur par rapport au nombre total de sociétés incorporées dans des juridictions offshore par Mossack Fonseca. Quand une société est dissoute, la documentation n’est conservée que pendant les dix années suivant la dissolution. Depuis 2000, Mossack Fonseca crée en moyenne 9 000 sociétés offshore par an. Mais 2005 est une année faste puisque plus de 13 000 sociétés ou fondations ont été créées cette année-là. C’est en effet l’année de l’entrée en vigueur de la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne, qui met en place une taxe sur les intérêts bancaires, mais uniquement appliquée aux personnes physiques, contrairement aux personnes morales : il suffit de créer une société offshore pour y échapper. 2005 à 2007, les années fastes pour Mossack Fonseca Nombre de sociétés créées par Mossack Fonseca depuis 2000. Un millier de Français et 25 entreprises En France, parmi les données où les bénéficiaires ou les actionnaires ne sont pas cachés derrière des prête-noms, on trouve près de 1 000 noms qui sont liés à une adresse en France dans les « Panama papers ». Joueur de poker, boucher ou chanteur lyrique, les bénéficiaires de sociétés offshore ne sont pas tous riches et ils n’ont pas tous l’intention de frauder. Mais les témoignages que Le Monde a collectés montrent que la volonté d’échapper à l’impôt (sur la fortune, sur les revenus ou sur les successions) reste une des motivations principales, à l’heure où le secret bancaire suisse est en état de mort clinique. On trouve aussi 25 entreprises, pour la plupart actives dans la finance (la gestion de fonds notamment), le conseil et l’immobilier… Parmi elles, il y a aussi de grandes entreprises du pétrole, de la communication... 511 banques Il y a dans la base des « Panama papers » 511 banques (dont les branches et les filiales) qui sont en rapport direct avec Mossack Fonseca ; pour certaines, ce lien remonte aux années 1970. Parmi elles, on retrouve évidemment de nombreuses banques ayant pignon sur rue (UBS, HSBC, Société générale, Deutsche Bank, etc.) ainsi que des banques plus confidentielles mais tout aussi puissantes. Plus de 15 000 structures offshore ont ainsi émergé par l’intermédiaire de ces banques, à destination de leur riche clientèle. Lire aussi Les grandes banques, carburant et actrices du système offshore 202 pays Mossack Fonseca est une entreprise internationale. Plus de deux cents Etats et territoires sont présents dans la base des « Panama papers » : pays des ayants droit, pays de domiciliation, pays où se trouvent les comptes bancaires ou encore pays des intermédiaires fiscalistes. Néanmoins, certains sont évidemment plus présents que d’autres. Parmi eux, les îles Vierges britanniques, territoire de prédilection pour la domiciliation d’entreprises, le Panama, paradis fiscal et siège de Mossack Fonseca, la Suisse et le Luxembourg, importants centres financiers. 48 bureaux C’est le nombre de bureaux de Mossack Fonseca actifs de par le monde. Outre le siège à Panama, la capitale panaméenne, la présence de la firme s’étend à la plupart des paradis fiscaux et centre financiers de la planète : Hongkong, l’île de Man, la Suisse, le Luxembourg, les îles Vierges britanniques, Bahamas ou encore les Seychelles. Mais le puissant cabinet a aussi des franchises dans de nombreux autres pays, comme le Canada, le Brésil ou Dubaï. Infographie/Le Monde 12 chefs d’Etat Si la base de données des « Panama papers » comporte de nombreux anonymes, elle contient aussi quelques hommes et femmes de pouvoir, à la tête de leurs pays respectifs en tant que chef d’Etat ou de gouvernement. Cinq sont encore en exercice, comme le premier ministre islandais, le roi d’Arabie saoudite ou le président ukrainien. En plus de ces individus directement nommés, les « Panama papers » révèlent que la famille directe ou les plus proches associés de nombreux dirigeants ont aussi utilisé des montages offshore. Ainsi, un bon nombre d’oligarques faisant partie du premier cercle de Vladimir Poutine, le secrétaire particulier du roi du Maroc ou encore la fille de l’ancien premier ministre chinois Li Peng. Et c’est compter sans les différents politiques et autres hauts fonctionnaires, comme l’ancien ministre français du budget Jérôme Cahuzac ou le ministre algérien de l’industrie et des mines, Abdeslam Bouchouareb. En tout, 143 responsables politiques issus de 50 pays différents. Voir l'infographie : Les 140 personnalités internationales ont utilisé des sociétés offshore | panama-papers | 357 |
L’attaque survenue samedi soir dans la capitale britannique a fait huit morts et 48 blessés. Markus Schreiber / AP Le bilan des victimes de l’attentat de Londres survenu samedi soir s’est encore alourdi, avec la découverte d’un corps repêché mercredi 7 juin dans la Tamise. En tout, l’attaque a fait 8 morts et 48 blessés, dont 15 étaient toujours dans un état grave mardi. Parmi eux, trois Français ont été tués et huit blessés, a fait savoir mercredi le président Emmanuel Macron. Samedi soir, les trois assaillants ont d’abord renversé des piétons à bord d’une camionnette sur le London Bridge, avant d’attaquer au couteau des passants dans le quartier animé de Borough Market. Les trois terroristes ont été abattus par la police. Toutes les identités des personnes qu’ils ont assassinées ce soir-là n’ont pas encore été confirmées par la police, mais de nombreux éléments sont d’ores et déjà parus dans la presse. Alexandre Pigeard, 26 ans, français Alexandre Pigeard, bientôt 27 ans, était serveur au Boro Bistro, bar dirigé par un Breton et situé près du quartier de Borough Market. Selon son père, Philippe Pigeard, « l’un des tueurs l’a mortellement poignardé, alors qu’il était en train de travailler à la terrasse » de l’établissement. Alexandre Pigeard vivait depuis neuf mois au Royaume-Uni pour « améliorer son anglais et avoir de l’expérience », a précisé son père à Ouest-France, ajoutant qu’il « devait participer à l’ouverture d’un restaurant ensuite à Nantes ». Toujours selon Ouest-France, le jeune homme « lumineux » que décrit son père était originaire de la région caennaise, en Normandie, et avait également des attaches familiales en Bretagne. Il a effectué sa scolarité au collège-lycée expérimental d’Hérouville-Saint-Clair (Calvados), en filière littéraire. Ces dernières années, il était serveur dans un restaurant de Caen et régulièrement DJ dans une boîte de nuit caennaise. « Passionné de musique électronique », il « s’était fait connaître (…) sur la scène électro de la région ». Sébastien Bélanger, 36 ans, français Selon plusieurs médias français, Sébastien Bélanger, 36 ans, chef cuisinier au Coq d’argent – un restaurant du quartier de la City à Londres – serait le deuxième Français tué dans cet attentat. Mais le ministère des affaires étrangères refuse pour l’instant de confirmer son identité. La mère et le frère de Sébastien Belanger, qui a grandi à Saint-Barthélemy-d’Anjou près d’Angers (Maine-et-Loire), se sont rendus mercredi matin à Londres pour en savoir plus, a précisé une tante, Madeleine Bélanger, à l’Agence France-Presse. « On suppose que ça peut être le corps de Sébastien mais on n’a pas confirmation », a-t-elle souligné. Une cousine de Sébastien, qui réside aussi dans la capitale britannique, a également transmis des effets personnels du jeune Français à la police londonienne en vue de l’identification, a ajouté Madeleine Bélanger. Un troisième Français encore non identifié Le corps repêché dans la Tamise mercredi pourrait être celui de Xavier Thomas, un Français de 45 ans, porté disparu depuis l’attentat. « L’identification formelle doit encore avoir lieu », a fait savoir la police, qui précise avoir informé « les proches de M. Thomas ». Xavier Thomas se trouvait à Londres pour le week-end avec sa compagne. Le couple marchait sur le London Bridge au moment de l’attaque. En s’appuyant sur plusieurs témoignages, Scotland Yard juge qu’il est « possible » que Xavier Thomas « ait été percuté par le véhicule » utilisé dans l’attaque « et ait été projeté dans la Tamise ». Sa compagne, percutée par la camionnette des assaillants, a été blessée. Christine Archibald, 30 ans, canadienne Christine Archibald, une Canadienne de 30 ans, est morte dans les bras de son fiancé Tyler Ferguson après avoir été percutée par la camionnette des agresseurs. Selon son beau-frère, le couple s’était installé aux Pays-Bas ces six derniers mois et se trouvait à Londres pour le week-end. « Mon petit frère a perdu l’amour de sa vie sur le London Bridge », a écrit sa belle-sœur Cassie Ferguson Rowe sur Facebook. La jeune femme avait longtemps travaillé dans un centre pour sans-abri au Canada, avant de rejoindre son compagnon en Europe. « Elle n’aurait jamais compris l’abominable cruauté qui a causé sa mort. Alors s’il vous plaît, honorez sa mémoire en faisant de votre communauté un meilleur endroit. Devenez bénévoles, ou faites des dons pour les SDF. Dites-leur que vous venez pour Chrissy », lui a rendu hommage sa famille dans un communiqué. Sara Zelenak, 21 ans, australienne Sara Zelenak, une Australienne de 21 ans, était originaire de Brisbane. Sa mère a confirmé que son ADN avait été retrouvé sur le corps d’une des victimes renversées par le camion des assaillants sur le London Bridge, où elle se trouvait avec des amis. La jeune femme s’était envolée pour l’Europe en mars et travaillait comme jeune fille au pair à Londres, a expliqué sa mère à la radio australienne 97.3FM. Ce soir-là, elle devait garder les enfants de sa famille d’accueil mais la mère de famille lui avait donné sa soirée au dernier moment, selon la BBC. Son ancien établissement scolaire, Moreton Bay College, lui a rendu hommage sur Facebook : « Sara était une étudiante optimiste et populaire. » Kirsty Boden, 28 ans, australienne Kirsty Boden, une Australienne de 28 ans, était infirmière dans un hôpital londonien. Elle a été tuée alors qu’elle se précipitait pour venir en aide aux personnes renversées par la camionnette des assaillants sur le London Bridge, selon la famille qui a diffusé un message. La jeune femme avait emménagé à Londres en 2013, selon The Guardian. « Extravertie, gentille et généreuse, elle adorait son métier, expliquent ses proches. Nous sommes tellement fiers de la réaction courageuse de Kirsty. » Son employeur, Guy’s Hospital, a pour sa part salué « une infirmière extraordinaire ». James McMullan, 32 ans, britannique James McMullan, un Britannique de 32 ans, passait la soirée avec des amis au Barrow Boy & Banker Pub, situé non loin du London Bridge. Il venait de sortir pour fumer une cigarette lorsque les terroristes ont écrasé leur véhicule en face de l’établissement, rapporte The Guardian. Depuis ce moment, ses proches le recherchaient et avaient lancé un avis de recherche sur les réseaux sociaux. Le jeune homme a été identifié grâce à une carte de crédit retrouvée sur lui, a fait savoir sa sœur, avant de lui rendre hommage : « De la part de ses amis qui étaient avec lui cette nuit-là, ils veulent que tout le monde sache à quel point il était aimant et généreux (…). Vous ne trouverez personne avec un tel humour et une personnalité si unique qui en plus faisait toujours passer ses amis et sa famille avant toute chose. » Ignacio Echeverria, 39 ans, espagnol L’Espagnol Ignacio Echeverria, 39 ans, est mort en s’interposant entre une femme et son assaillant, alors qu’il se promenait avec des amis. Il était juriste et spécialiste de la lutte antiblanchiment chez HSBC à Londres. « Il s’est bagarré (…) et il est tombé à terre, c’est la dernière fois qu’ils l’ont vu », écrit son frère dans l’avis de recherche qu’il avait publié sur Facebook. Selon ses amis, ce fan de skateboard rentrait d’un skatepark quand il a vu ce qu’il croyait être une bagarre ordinaire et a cherché à s’interposer. La BBC l’a surnommé « le héros au skateboard ». « Mon frère Ignacio a tenté d’arrêter des terroristes, et a perdu la vie en essayant d’en sauver d’autres », a écrit sa sœur Isabel sur son profil Facebook. | international | 13 |
Une sécheresse en Angleterre ? En plein hiver ? Si l'information peut surprendre, elle n'a rien du canular. Onze comtés du sud-est de l'Angleterre, dont Londres, ont été officiellement déclarés en état de sécheresse, lundi 20 février, après deux hivers successifs particulièrement secs. Si l'herbe reste verte à Regent Park, la situation n'en est pas moins sérieuse. Les cinq derniers mois ont été les plus secs de l'histoire (depuis l'existence de mesures en 1910) dans l'Anglia, une région de l'Est. Le reste du sud-est du pays est de même en train de battre les records de faible pluviométrie. A moins que les pluies n'arrivent dans les prochaines semaines, la sécheresse devrait être la pire depuis celle de 1976. Des mesures très concrètes ont déjà dû être prises. L'Agence de l'environnement (AE) a réalisé des opérations de secours de poissons une quinzaine de fois ces trois derniers mois. "Nous en réalisons régulièrement l'été, mais c'est pratiquement sans précédent pendant l'hiver", explique une porte-parole. Concrètement, les poissons bloqués dans les rivières dont le niveau est trop bas sont récupérés après avoir été assommés par une légère décharge électrique, placés dans d'énormes citernes, transportés en camion, puis remis à l'eau, le plus souvent dans la même rivière, à un endroit plus profond. Pour ce qui est de l'approvisionnement en eau, Thames Water, l'entreprise qui fournit Londres, se prépare à utiliser pour la première fois son usine de désalinisation. Celle-ci, ouverte en avril 2011 et construite pour servir en cas d'urgence, pompe l'eau saumâtre de l'embouchure de la Tamise et peut satisfaire les besoins d'un million de personnes par jour. Dans le Kent voisin, le réservoir de Bewl, un lac artificiel destiné à approvisionner la région pendant l'été, n'est plein qu'à 41 %, deux fois moins que sa moyenne. Southern Water, l'entreprise de distribution d'eau locale, a demandé aux autorités une autorisation exceptionnelle de pompage dans les rivières afin de le remplir. Anglian Water, une autre entreprise du sud-est de l'Angleterre, a déposé une demande similaire pour un autre réservoir. Ces différentes sociétés de distribution des eaux estiment qu'elles vont très probablement être obligées d'imposer des restrictions ce printemps (interdiction d'arroser son jardin, de laver sa voiture...). Sans doute dès le mois d'avril. | planete | 5 |
L'ancien PDG de Dexia, Pierre Richard, à l'Elysée à Paris en juin 2007. AFP/OLIVIER LABAN-MATTEI Le conseil d'administration de Dexia a confié à un cabinet d'avocats, spécialisé dans le droit social, le soin d'examiner la faisabilité du remboursement de la retraite chapeau de près de 600 000 euros annuels de l'ex-patron de la banque, Pierre Richard. Polytechnicien, haut fonctionnaire, marqué à droite, M. Richard a été débarqué, à l'automne 2008, après le naufrage du groupe franco-belge, qu'il fonda et dirigea pendant vingt ans. Il perçoit, en sus de sa retraite de fonctionnaire, une retraite surcomplémentaire de 583 000 euros par an depuis 2006, date à laquelle il avait cédé les rênes opérationnelles de Dexia, pour en devenir président. Cette pension "extralégale" lui a été accordée en 1996, mais le contrat a été modifié dans un sens plus favorable juste avant sa nomination comme président. Calculée sur vingt ans, cette rente représente 11,6 millions d'euros pour Dexia, provisionnés dans les comptes. M. Richard a déjà perçu 3,6 millions d'euros au titre de ce contrat "en or", mais l'Etat souhaiterait interrompre les versements. Le 22 février, lors de l'annonce d'une une perte de 11,6 milliards d'euros en 2011, le représentant de l'Etat au conseil de Dexia avait demandé d'étudier les moyens d'une annulation de la retraite de M. Richard. Cette demande faisait écho à un coup de colère du chef de l'Etat. ECUEIL JURIDIQUE Le verdict des avocats sera présenté dans les prochaines semaines à Pierre Mariani, ce proche de Nicolas Sarkozy chargé du démantèlement de la banque, et au conseil de cette dernière. Les avocats n'ont pas la partie facile. Ils butent sur un écueil juridique : la jurisprudence de la Cour de cassation, qui rend difficile la remise en cause des droits de retraite une fois qu'ils ont commencé à être payés. Ce qui est le cas. Un travail d'archéologue est engagé pour vérifier si toutes les étapes réglementaires ont été respectées, si le contrat est conforme à la législation. Une voie de contestation serait de prouver que ses conditions d'attribution étaient exorbitantes du droit commun. L'état-major de Dexia se dit décidé à faire aboutir la démarche. "L'Etat nous a fait une demande, nous lui devons des comptes", dit-on. L'idée de porter plainte contre M. Richard pour abus de bien social, si la contestation du contrat était impossible, n'est pas exclue. | economie | 7 |
La Haute-Corse est repassée mercredi 17 octobre en vigilance orange pour orages et pluies-inondations, jusqu’à 16 heures, selon un communiqué de la préfecture de Bastia. Alors que des cumuls de précipitations de l’ordre de 40 mm par heure ont déjà été observés sur la région de la Castagniccia et la côte orientale de l’île, toute la journée de mercredi des passages orageux pourraient encore provoquer des cumuls horaires de 40 à 60 mm, soit 100 à 130 mm au total pour la journée, selon les chiffres de la préfecture. Les sols humides après un premier épisode de vigilance orange mardi pourraient favoriser des montées rapides des eaux dans les rivières. Débordement du Fium’Alto et de l’Alesani mardi La préfecture a précisé avoir activé le centre opérationnel départemental, qui réunit les services compétents en matière de crise. Mardi, les orages et les pluies sur le secteur de la Castagniccia avaient provoqué le débordement du Fium’Alto et de l’Alesani. #Crue éclair sur le Fium'Alto en #HauteCorse ce 16 octobre suite à un #orage stationnaire entre #Linguizzetta et… https://t.co/TRVWxevaNz — KeraunosObs (@Keraunos) Quarante personnes ont dû être mises en sécurité par les secours et les forces de l’ordre, et trois ont été hélitreuillées dans la zone du Fium’Alto, sur la commune de Penta di Casinca. Les transports scolaires ont été suspendus mercredi dans l’est du département. Dans l’Aude, touchée par de fortes inondations en début de semaine, la décrue se poursuit, et l’alerte orange a été levée. | planete | 5 |
Le nom de Pete Souza ne vous dit peut-être rien, mais vous avez sûrement vu ses images. La dernière qui a fait parler d'elle a été prise lors du sommet du G8. Le 19 mai, les dirigeants des pays les plus industrialisés, réunis à Camp David, font une pause pour suivre la finale de la Ligue des champions de football opposant Chelsea au Bayern de Munich. Chelsea gagne lors des tirs au but, et Pete Souza montre David Cameron, le premier ministre britannique, en train d'exulter, les bras levés, soutenu par Barack Obama, tandis qu'Angela Merkel accuse le coup. Dans un coin, notre nouveau président, François Hollande, a plutôt l'air de s'ennuyer. Voilà qui ressemble plus à une soirée entre copains qu'aux portraits de famille rigides auxquels les chefs d'Etat nous ont habitués. Les politiques y semblent naturels, détendus, réels. L'image est d'autant plus étonnante qu'elle est signée du photographe officiel de la Maison Blanche, Pete Souza. Depuis l'élection de Barack Obama, cet ancien photojournaliste suit les moindres faits et gestes du président américain. Il prend de 500 à 1 000 photos par jour. Elles sont validées par le personnel de la Maison Blanche, qui met ensuite une sélection sur le site de partage de photos Flickr. Pete Souza dirige une petite équipe qui couvre aussi l'activité de la First Lady : il publie des photos officielles, des images des coulisses et même de la famille du président. "Chaque président est différent, expliquait Pete Souza au Boston Magazine en 2011. J'ai la chance d'avoir développé des relations de confiance avec celui-ci." Barack Obama et son équipe, avec Robert Gates, à droite, côté d'Hillary Clinton, assistent au raid contre Oussama Ben Laden, le 1er mai 2011. AP/Pete Souza Les photos de Pete Souza sont versées aux Archives nationales, et plusieurs sont déjà devenues historiques. La plus célèbre, connue sous le nom de "Situation Room", continue de faire couler beaucoup d'encre : la scène a été prise le 1er mai 2011, lors de l'assaut de la cachette d'Oussama Ben Laden au Pakistan. On y voit Barack Obama et treize de ses conseillers réunis dans une salle sécurisée, la mine grave, regardant tous dans la même direction. THÉÂTRAL Le succès de cette photographie s'explique d'abord par l'absence de toute autre image témoignant de la mort de Ben Laden - la Maison Blanche ayant décidé de ne pas diffuser les clichés du cadavre. Mais cette photo frappe aussi par son aspect théâtral. Beaucoup ont fait le lien avec la série "24 heures", ses histoires de complot terroriste et son suspense haletant. Les participants sont tendus à l'extrême, Hillary Clinton, secrétaire d'Etat, a même la main sur la bouche comme pour retenir un cri. L'insigne de la présidence des Etats-Unis sur le mur, le gobelet orné du même motif, le militaire bardé de décorations (le brigadier général Marshall Webb) : tout suggère que l'avenir de l'Amérique est en jeu. Le mythe a toutefois ses limites : Hillary Clinton a déclaré par la suite qu'elle avait des allergies et qu'elle était peut-être juste en train de "réprimer une toux liée au rhume des foins". De même, l'instant montré n'est pas forcément celui de l'annonce de la mort de Ben Laden : le photographe a pris une centaine de photos pendant l'opération et il a choisi, a-t-il déclaré au Boston Magazine, celle "qui était représentative des émotions que chacun a ressenties". Le photographe a aussi dû expliquer pourquoi le président des Etats-Unis était assis sur une simple chaise en retrait alors que le militaire occupe la position d'honneur à la table. "Pour gérer ce qui se passait pendant l'opération autour de Ben Laden, tout le monde s'est déplacé vers une salle plus petite, où la transmission avait été établie. C'est pour cette raison que tout le monde est entassé dans cette salle et que le président est sur le côté - en fait, chacun a juste attrapé un siège." La photo a été retouchée avant diffusion - un document top secret affiché sur l'ordinateur d'Hillary Clinton a été flouté pour des raisons de sécurité. Mais des rumeurs de mise en scène se sont vite répandues sur Internet. La chaîne France 24 a cependant analysé la photo avec le logiciel Tungstène, que nombre d'agences utilisent pour détecter les retouches. Il conclut à l'absence de manipulation : aucun personnage n'a été supprimé ou rajouté. Seuls le visage du président et de la secrétaire d'Etat ont été éclairés pour être mis en valeur - une pratique habituelle. Restent deux détails qui, d'après le logiciel, ont été modifiés pour des raisons inconnues : la cravate sombre sur la droite et les décorations du militaire. Le 19 mai, pause pendant le sommet du G8 à Camp David pour regarder le match du Bayern Munich contre Chelsea en finale de Ligue des champions. REUTERS/WHITE HOUSE Dernièrement, une photo de Pete Souza d'un tout autre genre est sortie de l'ombre : on y voit le président des Etats-Unis à la Maison Blanche, courbé devant un enfant noir qui tend le bras pour lui toucher la tête. En mai 2009, le père du petit Jacob Philadelphia, 5 ans, employé de la Maison Blanche, avait rendez-vous avec Barack Obama pour une photo-souvenir en famille. L'enfant venait de se faire couper les cheveux, comme le président, et il voulait savoir s'ils "faisaient pareil" au toucher. Le président, gentiment, lui a permis de juger sur pièces. Barack Obama a toujours aimé cette image "parce qu'elle vous rappelle de ne pas trop vous prendre au sérieux", a-t-il déclaré dans un documentaire du National Geographic. Le New York Times a récemment ressorti cette photo drôle et touchante en lui donnant une portée plus politique. "Cette photo est la preuve tangible qu'Obama reste un puissant symbole pour les Noirs", écrit le journal, comme si l'enfant avait voulu vérifier, en touchant les cheveux d'Obama, qu'il avait bien un homme aux cheveux crépus devant lui. Ou comment une image anecdotique devient un symbole de l'avancée des Noirs aux Etats-Unis - et un allié de poids en ces temps d'élection. Le 8 mai 2009, Jacob Philadelphia, 5 ans, et a famille ont rendez-vous dans le bureau Ovale pour une photo-souvenir. AFP/Pete SOUZA Claire Guillot | culture | 4 |
Klaus Barbie et son avocat, Jacques Vergès, à Lyon, au premier jour du procès du "boucher de Lyon", le 11 mai 1987. AFP Vous souvenez-vous de cette séquence du film de Barbet Schroeder, L'Avocat de la terreur ? Jacques Vergès revient visiter la prison d'Alger en compagnie de plusieurs de celles qu'il avait défendues pendant la guerre d'Algérie et qui avaient été condamnées à mort. Lorsque la question lui est posée : "Quelle aurait été votre réaction, si l'une d'elles avait été guillotinée ?”, son visage de sphinx se décompose et, réprimant un sanglot, il s'exclame : "J'aurais abattu le procureur..." Tel était Jacques Vergès, d'une violence verbale inouïe, mais d'une extrême sensibilité. Excellent rhéteur, ses réparties faisaient mouche le plus souvent. À ses détracteurs qui lui reprochaient de piètres résultats judiciaires, ce qui le vexait cruellement, il répliquait que pas un seul de ses clients n'avait alors été exécuté. N'était-ce pas la preuve, protestait-il, que la défense de rupture s'était imposée comme la seule stratégie utile, devant les tribunaux militaires ? Ce n'est qu'après l'avoir ainsi pratiquée que Jacques Vergès la théorisa, dans son fameux De la stratégie judiciaire (Minuit, 1968). Ce livre-culte inspira des générations d'avocats, stimulés par sa provocante dialectique. "Le but de la défense n'est pas tant de faire acquitter l'accusé que de mettre en lumière ses idées", y lisait-on, ou encore : "La rupture bouleverse toute la structure du procès ; au premier plan apparaît soudain la contestation brutale de l'ordre public ! Ces proclamations de principe vous font aujourd'hui sourire, n'est-ce pas." UN AVOCAT LÉGALISTE Il est vrai que les temps ont changé. Dans les cours d'assises, en général, les accusés n'ont guère d'autre cause à défendre que la leur. Ils s'acharnent à contester les faits et n'attendent pas autre chose de leurs avocats, dont c'est le rôle, que d'obtenir un jugement clément. Jacques Vergès lui-même s'y résolut dans nombre de procès ordinaires dans lesquels il intervint jusqu'à la fin de sa vie. La défense de rupture n'a en effet de sens que dans des contextes bien spécifiques : une situation de crise sociale et politique majeure, voire une guerre civile, qui mobilise des militants prêts à sacrifier leur liberté ou leur vie pour leur camp, et qui, lors de leur comparution devant les tribunaux, loin de se soucier de leur sort, n'hésitent pas à se lever pour crier aux juges, comme le fit Karl Liebknecht à Berlin en 1916 : "Je suis ici pour accuser, non pour me défendre !" C'est ce qu'expliqua fort bien Marcel Willard, un avocat communiste aujourd'hui injustement oublié, dans son livre La Défense accuse (Editions sociales, [1938] 1951). Lénine, raconte-t-il, avait fixé cette ligne de conduite dès 1905, à tous les Bolcheviks traduits en justice : "Défendre sa cause et non sa personne, assurer soi-même sa défense politique, attaquer le régime accusateur, s'adresser aux masses par dessus la tête du juge..." Tout était dit. Comme on le voit, Jacques Vergès n'a pas été l'inventeur de la défense de rupture, mais son propagateur. Plus encore, il l'incarna en tant qu'avocat. C'est une différence majeure qu'il faut souligner, car dans la pure tradition bolchevique, l'avocat est un bourgeois, un conservateur dont le révolutionnaire doit se méfier, ce que Willard illustra par l'exemple d'André Marty, le mutin de la Mer noire, dont l'avocat l'avait trahi, plaidant malgré lui la démence pour le sauver du peloton... Cette défiance envers les avocats atteignit son comble lors des procès des Brigades rouges, en Italie. Souvenez-vous de l'assassinat du bâtonnier de l'ordre des avocats de Turin, en 1977. Les brigadistes avaient récusé leurs avocats qu'ils accusaient d'être les complices des magistrats. Comme le bâtonnier Crocce leur en commit d'office, ce qu'exigeait la loi, ils le firent assassiner et revendiquèrent ce crime pour signifier ainsi leur rupture totale avec le système judiciaire. En ce sens, Jacques Vergès fut un avocat légaliste. En incarnant cette figure de l'avocat de rupture, il demeura un avocat, assurant la défense nécessaire de terroristes, qui l'acceptèrent comme tel, sans que jamais lui-même se soit vu reprocher de s'en être rendu le complice. L'avocat qu'il fut maintint de la sorte ce lien essentiel entre la justice, le barreau et ces accusés, sans lequel aucun procès n'est plus possible. Les seules armes dont il fit usage furent le droit et la rhétorique. Certes, par la suite, ses prises de position et surtout les arguments qu'il employa lors du procès de Klaus Barbie, dont il fut le défenseur, à Lyon en 1987, choquèrent par l'outrance des paradoxes qu'il maniait jusqu'à l'absurde. Il déçut même certains de ses partisans. Mais après tout, n'était-ce pas sa liberté d'expression? Dans son dernier livre, De mon propre aveu (éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2013), il se livra encore à ce jeu, évoquant son ami Khieu Sampan [ancien dirigeant khmer rouge], avec lequel, dit-il, il se promenait en vélo... Laissons-lui sa part de mystère, car Jacques Vergès aimait se dissimuler pour n'apparaître que dans le rôle qu'il s'était composé, comme l'acteur de sa propre pièce. C'est d'ailleurs sur les planches du Théâtre de la Madeleine qu'il se produisit pour la dernière fois, déclamant un vibrant éloge de l'art de la défense : "Serial plaideur". Homme de culture, Jacques Vergès, seul en scène, y citait ce livre d'Ernst von Salomon Les Réprouvés (Omnia, [1930] 2011). L'aveu de sa solitude de révolté. François Saint-Pierre 16 août 2013 __________ Saint-Pierre François (avocat) | idees | 12 |
Chronique. S’agit-il d’un scandale d’Etat ? Ces mots sont si galvaudés qu’il faudrait sans doute plutôt parler de crime, ou de honte d’Etat. L’affaire du chlordécone revient à intervalles réguliers dans l’actualité nationale, suscitant de brèves bouffées d’indignation, avant de retourner invariablement à l’oubli. Cette semaine, l’enquête publiée par Le Monde, sous la signature de notre collègue Faustine Vincent, a remis l’affaire en lumière, mais, dans quelques jours, le flot des événements l’ensevelira de nouveau. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Chlordécone : les Antilles empoisonnées pour des générations Aux Antilles, au contraire, elle ne disparaît jamais des esprits. L’inquiétude et la colère sont là pour durer. A juste raison. Le chlordécone est ce pesticide très persistant, utilisé massivement dans les bananeraies ultramarines entre 1972 et 1993 – il était alors interdit à peu près partout ailleurs. Il imprègne aujourd’hui, sur de vastes territoires de Guadeloupe et de Martinique, les sols, les eaux de surface et souterraines, la faune domestique et sauvage, les écosystèmes marins côtiers. Les Antilles contaminées pour quatre siècles Les humains ne font pas exception. Plus de 90 % des Antillais présentent des traces de ce perturbateur endocrinien, parfois à des niveaux tels que des conséquences sanitaires graves sont une quasi-certitude. Des travaux suggèrent un doublement du risque de cancer de la prostate pour une grande part de la population masculine, un effet négatif sur la cognition et la motricité fine des enfants exposés in utero… L’essentiel du désastre n’est pas documenté ; une part immense de ses dégâts est – et demeurera – littéralement incalculable. Un chiffre donne en tout cas toute la mesure du problème : la contamination des Antilles durera quatre à sept siècles – le temps que la molécule se dégrade. Saisir la situation dans toute son ampleur et son étrangeté produit un sentiment de sidération. Et ce d’autant plus que cet empoisonnement a été décidé en connaissance de cause. Dans une analyse des archives du ministère de l’agriculture publiée en 2009, Matthieu Fintz, alors sociologue à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), a montré que, dès la fin des années 1960, la persistance des substances organochlorées dans l’environnement et la chaîne alimentaire était non seulement bien connue des experts de la défunte « commission des toxiques » (ou « ComTox »), mais qu’elle était aussi une source d’inquiétude. Autorisation rejetée en 1969 | idees | 12 |
Résultats définitifs - Côtes-d'Armor. Le Monde C'est le principal résultat-suprise, en Bretagne, de ces départementales : les Côtes-d'Armor ont basculé à droite. Les listes d'union de la droite ont emporté 17 des 27 cantons du département. L'UMP a notamment réussi à prendre le canton-clef de Pléneuf-Val-André, et le leader départemental de l'UMP, Marc Le Fur, a revendiqué sa victoire peu après 20 heures. hors MoDem et candidats « divers », les binômes de droite obtiennent 28 sièges sur les 54 que compte le conseil général. Retrouvez le détail des résultats dans le département des Côtes-d'Armor Dans ce département solidement ancré à gauche depuis 1976, le Front national (FN) avait crée la surprise au premier tour, en devançant d'une courte tête (18,99 %) les divers droite (18,53 %) et le Parti socialiste (18,38 %). Le PS n'arrivait qu'en troisième position malgré son alliance avec le Parti communiste français – c'est l'alliance des deux partis qui lui avait permis de conquérir, puis de conserver le département pendant trente-neuf ans. Le FN n'obtient finalement aucun élu. Voir le reportage : Dans les Côtes-d’Armor, le FN des campagnes fait son nid Les candidats FN du canton de Broons au marché de Merdrignac (Côtes-d'Armor), le 11 mars. LeMonde.fr Une seule triangulaire avait lieu dans le canton de Broons entre les divers droite, le PS et le FN, alors que les trois partis étaient pourtant au coude à coude, en moyenne, sur l'ensemble du département. Retrouvez tous les résultats des départementales 2015 en France | politique | 9 |
Plus de trois mille personnes se sont rassemblées au parc de La Villette, à Paris, jeudi 8 juillet, pour une marque de vêtements. L'enseigne espagnole Desigual organisait ce jour-là un "flashmob", c'est-à-dire la mobilisation éclair d'un groupe de personnes dans un lieu public pour y effectuer une action particulière, souvent loufoque. Convertis en acteurs bénévoles d'un nouveau genre de publicité, les participants présents au parc de La Villette se mettent à s'embrasser. Le message de la marque est vague et plutôt consensuel : "défendre la paix, la vie, l'amour universel". La jeune foule, ballons rouges en forme de coeur siglés Desigual à la main, se prête au jeu. Arborant fièrement leur T-shirt offert par la marque, Tifenn, 26 ans, et Rose, 27 ans, comptent bien faire l'expérience du baiser : "C'est une soirée libre, on peut faire ce qu'on veut." Au départ, le flashmob était un acte gratuit, organisé par une communauté d'internautes, prévenus du lieu et de l'heure du rendez-vous au dernier moment par mail ou par SMS. Les premiers rassemblements de ce type ont eu lieu début 2003, aux Etats-Unis. Ainsi, à New York, deux cents personnes ont prétendu hésiter à acheter un tapis excessivement cher, au neuvième étage d'un grand magasin. Le premier flashmob français, en août de la même année, a été organisé au Louvre, à Paris. Une centaine de personnes ont marché ensemble dans le hall du musée avant de s'immobiliser et de s'écrouler. Une minute plus tard, le groupe s'est relevé, a applaudi puis a quitté les lieux. Les médias n'ont pas tardé à relayer cette étrange forme d'expression. Sur la Toile, blogueurs et membres des réseaux sociaux s'échangent les vidéos de ces happenings d'un nouveau genre. Les marques flairent le filon. L'un des premiers flashmobs marketing français est une initiative d'Air France, en 2007 : les participants, informés par SMS du lieu et de l'heure de rendez-vous, devaient se munir d'un objet en rapport avec l'une des destinations mises en jeu - par exemple, une paire de baguettes pour Hongkong -, pour gagner des billets aller-retour. | vous | 8 |
Benoît Hamon à l'Elysée, le 3 juin. AFP/ALAIN JOCARD On ne sait pas encore précisément par quoi ils seront remplacés. On sait, en revanche, qu'ils ne devraient pas être généralisés à la rentrée 2014. Les « ABCD de l'égalité », outil phare de lutte contre les inégalités entre filles et garçons issus de la Convention interministérielle pour l'égalité – signée pour la période 2013-2018 par six ministres, dont Vincent Peillon à l'éducation et Najat Vallaud-Belkacem aux droits des femmes –, vivent sans doute leurs dernières heures. « On ne renoncera pas à l'ambition, mais on s'apprête à en renouveler les modalités, en misant sur la formation des enseignants, en respectant leur liberté pédagogique », se défend-on Rue de Grenelle, en promettant un « plan d'action » pour lundi 30 juin. Sacrifier les « ABCD », expérimentés depuis l'automne dans 275 écoles – sur 48 000 –, pour que les enseignants, pris pour cible par les lobbys traditionalistes, puissent endosser plus sereinement leur mission ? C'est le message que s'échine à faire passer le ministre de l'éducation, Benoît Hamon, sans réussir à gommer l'impression, quatre mois après l'abandon de la loi famille, que le gouvernement cède du terrain aux « anti-genre ». Lire aussi le reportage : Egalité filles-garçons : « Tout l'enjeu est d'être à l'écoute des enfants sans juger » « NOUS SERONS AMBITIEUX SUR LES PROGRAMMES » « Je veux apaiser », a reconnu le ministre sur France Culture, mercredi 25 juin. « Je regrette qu'on s'attache à l'enveloppe, au contenant, et pas au contenu. » Une « enveloppe » que la Manif pour tous et les partisans de la militante proche de l'extrême droite Farida Belghoul persistent à voir comme le cheval de Troie d'une prétendue « théorie du genre » à l'école. Prenant ses distances avec le concept d'expérimentation – « Ça m'inquiète, a glissé le ministre, j'ai eu beaucoup de remarques des parents d'élèves disant : “Expérimentation, sur les enfants, si vous pouviez éviter”… » –, M. Hamon entend inscrire l'égalité entre les sexes dans la formation et les enseignements. « Nous serons ambitieux sur les contenus des programmes qui vont du CP jusqu'à la 3e du socle commun », a-t-il assuré mercredi, laissant de côté la grande section, pourtant concernée par les ABCD. Inscrire la thématique dans le « socle commun » – ce que tout élève doit maîtriser à 16 ans ? C'est l'une des hypothèses qui avaient circulé lors de la démission d'Alain Boissinot de la présidence du Conseil supérieur des programmes, le 9 juin, même si le principal intéressé avait démenti avoir été saisi du dossier. Quant à l'intégrer dans les programmes du primaire, cela n'a rien de nouveau : le thème figure déjà dans ceux de 2008, comme dans ceux de 2002. Sans garantie que cela suffira à calmer les milieux « tradis », l'option laisserait un an de plus au gouvernement pour sortir de la polémique : le nouveau « socle » n'entrerait en vigueur qu'à la rentrée 2016, si l'on se fie à un agenda mouvant. « C'EST UN BILAN POSITIF GLOBALEMENT » Le calendrier fixé par l'ex-ministre de l'éducation Vincent Peillon prévoyait une « évaluation » des ABCD entre avril et juin, « en vue de généralisation » à la rentrée. Avant même la divulgation du rapport d'évaluation attendue lundi, M. Hamon a donc tranché. « En dépit » du rapport, pourrait-on dire, car le ministre l'a reconnu sur France Culture : « C'est un bilan positif globalement, [qui ressort] de ces initiatives pédagogiques. » Selon nos informations, bon nombre des classes pilotes souhaitent aller de l'avant. Un « bilan d'étape » communiqué par le ministère le 13 janvier faisait état de remontées très positives. « 75 % des enseignants pensent désormais pouvoir agir sur la durée, sur eux-mêmes et sur les élèves pour créer les conditions d'une éducation à l'égalité pour les filles et pour les garçons », indiquait le ministère. Car le constat est là : quarante ans après que la mixité a été rendue obligatoire à tous les niveaux d'enseignement, trente ans après que l'éducation nationale a inscrit dans ses missions la promotion de l'égalité, un rapport des inspections générales divulgué à l'été 2013 rappelait que « les stratégies des élèves sont largement influencées par leur appartenance de genre ». A l'époque, le mot n'était pas – encore – tabou. | societe | 3 |
Des habitants de Trèbes, près de Carcassonne, dans l’Aude, sont évacués par les pompiers, lundi 15 octobre 2018. PASCAL PAVANI / AFP Les orages et les inondations, qui ont frappé l’Aude dans la nuit de dimanche à lundi 15 octobre, figurent parmi les intempéries les plus meurtrières survenues en France depuis une dizaine d’années. 24 janvier 2009 : La tempête « Klaus » fait douze morts et cause d’importants dégâts dans le Sud-Ouest, notamment dans les Landes. 28 février 2010 : La tempête Xynthia, qui frappe surtout la Loire-Atlantique, la Vendée, la Charente-Maritime ainsi que les Pyrénées, fait 53 morts, dont 29 morts à La Faute-sur-Mer. Il y a plusieurs centaines de millions d’euros de dégâts. 15 juin 2010 : Des pluies torrentielles font 23 morts, deux disparus et près d’un milliard d’euros de dégâts dans le Var. Des villages sont dévastés. On recense plus de 30 000 sinistrés. 10 novembre 2011 : Les intempéries dans tout le Sud-Est provoquent la mort de cinq personnes et de gros dégâts. 1er février 2012 : Une vague de froid s’installe pendant quinze jours. Jusqu’à 55 départements sont en « alerte orange ». Une douzaine de personnes meurent de froid ou dans des accidents dus à la neige ou à un chauffage défectueux. 19-20 janvier 2013 : Neige et verglas frappent 53 départements et font six morts dans des accidents de la route. 17-18 septembre 2014 : Cinq personnes sont tuées dans l’Hérault, dont quatre dans un camping de Lamalou-les-Bains, emportées par la crue soudaine d’un cours d’eau après de violents orages qui frappent aussi le Gard et l’Aveyron. 15 novembre 2014 : Six personnes trouvent la mort dans les intempéries sur le Gard, la Lozère et les Hautes-Alpes. Cinq d’entre elles sont mortes noyées dans leurs voitures emportées par les flots. 28 novembre 2014 : Les intempéries sur le Var font quatre morts et un disparu. L’Aude et les Pyrénées-Orientales sont également frappées et trois mille habitants doivent être déplacés. 3 octobre 2015 : De violents orages s’abattent sur les Alpes-Maritimes et le Var faisant 20 morts dans les inondations. 6 septembre 2017 : L’ouragan Irma, de catégorie maximale 5, balaye les îles françaises de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, dévastant tout sur son passage. Il laisse derrière lui onze morts, sept disparus et 112 blessés. Les dégâts sont considérables. 2-4 janvier 2018 : Les tempêtes Carmen et Eleanor se succèdent. On relève d’abord un mort dans les Pyrénées-Atlantiques le 2 janvier. Les 3 et 4, les rafales d’Eleanor frappent la moitié nord, les Alpes et la Corse. Sept personnes sont tuées. 8 juin 2018 : Plusieurs jours de pluie et d’orages dans différents départements – Eure, Cher ou Lot-et-Garonne, etc. – provoquent des inondations et la mort de quatre personnes. 15 octobre 2018 : Les pluies violentes qui s’abattent sur l’Aude dans la nuit de dimanche à lundi font plusieurs victimes au nord de Carcassonne. | climat | 207 |
LA LISTE DE LA MATINALE Comme tous les ans, l’ouverture du Festival de Cannes, mercredi 17 mai, provoque, comme par un effet de vases communicants, une sévère pénurie de films en salle. Exceptionnellement, nous ne vous en recommanderons donc qu’un seul, Les Fantômes d’Ismaël, d’Arnaud Desplechin, qui ouvre la manifestation cannoise et sort en même temps sur les écrans. Nous profitons de ce moment de calme pour recommander une nouvelle fois des films toujours à l’affiche, et une rétrospective. PORTRAIT DE L’ARTISTE EN SCHIZOPHRÈNE. « Les Fantômes d’Ismaël », d’Arnaud Desplechin Pour ouvrir la 70e édition du Festival de Cannes, mercredi 17 mai, Thierry Frémaux a choisi de montrer Les Fantômes d’Ismaël dans une version que son auteur, Arnaud Desplechin, qualifie de « française ». D’une durée d’une heure cinquante, c’est celle que le distributeur du film, Le Pacte, présente dans la majorité des salles de l’Hexagone. Une autre existe, plus longue de vingt minutes, que Desplechin nomme « version originale », ou « director’s cut ». A partir d’un même tronc commun long d’une bonne heure, toutes deux racontent les tourments d’Ismaël, double de l’auteur que vient hanter, alors qu’il travaille au scénario d’un nouveau film, le spectre de son premier amour. Mais alors que la première a la forme aboutie, complexe, sophistiquée, d’un autoportrait du cinéaste en miettes, la seconde laisse l’impression d’une œuvre déséquilibrée, dont la nécessité ne semble pas aussi évidente. Les Fantômes d’Ismaël commence comme un film d’espionnage. Des diplomates français parlent d’un certain Dedalus. Jeune homme brillant, surgi de nulle part, il a enchaîné les postes dans les régions les plus troubles de la planète, disparaissant et réapparaissant régulièrement, sans crier gare. Serait-il un espion ? De même qu’Antoine Doinel fusionnait à l’écran les personnalités de Jean-Pierre Léaud et de François Truffaut, Dedalus fut longtemps ce personnage récurrent de l’œuvre de Desplechin incarné par son acteur fétiche, Mathieu Amalric. Dans Trois souvenirs de ma jeunesse, le jeune Quentin Dolmaire en proposait un nouvel avatar, le souvenir que Dedalus, arrivé au seuil de la cinquantaine et toujours interprété par Amalric, gardait de lui-même adolescent. Il revient ici doté d’un nouveau statut, celui de double fictionnel d’Ismaël, un réalisateur qui a les traits de Mathieu Amalric et dont le nouveau scénario s’inspire de la vie de son frère Ivan, un personnage joué par Louis Garrel. Ismaël est veuf, depuis qu’il a déclaré la mort de sa femme, Carlotta, disparue il y a vingt ans. Mais la voilà qui refait surface, sous les traits de Marion Cotillard, alors qu’il passe quelques jours avec sa compagne Sylvia (Charlotte Gainsbourg), dans sa maison de la côte atlantique. Son frêle équilibre vacille, et le récit explose, voyant se dédoubler les reflets de ses personnages qui apparaissent pour ce qu’ils sont : des virtualités requalifiables à l’infini. Dans cet état de confusion, de trop-plein narratif, s’esquisse un commentaire du processus créatif d’Arnaud Desplechin, cinéaste vampirique dont la vision se coule dans des formes empruntées à la vie de ses proches. A défaut de provoquer le vertige, l’obstination toute pénélopienne qu’il met à relancer ses vieux fantômes dans de nouveaux canevas, sidère autant qu’elle impressionne. Isabelle Régnier « Les Fantômes d’Ismaël », film français d’Arnaud Desplechin avec Mathieu Amalric, Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg (1 h 50 ou 2 h 10). VOYAGES, VOYAGES. Rétrospective Barbet Schroeder au Centre Pompidou Si l’on veut trouver un fil conducteur dans le parcours du plus déconcertant des cinéastes issus de la Nouvelle Vague, on le trouvera peut-être dans cette idée du cinéma comme une action qui force son auteur à bouger, à sortir de lui-même. Du tournage clandestin de More, son premier long-métrage, dans l’Espagne franquiste à celui, tout aussi discret, du Vénérable W., en Birmanie, les films de Barbet Schroeder se lisent comme une série d’aventures et d’épreuves que le cinéaste s’est imposées à lui-même. En 1972, il mène une équipe dans une région inexplorée de Nouvelle-Guinée pour y tourner La Vallée, une fiction qui sonne, sur une magnifique bande originale de Pink Floyd, le glas des utopies de la décennie précédente. Deux ans plus tard, il est en Ouganda, à la cour d’un dictateur sanguinaire et puéril, à qui il a proposé la confection d’un film à sa gloire. Décidé à tourner aux Etats-Unis, Barbet Schroeder choisit comme cheval de Troie le moins recommandable des personnages californiens, l’écrivain Charles Bukowski, et doit attendre huit ans pour arriver à ses fins : Barfly, avec Mickey Rourke et Faye Dunaway, qui jouent sur un scénario original de Bukowski, sort en 1987. Alors que Barbet Schroeder semble enfin installé quelque part, à Hollywood, il repart en 2000 à Medellin (Colombie), où il dirige La Vierge des tueurs. Viendront ensuite la fréquentation assidue de l’avocat Jacques Vergès, qui produira L’Avocat de la terreur (2007), et le voyage à Tokyo, dans les studios de la Toho où il dirige une équipe japonaise pour Inju. A sa façon, lucide, souvent légère, Barbet Schroeder est fasciné par l’addiction, par le passage à l’acte criminel, par les formes extrêmes du désir érotique. Le cinéaste poursuit ces monstres séduisants aussi bien en imagination que dans la réalité. Dans Le Mystère von Bülow, Jeremy Irons est un monstre de froideur dont on finit par se moquer qu’il ait ou pas empoisonné sa femme – il en est capable, et c’est ce qui le rend fascinant. Dans L’Avocat de la terreur, Jacques Vergès provoque le même type de vertige qui mêle intimement l’admiration et la répulsion. Charles Bukowski était alcoolique, aussi dépendant à sa drogue d’élection qu’Elric, le joueur qu’incarne Jacques Dutronc dans Tricheurs. Ils sont filmés d’aussi près l’un que l’autre, jusqu’à ce que le plus abstinent des spectateurs hume les vapeurs d’alcool, frissonne à l’approche d’une table de roulette. Thomas Sotinel Rétrospective Barbet Schroeder. Centre Pompidou, Paris 4e, jusqu’au 11 juin. Coffret « Barbet Schroeder, un regard sur le monde » et DVD « The Charles Bukowski Tapes », Carlotta Editions. BIENVENUE CHEZ LES ZADISTES. « Problemos », d’Eric Judor C’est l’été. Une famille de Français moyens quitte l’autoroute des vacances pour faire une halte dans une communauté zadiste. Jeanne, la mère, jeune femme dynamique tendance super bobo (Célia Rosich), a été invitée par son ancien prof de yoga, un des fondateurs du mouvement. Victor (Eric Judor), le père, informaticien de son état, la suit à reculons, tandis que leur fille préadolescente pique crise de nerfs sur crise de nerfs à l’idée qu’il va lui falloir laisser son iPhone à l’entrée du camp, comme l’exige la charte de la zone sans onde. Tout se compliquera lorsqu’un virus aura décimé alentour l’humanité entière, en s’arrêtant à la porte du camp zadiste. Réalisé par Eric Judor, coécrit par Noé Debré, scénariste proche de Jacques Audiard et de Blanche Gardin, humoriste passée par le Jamel Comedy Club et familière des milieux militants, Problemos séduit par la manière qu’il a de s’inscrire de plain-pied dans une réalité à la fois médiatisée et polarisante et qui n’avait guère été prise en charge par la fiction jusqu’à présent. En plongeant une famille soumise aux normes de la société de consommation dans cette communauté de bric et de broc (le vieux hippie écolo, la féministe vindicative, le pseudo-chaman, l’ancien djihadiste…), les auteurs s’offrent un terrain de comédie fertile. Le folklore altermondialiste (culture capillaire tendance art brut, chants de républicains espagnols massacrés à l’accent français, communication à base de petits moulinets avec les mains…) sert de toile de fond à une série de gags qui visent essentiellement l’esprit de sérieux et le ton sentencieux de la rhétorique militante. Isabelle Régnier « Problemos », film français d’Eric Judor, avec Eric Judor, Blanche Gardin, Youssef Hajdi (1 h 25). LA FACE NOIRE DE L’AMÉRIQUE. « I’m not Your Negro », de Raoul Peck Avec sa voix de hautbois, son regard enfantin, James Baldwin est le héros improbable d’un des plus beaux films de ces derniers mois. Homosexuel, cet écrivain afro-américain né en 1924 et mort en 1987 a vécu en exil en France avant de regagner les Etats-Unis au début des années 1960 alors que le combat pour les droits civiques y faisait rage, et il est l’une des voix les plus importantes de la littérature américaine. Exhumant un texte inachevé écrit en 1979, moment sombre de la cause noire aux Etats-Unis, à la veille de l’élection de Ronald Reagan, et de l’épidémie de crack, le réalisateur, Raoul Peck, l’acclimate au présent, celui du mouvement Black Lives Matter, qui s’est levé contre la ségrégation par balles pratiquée par les forces de l’ordre aux Etats-Unis, celui aussi des affrontements de Ferguson (Missouri) et des deux mandats d’un président noir auquel a succédé un candidat soutenu par le Ku Klux Klan. Le manuscrit de James Baldwin portait le titre de Notes Toward Remember This House (« notes pour En souvenir de cette demeure »). A la fois notes d’intention et synopsis, le texte proposait à l’éditeur de l’écrivain un triptyque en hommage à Medgar Evers, Malcolm X et Martin Luther King, assassinés respectivement en 1963, 1965 et 1968, trois dirigeants du mouvement protéiforme qui s’est opposé à la ségrégation et au racisme américains. Il dessine les figures de Medgar Evers (dirigeant étudiant qui a vécu et combattu dans le Mississippi, assassiné devant sa famille par un membre du Klan, ce dernier étant acquitté à deux reprises par des jurys blancs), Malcolm X et Martin Luther King, esquissant les trajectoires convergentes de ces derniers. Peck exhume des images fortes, exaltantes – la marche sur Washington de 1963 – ou terrifiantes – l’entrée dans un lycée de Charlotte (Caroline du Nord) d’une adolescente bombardée d’insultes racistes par ses condisciples et leurs parents, qu’il monte en outre avec des archives de Baldwin lui-même, qui intervenait beaucoup à la télévision. Pour l’écrivain comme pour le cinéaste, le racisme n’est pas la seule faille de l’acier américain. Pendant que le premier moque une société sans âme, tout entière tournée vers l’accumulation des richesses matérielles, le second choisit avec un entrain féroce des moments de cinéma tirés de comédies sentimentales des ères Eisenhower et Kennedy. En même temps que les chiens attaquaient les manifestants noirs qui demandaient à être servis dans les restaurants du Sud, Doris Day et Rock Hudson batifolaient dans des cuisines scintillantes. Thomas Sotinel « I’m not Your Negro », documentaire français de Raoul Peck (1 h 34). | cinema | 16 |
Dans le quartier de Sur, le centre-ville historique de Diyarbakir, dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie, les maisons et commerces sont criblés de balles. ©Emilien Urbano / ©Emilien Urbano/MYOP Dans le quartier de Sur, le centre-ville historique de Diyarbakir, dans le sud-est à majorité kurde de la Turquie, les électeurs se rendent aux urnes en longeant dimanche 1er novembre les parois par endroit criblées de balles de leurs maisons et de leurs commerces. Témoignages de la violence des combats qui ont opposé ici les militants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) aux forces de police, du 10 au 12 octobre, les impacts de balles voisinent avec des graffitis à la gloire de la guérilla kurde et d’autres, moins fréquents, laissés par les forces de police lors des affrontements. L’un d’entre eux écrit à la peinture noire sur toute la longueur d’une maison abandonnée par ses habitants après les combats prévient la population de ce quartier populaire largement acquis au mouvement kurde : « Nous vous ferons sentir la force turque, le pouvoir de Dieu est infini. » Lire aussi le factuel Turquie : Les islamo-conservateurs reprennent la majorité absolue au Parlement « Je n’attends plus rien » L’atmosphère est lourde autour de l’école primaire Yavuz Sultan Selim, où les habitants du quartier sont appelés à voter. Elham Cosanak, étudiant à l’université de Diyarbakir et habitant de Sur, ne fonde plus beaucoup d’espoir dans les élections législatives anticipées qui se tiennent aujourd’hui dans toute la Turquie : « Ces nouvelles élections n’ont pas de sens pour moi, je n’attends plus rien de la démocratie turque. » Après les élections législatives du 7 juin, le Parti de la justice et du développement (AKP), formation islamiste et conservatrice au pouvoir depuis 2002, n’est pas parvenu à recueillir les suffrages nécessaires pour gouverner seul le pays, affecté par la percée historique du Parti démocratique des peuples (HDP) dans le sud-est du pays. Franchissant avec 13,3 % des voix le barrage constitutionnel de 10 % qui conditionne l’entrée des partis politiques au Parlement turc, le HDP transformait le mouvement kurde en un acteur politique légitime tout en remettant en cause l’hégémonie de l’AKP sur les institutions du pays. Lire aussi le cadrage Législatives turques : Erdogan peut-il espérer gouverner seul ? Dans le contexte de crise politique liée à l’échec des tentatives de formation d’une coalition gouvernementale et à l’organisation de nouvelles élections, la reprise des affrontements entre les forces de sécurité turques et le PKK ont porté la Turquie au bord du chaos, tandis que les attentats attribués à l’Etat islamique contre des manifestants d’opposition à Ankara le 10 octobre achevait de faire plonger le pays dans un climat de peur et de violence. « Tout a changé depuis le 7 juin. Nous étions remplis d’attentes, d’espérances, nous attendions la paix et la naissance d’une Turquie unie et démocratique, aujourd’hui tout cela appartient au passé », regrette Ilham. Police et intimidation Au bureau de vote de l’école Yavuz Sultan Selim, on constate une nette baisse de la participation à la mi-journée. « A cause des violences qui ont lieu, les gens ont peur de venir voter à Sur, ils craignent que le vote dégénère à nouveau », analyse Mehmet, un assesseur. Dans la cour de récréation de l’école, un véhicule blindé des forces spéciales de la police, celles-là même qui ont affronté la jeunesse du quartier et les militants armés du PKK en octobre dans les rues voisines a pris position. Six policiers armés de fusils d’assauts sont en faction, une mitrailleuse est posée sur le sol à proximité des enfants qui jouent au football en attendant leurs parents. « Je ressens de la haine quand je vois ces hommes dans notre école. Ils nous tuent et ils viennent ici pour empêcher les gens de voter », déplore Emine, une mère de famille du quartier. Ces policiers lourdement armés ont tenté d’empêcher le photographe du Monde de prendre des clichés en lui faisant savoir que le quartier de Sur était une « zone terroriste ». Le 1er novembre à Diyarbakir, en Turquie, les forces spéciales de police lourdement armées dans un des lycées qui accueillent les bureau de vote : « Pas de photos ici, c'est une zone terroriste. » Emilien URBANO/MYOP POUR "LE MONDE" Pour Feleknaz Ucan, ancienne membre turco-allemande du Parlement européen, aujourd’hui députée HDP, la présence des forces spéciales dans l’enceinte des écoles de ce quartier sensible en ce dimanche d’élection est une grave atteinte au bon déroulement du scrutin : « Il ne peut pas y avoir de vote démocratique quand des hommes armés sont présents près des bureaux de vote. C’est une mesure d’intimidation de la part du pouvoir. » Si certains électeurs s’en accommodent pour des « raisons de sécurité », leur déploiement dans les rues de Sur ajoute à la polarisation qui caractérise le scrutin et à un climat de tension palpable dans d’autres quartiers populaires de la ville. « Sous pression » Depuis le siège du parti où une dizaine de policiers ont pris leurs quartiers dans la salle de réunion, le directeur du centre de coordination électorale de l’AKP, Mehmet Ihsan Aytekin, dénonce quant à lui les pressions que subissent les volontaires affiliés à l’AKP présents dans les bureaux de vote, forcés de fermer les yeux devant les irrégularités, qu’il accuse les assesseurs appartenant au HDP de commettre pour gonfler le score de leurs partis : « Nous voulons participer à cette élection démocratiquement mais en face de nous se trouvent une organisation terroriste qui nous empêche de travailler normalement. » Dans l’école Turgut Özal du quartier de Sehitlik, un assesseur dépêché par l’AKP, visiblement apeuré, a cependant pu confirmer au Monde les pressions qui s’exerçaient sur lui avant de mettre fin à notre entretien, des membres du HDP nous invitant à quitter les lieux. Lire aussi Turquie : Jour de vote à Diyarbakir Dans un quartier plus cossu de la ville nouvelle — où la participation à la mi-journée était jugée équivalente à celle du dernier scrutin par les membres du bureau de vote établi dans l’école de Yenisehir et l’atmosphère moins tendue qu’ailleurs — les craintes devant l’avenir incertain qui s’ouvre pour la Turquie sont les mêmes. « Nous sommes sous pression. La dernière élection s’est très bien passée. J’ai toujours l’espoir que la paix arrive enfin en Turquie mais je ne fais pas confiance à ce gouvernement, j’ai peur de ce qui pourrait se passer après les élections, » explique Hamdiye Aktas, comptable à Diyarbakir. Au même moment au-dessus de la ville, le vacarme de deux avions de chasse au décollage depuis la base aérienne militaire de Diyarbakir se fait entendre. Egalement venu voter à Yenisehr, Idris Baluken, candidat du HDP à Diyarbakir en appelle au pouvoir en place à Ankara : « L’AKP doit respecter la volonté du peuple, sinon les violences vont reprendre et nous courons le risque d’une guerre. Je souhaite que nous recueillions encore plus de vote aujourd’hui que lors de la dernière élection. Nous allons faire comprendre à ce gouvernement que la logique de guerre n’est pas possible et c’est à nous [l’opposition] que reviendra la tâche de construire un gouvernement démocratique en Turquie. » Lire aussi le portrait Elections législatives en Turquie : Recep Tayyip Erdogan, ou la dérive autoritaire du président turc Firhat, étudiant venu voter à l’école de Yenisehir est pessimiste : « J’ai peur qu’une grande guerre éclate dans les villes de Turquie car ce gouvernement peut tout faire pour se maintenir au pouvoir. Je pense déjà à émigrer vers l’Europe si c’est le cas. » Tandis que l’après-midi avance, dans l’attente des résultats qui seront officiellement déclarés à 21 heures, Diyarbakir avance vers l’inconnu dans un concert de klaxons et de slogans émaillé de rares tirs d’armes automatiques. Résultat en baisse pour le HDP dans un bureau de vote de Baglar, bastion du mouvement kurde à #Diyarbakir #Turquie — allankaval (@Allan Kaval) | international | 13 |
C'est un nouvel assassinat d'un officiel du régime de Kaboul qui plonge un peu plus l'Afghanistan dans l'incertitude, à un moment crucial où les troupes de l'OTAN commencent cet été leur retrait graduel d'Afghanistan. Ghulam Haidar Hamidi, maire de Kandahar, la "capitale" du sud pachtoune du pays, a été tué mercredi 27 juillet par un kamikaze qui s'est fait exploser à l'intérieur même de l'enceinte de la municipalité. Ce dernier s'était glissé dans ce périmètre très surveillé en dissimulant ses explosifs dans son turban, attribut vestimentaire jamais fouillé par les gardes de sécurité. Il s'agit du deuxième assassinat en quinze jours d'une haute personnalité de Kandahar, fragilisant davantage les soutiens locaux du président afghan, Hamid Karzaï, dans cette province stratégique, bastion de l'insurrection. Une guerre de propagande Le 12 juillet, Ahmed Wali Karzaï, le demi-frère du chef de l'Etat, avait été tué par balles par l'un de ses gardes du corps. La disparition de ce "patron" politique du Sud afghan, personnalité éminemment controversée en raison de sa gestion partisane des affaires tribales au profit du clan des Popalzaï dont la famille Karzaï est issue, a créé un vide politique régional menaçant d'ajouter à l'instabilité générale en Afghanistan. Dans les deux cas, les talibans ont clamé leur responsabilité. Le Sud pachtoune avait été le théâtre privilégié, à partir du printemps 2010, d'une grande offensive militaire nourrie par le surge (renfort) de 30 000 hommes décidé par Barack Obama quelques mois plus tôt. Alors que les officiels de l'OTAN prétendent avoir expulsé les talibans de leurs fiefs à l'intérieur et autour de la cité de Kandahar, le double assassinat de MM. Karzaï et Hamidi brouille sérieusement le message sur un Sud en voie de normalisation. S'il est incontestable que les talibans ont été mis en difficulté sur le contrôle territorial de nombre de leurs places fortes, ils ripostent en lançant une campagne systématique d'élimination des officiels locaux qui hypothèque l'étape de la "bonne gouvernance" censée relayer l'effort militaire. Des dizaines de représentants de l'Etat, dont de nombreux chefs de la police, ont ainsi péri durant l'année écoulée dans des attentats ciblés, dans le sud mais aussi dans le nord du pays, jusque-là réputé plus "sûr". | asie-pacifique | 2 |
Ayoub El Khazzani, entendu mercredi 14 décembre devant le juge d’instruction, « assume ses responsabilités » dans l’attaque djihadiste contre un Thalys entre Amsterdam et Paris en août 2015, mais a cependant réfuté toute volonté de commettre un « massacre de masse », a déclaré son avocate à l’issue de l’audition. Le 21 août, ce Marocain de 27 ans, muni d’une kalachnikov et de neuf chargeurs pleins, avait ouvert le feu dans un Thalys Amsterdam-Paris, peu après son entrée sur le territoire français, près de la commune de Oignies (Pas-de-Calais). Il avait grièvement blessé un passager avant l’intervention de plusieurs voyageurs, dont des militaires américains, qui l’avaient maîtrisé et avaient permis d’éviter un massacre. « C’est en tant que djihadiste qu’il est monté dans ce Thalys » Entendu pendant plus de cinq heures devant un juge d’instruction antiterroriste, le suspect « s’est expliqué de manière circonstanciée sur tous les faits » et « a retracé dans les grandes lignes son parcours de la Syrie, la Turquie jusqu’en Europe. Avec [Abdelhamid] Abaaoud », l’un des coordinateurs des attentats du 13 novembre, a fait savoir son avocate Sarah Mauger-Poliak. « Il explique que c’est en tant que djihadiste qu’il est monté dans ce Thalys (…) mais ce qu’il comptait faire savoir, c’est qu’il n’était pas là pour (…) tuer n’importe qui dans ce Thalys. Pas du tout », a-t-elle assuré. L’avocate a évoqué « une cible précise, déterminée », avant d’ajouter sans plus de détails : « Il était là pour des raisons spécifiques. Ce n’est pas un hasard s’il est monté en première classe. » Jeudi, une source proche de l’enquête a précisé que le djihadiste « comptait s’en prendre à des Américains ». Mis en examen pour « tentatives d’assassinats à caractère terroriste », Ayoub El Khazzani avait à l’époque livré une version rocambolesque, expliquant avoir voulu rançonner les voyageurs du Thalys et avoir trouvé par hasard les armes dans un parc de Bruxelles où il dormait avec des sans-domicile-fixe. Convoqué depuis devant le juge, « il avait gardé le silence », toujours selon son avocate. | societe | 3 |
par Emmanuel Faye L’antisémitisme de Heidegger, déjà documenté notamment par ses propos sur les « nomades sémites » incapables d’avoir une révélation de « l’espace allemand », est aujourd’hui confirmé dans sa radicalité par la publication des premiers « Cahiers noirs ». J’ai décliné ma participation au colloque « Heidegger et “les juifs” », par désaccord avec le fait d’accorder, en l’invitant, une forme de légitimation à François Fédier, connu pour avoir défendu comme acceptable la position négationniste du principal introducteur de Heidegger en France, Jean Beaufret, lequel écrivait à Faurisson être parvenu aux « mêmes conclusions » que lui, au moment où ce dernier mettait publiquement en doute l’existence des chambres à gaz (« Le Monde des livres » du 29 septembre 2006). Les interventions transcrites et déjà diffusées par différents auditeurs m’amènent à trois considérations : 1. L’un des principaux organisateurs du colloque, Gérard Bensussan, a orienté son propos sur la mise en cause de la position selon laquelle la pensée exterminatrice de Heidegger ne mériterait pas le nom de philosophie. Il relativise l’antisémitisme heideggérien en décrétant que toute la pensée occidentale serait antisémite. Cela n’est pas exact. Car si Voltaire et l’idéalisme allemand développent un antijudaïsme problématique, il n’y a rien de tel, par exemple, chez Montaigne, Descartes, Leibniz ou Rousseau. Quant à l’antijudaïsme d’une partie des Lumières, il demeure sans commune mesure avec l’antisémitisme exterminateur des nationaux-socialistes. Bensussan caricature la position critique que j’ai défendue, pour en faire un diktat de « censeur », sans rappeler que, en 2006, j’ai appelé dans Le Monde à l’ouverture des Archives Heidegger à tous les chercheurs. Or Bensussan n’a pas signé cette pétition. Récemment évoqué par Eggert Blum dans les colonnes de l’hebdomadaire allemand Die Zeit, cet appel est en passe de prendre une dimension européenne. 2. Le responsable actuel des traductions de Heidegger en France, François Fédier, a poussé l’apologie de ce dernier jusqu’à modifier le sens du mot « déracification » (Entrassung), terme central de l’antisémitisme nazi, en le rapportant au « racé » et non plus au « racial », pour tenter de faire croire que l’auteur des « Cahiers noirs » ne serait ni antisémite ni raciste alors même qu’il déplore la « déracification totale » de la germanité. Ces falsifications sémantiques dont Fédier est coutumier le disqualifient pour superviser la traduction française annoncée de ces « Cahiers ». | livres | 0 |
Une assemblée générale de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire à l’Université Félix-Houphouët-Boigny, à Abidjan, en juillet 2016. SIA-KAMBOU / AFP Un groupe de scientifiques africains a lancé la semaine dernière un appel aux dirigeants politiques pour soutenir davantage la recherche en sciences et technologies dans le continent, avant le sommet Europe-Afrique d’Abidjan les 29 et 30 novembre. « Le continent africain souffre, malgré la compétence intellectuelle de ses chercheurs, de beaucoup d’insuffisances et de faiblesses en matière de recherche scientifique, de science et de technologie », écrivent les pétitionnaires dans cet « appel d’Abidjan 2017 en faveur de la science et la technologie ». L’investissement public dans la recherche scientifique est inférieur à 0,5 % du PIB dans la plupart des pays africains, déplorent les chercheurs, relevant que « ce sont les pays qui ont investi dans la formation des ressources humaines et dans la science qui sont aujourd’hui soit émergents, soit développés ». « Interpeller les décideurs africains » Ce faible montant investi dans la recherche scientifique est largement inférieur à l’objectif de 1 % du PIB du « plan d’action de Lagos (1980-2000) », selon l’appel lancé à l’initiative de la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique de Côte d’Ivoire, Ramata Ly-Bakayoko, et de chercheurs et universitaires d’Afrique de l’Ouest. Lire aussi Première tournée africaine pour Emmanuel Macron « La situation de la recherche africaine est désastreuse, avec moins de 100 publications par an dans les grandes revues internationales, contre 3 000 pour l’Europe », souligne le professeur Daouda Aïdara, président de l’Académie des sciences, des arts, des cultures d’Afrique et des diasporas africaines, l’un des initiateurs de l’appel. « Pour que l’Afrique se développe, il faut absolument accorder plus de place à la recherche et à l’innovation, avec des budgets d’au moins 1 % du PIB ». Avec leur appel d’Abidjan, les scientifiques entendent « interpeller les décideurs africains » à l’occasion du cinquième sommet Union africaine-Union européenne à Abidjan et demandent notamment la mise en place d’un « Conseil africain de la recherche scientifique et de l’innovation », à l’image du Conseil européen de la recherche. « Vous, décideurs et acteurs politiques de l’Union africaine, votre engagement à intégrer la recherche scientifique et technologique dans vos actions politiques sera déterminant pour l’avenir de notre continent », concluent-ils. | afrique | 18 |
Les ministres des affaires étrangères des Etats membres de l'OTAN se présentaient en ordre dispersé, jeudi 14 avril, à la réunion convoquée à Berlin sur les perspectives de règlement de la crise libyenne. Le président Sarkozy et le premier ministre britannique, David Cameron, souhaitent augmenter la pression militaire sur les forces pro-Kadhafi. Mais l'impasse sur le terrain a conduit la coalition, mercredi à Doha, à se mettre en quête d'un processus politique susceptible de placer le colonel Kadhafi en position de faiblesse au moment où commenceraient des pourparlers. Lire page 6 | a-la-une | 15 |
Christian Jacob, président du groupe UMP de l'Assemblée nationale, aux côtés de Jean-François Copé, le 5 novembre. AFP/JACQUES DEMARTHON Christian Jacob s'attend dimanche soir à « une très large victoire de l'UMP ». Invité mercredi de l'émission Questions d'info sur LCP en partenariat avec Le Monde, France Info, et l'AFP, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale a minimisé la forte poussée du Front national au premier tour : « Il faut ramener les choses à ce qu'elles sont. Quand on regarde les scores en voix, l'UMP et l'UDI, c'est 46 % des suffrages, le PS, la gauche et l'extrême gauche, c'est 38 %, et le Front national, c'est 4,9 % », a- t -il déclaré. Alors que Marine Le Pen parle de l'avènement du « tripartisme », le député relativise. « C'est ce qu'elle nous dit à chaque élection, Moi j'ai été élu la première fois en 1995, et j'avais combattu au deuxième tour un Front national qui faisait 43 %. Donc rien de nouveau là-dessus. » LE FN ET LA GAUCHE RENVOYÉS DOS À DOS Défendant la règle du « ni ni » qui a prévalu à l'UMP entre les deux tours, le député de Seine-et-Marne a renvoyé dos à dos le Front national, « un adversaire que nous avons toujours combattu », et la gauche « qui gère la France de manière catastrophique, qui nous insulte en permanence ». Assurant que l'UMP était « la seule alternative crédible face à la gauche », il a fustigé « un président de la République pris de panique, un gouvernement qui ne sait plus où il en est et une politique économique qui a conduit à la catastrophe ». Il a appelé à un « changement de cap et d'équipe après l'élection ». Refusant de prendre la poussée du FN comme un avertissement pour la droite, Christian Jacob a tressé des lauriers à Jean-François Copé. « Nous avons un président qui fait formidablement bien son travail, avec les équipes qui l'entourent », a-t-il affirmé, en fixant comme objectif à son parti de devancer le Front national aux prochaines élections européennes. « On trouvera une ligne de rassemblement crédible entre des projets extrêmes qui seront ceux présentés par la gauche et ceux par le Front national », a- t-il assuré . | municipales | 148 |
La bibliothèque idéale des journalistes du « Monde » L’équipe du « Monde des livres » a adressé cette question à ses consœurs et confrères : parmi les livres que vous avez lus pour nourrir votre travail, si vous deviez n’en conserver que sept, quels seraient-ils ? Vous vous occupez des questions internationales, de la chronique judiciaire, du théâtre, de la politique, de la sexualité ou de la photo ? Alors, dites-nous quels essais, romans, documents, biographies, albums… vous gardez toujours en tête, ou à portée de main, ceux auxquels vous revenez spontanément quand se présente telle actualité à couvrir, telle situation à éclairer. « Mes incontournables » : ainsi est baptisée cette sélection subjective. A les lire, et à les partager avec vous, on songe à la façon dont Georges Perec, dans Penser/Classer (Hachette, 1985), évoquait l’art de ranger sa bibliothèque : « C’est une opération éprouvante, déprimante, mais qui est susceptible de procurer des surprises agréables, comme de retrouver un livre que l’on avait oublié à force de ne plus le voir, et que, remettant au lendemain ce qu’on ne fera pas le jour même, on redévore enfin à plat ventre sur son lit. » J. Bi. « MES INCONTOURNABLES », PAR JACQUES MANDELBAUM François Truffaut sur le tournage de « La Sirène du Mississipi » (1969), avec Catherine Deneuve et Jean-Paul Belmondo. SCREEN PROD / PHOTONONSTOP André Bazin, la figure tutélaire L’invention (française) de la cinéphilie s’est ancrée, non seulement dans la passion des images, mais encore dans la manière de l’exprimer et de la raisonner, dans l’analyse, la dispute, l’amour fiévreux des mots et des idées. Cette pensée du cinéma a ses classiques, parmi lesquels André Bazin (1918-1958) représente la figure tutélaire, discutée bien sûr à quelques endroits de sa réflexion, mais restant à mes yeux indépassable. Recueil de ses principaux articles parus dans les années 1940 et 1950, Qu’est-ce que le cinéma ?, ouvrage percutant et intuitif (1975), invente l’alphabet d’un nouveau langage (« ontologie de l’image photographique », « robe sans couture de la réalité », « montage interdit ») qui ouvre pour des générations de cinéphiles ce divertissement d’ilotes à la conquête de son intelligence. CERF « Qu’est-ce que le cinéma ? », d’André Bazin, Cerf, « 7e art », 372 p., 19 €. François Truffaut, le passionné Grand cinéaste, François Truffaut (1932-1984) fut aussi grand critique, cultivant ici des qualités qu’on retrouverait là. Quelque chose d’à la fois cristallin et opaque, un formidable appétit de vie doublé d’une noirceur profonde. Les Films de ma vie (1975) et Le Plaisir des yeux (1987), deux livres radieux, dispensateurs d’ivresse, sont du genre qu’on met dans sa poche pour la vie puisqu’ils montrent aussi bien que les films regardent nos vies. Tout y est. La sûreté du goût, la férocité injuste envers les vieilles badernes, la vision intime et engagée d’un art, la passion d’aimer, la noblesse de l’admiration, le sens inouï de la formule. Au programme : Chaplin, Hitchcock, Bresson, Moreau ou Adjani. Pour la route, cette magnifique introduction à son double cinématographique : « Jean-Pierre Léaud est un acteur anti-documentaire, même quand il dit bonjour, nous basculons dans la fiction, pour ne pas dire dans la science-fiction. » FLAMMARION « Les Films de ma vie », de François Truffaut, Champs, « Arts », 360 p., 9 €. « Le Plaisir des yeux », de François Truffaut, Champs, « Arts », 286 p., 8,20 €. Roland Barthes, ambivalent A rebours d’André Bazin, avec lequel il dialogua à distance variable, Roland Barthes (1915-1980) a toujours manifesté une ambivalence fondamentale pour le cinéma. Entre une franche hostilité contre l’artefact aliénant et une fascination inspirée pour des œuvres singulières comme celles de Pasolini ou Antonioni. « En sortant du cinéma » (paru dans la revue Communications, n° 23, 1975) est le texte de Barthes qui témoigne le plus clairement de cette ambiguïté, et qui la formule de la manière la plus touchante. Expérience hypnotique, expérience érotique, la salle obscure, son rayon de lumière qui bat, ses images qui nous avalent, distillent pour l’auteur une promiscuité et un endormissement de l’être à la coalescence desquels l’intellectuel qui ne s’oublie pas s’efforce de résister. Ce « décollement » est pour moi la désignation parfaite de mon propre rapport, plus problématique qu’il n’en a l’air, aux images, et partant de mon métier de critique de cinéma, où ni la jouissance ni l’analyse ne s’épuiseraient jamais mutuellement. | livres | 0 |
C'est à une écrasante majorité que l'Assemblée nationale française a approuvé, mardi 12 juillet, en fin d'après-midi, la prolongation de "l'intervention des forces armées en Libye", quatre mois après le début des opérations. Le Sénat a également débattu de cette intervention plus tard dans la soirée. Cette prolongation de l'engagement français a été soutenue par 482 députés (sur 516 votants), de la majorité comme du groupe socialiste et d'écologistes, alors que 27 élus, notamment communistes et membres du Parti de gauche, s'y sont opposés. Au cours du débat qui a précédé le vote, le premier ministre, François Fillon - soutenu par sa majorité comme par les présidents de la commission des affaires étrangères et de celle de la défense, Axel Poniatowski (UMP, Val-d'Oise) et Guy Tessier (UMP, Bouches-du-Rhône) - a justifié l'intervention française en rappelant le contexte du "vent de liberté qui soufflait sur le monde arabe", au début de l'année, et des menaces qui pesaient contre l'insurrection libyenne. "Pour nous, a-t-il déclaré, la Libye ne devait pas être l'hiver du printemps arabe." Il a assuré que "la France, depuis le début de l'intervention, s'en tient au mandat défini par le Conseil de sécurité des Nations unies" qui n'est pas "d'éliminer le colonel Kadhafi". Le premier ministre a notamment justifié la livraison "d'armes légères dans le djebel Nefoussa", au sud de Tripoli, une décision prise "de manière ponctuelle et dans un contexte très particulier en raison des menaces graves et imminentes que courait alors la population". "Une solution politique en Libye est plus que jamais indispensable et elle commence à prendre forme", a affirmé M. Fillon. Se félicitant que la France, en reconnaissant la première le Conseil national de transition (CNT) libyen avait "ouvert la voie", le premier ministre a énuméré les conditions de la suspension des opérations : "cessez-le-feu authentique et vérifiable", "fin des exactions contre les populations civiles", "libre accès de l'aide humanitaire" et "retrait du colonel Kadhafi du pouvoir". | libye | 52 |
Jeudi 15 septembre sur France 2, en partenariat avec "Le Monde", les six candidats à la primaire socialiste participent au premier débat télévisé organisé. Jean-Claude Coutausse frenchpolitics pour Le Monde Jeanne : Pensez-vous qu'une candidate ou qu'un candidat s'est largement démarqué des autres ? à l'inverse, qu'une candidate ou qu'un candidat a raté sa prestation ? Françoise Fressoz : Mes impressions peuvent être faussées dans la mesure où j'étais dans le débat et non pas un élément extérieur. Mais j'ai eu l'impression que de tous les candidats, Manuel Valls avait été le meilleur, dans la mesure où il a été très authentique. Tout ce qu'il a dit correspondait à ce qu'il a écrit, pensé, déclamé depuis qu'il est entré en politique. Comme il n'était pas le favori des sondages, il n'avait rien à perdre, au contraire. Il a donc joué la carte de l'authenticité et je pense que cela lui a réussi. A l'inverse, je trouve que Ségolène Royal a "sous-joué" par rapport à d'autres interventions télévisées. Elle était jusqu'à présent dans un registre "réponse aux résignés et indignés", c'est-à-dire à tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans le système politique actuel et elle a fait une prestation très classique. Guest : Quelles différences sont ressorties entre les candidats ? Il y a un premier axe de différence : Montebourg-Valls. Arnaud Montebourg prône la démondialisation, il veut rompre avec le système, prévoit une mise sous tutelle des banques et une protection du marché européen. Il conteste l'austérité et estime que faire payer les banques réglera une bonne partie du problème. A l'opposé, Manuel Valls prône "un discours de vérité". Il dit que le socialisme doit s'adapter à la réalité, que la priorité est au désendettement. Par ailleurs, il prévient les salariés que les hausses de pouvoir d'achat, dans les prochaines années, seront réduites. Une deuxième ligne de fracture, plus subtile, est apparue entre les deux favoris, François Hollande et Martine Aubry. François Hollande s'est, dès le début, positionné sur la rigueur en développant l'idée que les politiques ne pouvaient pas laisser aux générations futures l'héritage de la dette. Martine Aubry se veut rigoureuse, mais n'entend pas abandonner le volontarisme et l'idée que la gauche peut changer la vie. Elle juge, par exemple, irréaliste de s'engager sur le retour à l'équilibre budgétaire à la fin du prochain quinquennat alors que François Hollande en a pris l'engagement. L'autre grande fracture qui est apparue pendant le débat a trait au nucléaire. On sentait François Hollande, Jean-Michel Baylet [Parti radical de gauche, PRG] et même Arnaud Montebourg beaucoup moins prêts à sortir du nucléaire que Martine Aubry ou Ségolène Royal. Michel H : Le débat d'hier soir a-t-il modifié significativement la "hiérarchie" actuelle entre les candidats, telle qu'affichée par les sondages ? C'est trop tôt pour le dire. La chose que l'on a pu constater, c'est que Martine Aubry a voulu profiter du débat pour tenter de déloger François Hollande de sa position de favori. A plusieurs reprises, elle a voulu marquer ses différences avec lui sur la dette, l'embauche des enseignants ou le nucléaire, alors que François Hollande jouait beaucoup plus défensif. Il m'a semblé que c'était le candidat le plus crispé sur le plateau. En même temps, il a peut-être mieux réussi que les autres candidats à ne pas s'enfermer dans les réponses techniques et à tracer une vision qui reste la priorité à la jeunesse. Hervé : J'ai l'impression que François Hollande a été davantage "bousculé" que les autres candidats à la primaire par les journalistes présents sur le plateau hier soir. Quelle en est la raison ? Est-ce parce qu'il est le candidat le mieux placé dans les sondages ? On a essayé de pousser les candidats dans leurs retranchements et on a posé des questions aussi très serrées à Martine Aubry, sur les priorités de son projet. S'agissant de François Hollande, le questionnement était d'autant plus légitime qu'il avait créé la surprise quelques jours plus tôt en annonçant sa volonté de créer 60 000 postes d'enseignants dans les cinq ans à venir. Hormis Arnaud Montebourg, aucun autre candidat ne s'était engagé sur un objectif chiffré, sachant que le Parti socialiste cherche à faire du donnant-donnant avec les enseignants : il veut des créations de postes en contrepartie d'une évolution du métier afin de renforcer leur présence dans les établissements et de faire davantage de soutien individualisé. Re4Qube : La volonté bien compréhensible du PS de préserver "l'unité" du parti à tout prix ne tue-t-elle pas dans l'œuf toute tentative d'échange entre les différents candidats ? C'est vrai que le Parti socialiste est très soucieux de ne pas étaler ses différences. Il faut le comprendre. Le rejet de Nicolas Sarkozy est très fort, si bien que les socialistes estiment avoir une grande chance de l'emporter en 2012. Encore faut-il qu'ils surmontent leurs vieux démons, ces querelles de famille qui n'ont cessé de les handicaper. Sur le débat lui-même, je trouve que les différences sont quand même bien apparues, même si l'ensemble faisait très sérieux. Le score de l'émission, près de 5 millions de téléspectateurs, est en tout cas un signe. Il y avait une envie de savoir quels étaient leurs projets. L_ella : Pourquoi les candidats n'ont-ils quasiment pas évoqué Sarkozy ? Ne devaient-ils pas s'opposer à lui, à son bilan ? Est-ce stratégique ? L'émission était très cadrée. Elle a fait l'objet d'intenses négociations entre la chaîne, le PS et les candidats. L'objectif était de faire un débat sur la crise économique et sociale, dans un temps limité. Chaque candidat qui consacrait ses précieuses minutes à attaquer Nicolas Sarkozy perdait la possibilité d'exposer son projet. Ils l'ont tous compris. Il faut bien comprendre cet exercice, on est dans une primaire qui vise à différencier les candidats d'un même parti ou d'une même mouvance, et non à se confronter avec le camp d'en face. Guest : La controverse sur l'abandon du nucléaire est-elle vraiment profonde ? Je pense que la controverse est en effet profonde. Ségolène Royal s'est positionnée très tôt sur la sortie du nucléaire. Martine Aubry l'a rejointe, en partie parce qu'elle a compris que cela aiderait dans les négociations d'un contrat de gouvernement avec Les Verts. François Hollande est moins convaincu de la possibilité de cesser une industrie qui a créé beaucoup d'emplois et assuré des marchés à l'international. MLM : Ne pensez-vous pas que la droite va devoir aussi organiser des primaires ? Pour elle, le sujet se posera davantage en 2017. A l'heure actuelle, personne ne se risquerait à contester le leadership de Nicolas Sarkozy. On voit que Dominique de Villepin a du mal à s'imposer et que les jeunes ambitieux, Copé, Bertrand, Baroin, Pécresse, Nathalie Kosciusko-Morizet se préparent pour le coup d'après. Cela tient en partie à la donne institutionnelle. Il est très difficile de contester la suprématie d'un président de la République sur son camp au terme d'un premier mandat. François : Les principaux chevaux de bataille de la droite (sécurité, immigration, politique étrangère) ont été très peu abordés dans ce débat, est-ce parce qu'ils ont été évités ou réservés à un autre débat ? Le parti pris était de traiter des questions économiques et sociales en raison de la gravité de la crise perceptible tout au long de la semaine. D'autres débats télévisés organisés sur d'autres chaînes permettront d'aborder les thématiques dont vous parlez. People : Avez-vous ressenti sur le plateau des choses que l'on n'a pas vues à la télé : des tensions, des "offs" ? On peut dire qu'il n'y a eu aucun coup d'éclat dans les coulisses. Martine Aubry et François Hollande se sont fait maquiller côte à côte et se sont même embrassés à la fin de l'émission. Tous avaient veillé à la stricte égalité des temps de parole. Certains auraient voulu être en régie pour surveiller les plans de coupe, mais cela leur a été évidemment interdit. Enfin, quelques partisans de François Hollande ont estimé qu'il avait été un peu agressé par les questions. Mais, globalement, l'ambiance a été extrêmement courtoise. Julien : Comment se fait-il que la question du cannabis a pris une telle place ? C'est vraiment un sujet pour 2012 ? Jean-Michel Baylet souhaitait consacrer une partie de son intervention au sujet des libertés publiques, et la légalisation du cannabis faisait partie de ses propositions. Nous savions que les socialistes étaient divisés sur ce sujet et qu'il était intéressant de faire valoir leur point de vue, notamment sur le plan de la sécurité publique et de la lutte contre le trafic de drogue dans les banlieues. Geo : Ce débat a été suivi par 5 millions de téléspectateurs. Peut-on en déduire quelque chose concernant la participation aux primaires ? Si j'étais la majorité, je m'inquiéterais du score de l'émission. Beaucoup l'ont trouvée aride et parfois ennuyeuse. Et pourtant, les téléspectateurs n'ont pas décroché. Je pense que cela veut dire qu'il y a une forte envie de connaître le projet des socialistes. Et donc un appétit pour l'alternance. Deux autres débats sont prévus avant le premier tour de la primaire. Si l'audience reste aussi forte, on peut en conclure que la participation pourrait être importante pour la première "consultation citoyenne" de cette ampleur. Harlem Désir, qui tient les rênes du PS, n'hésite plus à avancer l'objectif d'un million de participants, ce qui serait déjà un très bon score. Chat modéré par Caroline Monnot | primaire-parti-socialiste | 53 |
Depuis deux ans, Barack Obama refusait de publier son acte de naissance. AP/Marco Garcia En entrant dans la salle de presse de la Maison Blanche, mercredi 27 avril, Barack Obama avait l'air mécontent. Une nouvelle fois, il se voyait obligé de passer un compromis avec lui-même en raison de la propension des Américains à se laisser "distraire" par des "bateleurs de foire". "En temps normal, je ne me livrerais pas à des commentaires sur quelque chose de ce genre, a-t-il dit. J'ai d'autres choses à faire." Son agacement montait depuis que les médias, au lieu de se concentrer sur "les choix monumentaux" qui attendent le pays, ne l'interrogeaient plus que sur son certificat de naissance à Hawaï et la controverse relancée par le milliardaire Donald Trump, pour la plus grande joie du Tea Party. Il avait donc décidé de publier la version intégrale de son acte de naissance. Le geste a pris Washington par surprise. Depuis deux ans, M. Obama refusait de publier l'acte, estimant avoir satisfait la curiosité générale en mettant sur la place publique la copie de l'extrait telle qu'exigée des citoyens ordinaires pour leurs démarches administratives. Mais les sondages ont alarmé la Maison Blanche : à un moment où le président essaie d'obtenir le soutien de républicains modérés pour son plan de réduction des déficits, 43 % des électeurs conservateurs pensent qu'il n'est pas né à Hawaï mais à l'étranger, probablement au Kenya (d'après la dernière enquête Gallup-USA Today). Selon la Maison Blanche, M. Obama a pris la décision d'essayer de régler la question une fois pour toutes. Pour obtenir l'original, il a dû demander une dérogation aux services de la santé de Hawaï. Trois jours après, l'acte était disponible. Donald Trump, le magnat de l'immobilier qui laisse planer l'idée qu'il pourrait briguer la Maison Blanche en 2012, était mercredi dans le New Hampshire, Etat primordial pour les primaires qui doivent désigner le candidat républicain. Il s'est félicité d'avoir "accompli quelque chose que personne n'avait réussi à accomplir" : obtenir la publication de l'acte. Depuis quelques jours, il est déjà passé à un autre combat : la publication des relevés d'admission de M. Obama à Harvard et Columbia. | ameriques | 10 |
La Chine a investi plus de 75 milliards de dollars en Afrique au cours de la période 2000-2011, s'approchant des montants dépensés par les Etats-Unis, selon une étude publiée lundi 29 avril. Le groupe de réflexion Center for Global Development a publié des chiffres dans le but de rendre plus clairs les investissements à l'étranger de Pékin. Selon ce rapport, la Chine représente un cinquième du total des investissements sur le continent africain. Par comparaison, les Etats-Unis y ont investi 90 milliards de dollars. "LA COMPOSITION DES AIDES EST TRÈS DIFFÉRENTE" Mais selon les auteurs de l'étude, seul 1,1 milliard de dollars déboursé par la Chine en Afrique chaque année était officiellement considéré comme une aide au développement, comme définie par le club des principaux donateurs. "Quand vous comparez les Etats-Unis et la Chine, le total officiel est à peu près comparable. Cependant, les gens ne parlent pas toujours des mêmes choses quand ils font référence à l'aide chinoise", a déclaré Bradley Parks, à l'origine de l'étude. "La composition des aides est très différente", a-t-il ajouté. La Chine a ainsi participé à des initiatives très diverses. La plupart de ses dépenses ont permis à différents pays de réduire leur dette. Viennent ensuite des dépenses pour le secteur du transport, pour le stockage de denrées, et enfin pour le secteur agricole. Pékin a financé des projets aussi divers qu'une académie militaire au Zimbabwe, dont le leader Robert Mugabe a été mis au ban par les puissances occidentales, ou un opéra en Algérie. Le Ghana a été le principal bénéficiaire de l'argent chinois même si Pékin a soutenu de nombreux pays à travers le continent, à l'exception de ceux ayant accordé leur reconnaissance à Taïwan, que la Chine considère comme faisant partie de son territoire. A lire, notre enquête : "Chinafrique", les questions qui dérangent | asie-pacifique | 2 |
Au salon Denim by Première Vision, qui s'est tenu à Paris les 23 et 24 mai, tous les fabricants de jeans du monde entier étaient présents pour rencontrer leurs fournisseurs. DR La fabrication des jeans, le vêtement le plus porté sur la planète, est à elle toute seule, un concentré étonnant des tensions internationales. Un petit tour au salon Denim by Première Vision, qui s'est tenu à Paris les 23 et 24 mai en donne un aperçu. Tous les fabricants de jeans du monde entier y étaient présents pour rencontrer leurs fournisseurs, soigneusement triés sur le volet, qui viennent d'Italie, de Turquie, de la zone Euromed, de Chine, d'Inde ou du Pakistan. Les Turcs, devenus cette année les premiers exposants, font des jaloux. Chez Alliance, une usine de confection Casablanca (Maroc) qui emploie 700 personnes et produit 1,2 million de paires de jeans par an, son directeur Frank Zagury s'agace du "laxisme de la communauté européenne vis-à-vis d'Istanbul". "L'UE ferme les yeux sur le fait que la Turquie [qui bénéficie d'un statut de pays associé à l'Europe depuis 1963] importe du Pakistan et de Chine des tissus qu'elle revend ensuite plus cher au Maroc", souligne-t-il. Ce qui, ajoute-t-il, pénalise les fabricants de jeans du Maroc et de Tunisie. Au Maroc, la plupart des exposants évaluent le prix de fabrication d'un jean (avec le tissu, le fil et la main d'oeuvre) entre 7 euros pour les grandes chaînes de distribution, comme Zara, et 16 euros pour le très haut de gamme. Tout dépend du nombre de lavages, qui augmente la facture. Les Turcs eux profitent des "règles qui existent", assure-t-on chez Isko, qui se présente comme l'un des principaux fabricants mondiaux de jeans. L'Etat turc donne en effet un sérieux coup de pouce à son industrie textile, grâce à des aides très incitatives à l'emploi et à l'exportation. MODIFICATION DE LA GÉOGRAPHIE DES FOURNISSEURS La Chine n'est pas en reste. Elle a des millions d'habitants à vêtir et l'usine du monde devient plus exclusivement que jamais celle de l'Empire du Milieu. Sur le salon, Xu Weidong, le patron de Metersbonwe, à la tête d'un réseau de 4000 boutiques implantées uniquement en Chine, commande chaque année 20 millions de pantalons. "Avec la hausse des salaires des ouvriers dans la confection, nous avons quelque peu modifié la géographie de nos fournisseurs, en travaillant désormais à 50/50 entre le Sud et le centre de la Chine", dit-il. Pour sa toute nouvelle marque, la plus chic, il fait appel depuis quelques mois à des fabricants en Italie et pour le plus bas de gamme, il passe désormais commande au Bangladesh. Le reste, soit 90 % de ses collections, reste "Made in China". "On ne s'habille pas de la même manière du Nord au Sud en Chine, c'est une question de température. D'Est en Ouest, c'est plus une question de mode, il faut compter trois ans pour que les collections à la mode sur la côte soient portées par les habitants du centre de la Chine", explique-t-il, en montrant son pantalon "destiné à la clientèle Shanghai". Et l'Europe dans tout ça ? "Après des années très fastes", explique Philippe Pasquet, président du directoire de Première Vision, "le jean en Europe est à l'image de l'économie générale. La France se porte très doucement. C'est bien pire en Italie, en Espagne et en Grande-Bretagne. Le marché ne se porte bien qu'en Allemagne", commente-t-il. Il n'y a donc pas d'exception dans ce secteur. Nicole Vulser | economie | 7 |
Lors d’un mariage de tradition hindoue, en Inde, en 2008. Substitut de la famille « arrangeuse » de mariages, Internet permet à un large choix de candidats appartenant à la même caste de se rencontrer. Kalyan Kamuri/CC by SA 2.0 C’est la dernière trouvaille de génie de l’administration indienne. Pour protéger le mariage, le gouvernement veut contraindre les sites matrimoniaux à s’assurer que leurs utilisateurs ont vraiment l’intention de convoler en justes noces, pas seulement de butiner, de faire de fausses promesses ou de se désister au dernier moment. Et pour cela, il a recours à son arme favorite : les certificats et les photocopies. Selon de nouvelles règles, approuvées le 2 juin par le ministère des technologies de l’information, les sites Web seront désormais tenus de réclamer une copie de la pièce d’identité de leurs utilisateurs (l’administration tolérera les scanners), et une attestation prouvant leur bonne foi. Le site devra également conserver toutes leurs adresses IP. Avec 10 millions d’inscriptions chaque année, les équivalents indiens de Meetic pourraient se transformer en immenses espaces de stockage. Internet, nouvel entremetteur matrimonial Le mariage arrangé, déjà une valeur sûre dans le pays, a pris une nouvelle dimension depuis que la passion indienne pour l’algorithme s’est mise au service du bonheur conjugal. Auparavant, c’était l’oncle, la tante ou les cousins qui faisaient circuler les photos des jeunes prétendants de leur connaissance, pour trouver la meilleure combinaison possible. Mais avec l’accélération de la mobilité, les castes et communautés ne vivent plus au même endroit, les liens se sont distendus et les parents ont davantage de difficultés à jouer leur rôle d’entremetteurs. Il n’y a guère qu’Internet pour offrir un large choix de candidats appartenant à la même caste. Tandis que nos sites de rencontres proposent de mettre en lien, disons, deux amateurs d’opéra et de tartare de saumon bodybuildés, leurs équivalents indiens ont eux aussi toute une série de critères pour trouver l’âme sœur : la couleur de la peau, la communauté d’appartenance, le régime alimentaire ou le niveau de diplôme. Celui ou celle qui remporte le maximum de suffrages a généralement le teint clair, est ingénieur, médecin ou avocat, et vit aux Etats-Unis. En un clic, une rencontre virtuelle entre deux aspirants au mariage séparés de plusieurs milliers de kilomètres est possible. L’attrait de la dot Sauf que les fraudes sont fréquentes. Les utilisateurs mentent sur leur profession, leur salaire, leur statut marital ou leurs intentions. Certains ont beau recruter des détectives privés pour enquêter sur les déclarations de leur potentiel futur époux (ou épouse), la méthode est coûteuse et pas entièrement fiable. D’où la démarche des autorités indiennes. Peut-être feraient-elles mieux de s’interroger sur l’obsession nationale du mariage à tout prix. Au Pendjab, dans le nord de l’Inde, une Américaine avait promis de se marier à une dizaine d’hommes. Elle a récolté des acomptes sur les dots à venir, en leur promettant de les épouser quelques semaines plus tard aux Etats-Unis, avant de disparaître. Car, sur le marché matrimonial, une femme a exceptionnellement plus de valeur qu’un homme si elle est née aux Etats-Unis et lui en Inde. Rien n’arrête la bureaucratie indienne. Pourtant, les dernières tentatives du gouvernement pour réguler Internet sont mitigées. En 2015, l’administration voulait censurer l’accès à tous les sites pornographiques de la planète. Mais les fonctionnaires chargés du recensement avaient commis quelques erreurs d’appréciation, comme d’inclure le site du quotidien régional Le Dauphiné libéré dans la liste des sites classés X. Il avait finalement fait marche arrière. D’autres réformes ne seraient-elles pas plus urgentes pour protéger le bonheur conjugal des Indiens ? Les féministes réclament par exemple depuis des années que le viol entre époux soit sanctionné par la loi. | m-moyen-format | 268 |
Il ne reste aujourd'hui du désastre que d'innombrables monticules de boue séchée et les carcasses de dizaines d'épaves de voitures abandonnées dans les terrains vagues. Dans les quartiers de Quwaizah et de Wadi Qos, dans ceux de Kilo 11 et de Kilo 14, la marée meurtrière a laissé sa marque à hauteur d'homme sur les façades peintes en blanc. Le 25 novembre 2009, la grande ville saoudienne de Djedda, sur les bords de la mer Rouge, est frappée par la catastrophe : alimentée par des pluies particulièrement abondantes, des flots furieux dévalent des montagnes alentour et noient les quartiers situés à l'est de l'autoroute de La Mecque. Des quartiers malfamés ou pauvres, habités par des Saoudiens exilés de la campagne, par les travailleurs étrangers les moins fortunés du royaume comme par les clandestins africains qui cinglent vers le royaume pour échapper à la misère. Pour leur plus grand malheur, cette inondation sans précédent coïncide avec le début du grand pèlerinage, le "hajj", une invasion pieuse de 2 millions de fidèles musulmans qui accapare l'attention des forces du pays et une période de vacances pour les Saoudiens. Il faut donc attendre plusieurs jours pour prendre la mesure du chaos auquel est livrée une partie de la ville, d'autant que, faute d'un système de drainage efficace, les eaux tardent à s'écouler, isolant durablement cette périphérie déshéritée. Le 28 novembre, Ahmad Sabri, un jeune étudiant en sciences politiques décide par curiosité de se risquer avec deux amis dans ces quartiers où, de son propre aveu, il ne va jamais. C'est le choc face à la désolation, la mort et le dénuement des victimes. "L'horreur !, se souvient-il, on se demandait comment cela pouvait être possible dans notre pays." Une fois rentré de son expédition, il met aussitôt en ligne sur sa page Facebook, comme d'autres, les photos prises sur place et qui témoignent de l'ampleur de la catastrophe. Alimentée par des dizaines de témoignages similaires, la machine des réseaux sociaux, particulièrement prisés dans un pays où la parole publique reste bridée, se met en marche, appuyée par les messages d'appels à l'aide transitant par les comptes Twitter. Un célèbre bloggeur de Djedda, Fouad Farhan, discret depuis 2008, après quatre mois de détention pour des écrits jugés trop audacieux, reprend brièvement du service. "Un phénomène incroyable", se souvient-il. Le tam-tam numérique déclenche une mobilisation citoyenne sans précédent qui prend le relais d'autorités locales absentes ou débordées, au point que, pendant deux jours, le numéro d'urgence 998 sonne dans le vide. De l'avis général, il faut attendre l'électrochoc que constitue, le 2 décembre, un discours du roi Abdallah, indigné par la situation, pour les voir réagir. | proche-orient | 1 |
Sur le site de Miramas, la société de transport Sernam – placée en redressement judiciaire – emploie 46 personnes, 76 avec les sous-traitants. LE BOT ALAIN/GAMMA Geodis, filiale de la SNCF, est finalement le seul candidat à la reprise du transporteur Sernam, qui avait quitté le giron de la SNCF en 2005 et est aujourd'hui en redressement judiciaire, a annoncé, vendredi 9 mars, une source proche du dossier. Cette reprise est compliquée par l'exigence de Bruxelles, exprimée vendredi, de voir l'Etat français recouvrer 642 millions d'euros d'aides illégales versées au transporteur. Le gouvernement, soucieux de ne pas voir une nouvelle "bombe" sociale exploser à l'approche de la présidentielle, a annoncé qu'il envisageait un recours contre la décision de la Commission européenne.Deux autres compagnies, dont les noms avaient été évoqués, les groupes Caravelle et Heppner, n'ont pas déposé d'offre avant l'échéance, fixée ce vendredi à 17 heures. Le Sernam (Service national des messageries) avait été créé par la SNCF en 1970 pour gérer le transport des colis et des bagages. Filiale de la compagnie ferroviaire jusqu'en 2005, l'entreprise a ensuite été privatisée. Elle est détenue majoritairement par le fonds Butler Capital.Au terme d'une enquête, les autorités européennes de la concurrence ont estimé que l'ensemble des aides publiques accordées à Sernam avant et au moment de sa privatisation lui avait conféré "un avantage économique indu". "L'INFARCTUS EST SÉRIEUX" Le patron de Geodis avait annoncé au Figaro vendredi matin qu'il ne souhaitait conserver que huit cent cinquante employés de Sernam, sur un total de seize cents, et ne reprendre l'entreprise que s'il n'avait pas à rembourser certaines subventions. "La reprise porte sur huit cent cinquante emplois. Certaines agences ne nous intéressent pas", a expliqué Pierre Blayau, directeur général de Geodis, confirmant une information apportée par les syndicats jeudi. "La condition principale de l'offre est que nous ne soyons pas débiteurs des aides que Sernam aurait pu percevoir de manière illicite si la Commission européenne juge que les aides perçues par l'entreprise doivent être remboursées", déclarait-il au quotidien. La décision de Bruxelles a été accueillie avec pessimisme dans l'entreprise. Elle ne signe "pas l'arrêt de mort tout de suite, mais l'infarctus est sérieux, et le pronostic est réservé", a commenté Maxime Dumont, secrétaire général de l'Union fédérale route de la CFDT, majoritaire chez Sernam. | economie | 7 |
Vincent Bolloré sort de son audition par le CSA, jeudi 24 septembre. JACQUES DEMARTHON / AFP L’échange a été « vif, direct et sans langue de bois, mais courtois », raconte un participant. La formule résume l’ambiance des deux heures passées, jeudi 24 septembre, au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) où Vincent Bolloré, le président du conseil de surveillance de Vivendi et du Groupe Canal+, avait été invité à s’expliquer après sa reprise en main musclée de la chaîne cryptée depuis cet été. Les débats ont déjà trouvé un débouché concret : le CSA a obtenu la création d’un « groupe de travail », qui sera chargé d’étudier la traduction concrète des engagements oraux formulés par M. Bolloré « en faveur de la création et de la diversité, de l’indépendance éditoriale et de l’exercice du métier de journaliste », a précisé l’autorité dans un communiqué. De son côté, M. Bolloré a fait un signe d’ouverture, en promettant de reconstituer le comité d’éthique d’i-Télé, dont deux des trois membres avaient démissionné après le renvoi de la direction de la chaîne, début septembre. Le patron breton s’est également engagé à créer un même comité d’éthique auprès de Canal+. « En accord avec la réglementation française » Une négociation est donc en cours entre le CSA et Vivendi, même si les deux parties ont affiché à l’extérieur leur entente et la concordance de leur démarche. « Toute mon histoire a toujours été en accord avec la réglementation française », a glissé à la sortie M. Bolloré, qui était accompagné de Jean-Christophe Thiery, président du directoire de Groupe Canal+, et de Maxime Saada, son directeur général. Selon un participant, le CSA s’est beaucoup intéressé à l’indépendance éditoriale des chaînes du groupe. M. Bolloré s’est défendu des accusations de censure portées contre lui, à propos des Guignols ou, notamment de la déprogrammation d’un documentaire sur le Crédit mutuel. Il a parlé de « procès d’intention » et de « campagne orchestrée », citant le magazine Society et Renaud Le Van Kim, ancien producteur du « Grand Journal » et proche de Franck Annese, patron de Society. L’autorité a aussi demandé quelles limites étaient posées à la promotion d’actifs de Vivendi sur les chaînes de Canal+. En effet, M. Bolloré revendique de créer des « synergies » entre les artistes, les salles de concert, les chaînes ou les plates-formes Web. Ce qui s’est traduit par des mises en avant de chanteurs maison au « Grand Journal » ou dans Direct Matin. Coïncidence ou pas, le quotidien gratuit du groupe Bolloré se félicitait ce jeudi de la nouvelle formule du talk-show animé par Maïtena Biraben sur de Canal+, comme l’a relevé Puremédias. Les audiences de l’émission sont pourtant très basses : 562 000 téléspectateurs mercredi, soit 3,2 % de part d’audience. | economie | 7 |
03:34 Société Emploi des femmes : pourquoi l’égalité des salaires ne veut pas dire égalité économique Commémorations du 11-Novembre Pourquoi des archives de la première guerre mondiale sont mises en scène 06:34 Vidéos Comment Berlin est devenu la capitale de l’« urbex », l’exploration de ruines 14:02 International L’histoire du mur de Berlin en vidéo : de la guerre à la chute | societe | 3 |
Le ministre luxembourgeois des affaires étrangères, Jean Asselborn (à gauche), et son homologue allemand, Guido Westerwelle, le 24 juin à Luxembourg. JOHN THYS/AFP A Luxembourg, les ministres des affaires étrangères ont tenté en vain, lundi 24 juin, de trouver un compromis sur l'ouverture d'un nouveau chapitre des négociations en vue d'une éventuelle adhésion de la Turquie à l'Union européenne (UE). Il s'agissait de déterminer si les Vingt-Sept acceptaient, ou non, d'organiser, mercredi 26 juin, une discussion devant déboucher sur l'ouverture du chapitre 22, qui concerne la politique régionale et la contribution financière des Etats membres. Commencées en décembre 2004, les négociations d'adhésion avec Ankara patinent et plus aucun nouveau thème n'a été abordé depuis 2010. Un chapitre sur 35 a été conclu, 8 sont bloqués, en raison notamment du refus de la Turquie d'admettre un accord de libre-échange entre les Vingt-Sept, et donc aussi avec Chypre. La nécessité de renouer le dialogue avec la Turquie s'est imposée compte tenu de la répression violente du récent mouvement de contestation du pouvoir islamo-conservateur. "Nous ne pouvons pas ignorer ce qui s'est passé au cours des dernières semaines", a expliqué Guido Westerwelle, le chef de la diplomatie allemande. Berlin est en conflit ouvert avec le régime du président Recep Tayyip Erdogan. La chancelière Angela Merkel s'était dite "épouvantée, comme beaucoup de gens", par la répression des manifestations, qu'elle juge "beaucoup trop dure". Son parti, la CDU-CSU, a confirmé, dimanche, son hostilité à un élargissement qui "déborderait" l'UE, "en raison de la taille et de la structure économique de la Turquie". IMPROBABLE COMPROMIS ENTRE LES DEUX CAMPS L'Allemagne, soutenue par les Pays-Bas et l'Autriche, a dès lors proposé un compromis lundi : le principe de l'ouverture d'un nouveau chapitre serait admis, mais les discussions ne seraient lancées qu'en octobre. A savoir, après la publication d'un rapport annuel d'évaluation établi par la Commission européenne, qui examine l'harmonisation de la législation turque avec les règles et les pratiques de l'Union. | international | 13 |
Galerie Chez Valentin Dès l'entrée, le pas se fait adagio : saisi par les trémolos enchanteurs des Quatre Saisons de Vivaldi, le visiteur est pris d'engourdissement. Sous les violons de L'Hiver, quatre pauvres divans sont là pour recueillir sa langueur. Ils tournent sur eux-mêmes, sont laids, se heurtent aux envolées baroques de la musique. Couvert du succès qu'il méritait depuis longtemps, l'artiste Pierre Ardouvin a le don de plomber l'ambiance. Dans le hall, un Soleil d'hiver avait déjà donné le la. Ses dessins finissent de nous achever, poétiques comme une impasse. Quand le kitsch invite à la mélancolie... Galerie Chez Valentin, 9, rue Saint- Gilles, Paris-3e. Mo Saint-Sébastien-Froissart. Tél. : 01-48-87-42-55. Du mardi au samedi, de 11 à 19 heures. Jusqu'au 20 février. www.galeriechezvalentin.com Emmanuelle Lequeux | culture | 4 |
Boris Johnson, le 3 octobre 2017. HANNAH MCKAY / REUTERS « Nous pouvons conquérir l’avenir [post Brexit]. Faisons rugir le lion [britannique] ! » A sa manière de bateleur, parsemée de mots d’esprit et de formules imagées, Boris Johnson a pris date pour l’avenir en conquérant la salle archi-comble du congrès des conservateurs, mardi 3 octobre, à Manchester. A sa façon, mi-churchilienne mi-bouffonne, l’incontrôlable ministre des affaires étrangères a adressé deux messages contradictoires. Certes, il enterre pour le moment la hache de guerre avec la première ministre, Theresa May – qui ne lui a pas fait le plaisir de sa présence dans la salle. Mais celle-ci ne perd rien pour attendre : au moindre signe de faiblesse dans les négociations avec Bruxelles sur le Brexit, il se tient prêt à l’écarter et à prendre sa place. Son « rugissement » patriotique a conclu un véritable discours de premier ministre en attente. L’hommage d’abord, minimal et non dénué d’ironie : « Nous avons gagné, Theresa May a gagné, a proclamé « Boris » à propos des législatives de juin, lors desquelles Mme May a perdu la majorité à Westminster. Le pays tout entier lui est redevable pour sa fermeté dans la marche en avant du pays vers un formidable accord sur le Brexit. » Alors qu’il n’a cessé de l’attaquer ces derniers jours, M. Johnson a fait mine de rentrer dans le rang : « Le gouvernement est uni derrière chaque syllabe du discours de Florence [où elle s’est montrée plus conciliante envers l’UE]. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi A Florence, Theresa May esquisse quelques pas pour débloquer les négociations sur le Brexit Après une salve d’articles et d’interviews torpillant les positions de Mme May dans les discussions déjà embourbées avec l’UE, Boris Johnson, dit « BoJo », n’avait soudain plus rien à dire de précis sur le sujet. Sauf pour promettre des lendemains de Brexit qui chantent pour une « Grande-Bretagne mondiale » et pleine d’« audace ». « Il est temps d’arrêter de considérer le résultat du référendum comme une peste, a-t-il déclaré. Ceux qui pensent que nous allons nous dégonfler se trompent. Il est temps d’être ferme et de saisir les occasions pour lesquelles aucun pays n’est mieux placé que la Grande-Bretagne. » Jeremy Corbyn désormais pris très au sérieux Mais ceux qui attendaient qu’il affine sa vision des futures relations avec l’Europe en auront été pour leurs frais. A la place, le ministre à la coiffure rebelle s’est employé à remonter, à coups de clairon cocardier et de vœux pieux, le moral de congressistes triplement déprimés par les revers électoraux, l’insolente santé du Labour et la zizanie gouvernementale. Le chef de l’opposition, Jeremy Corbyn, traité avec condescendance et ironie au congrès de l’an dernier, est désormais pris très au sérieux. Agiter la menace de son entrée à Downing Street apparaît comme l’ultime moyen de resserrer les rangs de Tories de plus en plus déchirés sur l’Europe. Au point, pour M. Johnson, de lui consacrer la moitié de son discours et de ses flèches. Brocardant l’« agenda semi-marxiste » de M. Corbyn et son « programme de renationalisation à 200 milliards de livres », le chef du Foreign Office a dénoncé un retour aux années 1970, « une manifestation de masochisme économique qui causerait un préjudice incalculable pour l’avenir de nos enfants ». La différence entre le Labour et les Tories ? « Nous voulons un gouvernement qui œuvre pour tous. Corbyn veut une Grande-Bretagne où tout le monde travaille pour le gouvernement. » Article réservé à nos abonnés Lire aussi Royaume-Uni : à l’ouverture du congrès des conservateurs, Boris Johnson défie Theresa May Embouchant les trompettes de l’optimisme pour un pays « libéré » de l’UE, M. Johnson s’est posé en champion d’une singularité renforcée par la déréglementation, alors que les milieux d’affaires plaident pour un maintien maximal des règles européennes. Il a promis un pays « libre de pouvoir dire ce en quoi nous croyons, y compris la liberté du commerce ». Des applaudissements plus réservés qu’à l’habitude semblaient signifier que la partie n’est pas gagnée. « Comme le vicomte de Valmont des Liaisons dangereuses, [Boris Johnson] assure qu’il ne contrôle pas ses infidélités politiques et jure qu’il aime Mme May, ironise George Osborne, ancien ministre et ennemi intime à la fois de M. Johnson et de Mme May, dans son éditorial de l’Evening Standard. Mais aucun doute n’est permis : il veut lui ravir la couronne. » | europe | 11 |
Enraciné dans l’écosystème d’une cité de banlieue, le film embarque rapidement pour Pattaya, capitale thaïlandaise du tourisme sexuel, dans une aventure inepte, support d’une compilation de blagues d’un goût pour le moins incertain, dont les transsexuels et les nains sont les cibles privilégiées. JOHN WAXXX/2015 MANDARIN CINÉMA/GAUMONT DISTRIBUTION Adaptant les bestsellers pour enfants dans lesquels l’Américaine Katherine Paterson raconte les tribulations d’une adolescente en révolte, le réalisateur trouve en Sophie Nélisse et la merveilleuse Kathy Bates un duo de tête tout à fait réussi, mais peine sur la longueur à arracher son histoire à une écriture et une mise en scène proprettes, sans grand élan. CHRYSALIS FILMS Ce moderne conte de fées (comme son titre l’indique) chante le droit à la différence, en l’occurrence celle d’un immense bagagiste de l’aéroport de Reykjavik qui doit s’affranchir du joug maternel et des vexations de ses collègues. Le parti pris de naïveté de l’interprète et du réalisateur fait parfois tourner le charme de ce récit finalement anodin à la mièvrerie. ALAMODE FILMS/ARP SÉLECTION Sur un argument peu engageant, inspiré d’un fait divers – une femme en mal d’enfant décide d’adopter à titre posthume un nouveau-né dont le cadavre a été découvert sur une décharge –, le cinéaste et son interprète, Amparo Noguera, tracent un délicat portrait de femme qui tient la tragédie à l’écart. Mais le film dépend trop de son personnage pour se déployer tout à fait. ZOOTROPE FILMS Malgré les incertitudes de la réalisation, cette collecte des témoignages de survivants du massacre de Tulle, commis en juin 1944 par la division SS Das Reich, constitue une histoire orale nécessaire. Soixante-dix ans après cet épisode longtemps négligé de l’Occupation, ces paroles sont sauvées in extremis. COOPÉRATIVE DIRECTION HUMAINE DES RESSOURCES Ce programme éclectique regroupant les cinq courts-métrages en prises de vue réelles nommés à l’Oscar du meilleur court-métrage de fiction propose un voyage contrasté entre comédie burlesque (« Ave Maria ») et histoires de guerre (« Day One », « Shok ») avec, entre les deux, un passage plus discret mais bouleversant par la tragédie quotidienne d’un père privé après le divorce de la garde de son enfant (« Everything Will Be Okay »). PREMIUM FILMS/PATRICK VOLLRATH D’un niveau beaucoup moins homogène que la programmation correspondante de courts-métrages de fiction, ce programme regroupant nommés et distingués par l’Académie des Oscars contient quelques banalités, de très grandes réussites (« We Can’t Live Without Cosmos », « Bear Story » et « World of Tomorrow ») et une pure merveille de six minutes : « Prologue », dernier chef-d’œuvre du légendaire Richard Williams, que l’on regarde bouche bée. PREMIUM FILMS/IMOGEN SUTTON Ce film partage avec « Au cœur de l’océan », de Ron Howard, en salles depuis le 9 décembre, plus qu’un air de famille : une histoire vraie d’épopée marine, des monstres marins, la même tentation d’approcher l’océan en espace mystique, épreuve initiatique à laquelle il faut s’abandonner sans comprendre, en sacrifiant les instruments fragiles offerts par la petite science des hommes. Et surtout, le goût d’un cinéma qui, au-delà des grands moyens techniques que la modernité lui donne, appartient à un autre âge de l’art et des studios, où l’on assumait mieux, peut-être, le plaisir d’une vision immense et lyrique du monde. CLAIRE FOLGER/THE WALT DISNEY COMPANY Ce film est né d’une rencontre avec un pêcheur des Sables d’Olonne, Dominique Lebourne, dit « Dom », proche de la quarantaine, dont il raconte l’histoire récente, faite de tribulations professionnelles et de déchirements familiaux. Fiction et réel se mêlent intimement, les acteurs tiennent le rôle que leur a assigné la vie pour parfois atteindre des cimes d’intensité. AD VITAM Dans ce long-métrage crépusculaire aux allures de film de famille, la réalisatrice documente les derniers moments de la vie de sa mère juive d’origine polonaise, revenue de l’enfer des camps avant de la mettre au monde. Depuis, la cinéaste belge a mis fin à ses jours (le 5 octobre 2015, à l’âge de 65 ans) et ce film tombeau ne peut plus s’apprécier autrement qu’à la lumière de ce drame. ZEUGMA FILMS Ce film illustre deux phénomènes de société auxquels le cinéma iranien ne s’était pas encore confronté d’aussi près : le statut compliqué des femmes divorcées et la pratique collatérale du « sighe ». Plutôt que de quémander la sympathie, réalisatrice et interprète font de Nahid un personnage peu aimable, mais fascinant. HABIB MADJIDI/MEMENTO FILMS DISTRIBUTION Avec Eddie, un personnage qui part en vrille, incarné par Nicolas Duvauchelle, le réalisateur livre une glaçante et magistrale chronique du malaise français, clinique et embarrassante, comme le cinéma national en a peu fourni. BAC FILMS Le réalisateur du documentaire « Dans ma tête un rond-point » a fait ses classes au ciné-club Chrysalide d’Alger, qu’il a animé pendant cinq ans, et d’où a émergé une génération de jeunes cinéastes algériens, comme Karim Moussaoui ou Nabil Djedouani. Génération informelle mais solidaire, qui se caractérise par le souci commun de filmer la rue, ce carrefour de trajectoires, de précautions, de crispations, de vies et de non-dits, que constitue l’espace public algérien. LES FILMS DE L'ATALANTE Le jeune réalisateur algérien, âgé d’à peine 30 ans, a posé sa caméra dans le quartier du Ruisseau, où s’étend le plus grand abattoir d’Alger, reliquat de l’administration française dont les longs bâtiments forment une sorte de bastion retranché. Pendant deux mois et demi (non consécutifs), il a filmé le site mais surtout la petite troupe d’hommes qui y travaillent, privilégiant les moments de pause, pendant lesquels ils se révèlent sentimentaux et sensibles. LES FILMS DE L'ATALANTE Le journaliste, fondateur en 1999 de « Fakir » et auteur d’une douzaine d’ouvrages, part en guerre contre les délocalisations qui ont transformé son pays, le Nord, en files de chômeurs. Et notamment contre la politique menée par le groupe de luxe LVMH, dirigé par Bernard Arnault. JOUR2FÊTE Dans la catégorie des comédies documentaires, qui doit à quelques titans, hélas méconnus – Luc Moullet chez nous, Claudio Pazienza en Belgique –, ses lettres de noblesse, le journaliste militant signe le chef-d’œuvre du genre. Un mélange de flibuste cinématographique, de lutte idéologique et de satire bien trempée, qui suscite à la fois enthousiasme et réserve. Karl Marx, version caméra cachée. Bakounine, en vidéogag. JOUR2FÊTE Le réalisateur mexicain veut – et parvient à – conférer à son sixième long-métrage une dimension épique, qui aspire à incarner le mythe de la fondation des Etats-Unis d’Amérique dans toute sa sanglante beauté. Comme à son habitude, il y met trop de sens, d’images, d’idées. Le film déborde de tous côtés, mais il reste une expérience sensorielle unique. TWENTIETH CENTURY FOX A l’affiche, mercredi 24 février : magnifié par la lumière de son opérateur Emmanuel Lubezki, le sixième long-métrage d’Alejandro Gonzalez Iñarritu fait de la fondation des Etats-Unis une expérience épique et sensorielle, avec un Leonardo DiCaprio grand favori pour l’Oscar du meilleur acteur ; dans son premier documentaire, le journaliste militant François Ruffin prend au piège le groupe de luxe LVMH en traitant Bernard Arnault comme le dindon d’un vidéogag anarchiste ; le jeune cinéaste algérien Hassen Ferhani a posé sa caméra dans le quartier du Ruisseau, où s’étend le plus grand abattoir d’Alger, pour filmer le quotidien de ses occupants. | cinema | 16 |
Une adresse Internet. D.R. Trois sociétés sont candidates à la gestion de l'ensemble des extensions de l'Internet français, dont le .fr. L'appel d'offres, lancé fin mars, pour 11 suffixes, s'est clos vendredi 11 mai. Jusqu'à présent, l'Afnic, association loi 1901, était l'office d'enregistrement officiel pour six des 11 extensions françaises : .fr, .yt (Mayotte), .wf (Wallis-et-Futuna), .tf (Terres australes et antarctiques françaises), .pm (Saint-Pierre-et-Miquelon) et .re (Réunion). Les autres noms de domaine français – .bl (Saint-Barthélemy), .gf (Guyane française), .gp (Guadeloupe), .mf (Saint-Martin) et .mq (Martinique) – sont gérés par divers organismes. En 2011, les noms de domaine Internet se terminant en .fr ont atteint le nombre de 2,1 millions, grâce à une augmentation de 17 % en un an, selon l'Afnic. Outre l'Association française pour le nommage Internet en coopération (Afnic), la société FRNIC, portée par la Fondation d'entreprise Free et la jeune pousse Starting Dot, a également postulé pour les 11 extensions, dont le .fr, particulièrement convoité. L'Office d'enregistrement des extensions Internet françaises (filiale du prestataire luxembourgeois OpenRegistry) est aussi candidat à l'ensemble des extensions. Le nouveau gestionnaire du .fr doit être désigné le 30 juin au plus tard. Mais il n'y a pas de date précise pour les dix autres extensions. Pour déterminer les nouveaux gestionnaires, une dizaine de critères sont appréciés, parmi lesquels la qualité du service proposé et l'expérience du candidat. Les postulants doivent également disposer d'un siège social en Europe. STRATÉGIE GLOBALE OU CIBLÉE Si plusieurs acteurs tentent d'obtenir la gestion de tous les suffixes, certains postulants visent plus particulièrement les extensions ultra-marines. D'après les informations du Monde.fr, Freedom Registry, opérateur du registre des extensions en .tk, pour les îles Tokelau, serait sur les rangs pour six extensions de territoires d'outre-mer. Les extensions en .tk ont connu un important essor, en raison de leur modèle économique, fondé sur la gratuité. C'est désormais le troisième nom domaine national de premier niveau, derrière l'Allemagne (.de) et le Royaume-Uni (.uk), se félicite Freedom Registry. L'appel à candidatures pour les extensions françaises, lancé le 20 mars, a pour objectif de mettre en place un nouveau cadre juridique. En octobre 2010, le Conseil constitutionnel avait censuré la loi de 2004 encadrant l'attribution des noms de domaine, la jugeant insuffisante au regard des enjeux du marché et demandant une clarification des règles au législateur. Contactée par l'Agence France-Presse, la direction chargée du dossier à Bercy n'a pas souhaité confirmer la liste des candidats dans l'immédiat. Laurent Checola avec AFP | technologies | 21 |
Capture d'écran du site menustoxiques.fr présentant le résultat de l'étude pour le déjeuner : 33 résidus chimiques dont 17 cancérigènes probables ou possibles. DR Plus de quatre-vingts substances chimiques, dont certaines susceptibles d'être cancérigènes, sont ingérées en une seule journée par un enfant de 10 ans à travers ses repas composés suivant les recommandations du ministère de la santé, selon une étude du mouvement Générations futures – qui milite notamment pour une agriculture sans pesticides et sans OGM – et du réseau Health and Environnement Alliance, en partenariat avec WWF-France et le Réseau environnement santé. (Lire l'article du Monde, en édition abonnés, "Des résidus chimiques dans l'assiette des enfants"). Les associations, qui lancent une campagne de sensibilisation intitulée "Cancer et environnement", ont acheté dans des supermarchés de l'Oise et de Paris entre juillet et septembre les denrées alimentaires généralement consommées en quatre repas et un encas en une journée par un enfant d'une dizaine d'années. Ces repas-types, incluant les recommandations officielles – telles que cinq fruits et légumes frais, trois produits laitiers et 1,5 litre d'eau par jour – ainsi que des friandises, ont été examinés par plusieurs laboratoires indépendants en France et en Belgique pour y détecter la présence de substances chimiques, pesticides, métaux lourds et autres polluants. Le bilan de l'assiette, selon cette étude publiée mercredi, est accablant : cent vingt-huit résidus, quatre-vingt-une substances chimiques, dont quarante-deux sont classées cancérigènes possibles ou probables et cinq substances classées cancérigènes certaines ainsi que trente-sept substances susceptibles d'agir comme perturbateurs endocriniens (PE). "Même si, dans la quasi-totalité des cas, les limites légales pour chaque substance chimique prise individuellement ne sont pas dépassées, on voit bien dans notre enquête que la réalité de l'exposition des consommateurs aux contaminants possiblement cancérigènes et/ou PE est préoccupante", note l'association. LE SAUMON, LE PLUS RICHE EN PESTICIDES Pour le petit-déjeuner, le beurre et le thé au lait contiennent à eux seuls plus d'une dizaine de résidus cancérigènes possibles et trois avérés comme des cancérigènes certains ainsi que près d'une vingtaine de résidus susceptibles de perturber le système hormonal. La pomme, importée du Brésil, prévue comme encas, présente des traces de six substances chimiques, dont un fongicide pourtant interdit en France. Même chose pour les haricots verts du Kenya, inclus dans le déjeuner, sur lesquels l'étude a détecté des traces d'un insecticide puissant également interdit dans l'Union européenne. Le steak haché, le thon en boîte, et même la baguette de pain et le chewing-gum, étaient truffés de pesticides et autres substances chimiques. Dans l'eau du robinet les analyses ont révélé la présence de nitrates et chloroforme. Mais c'est le steak de saumon prévu pour le dîner qui s'est révélé le plus "riche" avec trente-quatre résidus chimiques détectés. Même l'examen de l'assiette en plastique utilisée pour réchauffer le repas au micro-onde n'en était pas exempte. "COCKTAILS CONTAMINANTS" Le risque final pour le consommateur de ce "cocktails de contaminants" "est probablement sous-estimé", selon l'étude. Le problème serait-il résolu par un lavage voire un épluchage systématique des fruits et légumes avant consommation ? "Certaines études montrent que ces précautions ne sont pas suffisantes voire qu'elles sont inutiles", a souligné Générations futures. De même, "l'impact de ces résidus dans les aliments conjugué aux autres substances chimiques auxquelles nous sommes exposés tous les jours, par l'air, les cosmétiques, les biocides, n'est pas évalué non plus". Le but de l'étude "est de faire prendre conscience aux citoyens et aux responsables publics de la part importante que représentent les facteurs de risque environnementaux parmi les causes de cancers et ainsi de les inciter à agir et prendre les mesures qui s'imposent". Le groupement d'associations milite donc pour "l'application du principe de précaution dans l'objectif de diminuer au maximum l'exposition environnementale, et notamment alimentaire, de la population à des substances soupçonnées d'être cancérigènes ou PE" en interdisant notamment "l'usage de pesticides au champ" et l'utilisation de certains additifs. Pour en savoir plus : - Lire le détail de l'étude sur le site www.menustoxiques.fr. L'étude est également disponible en PDF - Le site de Générations futures (ex-Mouvement pour le droit et le respect des générations futures) : www.mdrgf.org - Le site de la campagne Cancer et environnement : www.environnement-et-cancer.com | economie | 7 |
Il y a eu la litanie des communiqués, les félicitations à Nicolas Sarkozy. Ainsi, le jeune Geoffroy Didier, conseiller national de l'UMP, s'est réjoui promptement : "Sur le défi de la maîtrise de l'immigration, l'exemple de la lettre de François Hollande à l'association France Terre d'asile révèle et résume tout: M.Hollande est capable de dire tout et son contraire, selon l'interlocuteur et pour surtout ne pas déplaire", dit M. Didier. L'exemple est donné par la tête du parti : "Le débat a éclairé la force du projet de Nicolas Sarkozy face à un Hollande en retrait et en hésitation", salue Jean-François Copé. "Ce débat a permis à notre candidat d'atteindre tous les objectifs." "TROP DANS LA DÉFENSE" En réalité, l'entourage de M.Sarkozy a un jugement beaucoup plus mitigé sur la prestation du candidat. "A partir du moment où il n'a pas gagné, il a perdu. Il était trop agressif. On ne traite pas quelqu'un qui veut devenir président de la République de petit calomniateur", confie un proche de M.Sarkozy. "Il était trop dans la défense de son bilan. Il a été acculé sur son côté président des riches", déplore un ministre. Les fantassins du sarkozysme sont vaillamment montés défendre le président sortant. "Ce qui ressort du débat, c'est un Nicolas Sarkozy précis qui respecte les Français et un Hollande dans le grand flou, arrogant et même discourtois", a estimé juste après le débat Nathalie Kosciusko-Morizet, porte-parole du candidat, qui s'est dite "choquée" par "l'agressivité de Hollande qui l'a interrompu une vingtaine de fois au moins". Agressivité, c'est le mot que s'est passé l'entourage du président qui a lâché à la sortie du débat: "Il n'y a pas que moi qui l'ai trouvé agressif. Mais bon, c'est comme ça, c'est sa personnalité." "Ponce Pilate", "petit calomniateur", n'est-ce pas le président sortant qui a prononcé ces attaques? "Au moment où M.Sarkozy l'a dit, c'était justifié. Le plus agressif des deux, ce n'était pas le président. Qui est M.Hollande pour porter des jugements moraux? Il n'y a pas un seul scandale dans ce quinquennat", s'agace Henri Guaino, conseiller spécial à l'Elysée. "L'avantage a été à Sarkozy, plus percutant dans son introduction, [avec] un bon passage sur l'Allemagne, efficace dans sa conclusion", dit Brice Hortefeux, qui trouve que le président sortant aeu raison de s'adresser directement aux électeurs de Marine Le Pen et de François Bayrou. Il concède que M.Hollande a été "pas mal" dans sa litanie "moi, président…" Pour le ministre du logement, Benoist Apparu, "cela a été assez équilibré": "Hollande a réussi à faire tourner le débat autour du bilan. M.Sarkozy a été plus précis et crédible." Reste que bien peu croient en un bouleversement de la donne. "Il n'y a pas eu d'intensité dramatique. Il n'y a pas eu l'équivalent du Mitterrand-Chirac de 1988 – "les yeux dans les yeux", sur l'affaire Gordji. Chacun a fait son job", résume M.Guaino. Arnaud Leparmentier et Vanessa Schneider | election-presidentielle-2012 | 51 |
Manuel Valls entouré par le ministre allemand de l’économie, Sigmar Gabriel (SPD), et le président du Parlement européen, Martin Schulz, à Berlin, le 14 avril. AFP/JOHN MACDOUGALL Manuel Valls effectuait à Berlin, lundi 14 avril, son premier déplacement à l'étranger en tant que premier ministre. Il participait à un colloque, organisé par le Parti social-démocrate (SPD) allemand, commémorant le centenaire de la première guerre mondiale. Mais, au pied des marches du Dôme Français, où se tenait la manifestation, c'est sur la « crédibilité » de la France à tenir ses engagements budgétaires qu'il s'est exprimé. « La France a lancé des réformes importantes, des réformes de structure. C'est un pays qui tient ses engagements, a assuré le chef du gouvernement. Nous tiendrons nos engagements car c'est la parole et la crédibilité de la France qui sont en jeu et personne ne peut mettre en doute la crédibilité de notre pays. » Dans l'entourage de M. Valls, on expliquait qu'il n'y aurait pas de demande de délai supplémentaire de la part de la France pour remettre ses comptes en ordre. « Faire du déficit ne fait pas une politique », soulignait son cabinet. Pourtant, le 31 mars, au lendemain du second tour des élections municipales, le président de la République, François Hollande, avait fait entendre une tonalité différente, en même temps qu'il souhaitait rééquilibrer le pacte de responsabilité par un pacte de solidarité. « Le gouvernement aura aussi à convaincre l'Europe que cette contribution de la France à la compétitivité et à la croissance doit être prise en compte dans le respect de ses engagements, déclarait le chef de l'Etat. Car renforcer l'économie française, c'est la meilleure façon de réorienter l'Europe. » Dans sa déclaration de politique générale, le 8 avril, à la tribune de l'Assemblée nationale, M. Valls lui-même semblait se laisser une marge de discussion avec les partenaires européens : « Bien sûr, il faut redresser nos comptes publics mais sans casser notre modèle social et nos services publics, sinon les Français ne l'accepteraient pas, affirmait-il. Je suis pour le respect de nos engagements, pour le sérieux budgétaire, pas pour l'austérité. Ce nécessaire équilibre, nous allons, à nouveau, l'expliquer à nos partenaires européens. » | politique | 9 |
Rien ne va plus dans les entreprises et les administrations françaises ! C'est ce que révèle le baromètre, publié le 20 novembre, par la Cegos, l'un des leaders mondiaux de la formation professionnelle continue. 53 % des salariés et des managers y indiquent avoir constaté une dégradation du climat social dans leur entreprise depuis un an. « Niveau de satisfaction dans l'emploi actuel, motivation, confiance en l'avenir... tous les indicateurs sont au rouge », s'inquiète Annick Hagel, manager du pôle ressources humaines de la Cegos. Salariés et managers constatent une dégradation du climat social par rapport à 2013, avec un écart moyen de 10 points sur les principaux indicateurs. La faute en grande partie aux restructurations. 64 % des 290 managers interrogés en ont en effet connu une au cours des douze derniers mois. « Ces réorganisations et mouvements sociaux entraînent des baisses d'effectifs, un gel des embauches et donc une surcharge de travail pour beaucoup de collaborateurs », explique Annick Hagel. Malgré la pression, la plupart s'accrochent. Si seuls 46 % des salariés se disent encore motivés par leur travail, 71 % restent très impliqués dans leur travail. En revanche, le stress gagne du terrain à tous les niveaux de la hiérarchie. « Autant le stress aigu peut avoir des vertus, autant le stress chronique risque d'avoir des effets délétères sur la santé des salariés et coûter très cher à l'organisation », alerte Annick Hagel. D'où l'importance de mener une réflexion de fond sur l'organisation du travail afin de réduire les risques psychosociaux et d'améliorer la performation des entreprises. L'enquête a été mené en septembre-octobre auprès de 1135 personnes dans des entreprises de plus de 100 salariés en France : 700 collaborateurs, 290 managers et 145 responsables ou directeurs des ressources humaines. | emploi | 119 |
Karim Benzema lors d'un entraînement à Clairefontaine le 1er septembre. AFP/BORIS HORVAT Touché à la cheville droite depuis lundi, Karim Benzema ne figurera pas sur la feuille de match contre la Biélorussie, vendredi au Stade de France, pour le premier match des qualifications de l'Euro 2012. Le joueur du Real Madrid, resté aux soins depuis le début de la semaine, a effectué un "essai" vendredi matin, jugé "encourageant" mais "à ce stade de l'évolution de l'état de sa cheville droite, la prudence s'imposait", indique la Fédération française de football. "Les soins se poursuivent dans l'espoir d'une possible aptitude à intégrer le groupe pour le match de mardi prochain à Sarajevo contre la Bosnie-Herzégovine", a ajouté la FFF. Le forfait de Benzema renforce la forte possibilité de voir Guillaume Hoarau et Loïc Rémy titulaires en attaque contre la Biélorussie. Les deux joueurs avaient déjà été associés au coup d'envoi du premier match de l'ère Laurent Blanc, contre la Norvège (1-2) le 11 août. | sport | 19 |
Pour la deuxième année consécutive, les LA Lakers de Kobe Bryant échouent en demi-finale des play-offs de NBA. REUTERS/STEVE SISNEY Kobe Bryant n'aura pas suffi pour sauver les Lakers de Los Angeles. Le multi-MVP, auteur de 42 points, n'a pas pu éviter le naufrage de son équipe battue 106-90 lundi soir par l'Oklahoma City Thunder lors des demi-finales de la Conférence Ouest de la NBA. Pour la deuxième année consécutive, la franchise californienne se voit privée d'une place en finale de conférence que le Thunder, qualifié 4-1, disputera face aux San Antonio Spurs de Tony Parker qui ont sorti les L.A. Clippers (4-0) après leur succès 102-99, dimanche. Bryant a eu beau faire la démonstration de son adresse pendant toute la rencontre, cela n'a pas suffi face au tandem composé de Russell Westbrook et Kevin Durant, auteurs respectivement de 28 et 25 points. "Nous avons fait un pas dans la bonne direction", a résumé Durant. "Les Lakers possèdent une organisation incroyable. Cela fait du bien de se qualifier, mais nous devons continuer", a-t-il ajouté. Dans ce cinquième match de la demi-finale, les joueurs de l'Oklahoma, qui vont disputer leur deuxième finale de conférence consécutive, ont surtout fait preuve de plus de volonté et de plus de détermination que les Californiens. Menés 70-66 au milieu du troisième quart temps, le Thunder a alors élevé le niveau de son jeu pour terminer cette phase sur un 17-7 avant d'engranger 10 points d'affilée à l'entame du dernier quart temps, au moment où Bryant se trouvait sur le banc. "Kobe s'est battu comme un guerrier, cela était dur, mais nous avons été au niveau", a résumé James Harden, auteur de 17 points. A l'Est, les Boston Celtics ont dominé les Philadelphie 76ers 101-85 pour prendre l'avantage 3-2 dans une série qui demeure incertaine. L'ailier Brandon Bass a inscrit 18 de ses 27 points au troisième quart temps, Kevin Garnett a fini avec 20 points tandis que Rajon Rondo a inscrit 13 points et 14 passes décisives. Les 76ers, qui malgré leur défaite ont pu compter sur Elton Brand, auteur de 19 points, doivent absolument remporter la sixième rencontre prévue mercredi à Philadelphie pour rester dans la course aux playoffs. | sport | 19 |
ocent. Le pape François s’est exprimé, dimanche 21 février, en faveur de l’abolition de la peine capitale à l’échelle mondiale. « J’en appelle à la conscience des dirigeants pour que nous puissions parvenir à un consensus international sur l’abolition de la peine de mort », a-t-il déclaré. Il a de plus suggéré que « ceux qui sont catholiques fassent un geste courageux et exemplaire en s’assurant qu’aucun prisonnier condamné ne soit exécuté pendant cette année sainte de miséricorde ». François a ainsi indirectement visé le favori à l’investiture républicaine dans la course à la Maison Blanche, Donald Trump. Quelques jours plus tôt, le 18 février, il l’avait déjà jugé « pas chrétien », en raison de ses positions tranchées sur l’immigration. | europe | 11 |
Ridley Scott, réalisateur de "Seul sur Mars", en salles le 21 octobre. 20th Century Fox 2015 Si, avant d’entamer sa carrière de cinéaste, Sir Ridley Scott a pris son temps, il n’a cessé depuis d’appuyer sur l’accélérateur. Son premier film, Duellistes, est sorti en 1977. Le réalisateur avait 39 ans, un âge canonique, surtout dans le contexte des années 1970 si propices aux cinéastes. Mais après ce coup d’essai suivi des coups de maître Alien et Blade Runner, il a enchaîné les films, sans jamais s’arrêter. A 77 ans, le réalisateur anglais ne semble pas près de ralentir. Il vient de signer quatre films en quatre ans : Prometheus (2012), Cartel (2013), Exodus (2014) et, aujourd’hui, Seul sur Mars. Un rythme démentiel, unique en son genre. Cette trajectoire paradoxale le surprend lui-même. Il anticipait un phénomène de décélération à l’approche de ses 80 ans. Il constate l’inverse : « Lorsque j’étais étudiant en art, j’avais dû m’expatrier à New York pour m’inscrire dans une école de cinéma, il n’y en avait pas encore en Grande-Bretagne. Je me suis retrouvé à synchroniser des rushes sur des documentaires, un truc impossible quand vous sortez d’une école d’art, et complètement à côté de la plaque quand vous aspirez à faire de la mise en scène. Puis, je suis passé à la publicité et j’ai constaté un fait élémentaire dans ma manière de travailler. Quand je dessinais, je faisais déjà de la mise en scène. Dans mon système, dessiner équivaut à mettre en place mon plan de tournage. » Metteur en scène et meneur d’hommes Cette facilité à faire surgir un univers sur une feuille de papier pour l’incarner devant une caméra explique cette longévité. « Avec les idées aussi claires, j’ai l’impression de parvenir à mettre toujours plus d’huile dans les rouages. Une autre chose aussi, liée à mon tempérament. J’ai toujours pensé que la tâche d’un metteur en scène ressemble à celle d’un général : vous menez des troupes ! Et cette capacité, si elle s’apprend, tient à votre tempérament. J’avais 800 personnes sous mes ordres pour Kingdom of Heaven, 500 pour La Chute du faucon noir. Sur la plupart de mes tournages, je dois toujours gérer une armée. Ce que peu de personnes savent faire. » Les montagnes martiennes reconstituées sans "Seul sur Mars", avec Matt Damon. 20th Century Fox 2015 C’est devenu un lieu commun tant c’est la marque distinctive du réalisateur anglais : Sir Ridley Scott est doué pour reconstituer des mondes. L’Europe napoléonienne de Duellistes, le vaisseau mère et la planète Acheron d’Alien, le quartier chinois de Los Angeles en 2019 dans Blade Runner, le Colisée de la Rome antique dans Gladiator, la Jérusalem médiévale pour Kingdom of Heaven, l’Egypte des pharaons dans Exodus, ou la Planète rouge, sur le sol de laquelle l’astronaute de la NASA incarné par Matt Damon se retrouve seul, sans ressources, coupé de toute communication avec la Terre dans Seul sur Mars. Ce talent ne relève pas tant de l’imagination de Ridley Scott que de sa capacité à observer et à se documenter. « Je ne voulais pas faire un film trop propre. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. » « Il n’y a pas une seule scène de Seul sur Mars qui ne résulte de nos discussions avec la NASA. Je ne voulais pas faire un film trop high-tech, trop propre, qui aurait été susceptible de vieillir rapidement. Cela aurait été en contradiction avec l’idée principale du film qui est que l’exploration spatiale relève d’une certaine forme de bricolage. La scène que j’adore est celle où le casque de Matt Damon se fendille. Il utilise alors du ruban adhésif pour boucher les fissures et éviter de perdre son oxygène. Croyez-le ou non, le meilleur ami de l’astronaute est le ruban adhésif. » Matt Damon, Jessica Chastain et Kate Mara (de gauche à droite au premier plan) dans "Seul sur Mars", de Ridley Scott. 20th Century Fox 2015 Ridley Scott est l’inventeur de la science en col bleu. Alien, Blade Runner et, dans une certaine mesure, Seul sur Mars sont les chefs-d’œuvre d’une science-fiction crasseuse et prolétarienne, dont les protagonistes, employés d’une multinationale, négocient leur salaire et, accessoirement, leur survie. Le cinéma de Scott se situe à l’opposé de 2001 de Kubrick, modèle génial de science-fiction en col blanc, qui reste l’un des films qui a le plus marqué le réalisateur anglais. Chez Scott, costumes et décors contribuent à installer cette atmosphère prolétarienne. « C’est la chemise hawaïenne que porte Harry Dean Stanton dans le vaisseau spatial d’Alien. Même le personnage du détective incarné par Harrison Ford dans Blade Runner a les caractéristiques du prolétaire. J’allais beaucoup à New York à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la ville était dégueulasse, c’était une métropole construite sur des poubelles, demandant désespérément à ce qu’on lui vienne en aide. New York était impressionnant par son volume, mais sombre. Est-ce que j’aimais la ville ? Non. Je la préfère aujourd’hui, depuis que les maires Giuliani et Bloomberg l’ont nettoyée. Mais c’est sa saleté qui m’a inspiré pour Blade Runner. C’est une ville qui ne peut pas se relever, impossible à rénover. Personne ne peut nettoyer les vitres sales des gratte-ciel. » De 2001, Ridley Scott a surtout gardé une idée, celle d’une force supérieure qui piloterait l’humanité à distance. Il l’a reprise dans Prometheus, où c’est l’ADN d’une race extraterrestre qui donne naissance au genre humain, et qu’il approfondira dans la suite du film qu’il s’apprête à réaliser au début de l’année prochaine. « Je ne crois plus au Big Bang. L’astrophysicien Stephen Hawking non plus d’ailleurs, je souscris davantage à la thèse du grand horloger, d’une force supérieure, la possibilité de la vie sur Terre obéit à trop de paramètres pour que nous puissions nous reposer sur notre seule rationalité. » La bande annonce « Seul sur Mars », de Ridley Scott Seul sur Mars, de Ridley Scott, avec Matt Damon. En salles le 21 octobre (2 h 24) | m-actu | 70 |
03:34 Société Emploi des femmes : pourquoi l’égalité des salaires ne veut pas dire égalité économique Commémorations du 11-Novembre Pourquoi des archives de la première guerre mondiale sont mises en scène 06:34 Vidéos Comment Berlin est devenu la capitale de l’« urbex », l’exploration de ruines 14:02 International L’histoire du mur de Berlin en vidéo : de la guerre à la chute | asie-pacifique | 2 |
Le Conseil national de transition (CNT) libyen, l'organe de la rébellion installé à Benghazi depuis la fin février, a enregistré un nouveau succès diplomatique en obtenant la reconnaissance du "groupe de contact" international pour la Libye réuni vendredi 15 juillet à Istanbul. Ce groupe de contact, qui rassemble, outre la Turquie, les pays occidentaux et arabes engagés dans les opérations militaires en Libye, a décidé de reconnaître le CNT comme "l'autorité gouvernementale légitime" libyenne jusqu'à la mise en place d'une autorité intérimaire. Alors que les Etats-Unis avaient reconnu le CNT lors de la réunion précédente du groupe de contact, le 9 juin, à Abou Dhabi, la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a justifié cette évolution en estimant que le CNT avait donné assez "d'assurances" pour pouvoir être considéré comme un "interlocuteur approprié". Le CNT avait été reconnu en premier par la France comme l'avait rappelé le premier ministre François Fillon lors du débat à l'Assemblée nationale sur la prolongation des opérations en Libye, le 12 juillet. Cette reconnaissance du groupe de contact pourrait avoir des implications financières immédiates pour la rébellion libyenne. "Cela veut dire que nous allons pouvoir dégeler un certain nombre d'avoirs appartenant à l'Etat libyen, puisque c'est le CNT qui exerce désormais cette responsabilité", a ainsi expliqué le ministre français des affaires étrangères, Alain Juppé. Réagissant à la répression de l'insurrection libyenne, le Conseil de sécurité de l'ONU avait adopté en février des sanctions économiques contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi incluant le gel des avoirs de sa famille et de ses proches. Privé de ressources financières, le CNT en réclame la cession. "UNE POIGNÉE DE TRAÎTRES" Dans leur déclaration commune, les participants à la réunion d'Istanbul ont appelé les pays détenant des avoirs libyens gelés à "ouvrir des lignes de crédit correspondant à 10 % à 20 % des avoirs gelés en considérant ceux-ci comme collatéraux". Le groupe de contact a aussi "encouragé les participants à fournir une aide financière substantielle au CNT dans le contexte des lois existantes, y compris à travers des mécanismes autorisant les entités contrôlées par le CNT à exporter des hydrocarbures". | afrique | 18 |
Le visage peint en vert, blanc, rouge, et brandissant des drapeaux italiens, plus d'une centaine de milliers de personnes ont fêté dans la nuit de mercredi à jeudi les 150 ans de l'Italie, malgré les dissensions politiques sur les célébrations de cet anniversaire. Pour l'occasion, les grands monuments de la péninsule étaient illuminés aux couleurs du drapeau, à commencer par l'Autel de la Patrie à Rome, monument à la gloire de Victor-Emmanuel II, proclamé le 17 mars 1861 roi d'Italie, premier chef d'Etat de la toute nouvelle nation unifiée. Le 17 mars 1861 est considéré officiellement comme la date de naissance de l'Italie moderne, auparavant divisée en sept Etats, sous la coupe d'occupants étrangers (Autrichiens, Français bonapartistes, bourbons espagnols...). Pour une paradoxale "nuit blanche tricolore", le centre historique de la capitale était envahi par la foule venue écouter les airs d'opéra de Verdi ou Puccini interprétés en plein air et regarder les spectacles pyrotechniques projetés sur les forums romains ou le Colisée, avant qu'à minuit des feux d'artifice tricolores soient lancés dans toute la ville. Selon l'adjoint au maire de Rome à la culture, l'événement a connu une affluence "exceptionnelle" d'environ 100 000 personnes dans la capitale. Expositions "aux racines de l'identité nationale" ou "150 ans mais elle ne les fait pas", projections, concerts... Les festivités, qui doivent se poursuivre jeudi, déclaré exceptionnellement jour férié, ont eu lieu aussi dans plusieurs villes comme Venise, Florence ou Turin, toute première et éphémère capitale de l'Italie. Ces célébrations ont suscité la réprobation du parti régionaliste de la Ligue du Nord, allié crucial de Silvio Berlusconi, dont des élus ont ouvertement boycotté ces derniers jours l'hymne national, Fratelli d'Italia (frères d'Italie). Une attitude critiquée tant par l'opposition que par certains membres de la majorité. "Divisés nous ne serions jamais devenus un grand Etat européen", a plaidé mercredi soir le président de la République, Giorgio Napolitano, en ouvrant les festivités. | europe | 11 |
S'il fallait choisir un stand parmi les 263 exposants de la foire d'art et d'antiquités de Maastricht (Pays-Bas), ce serait celui d'Axel Vervoordt. Non que les oeuvres y soient meilleures qu'ailleurs, mais en mêlant, dans un même espace, des marbres grecs et des tableaux contemporains, dans un décor de brocante ultra-sophistiqué, l'antiquaire belge, auteur d'une trilogie remarquée d'expositions muséales (Le Monde des 3 juillet 2007 et 25 juin 2009), résume parfaitement l'esprit du lieu : Maastricht, c'est tout l'art du monde, 30 000 pièces environ, de l'Antiquité à nos jours, dans quinze mille mètres carrés. Un petit Louvre, en somme, qui aurait annexé un bout de la Bibliothèque nationale, car les manuscrits enluminés et livres rares y ont aussi leur place. L'amateur explorateur trouvera ainsi une collection de documents historiques, comme le mythique Courtenay Compendium, disparu depuis un siècle et retrouvé par le marchand d'art suisse Jörn Günther, lequel contient un manuscrit de Marco Polo. Muni de ce viatique, et délesté de 2,5 millions d'euros, il pourra partir en expédition dans les dédales de la foire. Et rêver de civilisations disparues, ou en voie de l'être, en sautant d'une figure d'ancêtre de Nouvelle-Guinée (Galerie Meyer) à Un Apôtre, farouche et déterminé, peint par Carlo Crivelli vers 1475 (Galerie Sarti), ou encore à un cochon coupé en deux dans le sens de la longueur - un Damien Hirst de 1996 qui figura dans l'exposition "Sensation" de 1997 -, dont le succès de scandale lança le mouvement des Young British Artists. A Maastricht, la défunte bestiole est présentée par la très bien nommée Galerie londonienne Haunch of Venison. Elle est conservée dans deux aquariums remplis de formol, dont l'un coulisse sur des rails. L'explication du mouvement est dans le titre, qui reprend une ancienne comptine britannique : un petit cochon reste à la ferme, quand l'autre va au marché... Les petits cochons qui vont à ce marché de Maastricht portent un nom qui fleure bon sa grippe porcine. On les appelle les "HNWI". Le sigle, nous apprend le rapport annuel publié par l'universitaire Clare McAndrew à l'occasion de la foire, désigne les "Hight Net Worth Individuals", soit nos contemporains assez fortunés pour pouvoir disposer, hors la valeur de leur résidence principale, d'un revenu annuel supérieur au million de dollars. Ce sont ceux-là que guettent les 263 marchands présents, ceux-là pour lesquels le prix d'entrée de la foire, 55 euros tout de même, n'est pas un obstacle. D'autant moins que nombre d'entre eux figuraient parmi les 10 000 invités présents le jour du vernissage ! Ceux-là qui, dit toujours le rapport, préfèrent depuis la crise différer l'achat d'un nouveau yacht et reporter leurs avoirs dans des emplettes plus tangibles, moins paillettes et plus fongibles. L'art, notamment, ce qui expliquerait la surprenante résistance du secteur. De quoi s'offrir un Botticelli - une Madone dite "Rockefeller", du nom d'un de ses anciens propriétaires - pour 12 millions d'euros, un Gauguin peint aux îles Marquises en 1902 pour 25 millions de dollars, ou un bronze de Giacometti pour le même prix. Le cochon de Hirst ? Little Piggy Went to Market, This Little Piggy Stayed Home vaut 12 millions, comme le Botticelli, mais en dollars. La valeur totale des oeuvres exposées à Maastricht est estimée à 2,7 milliards de dollars (1,9 milliard d'euros) ! Soit environ le seizième de la totalité des échanges mondiaux d'art en 2009, évalués par Clare McAndrew à 42,8 milliards de dollars (31,3 milliards d'euros). Ces chiffres peuvent donner le tournis. Pourtant, écrit Clare McAndrew, ils ne représentent qu'une minorité des transactions. En 2009, 61 % des oeuvres échangées dans le monde le furent pour moins de 5 000 euros, et plus d'un tiers (33 %) dans une fourchette comprise entre 5 000 et 50 000 euros. Simplement, à Maastricht, ces catégories-là n'ont que peu droit de cité. Pour s'offrir un Picasso cubiste à la Galerie Krugier, comptez 8 millions d'euros. Entre 110 000 et 180 000, vous aurez du Picasso aussi, mais en kit : Krugier vend en effet les palettes du maître, encore maculées de peinture. Un peu plus loin, à la Galerie Emanuel Von Baeyer, on en trouvera le mode d'emploi : pour 72 000 euros, elle propose en effet un carnet de 16 pages où Picasso a noté, vers 1904, la liste des pigments achetés et utilisés pour peindre son célèbre tableau Famille de saltimbanques, aujourd'hui conservé à la National Gallery de Washington. Là, l'amateur peut hésiter et préférer aux outils du peintre un tableau tout fait. Comme ce portrait du Fayoum, parmi les plus anciennes peintures conservées - environ deux siècles avant notre ère - proposé par la Galerie Charles Ede, spécialiste anglais des antiquités gréco-romaines, aux alentours de 200 000 euros. Achalandage payant, semble-t-il, puisque, selon le journaliste spécialisé Judd Tully, la Galerie Ede a vendu deux douzaines d'oeuvres dans les cinq premières heures d'ouverture de la foire. "The European Fine Art Fair, Maastricht" (TEFAF), MECC (Maastricht Exhibition and Congress Centre), Forum 100, Maastricht. Tous les jours de 11 heures à 19 heures, jusqu'au 21 mars. Entrée 55 €. L'étude de Clare McAndrew, The International Art Market 2007-2009. Trends in the Art Trade during Global Recession (166 p., 15 €) peut être commandé sur le site de la foire, Tefaf.com. Harry Bellet | culture | 4 |
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