id
stringlengths 20
20
| ancien_id
stringlengths 0
26
| origine
stringclasses 1
value | url
stringlengths 66
66
| nature
stringclasses 1
value | titre
stringlengths 36
371
| date_decision
stringlengths 19
19
| juridiction
stringclasses 104
values | numero
stringlengths 0
279
| formation
stringclasses 528
values | type_recours
stringclasses 124
values | publication_recueil
stringclasses 5
values | president
stringlengths 0
38
| avocats
stringlengths 0
457
| rapporteur
stringlengths 0
47
| commissaire_gouvernement
stringlengths 0
141
| contenu
stringlengths 0
376k
|
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
CETATEXT000047720771 | J6_L_2023_06_00021MA01145 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/47/72/07/CETATEXT000047720771.xml | Texte | CAA de MARSEILLE, 1ère chambre, 22/06/2023, 21MA01145, Inédit au recueil Lebon | 2023-06-22 00:00:00 | CAA de MARSEILLE | 21MA01145 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. PORTAIL | SCP SVA | M. Marc-Antoine QUENETTE | M. ROUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société civile d'exploitation agricole (SCEA) Grameyer a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 août 2015 par lequel le maire de Sénas lui a retiré le permis de construire accordé le 13 mai 2015. Par un jugement n° 1508141 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté. La commune de Sénas a demandé à la Cour administrative d'appel de Marseille d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2018 et de rejeter la demande de la SCEA Grameyer présentée devant le tribunal administratif de Marseille. Par un arrêt n° 18MA02297 du 17 juillet 2020, la Cour a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête en tierce-opposition et des mémoires enregistrés le 18 mars 2021, le 28 juin 2021 et le 29 juillet 2021, M. A..., représenté par Me Gras, demande à la Cour : 1°) de déclarer non avenu cet arrêt de la Cour du 17 juillet 2020 ; 2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2018 ; 3°) de rejeter la demande de la SCEA Grameyer présentée devant le tribunal administratif de Marseille tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 août 2015 retirant le permis de construire délivré le 13 mai 2015 à la SCEA Grameyer ; 4°) de mettre à la charge de la SCEA Grameyer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la tierce-opposition est recevable ; - l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence en ce qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme ; - le projet architectural est incomplet en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ; - le projet méconnait les dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement sur l'étude d'impact ; - il méconnait les dispositions de l'article R. 431-18-1 du code de l'urbanisme ; - il méconnait les dispositions de l'article R. 111-11 du code de l'urbanisme ; - il méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; - il méconnait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme. Par des mémoires en défense enregistrés le 10 mai 2021, 15 juillet 2021 et 12 août 2021, la SCEA Grameyer, représentée par Me Versini Campinchi, conclut au rejet de la requête en tierce-opposition, de mettre en œuvre à titre subsidiaire les dispositions de l'article L. 600-5 ou L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour régulariser le permis et demande en tout état de cause que soit mise à la charge de M. A... la somme de 3 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête en tierce-opposition est irrecevable ; - les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Quenette, - les conclusions de M. Roux, rapporteur public - et les observations de Me Djabali, représentant M. A..., et de Me Louis, représentant la SCEA Grameyer. Une note en délibéré, présentée par Me Muller et Me Gras pour M. A..., a été enregistrée le 9 juin 2023. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 13 mai 2015, le maire de la commune de Sénas a délivré à la SCEA Grameyer un permis de construire une serre équipée de panneaux photovoltaïques destinée à la culture des asperges, au motif que la construction projetée était nécessaire à l'exercice de la profession agricole exercée par le pétitionnaire. A la suite de deux recours gracieux des 1 er et 17 juillet 2015 formés par des riverains et le préfet des Bouches-du-Rhône à l'encontre du projet, le maire de Sénas a, par un arrêté du 11 août 2015, retiré le permis de construire au motif que le projet de construction d'une serre photovoltaïque en vue de la culture d'asperges n'est pas compatible avec une activité agricole pérenne et ainsi méconnaît la vocation agricole de la zone sur laquelle il est implanté, et que l'autorisation initiale est illégale car non conforme à l'article 2NC du règlement du plan d'occupation des sols, alors en vigueur. Par un arrêt n° 18MA02297 du 17 juillet 2020, la Cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Sénas contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 mars 2018 qui a annulé l'arrêté de retrait du 11 août 2015 du permis de construire initial. M. A... forme tierce opposition à cet arrêt. Sur la recevabilité de la tierce-opposition : 2. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". 3. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A... dispose d'une habitation à proximité immédiate du projet de construction de serres agricoles présentant 16 983 mètres carrés de surface et 6,30 mètres de hauteur, susceptible de troubler les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de sa propriété et que le retrait a été prononcé à sa demande. 4. D'autre part, M. A..., dont les intérêts privés ne peuvent être regardés comme convergeant avec les intérêts publics de la commune alors même que cette dernière aurait fait droit à son recours gracieux en retirant le permis initialement octroyé à la SCEA Grameyer, n'a pas été présent ou régulièrement appelé à l'instance contestée. 5. Par suite, la tierce-opposition formée par M. A... est recevable. Sur le bienfondé du jugement attaqué : 6. En premier lieu, une substitution de motifs ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'administration auteur de la décision attaquée. Par suite, les motifs de retrait soulevés par M. A... seul, tirés de ce que le permis initial serait entaché d'incompétence, qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 431-18-1 du code de l'urbanisme, qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 111-11 du code de l'urbanisme, qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et qu'il méconnait les dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme, ne peuvent utilement être invoqués par M. A.... 7. En second lieu, dans sa requête d'appel, la commune a soutenu, au terme d'une substitution de motif, que le permis de construire octroyé méconnaissait les dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement sur l'étude d'impact. 8. Aux termes de l'article R. 431-16 du code de l'urbanisme, relatif aux pièces complémentaires devant être jointes à la demande de permis de construire en fonction de la situation ou de la nature du projet : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact, lorsqu'elle est prévue en application du Code de l'environnement (...) ". Selon l'article R. 122-2 du code de l'environnement : " I. - Les travaux, ouvrages ou aménagements énumérés dans le tableau annexé au présent article sont soumis à une étude d'impact soit de façon systématique, soit après un examen au cas par cas, en fonction des critères précisés dans ce tableau. / (...) ". Il ressort de la rubrique 26 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement que sont systématiquement soumis à étude d'impact les ouvrages de production électrique à partir de l'énergie solaire installée sur le sol pour les puissances égales ou supérieures à 250 kWc. La rubrique 36 du même tableau prévoit que sont systématiquement soumis à étude d'impact les travaux ou constructions réalisés en une ou plusieurs phases, lorsque l'opération crée une surface hors œuvre nette supérieure ou égale à 40 000 mètres carrés et, au cas par cas, les travaux ou constructions réalisées en une ou plusieurs phases, lorsque l'opération crée une SHON supérieure ou égale à 10 000 mètres carrés et inférieure à 40 000 mètres carrés. Selon l'article R. 112-2 du code de l'urbanisme, la surface de plancher d'une construction est la somme des surfaces de planchers de chaque niveau clos et couvert. L'article R. 122-3 du même code dans sa version alors applicable, dispose que : " I.- Pour les projets relevant d'un examen au cas par cas en application de l'article R. 122-2, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement, définie à l'article R. 122-6, examine, au regard des informations fournies par le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage, si le projet doit faire l'objet d'une étude d'impact. / Les informations demandées au pétitionnaire sont définies dans un formulaire de demande d'examen au cas par cas dont le contenu est précisé par arrêté du ministre chargé de l'environnement. Ce formulaire comprend notamment : / une description des caractéristiques principales du projet, notamment sa nature, sa localisation et ses dimensions ; / une description succincte des éléments visés aux 2° et 3° du II de l'article R. 122-5 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet. (...) IV.-L'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement dispose d'un délai de trente-cinq jours à compter de la réception du formulaire complet pour informer, par décision motivée, le pétitionnaire ou le maître d'ouvrage de la nécessité ou non de réaliser une étude d'impact. L'absence de réponse au terme de ce délai vaut obligation de réaliser une étude d'impact. (...) / V.- Tout recours contentieux contre la décision imposant la réalisation d'une étude d'impact doit, à peine d'irrecevabilité, être précédé d'un recours administratif préalable devant l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement qui a pris la décision. / (...) ". 9. Le projet en litige ne constitue par un ouvrage de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installée sur le sol mais sur des serres. En outre, la décision en litige est antérieure à la date du 16 mai 2017 impartie aux états membres pour se conformer à la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011. La circonstance à la supposer établie que la rubrique 26 dans sa version applicable au litige, en se bornant à ne viser que les installations de production d'électricité au sol, méconnaitrait les objectifs de cette directive, est dès lors sans influence sur la légalité du permis de construire attaqué. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que les constructions de serres agricoles envisagées sur une surface de près de 17 000 mètres carrés sont d'une part pourvues d'une toiture partiellement recouverte de panneaux photovoltaïques et d'autre part de murs des façades composés de films plastiques escamotables par un système d'enroulement permettant une aération de la serre par les côtés. Cependant, le système de fermeture souple et amovible, dépourvu de toute fondation ou fermeture hermétique, ne peut être regardé, dans le cas d'espèce, comme constituant un espace clos. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le permis initialement délivré était soumis à étude d'impact, le cas échéant au cas par cas, en application des dispositions de l'article R. 122-2 du code de l'environnement. 10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêt n° 18MA02297 du 17 juillet 2020 est non avenu, et à demander l'annulation du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté du 11 août 2015 du maire de Sénas retirant le permis de construire accordé le 13 mai 2015 à la SCEA Grameyer. Sur les frais liés au litige : 11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au profit de la SCEA Grameyer au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par M. A... soient mises à la charge de la SCEA Grameyer, qui n'est pas la partie perdante. D É C I D E : Article 1er : La tierce opposition de M. A... est admise. Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées. Article 3 : M. A... versera une somme de 2 000 euros à la société civile d'exploitation agricole Grameyer au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A..., à la société civile d'exploitation agricole Grameyer et à la commune de Sénas. Copie sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône Délibéré après l'audience du 8 juin 2023, où siégeaient : - M. Portail, président, - M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, - M. Quenette, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2023. 2 N° 21MA01145 |
CETATEXT000047857575 | J2_L_2023_07_00021LY04226 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/47/85/75/CETATEXT000047857575.xml | Texte | CAA de LYON, 1ère chambre, 06/07/2023, 21LY04226 | 2023-07-06 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY04226 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C+ | Mme MEHL-SCHOUDER | GRISEL | M. François BODIN-HULLIN | M. LAVAL | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Par une requête et des mémoires, enregistrés le 27 juillet 2018, le 9 août 2018, le 11 octobre 2018 et le 25 juin 2020, sous le n° 1804848, la société civile immobilière (SCI) L'Eau Vive, M. A... et Mme F... G..., Mme D... K..., Mme E... J... et M. B... G... ont demandé au tribunal d'annuler, d'une part, l'arrêté du 8 février 2018 par lequel le maire de la commune de Megève a délivré un permis de démolir et de construire un chalet d'habitation à M. C... et à Mme H... ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux, et, d'autre part, l'arrêté du 13 juillet 2018 par lequel il leur a délivré un permis de construire modificatif. Par un jugement avant-dire-droit du 13 juillet 2021, pris sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur ces demandes, jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, dans l'attente de la notification au tribunal d'une mesure de régularisation des vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. Par un jugement n°s 1804848 et 1805857 du 9 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de la SCI L'eau Vive et autres en annulant les permis de construire des 8 février et 13 juillet 2018. Procédure devant la cour I) Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2021 sous le n° 21LY04227, la commune de Megève, représentée par Me Antoine, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 ; 2°) de rejeter les demandes de première instance de la SCI L'eau Vive et autres ; 3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la SCI L'eau Vive et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier, la délivrance du permis modificatif constituant une circonstance de droit nouvelle imposant la réouverture de l'instruction ; - le permis modificatif du 4 octobre 2021 régularise les vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. La requête a été communiquée à la SCI L'eau Vive et autres, qui n'a pas produit de mémoire. Par ordonnance du 17 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2023. II) Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2021 sous le n° 21LY04226, la commune de Megève, représentée par Me Antoine, demande à la cour : 1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 ; 2°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la SCI L'eau Vive et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier en l'absence de réouverture de l'instruction ; - le permis modificatif du 4 octobre 2021 régularise les vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. La requête a été communiquée à la SCI L'eau Vive et autres, qui n'a pas produit de mémoire. Par ordonnance du 17 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2023. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ; - les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ; - les observations de Me Chaussat pour la commune de Megève ainsi que celles de Me Grisel pour la SCI L'eau Vive et autres. Une note en délibéré, présentée pour la commune de Megève, a été enregistrée le 23 mars 2023. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 8 février 2018, le maire de la commune de Megève a délivré à M. C... et à Mme H..., sur une parcelle cadastrée section AP n°..., au lieu-dit Glaise Est, un permis de construire portant sur la construction d'un chalet d'habitation d'une surface de plancher de 230,75 m², valant permis de démolir un mazot de 6,51 m². Il a accordé le 13 juillet 2018 un permis modificatif portant sur une création supplémentaire de surface de plancher de 12,30 m², une modification de l'emprise au sol et un abaissement de la toiture. La SCI L'Eau vive, M. A... G..., Mme F... G..., Mme D... K..., Mme E... J... et M. B... G... ont présenté un recours gracieux, reçu le 4 avril 2018 par la commune, tendant au retrait du permis initial, qui a été implicitement rejeté. Par une première requête, enregistrée sous le n° 1804848, ils ont demandé l'annulation de ces permis, ensemble le rejet implicite de leur recours gracieux. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 1805857, ils ont demandé l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2018 portant permis de construire modificatif. Par un jugement avant dire droit du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a sursis à statuer sur ces requêtes jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, dans l'attente d'une mesure régularisant les vices tirés de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme et des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme. Le maire de la commune de Genève a délivré une mesure de régularisation M2 par un arrêté du 4 octobre 2021, qui porte sur la suppression de la rampe d'accès au garage enterré et la création de deux places de stationnement extérieures en gravier, mais qui n'a été produit devant le tribunal administratif que par une note en délibéré. Par un jugement du 9 décembre 2021, le tribunal administratif a annulé les permis de construire des 8 février et 13 juillet 2018 en retenant l'absence de régularisation des vices dans son jugement avant-dire-droit. La commune de Megève relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 qui a fait droit à la demande de la SCI L'eau Vive et autres en annulant les arrêtés du 8 février 2018 et du 13 juillet 2018. Elle demande également, dans une requête distincte, le sursis à exécution de ce jugement. 2. Les deux requêtes sont dirigées contre un même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt. Sur la requête n° 21LY04227 : En ce qui concerne la régularité du jugement du 9 décembre 2021 : 3. D'une part, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme: " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ". A l'issue du délai qu'il a fixé dans sa décision avant dire droit pour que lui soient adressées la ou les mesures de régularisation du permis de construire attaqué, le juge peut à tout moment statuer sur la demande d'annulation de ce permis et, le cas échéant, y faire droit si aucune mesure de régularisation ne lui a été notifiée. Il ne saurait toutefois se fonder sur la circonstance que ces mesures lui ont été adressées alors que le délai qu'il avait fixé dans sa décision avant dire droit était échu pour ne pas en tenir compte dans son appréciation de la légalité du permis attaqué. 4. D'autre part, lorsque le juge est saisi d'un recours dirigé contre un permis de construire et qu'est produit devant lui, postérieurement à la clôture de l'instruction, un permis modificatif qui a pour objet de modifier des éléments contestés du permis attaqué et qui ne pouvait être produit avant la clôture de l'instruction, il lui appartient, sauf si ce permis doit en réalité être regardé comme un nouveau permis, d'en tenir compte et de rouvrir en conséquence l'instruction. Lorsqu'il s'agit d'un permis de régularisation, sa production après la clôture de l'instruction rend le vice susceptible d'être régularisé inopérant contre le permis initial et constitue, si la partie qui le produit n'était pas en mesure d'en faire état avant la clôture de l'instruction, une circonstance nouvelle susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire imposant dès lors d'en tenir compte et, en conséquence, de rouvrir l'instruction. 5. En l'espèce, si, postérieurement au jugement avant-dire-droit du 13 juillet 2021, une mesure de régularisation a été prise le 4 octobre 2021, elle n'a toutefois été produite que dans le cadre d'une note en délibéré, enregistrée au greffe du tribunal administratif postérieurement à l'audience du 15 novembre 2021. La commune de Megève n'apporte aucune explication sur l'impossibilité de produire cette décision avant cette date. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que le tribunal administratif, en prononçant l'annulation des permis en litige sans rouvrir l'instruction pour prendre en compte cette mesure de régularisation, a statué au terme d'une procédure irrégulière. En ce qui concerne les vices fondant l'annulation des permis de construire : 6. L'examen de la légalité des permis de construire des 8 février 2018 et 13 juillet 2018 impose d'examiner si, comme le soutient la commune de Megève en appel, la mesure de régularisation du 4 octobre 2021 produite dans le dossier d'appel et communiquée par la cour, a régularisé les vices relevés par le tribunal dans son jugement d'annulation. S'agissant de la méconnaissance des dispositions du a) de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : 7. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / (...) ". 8. Le sursis à statuer prononcé par le jugement avant-dire-droit du 13 juillet 2021 était fondé sur l'absence de production, dans le dossier de demande de permis de construire modificatif, du plan de coupe de la façade nord-ouest, ne permettant pas aux services instructeurs de se prononcer sur l'appréciation des règles d'implantation, de volume et de hauteur. Ce vice a toutefois été régularisé par la production de ce plan dans le dossier de la mesure de régularisation du 4 octobre 2021. S'agissant de la méconnaissance de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme : 9. Aux termes de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme : " 11.2 Dispositions particulières à l'ensemble de la zone UH concernant les constructions : / a. Implantation et volume : / (...) / Dans les secteurs UH2, UH3 et UH3p, - dans le cas d'une construction nouvelle ou d'extensions d'une construction existante, le rapport entre la hauteur maximum telle que définie à l'article 10 et la longueur de la façade pignon (hors éléments de débord) des constructions principales doit être au maximum de 0,65. " Aux termes de l'article 10 UH du règlement du plan local d'urbanisme : " HAUTEUR MAXIMALE / 10.1 Dispositions générales à l'ensemble de la zone UH : / (...) / La hauteur maximum des bâtiments est mesurée entre tout point situé sur la ligne de faîtage la plus haute de l'ensemble immobilier indivisible, projeté sur le point le plus bas du terrain fini après travaux d'exhaussement ou d'affouillement de sol nécessaires pour la réalisation du projet, pris dans le périmètre d'emprise au sol au droit des façades (hors balcons) dudit ensemble immobilier indivisible. / (...)/ 10.2 Dispositions particulières à l'ensemble de la zone UH : / La hauteur maximum telle que définie ci-dessus doit, en premier lieu s'intégrer à l'environnement bâti existant et en second lieu, ne pas excéder : / (...) / - dans le secteur UH2 : 13 m / (...) / ". 10. Il ressort de la mesure de régularisation du 4 octobre 2021 qu'en supprimant la rampe d'accès au garage enterré en façade nord-ouest et le garage enterré, le point le plus bas du terrain fini après travaux ne correspond plus au point situé à ce niveau mais au point d'altitude 1098,80 au niveau du rez-de-chaussée. La longueur de la façade pignon du projet litigieux dans la mesure de régularisation du 4 octobre 2021 est de 13 mètres avec une hauteur de 8,45 mètres, le rapport s'établissant ainsi désormais à 0,65, en conformité avec les dispositions précitées de l'article 11.2 UH du règlement du plan local d'urbanisme. Le vice retenu par le tribunal tiré de la méconnaissance, par les permis de construire des 8 février et 13 juillet 2018, des dispositions de cet article 11.2 UH a, dès lors, été régularisé. 11. Il résulte de tout ce qui précède que les vices retenus par le tribunal administratif dans son jugement avant-dire-droit ont été régularisés. La commune de Megève est, par suite, fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a fait droit à la demande de la SCI L'eau Vive et autres. Sur la requête n° 21LY04226 : 12. Le présent arrêt ayant statué sur la requête de la commune de Megève tendant à l'annulation du jugement du 9 décembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21LY04226 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution. Sur les frais liés au litige : 13. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SCI L'eau Vive et autres la somme que demande la commune de Megève au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 décembre 2021 est annulé. Article 2 : Les conclusions en annulation présentées par la SCI l'Eau Vive et autres sont rejetées. Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 21LY04226. Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Megève sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière (SCI) L'Eau Vive, à M. A... et Mme F... G..., à Mme D... K..., à Mme E... J..., à M. B... G..., à la commune de Megève. Copie en sera adressée à M. C... et à Mme H.... Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient : Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre, Mme Camille Vinet, présidente-assesseure, M. François Bodin-Hullin, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2023. Le rapporteur, F. Bodin-Hullin La présidente, M. I... La greffière, F. Prouteau La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N°s 21LY04226-21LY04227 |
CETATEXT000048147010 | J2_L_2023_09_00021LY02876 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/14/70/CETATEXT000048147010.xml | Texte | CAA de LYON, 6ème chambre, 29/09/2023, 21LY02876 | 2023-09-29 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY02876 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C+ | M. POURNY | SELARL SISYPHE | M. Bernard GROS | Mme COTTIER | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme D... a demandé au Tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 29 novembre 2019 par laquelle l'université Jean Moulin - Lyon 3 l'a ajournée à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats et d'enjoindre à l'université Jean Moulin - Lyon 3 de réexaminer sa situation. Par un jugement n° 2002605 du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 29 novembre 2019 par laquelle le jury de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats a ajourné Mme D... à cet examen et enjoint à l'université Jean Moulin - Lyon 3 de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 26 août 2021 et un mémoire complémentaire enregistré le 23 juin 2022, l'université Jean Moulin-Lyon 3, représentée par la SELARL Sisyphe Avocats, agissant par Me Gardien, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2002605 du 8 juillet 2021 du tribunal administratif de Lyon et de rejeter la demande de Mme D... présentée devant le tribunal administratif de Lyon ; 2°) de mettre à la charge de Mme D... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'université soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier pour être insuffisamment motivé, ne faisant en effet pas apparaître les motifs pour lesquels le défaut d'impartialité reproché au jury aurait exercé une influence déterminante sur la note qui a été attribuée à Mme D... ; - aucun manquement au principe d'impartialité du jury ne peut être retenu dès lors que l'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 2016 interdit uniquement aux membres du jury des épreuves de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats d'enseigner dans une formation publique et une formation privée préparant à l'examen ; - après évocation, la cour constatera que les moyens soulevés par Mme D... dans sa demande de première instance ne sont pas fondés. Par des mémoires en défense enregistrés les 20 avril 2022 et 2 septembre 2022, Mme D..., représentée par Me François, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'université Jean Moulin - Lyon 3 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Mme D... soutient que : - le jury était irrégulièrement composé car un membre du jury était également directrice de l'institut d'études judiciaires de Lyon et enseignante dans la préparation à l'examen d'entrée organisé par l'université Jean Moulin - Lyon 3, en méconnaissance de l'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 2016 ; - compte-tenu de l'écart relevé entre sa moyenne générale et celle requise pour l'admission, cette irrégularité a été de nature à exercer une influence sur le sens de la décision finale. Vu : - le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié organisant la profession d'avocat ; - le décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016 modifiant les conditions d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats ; - l'arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : * le rapport de M. Gros, premier conseiller, * les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique, * les observations de Me François représentant Mme D... et celles de Me Gardien pour l'université Jean Moulin - Lyon 3. Considérant ce qui suit : 1. Mme D..., candidate à l'examen d'entrée de l'école des avocats de la région Rhône-Alpes organisé par l'université Jean Moulin - Lyon 3 en septembre 2019 a, par décision du 29 novembre 2019, été ajournée à l'issue des épreuves d'admission avec une moyenne générale de 139,50 sur 280. Elle a demandé l'annulation de cette décision. Par un jugement du 8 juillet 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé ladite décision et enjoint à l'université Jean Moulin - Lyon 3 le réexamen de la situation de Mme D.... L'université Jean Moulin - Lyon 3 relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce qu'allègue l'université Jean Moulin - Lyon 3, le tribunal a suffisamment exposé les motifs de fait et de droit de sa décision. La circonstance qu'il n'a pas indiqué les raisons pour lesquelles l'irrégularité dans la composition du jury a pu exercer une influence sur le sens de la délibération du jury qui a ajourné Mme D... ne caractérise pas en elle-même un défaut de motivation. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lyon : 3. Aux termes du troisième alinéa de l'article 3 de l'arrêté susvisé du 17 octobre 2016, les membres de la commission nationale chargée d'élaborer les sujets des épreuves écrites d'admissibilité et d'harmoniser les critères de correction : " (...) ne peuvent enseigner dans une formation publique ou privée préparant à l'examen d'accès dans les centres régionaux de formation professionnelle d'avocats, ni être membres d'un jury de l'examen de l'année au titre de laquelle les sujets sont élaborés. (...) ". Aux termes du troisième alinéa de l'article 4 du même arrêté : " Les examinateurs et les membres du jury ne peuvent enseigner simultanément dans une formation publique et privée préparant à l'examen d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats au cours de l'année universitaire au titre de laquelle l'examen est organisé et l'année universitaire précédant celle-ci ". 4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... C..., directrice de l'institut d'études judiciaires de Lyon et intervenante, dans cet institut, dans la préparation à l'examen d'accès au centre régional de formation professionnelle d'avocats dans la matière " droits et libertés fondamentaux - aspects droit pénal " a également été nommée, la même année 2019, membre du sous-jury de l'épreuve du grand oral de l'examen d'entrée à l'école des avocats de la Région Rhône-Alpes qui a évalué la prestation de Mme D... et membre du jury de cet examen. Toutefois, les dispositions de l'article 4 de l'arrêté du 17 octobre 2016 ne permettent pas qu'un enseignant dans une formation, publique ou privée, préparant à l'examen d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats soit, l'année de l'examen ou l'année précédant celui-ci, également examinateur ou membre de ce jury. Dès lors, les dispositions de l'article 4 de l'arrêté précité qui visent à garantir l'application des principes d'impartialité des membres du jury à l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle d'avocats et d'égalité de traitement entre tous les candidats à cet examen, ont été méconnues. Cette irrégularité, qui ne constitue pas un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable mais concerne la composition du jury ayant pris la décision d'ajournement litigieuse, emporte l'annulation de la décision d'ajournement contestée. 5. Il résulte de ce qui précède que l'université Jean Moulin - Lyon 3 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 29 novembre 2019 par laquelle le jury de l'examen d'entrée au centre régional de formation professionnelle des avocats a ajourné Mme D.... Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'université Jean Moulin - Lyon 3 une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme D... et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de l'université Jean Moulin - Lyon 3 est rejetée. Article 2 : L'université Jean Moulin - Lyon 3 versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'université Jean Moulin - Lyon 3 et à Mme A... D.... Délibéré après l'audience du 5 septembre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pourny, président de chambre, M. Gros, premier conseiller, Mme Vergnaud, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023. Le rapporteur, B. GrosLe président, F. Pourny La greffière, F. Abdillah La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY02876 |
CETATEXT000048206393 | JG_L_2023_10_000000462580 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/20/63/CETATEXT000048206393.xml | Texte | Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 13/10/2023, 462580, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-13 00:00:00 | Conseil d'État | 462580 | 7ème - 2ème chambres réunies | Plein contentieux | C | CABINET ROUSSEAU, TAPIE | M. David Guillarme | M. Marc Pichon de Vendeuil | Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 21 359,91 euros en réparation des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016 du ministre de l'éducation nationale lui ayant infligé une exclusion temporaire de ses fonctions de professeur agrégé de mathématiques dans un lycée pour une durée de six mois. Par un jugement n° 1805303 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par un arrêt n° 20VE00692 du 3 février 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 mars et 23 juin 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cet arrêt ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. David Guillarme, maître des requêtes en service extraordinaire, - les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, au cabinet Rousseau, Tapie, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., professeur agrégé de mathématiques exerçant ses fonctions dans un lycée, s'est vu infliger une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de six mois par un arrêté du ministre de l'éducation nationale du 22 juillet 2016 pour avoir tenu devant ses élèves, le 27 novembre 2015, des propos contraires aux devoirs de réserve et de neutralité. Saisi par M. B... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a ordonné le 14 octobre 2016 la suspension de l'exécution de cette sanction. Par un jugement du 5 mars 2018 devenu définitif, le tribunal administratif de Versailles a annulé cette sanction, motif pris de son caractère disproportionné. M. B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 3 février 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel contre le jugement du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une somme de 21 359,91 euros, assortie des intérêts légaux et de leur capitalisation, en réparation des préjudices moral et financier qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de la sanction dont il a fait l'objet. 2. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration. Le juge n'est, en revanche, jamais tenu, pour apprécier l'existence ou l'étendue des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l'illégalité de la sanction, de rechercher la sanction qui aurait pu être légalement prise par l'administration. 3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a tenu devant ses élèves, le 27 novembre 2015, jour de l'hommage national aux victimes des attentats du 13 novembre 2015, des propos politiques et homophobes constitutifs de graves manquements aux devoirs de réserve et de neutralité. En exécution de l'ordonnance du juge des référés du 14 octobre 2016 mentionnée au point 1, M. B... a été réintégré dans ses fonctions en novembre 2016 de sorte que la période d'éviction s'est étendue du début du mois d'août à la fin du mois d'octobre 2016, soit trois mois. La cour administrative d'appel a jugé que, compte tenu de la gravité des faits reprochés au requérant, l'administration aurait pu légalement prendre une sanction emportant les mêmes effets sur sa rémunération, ce dont elle a déduit que le préjudice matériel allégué par M. B... du fait de la perte de revenus au cours de sa période d'éviction ne présentait pas un lien de causalité direct avec l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016. La cour n'a pas, en portant de telles appréciations, procédé à une qualification inexacte des faits qui lui étaient soumis. 4. En second lieu, en rejetant la demande de M. B... tendant au versement d'une indemnité en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de la sanction qui lui a été infligée au motif que le discrédit ou le stress qu'il alléguait ne présentaient pas de lien de causalité direct avec l'illégalité de l'arrêté du 22 juillet 2016, la cour n'a pas commis d'erreur de droit. 5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué. 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté. Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse |
|
CETATEXT000048236320 | J7_L_2023_10_00022DA01892 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/23/63/CETATEXT000048236320.xml | Texte | CAA de DOUAI, 3ème chambre, 17/10/2023, 22DA01892, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-17 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01892 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme Viard | SCP BOUTET-HOURDEAUX | M. Frédéric Malfoy | M. Carpentier-Daubresse | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler la décision du 18 juin 2020 par laquelle la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a refusé de lui accorder la carte du combattant, d'autre part, d'enjoindre à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre de lui délivrer cette carte. Par un jugement n° 2002723 du 7 juillet 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 18 juin 2020 de la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et lui a enjoint de délivrer à M. A... la carte du combattant dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Procédure devant la cour : Par une requête sommaire et des mémoires complémentaires enregistrés le 6 septembre 2022, le 24 octobre 2022, le 31 mai 2023 et le 12 juillet 2023, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, représenté par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. A... ; 3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 600 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; le tribunal n'a pas précisé les circonstances très particulières sur lesquelles il se fonde pour exonérer M. A... de justifier qu'il remplit les critères des articles L. 311-2 et R. 311-14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; c'est à tort que le tribunal a considéré que le devoir de discrétion qui s'impose aux fonctionnaires justifie que le demandeur ne soit pas en mesure de rapporter la preuve qu'il remplit les conditions nécessaires à l'attribution de la carte du combattant ; l'article D. 311-25 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre impose au fonctionnaire de produire au service compétent de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) les pièces justifiant de sa qualité de combattant de sorte qu'il est expressément prévu par un texte qu'il puisse être dérogé à l'obligation de discrétion ; l'Office peut se voir communiquer ces éléments quant à la mission dès lors qu'il s'agit d'un établissement public placé sous la tutelle du ministre de la défense et que ses agents sont soumis au même devoir de discrétion et de secret professionnel ; - en n'imposant pas au ministre des armées, pour statuer en toute connaissance de cause, de préciser la nature des missions confiées à M. A... lorsqu'il était affecté dans la région du golfe persique, le tribunal a méconnu son office ; le tribunal pouvait demander au ministre des armées d'apporter les précisions nécessaires sans que le devoir de discrétion ou un quelconque secret protégé par la loi n'y fasse obstacle ; - M. A... ne satisfait pas aux conditions prévues par les articles L. 311-2 et R. 311-14 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre pour la délivrance de la carte du combattant ; s'il a exercé des missions pendant plus de quatre mois dans la région du golfe persique, aucune pièce n'établit qu'il aurait servi dans une unité combattante impliquée dans une opération extérieure au sens de l'arrêté du 12 janvier 1994 ; les deux attestations qu'il a produites sont insuffisantes à établir sa participation à des opérations au sens de ces dispositions ; - la circonstance qu'il a obtenu le titre de reconnaissance des services rendus à la France pour sa participation aux opérations du Golfe ne permet pas de présumer qu'il satisfait aux conditions requises pour la délivrance de la carte du combattant. Par des mémoires en défense, enregistrés le 23 décembre 2022, le 23 juin 2023 et le 31 août 2023, M. A..., représenté par la SCP Boutet-Hourdeaux, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 600 euros soit mise à la charge de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les moyens soulevés dans la requête ne sont pas fondés ; - les premiers juges ont exposé la nature des circonstances particulières permettant de regarder comme satisfaites, les conditions de délivrance de la carte du combattant ; ce faisant ils ont satisfait à l'obligation de motivation du jugement ; - contrairement à ce que soutient l'Office, les premiers juges n'ont pas retenu que le devoir de discrétion et de respect du secret professionnel auquel il est soumis, impliquait de facto la délivrance de la carte du combattant ; faute pour le demandeur de pouvoir apporter des éléments plus précis sur la nature de la mission, le tribunal a toutefois pu se fonder sur d'autres éléments de preuve permettant d'attester de la réalité de cette mission tels que le titre de reconnaissance de la Nation et les deux attestations de la direction de l'administration des armées ; ces pièces suffisent à démontrer sa participation aux opérations extérieures ; - il résulte des éléments constitutifs du dossier de première instance, que le tribunal était en mesure de statuer ; en n'imposant pas au ministre des armées, par une mesure d'instruction, de préciser la nature de ses missions, les premiers juges n'ont ainsi pas méconnu leur office ; - l'appartenance à une unité combattante, s'agissant des personnels civils, n'est pas une condition impérative pour l'attribution de la carte du combattant. Par une ordonnance du 12 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 31 août 2023 à 12 heures. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - l'arrêté du 12 janvier 1994 fixant la liste des opérations ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant au titre de l'article L. 253 ter du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Frédéric Malfoy, premier conseiller, - les conclusions de M. Nil Carpentier-Daubresse, rapporteur public, - et les observations de Me Amsallem-Aidan pour l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, et de Me Boutet pour M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... a été employé en tant qu'agent personnel civil dans les services du ministère des armées à compter du 1er février 1986 puis en qualité de fonctionnaire à partir du 15 mars 1987. Durant sa carrière, M. A... a notamment été affecté en mission dans la région du Golfe du 3 octobre 1988 au 31 juillet 1991. En 2020, M. A... a sollicité la reconnaissance de la qualité de combattant pour ses services effectués en zone du Golfe lors du conflit de 1991, qui lui a été refusée par une décision du 18 juin 2020 de la directrice de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). A la demande de M. A..., par un jugement du 7 juillet 2022, le tribunal administratif d'Amiens a annulé ce refus et a enjoint à l'ONACVG de lui délivrer la carte du combattant. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre relève appel de ce jugement. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente la production de tout document susceptible de permettre de vérifier les allégations du demandeur. 3. Pour retenir, au point 3 du jugement attaqué, que M. A... doit être regardé comme une personne civile ayant, en vertu des décisions des autorités françaises, participé au sein d'unités françaises à des missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France et effectué au moins quatre mois de services au titre des opérations extérieures au sens de l'article L. 311-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, les premiers juges se sont fondés sur des attestations du chef du service du personnel du ministère de la défense et du chef du service de gestion des ressources humaines du ministère des armées, selon lesquelles l'intéressé a servi en qualité de fonctionnaire du ministère des armées au cours d'une mission longue dans la région du Golfe du 3 octobre 1988 au 31 juillet 1991. Ils se sont également fondés sur la circonstance, non contestée, que les fonctions exercées par l'intéressé le soumettant à un devoir de discrétion, il ne peut apporter aucun élément supplémentaire concernant la nature de sa mission. En se fondant sur ces circonstances très particulières, sans exiger de M. A... qu'il apporte davantage de précisions quant à la nature de sa mission, le tribunal, qui s'est estimé suffisamment informé sans mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction, n'a pas méconnu les principes énoncés au point précédent. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Il ressort du point 3 du jugement, que les premiers juges ont exposé la nature des circonstances particulières qui justifient, selon eux, que la qualité de combattant soit reconnue à M. A.... Ce faisant, ils ont suffisamment motivé leur jugement. 5. En dernier lieu, si l'ONACVG reproche au tribunal d'avoir déduit des seuls éléments cités au point 3 que la qualité de combattant de M. A... était établie, ce moyen a trait au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. 6. Il résulte de ce qui précède que l'ONACVG n'est pas fondé à soutenir que le jugement contesté est irrégulier. Sur le bien-fondé du jugement : 7. Aux termes de l'article L. 311-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ont vocation à la qualité de combattant les militaires des armées françaises qui ont participé à la guerre 1939-1945, aux guerres d'Indochine et de Corée, à la guerre d'Algérie et aux combats en Tunisie et au Maroc, les membres des forces supplétives françaises, les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé aux opérations au sein d'unités françaises, ainsi que les Français ayant pris une part effective aux combats aux côtés de l'armée républicaine espagnole durant la guerre civile. / La reconnaissance de la qualité de combattant dans les conditions prévues par le présent chapitre donne lieu à l'attribution de la carte du combattant ". Aux termes de l'article L. 311-2 du même code dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Ont également vocation à la qualité de combattant les militaires des forces armées françaises qui ont participé à des actions de feu et de combat ainsi que les personnes civiles qui, en vertu des décisions des autorités françaises, ont participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales, soit à des conflits armés, soit à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France. / Une durée d'au moins quatre mois de service effectuée au titre des conflits, opérations ou missions mentionnés au premier alinéa est reconnue équivalente à la participation aux actions de feu ou de combat mentionnées à cet alinéa. / Un arrêté conjoint du ministre de la défense et du ministre chargé du budget fixe notamment les périodes à prendre en considération pour chacun de ces conflits, opérations ou missions. Il fixe également les bonifications attachées le cas échéant à ces périodes ". En outre aux termes de son article R. 311-14 : " Pour les opérations ou missions, définies à l'article L. 311-2 et sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de cet article, sont considérés comme combattants les militaires des forces armées françaises ainsi que les personnes civiles qui : / 1° Soit ont appartenu pendant trois mois, consécutifs ou non, à une unité combattante ; pour le calcul de la durée d'appartenance, les services accomplis au titre d'opérations antérieures se cumulent entre eux et avec ceux des opérations et missions mentionnées au présent article ; / 2° Soit ont appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ; / 3° Soit ont pris part à cinq actions de feu ou de combat ; / 4° Soit ont été évacués pour blessure reçue ou maladie contractée en service, alors qu'ils appartenaient à une unité combattante sans condition de durée de séjour dans cette unité ; / 5° Soit ont reçu une blessure assimilée à une blessure de guerre quelle que soit l'unité à laquelle ils ont appartenu, sans condition de durée de séjour dans cette unité ; / 6° Soit ont été détenus par l'adversaire pendant quatre-vingt-dix jours au moins, sous réserve d'avoir appartenu antérieurement à leur capture ou postérieurement à leur détention, sans condition de durée de séjour, à une unité combattante pendant la période où celle-ci avait cette qualité ; toutefois, aucune condition de durée de captivité n'est opposable aux personnes détenues par l'adversaire et qui auraient été privées de la protection des conventions de Genève ". Par ailleurs, aux termes de l'article D. 311-25 de ce code : " La carte est établie sur justification de l'identité du demandeur et remise de la photographie mentionnée à l'article D. 311-23 auprès du service de l'Office national mentionné à l'article R. 347-4, après vérification de ses services militaires ou civils en temps de guerre ou en opérations extérieures. / (...) ". Enfin, l'arrêté susvisé du 12 janvier 1994 modifié, pris en application de l'article L. 311-2 précité et fixant la liste des opérations extérieures ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant, mentionne les opérations militaires dans le golfe persique et le golfe d'Oman pour la période du 30 juillet 1990 au 29 juillet 2003. 8. Il ressort des mentions de la décision du 18 juin 2020 attaquée, que pour refuser de reconnaître à M. A... la qualité de combattant, la directrice de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre s'est fondée sur le motif que l'intéressé " n'a pas effectué de services pendant les périodes de guerre, conflits ou opérations tels que définis par les textes en vigueur ". Il ressort des pièces du dossier, en particulier d'une première attestation datée du 22 juillet 1998 du chef du service du personnel du ministère de la défense et d'une seconde, datée du 6 août 2020 du chef du service de gestion des ressources humaines du ministère des armées, que M. A... a été en mission dans la région du Golfe du 3 octobre 1988 au 31 juillet 1991. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, que pour avoir participé aux opérations du Golfe durant cette période, M. A... s'est vu délivrer, le 19 novembre 1998, le titre de reconnaissance de la Nation, prévu par les dispositions alors en vigueur de l'article D. 266-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, qui en conditionnait la délivrance à une participation aux opérations et missions mentionnées à l'article R. 224 du même code précisant les conditions de délivrance de la carte du combattant. Si les dispositions alors applicables de l'article D. 266-4 de ce code prévoyaient que la carte du combattant ouvrait droit à la délivrance du titre de reconnaissance de la Nation, aucune disposition ne prévoyait la réciproque en cas de délivrance d'un tel titre, il n'en demeure pas moins que les critères d'attribution étaient identiques à l'exception de la condition de durée de service. Il est constant qu'à l'instar de la carte du combattant, le titre de reconnaissance de la Nation était alors délivré et l'est encore aujourd'hui en vertu des dispositions des articles L. 331-1 et D. 331-1 désormais applicables, aux militaires des forces armées françaises et aux personnes civiles ayant servi dans une formation ayant notamment participé aux opérations et missions figurant à l'arrêté précité du 12 janvier 1994. Il s'ensuit qu'étant titulaire depuis le 19 novembre 2019, du titre de reconnaissance de la Nation pour sa participation aux opérations du Golfe, M. A... doit nécessairement être regardé comme ayant participé au sein d'unités françaises ou alliées ou de forces internationales, à des opérations ou missions menées conformément aux obligations et engagements internationaux de la France au sens de l'article L. 311-2 cité au point précédent. Dans ces circonstances, compte tenu des deux attestations citées plus haut qui établissent que M. A... était en mission dans la région du Golfe du 3 octobre 1988 au 31 juillet 1991 mais également de la demande formulée par le ministre des armées dans son courrier du 31 août 2020, adressé à l'ONACVG, sollicitant le réexamen de la situation de l'intéressé à la suite du refus qui lui a été opposé par la décision attaquée du 18 juin 2020, la condition de service d'au moins quatre mois exigée par le deuxième alinéa de cet article, doit être regardée comme satisfaite. 9. Il résulte de tout ce qui précède que l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 18 juin 2020 de la directrice générale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et lui a enjoint de délivrer à M. A... la carte du combattant dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, une somme de 2 000 euros, à verser à M. A... sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre est rejetée. Article 2 : L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et au ministre des armées. Délibéré après l'audience publique du 3 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - Mme Marie-Pierre Viard, présidente de chambre, - M. Jean-Marc Guérin-Lebacq, président-assesseur, - M. Frédéric Malfoy, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023. Le rapporteur, Signé : F. Malfoy La présidente de chambre, Signé :M-P. Viard La greffière, Signé : C. Marécalle La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, C. Marécalle N° 22DA01892 2 |
CETATEXT000048300385 | J4_L_2023_10_00022NT00359 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/30/03/CETATEXT000048300385.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT00359, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT00359 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | INGELAERE | Mme Valérie GELARD | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 par lequel la directrice générale des douanes et des droits indirects a prononcé à son encontre un blâme. Par un jugement n° 2000935 du 13 décembre 2021, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 février 2022 et 5 juin 2023, M. A..., représenté par Me Ingelaere, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Caen du 13 décembre 2021 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 13 février 2020 ; 3°) d'enjoindre à la direction générale des douanes et des droits indirects d'effacer le blâme de son dossier ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - en se bornant à indiquer qu'" il est apprécié au sein de son travail " sans ajouter que ses compétences professionnelles sont reconnues par ses chefs de service, le président du tribunal administratif a insuffisamment apprécié son moyen ; le jugement attaqué est irrégulier à raison de ce motif ; - la procédure est entachée d'irrégularité dès lors que le courriel transmis à son supérieur hiérarchique contrevient à l'obligation de loyauté due par l'employeur public lors du prononcé des sanctions disciplinaires, qu'il n'a pas été formellement convoqué pour son entretien " écrit " et que le rapport sur l'interrogatoire portait des appréciations subjectives ; - les faits qui lui sont reprochés ne sont matériellement pas établis dans la mesure où il n'est pas démontré qu'ils seraient de nature à perturber le bon déroulement du service ou à jeter le discrédit sur l'administration ; les agents publics disposent d'une liberté d'expression ; les faits litigieux ne constituent pas une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; - la sanction est disproportionnée dès lorsqu'il s'agit de la première sanction disciplinaire prise à son encontre, qu'il a reçu plusieurs appréciations favorables au cours de sa carrière. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-163 du 11 janvier 1984 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gélard, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., contrôleur à la direction générale des douanes et des droits indirects depuis le 1er octobre 2016, a été affecté à compter du 31 décembre 2018 à la brigade de surveillance intérieure de Caen puis à compter du 1er décembre 2019 à la brigade de surveillance extérieure de Caen à Ouistreham. A titre privé, il a été condamné à un forfait post-stationnement, qu'il n'a pas acquitté. Le 10 janvier 2019, une saisie à tiers détenteur a été opérée sur son compte bancaire pour un montant de 70 euros. Par un courrier du 18 janvier 2019, M. A... a sollicité auprès de la trésorerie de " Caen Amendes " le remboursement de cette somme. Ce courrier a été communiqué au directeur régional des douanes et droits indirects de Caen. A l'issue d'une enquête administrative diligentée au sein des services des douanes, une procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de M. A.... Par un arrêté du 13 février 2020, la directrice générale des douanes et des droits indirects a prononcé un blâme à l'encontre de cet agent. M. A... relève appel du jugement du 13 décembre 2021 par lequel le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si le président du tribunal administratif a seulement indiqué dans les visas du jugement attaqué que M. A... " était apprécié au sein de son travail ", il a expressément jugé dans les motifs du jugement que la sanction en litige n'était pas disproportionnée. Il a ajouté que la circonstance que l'agent avait reçu des appréciations favorables au cours de sa carrière ne l'exonérait pas des faits reprochés. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir le président du tribunal administratif de Caen aurait insuffisamment analysé et répondu au moyen qu'il avait soulevé et que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité à raison de ce motif. Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision contestée : 3. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " La liberté d'opinion est garantie aux fonctionnaires ". Aux termes de l'article 25 de cette loi : " Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité " et en application de son article 29 : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Par ailleurs, selon les dispositions de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; (...) ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. 4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du courrier adressé le 18 janvier 2019 par M. A... à la trésorerie de " Caen Amendes ", une fiche de signalement a été rédigée le 22 janvier 2019 à l'attention des membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail commun à la direction départementale des finances publiques du Calvados et à la direction régionale des douanes et droits indirects de Caen. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en communiquant son courrier à son supérieur hiérarchique, le 28 janvier 2019, le directeur du pôle ressources humaines de la direction départementale des finances publiques du Calvados aurait violé le secret professionnel et que la sanction litigieuse aurait été prononcé en méconnaissance de l'obligation de loyauté due aux agents publics. Par ailleurs, il n'est pas contesté que M. A... a pu faire valoir sa défense préalablement à la décision contestée, notamment le 3 avril 2019. Enfin, le requérant ne produit aucun élément permettant de douter de l'impartialité des auteurs des rapports et comptes rendus relatant les faits qui lui sont reprochés. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que la décision contestée serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière ne peut qu'être écarté. 5. En deuxième lieu, par un courrier du 18 janvier 2019 adressé à la trésorerie de " Caen Amendes ", M. A... a sollicité le remboursement de la somme prélevée sur son compte bancaire " sans délai " en menaçant son destinataire de poursuites pour " concussion et/ ou extorsion ". Par suite, quand bien même cette lettre n'était pas adressée à un agent en particulier, elle constituait une menace personnelle à destination de tout agent de la trésorerie amené à en prendre connaissance dans le cadre de ses fonctions. M. A... menaçait en outre les services de la direction générale des finances publiques (DGFIP) de faire l'objet " d'une campagne virale particulièrement humiliante, d'une ampleur et d'un acharnement sans précédent, dans le respect scrupuleux de la loi ". Il précisait que sa communauté virale avait activement participé au développement du sentiment collectif de " dégagisme " et au mouvement des " gilets jaunes ". Il menaçait ce service de nouvelles actions. Ces menaces doivent être regardés comme des faits matériellement établis par les termes de la lettre précitée. La décision contestée reproche à M. A... un manquement à son devoir de réserve, une " atteinte au renom de l'administration des douanes " et d'avoir terni l'image de ce service auprès de la DGFIP. Compte tenu des termes du courrier rappelés ci-dessus, les propos de M. A... excèdent la simple liberté d'expression dont jouissent les fonctionnaires, laquelle doit au demeurant s'exercer dans la limite de leur devoir de neutralité et de réserve. Ils ont justifié un signalement aux membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Ils sont fautifs et de nature à justifier une sanction disciplinaire alors même qu'ils n'ont pas été rapportés dans la presse, ni diffusés en dehors des services concernés. 6. En troisième lieu, il n'est pas contesté que M. A... avait de bonnes évaluations professionnelles et n'avait, depuis sa nomination en 2016, fait l'objet d'aucune sanction disciplinaire. Par ailleurs, les faits qui lui sont reprochés présentent un caractère isolé. L'intéressé, contrôleur des finances publiques amené à exercer des fonctions de chef d'équipe, a toutefois proféré des intimidations et menaces graves à l'encontre d'agents relevant du même ministère et affectés dans le même département. Par suite, et compte tenu de leur caractère particulièrement intimidant et menaçant y compris pour le service de la trésorerie qui avait subi des dégradations dans le cadre des mouvements contestataires évoqués par le requérant, la sanction litigieuse, qui fait partie du premier groupe, ne présente pas un caractère disproportionné. 7. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées pour les mêmes motifs. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. A... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2023. La rapporteure, V. GELARDLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT00359 |
CETATEXT000048300386 | J4_L_2023_10_00022NT00537 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/30/03/CETATEXT000048300386.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT00537, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT00537 | 6ème chambre | plein contentieux | C | M. GASPON | CABINET ERWAN BARICHARD | M. François PONS | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler : I - l'arrêté du 30 août 2017 par lequel le président du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Loire-Atlantique a mis fin à ses fonctions de pharmacien gérant ainsi que l'arrêté du 6 septembre 2017 par lequel le président du SDIS de Loire-Atlantique l'a affectée sur un poste de pharmacien chef adjoint ; II - l'arrêté n°2018-917 du 31 août 2018 par lequel le président du SDIS de Loire-Atlantique l'a affectée, à compter du 1er septembre 2018, sur le poste de pharmacien chef adjoint ; - l'arrêté n°2018-918 du 31 août 2018 par lequel le président du SDIS de Loire-Atlantique a abrogé, à compter du 1er septembre 2018, l'arrêté du 6 septembre 2017 l'affectant sur le poste de pharmacien chef adjoint ; - l'arrêté n°2018-919 du 31 août 2018 par lequel le président du SDIS de Loire-Atlantique a abrogé, à compter du 1er septembre 2018, l'arrêté du 30 août 2017 ayant mis fin à ses fonctions de pharmacien gérant de la pharmacie à usage intérieur (PUI) ; - l'arrêté n°2018-920 du 31 août 2018 par lequel le président du SDIS de Loire-Atlantique a mis fin, à compter du 1er septembre 2018, à ses fonctions de pharmacien gérant de la PUI. Par un jugement n°1709848, 1811793 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 février 2022 et le 4 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Barichard, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 22 décembre 2021 ; 2°) d'annuler les arrêtés n°2017-2006 du 30 août 2017 et n°2017-2068 du 6 septembre 2017 par lesquels le président du SDIS de Loire-Atlantique a mis fin à ses fonctions de pharmacien gérant et l'a affectée sur un poste de pharmacien chef adjoint, ainsi que les arrêtés n°2018-917, n°2018-918, n°2018-919 et n°2018-920 du 31 aout 2018 du président du SDIS de Loire-Atlantique ; 3°) d'enjoindre au président du SDIS de Loire-Atlantique, sous astreinte de 200 euros par jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de la réintégrer sur son poste de pharmacien chargé de la gérance de la pharmacie à usage intérieur et de procéder au rappel des primes non versées ; 4°) de mettre à la charge du SDIS de Loire-Atlantique une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal a estimé que son changement d'affectation présentait le caractère d'une mesure d'ordre intérieur qui ne lui faisait pas grief : * elle a subi une perte de responsabilités dès lors qu'elle est passée d'un poste de pharmacien gérant de la PUI, où elle assurait seule les fonctions de la gérance, à un poste de pharmacie chef adjoint dépourvu de fonctions de gérance ; * elle a subi une perte de rémunération à hauteur de 236,59 euros, le taux de son indemnité de responsabilité est passé de 34 % à 31% et elle a perdu le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) ; - il n'est pas justifié de la compétence des signataires des arrêtés contestés ; - les arrêtés contestés ne sont pas motivés ; - sa réaffectation a provoqué une modification de sa situation professionnelle, laquelle ne pouvait, en vertu de l'article 52 de la loi du 26 janvier 1984, être régulièrement prononcée sans que le SDIS ait préalablement consulté pour avis la commission administrative paritaire ; - elle n'a pas pu consulter son dossier individuel ; - la procédure de création d'emploi et de déclaration de vacance, prévue par l'article 41 de la loi du 26 janvier 1984, a été méconnue ; - le délai entre la date de publicité de la déclaration de création ou de vacance d'emploi et la décision de l'autorité territoriale a été trop court ; - le comité technique n'a pas été consulté sur la suppression de son emploi, en méconnaissance de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984 ; - les deux arrêtés d'affectation de 2017 et 2018 ne visent pas la saisine du comité technique du 23 mai 2017 ; - le poste de pharmacien chef adjoint créé ne correspond pas aux statuts particuliers du cadre d'emploi des pharmaciens de sapeurs-pompiers professionnels, l'agent placé sur le poste de pharmacien chef ne peut assurer un temps complet ; - sa mutation interne aboutit à un déclassement et constitue une sanction déguisée et un détournement de pouvoir ; - la réorganisation du service santé de la PUI et notamment la suppression des emplois de pharmacien chef et pharmacien gérant afin qu'ils soient regroupés, a méconnu l'article R. 5126-19 du code de la santé publique qui précise qu'une modification de la PUI suppose une nouvelle procédure d'autorisation administrative. Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2022, le SDIS de Loire-Atlantique, représenté par Me Bernot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code de la santé publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n°2016-1236 du 20 septembre 2016 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Me William, substituant Me Bernot, représentant le SDIS de Loire-Atlantique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été recrutée, en octobre 2008, par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Loire-Atlantique, en qualité de sapeur-pompier professionnel titulaire, au grade de pharmacien de classe normale. Par un premier arrêté du 30 août 2017, le président du SDIS de Loire-Atlantique a mis fin à ses fonctions de pharmacien gérant à compter du 1er septembre 2017, et par un deuxième arrêté du 6 septembre 2017, a affecté l'intéressée sur un poste de pharmacien chef adjoint à compter du 1er septembre 2017. Par courrier du 25 septembre 2017, Mme B... a sollicité le retrait de ces deux arrêtés. Par deux arrêtés, n° 2018-918 et n° 2018-919 du 31 août 2018, le président du SDIS de Loire-Atlantique a abrogé, à compter du 1er septembre 2018, les deux arrêtés précités. Par deux autres arrêtés n°2018-917 et n° 2018-920, du 31 août 2018, le président du SDIS de Loire-Atlantique a mis fin aux fonctions de pharmacien gérant de la pharmacie à usage intérieur de Mme B... et affecté cette dernière sur le poste de pharmacien chef adjoint, à compter du 1er septembre 2018. Par courrier du 4 décembre 2018, Mme B... a sollicité le retrait de ces quatre arrêtés. Elle a ensuite saisi le tribunal administratif de Nantes de demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 30 août 2017 et du 6 septembre 2017, ainsi que des quatre arrêtés du 31 août 2018. Par un jugement du 22 décembre 2021, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses demandes. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable. 3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., pharmacien sapeur-pompier titulaire, en fonction SDIS de Loire-Atlantique, a été affectée, par un arrêté n°2018-917 du 31 août 2018, à la pharmacie du SDIS de Loire-Atlantique pour exercer les fonctions de pharmacien chef adjoint. Cette mesure a été prise, dans l'intérêt du service, en vue de réorganiser le service de santé et de secours médical du SDIS, afin de renforcer l'unité de fonctionnement et la cohérence des missions de la pharmacie. 4. En premier lieu, ce changement d'affectation est intervenu au sein du même service, sans modification du lieu d'exercice professionnel ou d'atteinte aux droits et libertés fondamentaux de la requérante. Il ne présente pas, au regard des éléments du dossier, le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée ou d'un détournement de pouvoir, ni ne traduit une discrimination, ni établie, ni même alléguée. 5. En deuxième lieu, si la requérante fait valoir qu'elle a subi une perte de responsabilités dès lors qu'elle est passée d'un poste de pharmacien gérant de la pharmacie à usage interne, où elle assurait seule les fonctions de la gérance, à un poste de pharmacien chef adjoint dépourvu de fonctions de gérance, il ressort des pièces du dossier, notamment de la délibération du conseil d'administration du SDIS en date du 13 juin 2017 et de la nouvelle fiche de poste de l'intéressée, que le poste de pharmacien-chef adjoint comprend l'exercice de fonctions de gérance, puisqu'il assiste le pharmacien-chef chargé de la gérance de la pharmacie à usage interne. En outre, les fonctions de pharmacien chef adjoint de la pharmacie départementale du SDIS comportent une dimension managériale correspondant, notamment, à la conduite et à l'animation d'une équipe technique pluridisciplinaire, à l'accompagnement des agents dans l'exercice de leur mission ainsi qu'à la coordination de l'activité des agents de l'unité pharmaco-secouriste. Enfin, les nouvelles fonctions de Mme B..., en qualité de pharmacien chef adjoint, se traduisent par une extension de ses missions, cette dernière étant amenée à intervenir dans tous les domaines relevant de la compétence d'un pharmacien chef pour le fonctionnement du service départemental en cause. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'a pas vu de diminution de ses responsabilités à l'occasion de son changement d'affectation. 6. En dernier lieu, ce changement d'affectation n'a entraîné pour Mme B... aucune perte de rémunération globale. Il a été l'occasion d'un changement de grade favorable, cette dernière étant passée du grade de pharmacien de classe normale à celui de pharmacien hors classe. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'augmentation de la rémunération de l'intéressée serait une conséquence statutaire du déroulement de sa carrière et ne serait pas liée à sa prise de poste de pharmacien-chef adjoint. Mme B... ne produit aucun élément permettant d'attester que ce changement d'affectation ce serait traduit pas une perte du bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire. Dans ces conditions, les arrêtés contestés n'entraînent, pour la requérante, ni réduction de sa rémunération ou de ses perspectives de carrière, ni atteinte aux droits et prérogatives qu'elle tient de son statut. Par suite, ces mesures présentent le caractère de mesures d'ordre intérieur, qui ne font pas grief et ne sont donc pas susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Dès lors, la demande de Mme B... est irrecevable et doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte. 7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes comme irrecevables. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SDIS de Loire-Atlantique, qui n'est pas dans la présente instance partie perdante, la somme demandée par Mme B..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du SDIS de Loire-Atlantique présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions du service départemental d'incendie et de secours de Loire-Atlantique tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Mme A... B... et au service départemental d'incendie et de secours de Loire-Atlantique. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT00537 |
CETATEXT000048300387 | J4_L_2023_10_00022NT00548 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/30/03/CETATEXT000048300387.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT00548, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT00548 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | SIZARET | M. François PONS | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédures contentieuses antérieures : Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler : 1 - la décision du 18 novembre 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 000 euros ; 2 - les titres de perception émis le 24 décembre 2019 à son encontre pour le recouvrement la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par un jugement n°2000933, 2004626 du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les titres de perception émis le 24 décembre 2019, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux, et rejeté le surplus des conclusions de Mme C.... Procédures devant la cour : I. Par une première requête, enregistrée le 23 février 2022 sous le n°22NT00548, l'OFII, représenté par Me Schegin, doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne le 24 décembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C... ; 2°) de rejeter la demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif de Rennes ; 3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - c'est à tort que le tribunal a relevé l'incompétence de l'ordonnateur des titres de perception émis le 24 décembre 2019 ; - les autres moyens soulevés par Mme C... dans sa demande initiale devant le tribunal ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 28 février 2023, Mme C... doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019 et le surplus de ses conclusions ; 2°) le rejet de la requête de l'OFII ; 3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la décision du 18 novembre 2019 est entachée d'une erreur de fait et que les autres moyens soulevés par l'OFII ne sont pas fondés. II. Par une seconde requête et un mémoire, enregistrés le 3 mars 2022 et le 4 juillet 2023, sous le n°22NT00682, Mme C... doit être regardée comme demandant à la cour : 1°) l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019 et le surplus de ses conclusions ; 2°) l'annulation de la décision du 18 novembre 2019 par laquelle l'OFII a mis à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 15 000 euros ; 3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'OFII au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'ordonnateur des titres de perception émis le 24 décembre 2019 était incompétent pour émettre les titres en cause ; - ni le courrier de l'OFII du 14 octobre 2019, ni celui du 18 novembre 2019 ne lui précise qu'elle a la possibilité de solliciter la communication du procès-verbal établi le 4 avril 2019 par les services de police de l'Ille-et-Vilaine, sur lequel l'OFII s'est fondé pour prononcer les sanctions contestées, et que cette absence d'information préalable constitue un vice de procédure, une méconnaissances des dispositions de l'article L. 122-2 code des relations entre le public et l'administration constitutif d'une violation des droits de la défense ; - la décision du 18 novembre 2019 est entachée d'une erreur de fait. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2023, l'OFII doit être regardé comme demandant à la cour : 1°) par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne le 24 décembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C... ; 2°) le rejet de la requête de Mme C... ; 3°) à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que c'est à tort que le tribunal a relevé l'incompétence de l'ordonnateur des titres de perception émis le 24 décembre 2019 et que les autres moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code du travail ; - le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ; - le décret n° 2020-163 du 26 février 2020 ; - l'arrêté du 18 juillet 2019 relatif au recouvrement des recettes des ordonnateurs principaux de l'Etat ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pons, - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Les services de police de l'Ille-et-Vilaine ont réalisé, le 4 avril 2019, un contrôle du garage "Auto Occas 35" situé à Saint-Jacques-de-la-Lande et exploité par Mme C.... Ils y ont constaté la présence d'un ressortissant arménien qui ne disposait pas de titre de séjour l'autorisant à travailler en France. Par courrier du 18 novembre 2019, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a notifié à Mme C... sa décision de mettre à sa charge une somme de 18 100 euros au titre de la contribution spéciale prévue par les dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail et une somme de 2 398 euros au titre de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ramenées à la somme totale de 15 000 euros. Les titres de perception correspondants ont été émis le 24 décembre 2019. L'intéressée a formé une réclamation contre ces titres le 24 février 2020. Par une première requête, Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de la décision du 18 novembre 2019 et, par une seconde requête, celle des titres de perception et de la décision rejetant implicitement sa réclamation. Par un jugement du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les titres de perception émis le 24 décembre 2019, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C..., et rejeté le surplus des demandes de l'intéressée. L'OFII demande l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne le 24 décembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C.... Cette dernière demande, quant à elle, l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019 et le surplus de ses conclusions. 2. Les requêtes n°22NT00548 et n°22NT00682 concernent le même jugement et présentent à juger des questions liées. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a annulé les titres de perception émis le 24 décembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C... : 3. Aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail : " (...) l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale (...). / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. / Elle est recouvrée par l'Etat comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. ". Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine (...) l'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et de liquider cette contribution. (...)/ Sont applicables à la contribution forfaitaire prévue au premier alinéa les dispositions prévues aux articles L. 8253-1 à L. 8253-5 du code du travail en matière de recouvrement et de privilège applicables à la contribution spéciale (...) ". Aux termes de l'article R. 5223-24 du code du travail relatif à l'organisation de l'OFII : " Le directeur général est ordonnateur secondaire à vocation nationale pour l'émission des titres de perception relatifs à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 et de ceux relatifs à la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". L'article R. 8253-4 de ce même code dispose : " A l'expiration du délai fixé, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide, au vu des observations éventuelles de l'employeur, de l'application de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1, la liquide et émet le titre de perception correspondant. / La créance est recouvrée par le comptable public compétent comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine ". Enfin, en vertu de l'article 10 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les ordonnateurs prescrivent l'exécution des recettes et des dépenses. La qualité d'ordonnateur est conférée, pour les personnes morales mentionnées aux 1°, 4°, 5° et 6° de l'article 1er, dans les conditions prévues aux titres II et III. Pour les personnes morales mentionnées aux 2° et 3° de l'article 1er, elle est régie par la loi. Les ordonnateurs sont principaux ou secondaires. Les ordonnateurs peuvent déléguer leur signature et se faire suppléer en cas d'absence ou d'empêchement. Les ordonnateurs, leurs suppléants ainsi que les personnes auxquelles ils ont délégué leur signature sont accrédités auprès des comptables publics assignataires relevant de leur compétence, selon les modalités fixées par arrêté du ministre chargé du budget. ". Aux termes de l'article 11 du même décret : " Les ordonnateurs constatent les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer. / Ils transmettent au comptable public compétent les ordres de recouvrer (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si les services de l'Etat assurent pour le compte de l'OFII le recouvrement des créances afférentes aux contribution spéciale et forfaitaire dues par l'employeur d'un travailleur étranger non autorisé à travailler, il n'appartient qu'au directeur général de l'Office, après avoir constaté et liquidé la contribution, d'émettre le titre de perception correspondant qui est ensuite transmis, conformément à l'article 11 du décret du 7 novembre 2012, au comptable public chargé du recouvrement. 4. En l'espèce, les titres de perception litigieux ont été émis le 24 décembre 2019 par M. B..., nommé directeur de l'évaluation de la performance, de l'achat, des finances et de l'immobilier du ministère de l'intérieur à compter du 19 septembre 2016, par décret du 15 septembre 2016, régulièrement publié au Journal officiel de la République française. Ces titres de perception n'ont pas été émis par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sa qualité d'ordonnateur secondaire, mais par le ministre de l'intérieur. Par suite, les titres de perception en litige, qui, en contradiction avec ce qui a été dit au point précédent, n'ont pas été émis par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ou par une personne relevant de son autorité à laquelle il aurait délégué sa signature, ont été pris par une autorité incompétente et doivent, par suite être annulés. 5. Il résulte de ce qui précède que l'OFII n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 3 janvier 2022, le tribunal administratif de Rennes a annulé les titres de perception émis par la direction départementale des finances publiques de l'Essonne le 24 décembre 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux de Mme C.... Sur le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019 : 6. Si ni les articles L. 8253-1 et suivants du code du travail, ni l'article L. 8271-17 du même code ne prévoient expressément que le procès-verbal constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler en France, et fondant le versement de la contribution spéciale, soit communiqué au contrevenant, le respect du principe général des droits de la défense suppose, s'agissant des mesures à caractère de sanction, ainsi d'ailleurs que le précise désormais l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le 1er janvier 2016, que la personne en cause soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et mise à même de demander la communication des pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus. 7. Par ailleurs, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. 8. En l'espèce, ni le courrier de l'OFII du 14 octobre 2019, ni celui du 18 novembre 2019 n'ont précisé à Mme C... qu'elle avait la possibilité de solliciter la communication du procès-verbal établi le 4 avril 2019 par les services de police de l'Ille-et-Vilaine, sur lequel l'OFII s'est fondé pour prononcer les sanctions contestées. La seule mention de l'existence d'un procès-verbal est insuffisante à considérer que Mme C... a été mise à même de demander la communication de ce document. Cette absence d'information préalable constitue un vice de procédure et a privé l'intéressée d'une garantie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration et du principe général des droits de la défense doit être accueilli. 9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 3 janvier 2022, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019. Par suite, il y a lieu d'annuler la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019 et de décharger Mme C... du paiement de la somme de 15 000 euros ainsi mise à sa charge Sur les frais liés à l'instance : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'OFII une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n°2000933, 2004626 du 3 janvier 2022 du tribunal administratif de Rennes, en tant qu'il a rejeté la demande de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du directeur général de l'OFII du 18 novembre 2019, est annulé. Article 2 : La décision du 18 novembre 2019 par laquelle le directeur général de l'OFII a mis à la charge de Mme C... la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est annulée. Article 3 : Mme C... est déchargée de l'obligation de payer la somme de 15 000 euros mise à sa charge par la décision annulée à l'article 2. Article 4 : L'OFII versera à Mme C... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et de Mme C... est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à Mme A... C.... Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - M. Pons, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2023. Le rapporteur, F. PONSLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°22NT00548 - N°22NT00682 |
CETATEXT000048300388 | J4_L_2023_10_00022NT00818 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/30/03/CETATEXT000048300388.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT00818, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT00818 | 6ème chambre | plein contentieux | C | M. GASPON | LE BROUDER | M. Olivier COIFFET | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, au juge des référés du tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat, d'une part, à lui verser une provision de 19 883,73 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2016, d'autre part, à réparer son préjudice moral et enfin d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'intégrer la période de sanction annulée dans le calcul de sa pension de retraite. Par une ordonnance n° 2101341 du 29 octobre 2021 le juge des référés du tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser à M. B... une provision de 9 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour : Par requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 17 mars 2022 et le 25 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Le Brouder, demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du 29 octobre 2021 en tant qu'elle a limité la provision qui lui a été accordée à la somme de 9000 euros ; 2°) de condamner l'Etat, d'une part, à lui verser une provision de 24 883,73 euros, assortie des indemnités de retard à compter du 29 juin 2016 ; 3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'intégrer la période de sanction annulée dans le calcul de sa pension de retraite dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de par jour de retard. 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2500 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; Elle soutient que : - l'ordonnance est entachée de plusieurs irrégularités : * le juge des référés a méconnu son office en n'usant pas de ses pouvoirs d'instruction ; * le principe de l'acquiescement aux faits résultant des dispositions de l'article R.612-6 du code de justice administrative a été méconnu en limitant la provision accordée à la somme de 9000 euros dès lors que l'administration qui n'avait pas défendu ne contestait le caractère " non contestable " de l'obligation pesant sur elle ; * enfin, le juge des référés a statué " infra petita " dès lors qu'il ne s'est pas prononcé sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'intégrer la période de sanction annulée dans le calcul de sa pension de retraite ; - l'ordonnance est mal fondée ; l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité et a causé un préjudice financier et moral à hauteur de 24 883,73 euros. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire enregistrés les 27 juin 2023 et 31 juillet 2023, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens présentés par M. B... ne sont pas fondés et qu'il n'est pas recevable à demander l'indemnisation de son préjudice moral qu'il évalue pour la première fois en appel à la somme de 5000 euros. Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, président-assesseur ; - et les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., professeur d'éducation physique et sportive depuis 1993, a, par un arrêté du 6 juillet 2012, été affecté au lycée ... à ... (76). Le 13 mars 2014, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé à son encontre une exclusion temporaire de fonction d'une durée de neuf mois dont trois mois avec sursis. Cette sanction a été annulée pour erreur d'appréciation par le tribunal administratif de Rouen par un jugement du 28 avril 2015, rectifié par une ordonnance du 28 avril 2015, devenu définitif. Par un courrier du 18 juin 2015, M. B... a sollicité de son administration le versement d'une indemnité compensatrice concernant les traitements non perçus pendant la période de son exclusion temporaire effective du 15 mars au 15 septembre 2014. Toutefois, aucune suite n'a été donnée à sa demande. Par un arrêté du 30 septembre 2015, le recteur de l'académie d'Amiens a prononcé à l'encontre de M. B... la sanction de l'abaissement du 11ème au 10ème échelon avec un report d'ancienneté de 3 ans, 11 mois et deux jours à compter du 24 septembre 2015. 2. M. B... a, le 18 juin 2021 et sur le fondement de l'article R.541-1 du code de justice administrative, saisi le juge des référés du tribunal administratif de Caen d'une demande tendant, d'une part, à la condamnation de l'Etat à lui verser une provision de 19 883,73 euros, assortie des intérêts de retard à compter du 29 juin 2016, et à l'indemnisation de son préjudice moral en réparation des préjudices résultant de son éviction illégale du service du 15 mars au 15 septembre 2014. Il a, d'autre part, également demandé qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'intégrer la période pendant laquelle il a été sanctionné illégalement dans le calcul de sa pension de retraite. M. B... relève appel de l'ordonnance du 29 octobre 2021 par laquelle le juge des référés a limité la provision qui lui a été accordée à la somme de 9000 euros et a rejeté le surplus de sa demande. Sur la régularité de l'ordonnance attaquée : 3. En premier lieu, il appartient au juge administratif, en application des dispositions de l'article R.611-10 du code de justice administrative, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, d'ordonner toutes les mesures d'instruction qu'il estime nécessaires à la solution des litiges qui lui sont soumis, et notamment de requérir des parties ainsi que, le cas échéant, de tiers, la communication des documents qui lui permettent de vérifier les allégations des requérants et d'établir sa conviction. 4. M. B... soutient que le juge des référés aurait dû, pour fixer le montant de l'indemnité qui lui a été allouée, mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction et interroger ainsi les parties sur l'intervention d'une nouvelle sanction. Toutefois, il était loisible au demandeur de la provision de faire état de cet élément. Par suite, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas entaché d'irrégularité son ordonnance en ne procédant pas à cette mesure d'instruction, qui est une faculté et non une obligation. Si M. B... entend également critiquer le fait que le juge des référés, en l'absence de toute mesure d'instruction, a estimé à tort " compte tenu des faits commis par lui, que l'administration aurait pu prendre à son encontre une sanction disciplinaire de même nature mais d'une durée moindre ", cette critique relève du bien-fondé du litige et est sans incidence sur la régularité de l'ordonnance contestée. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ". M. B... soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Caen s'est, pour limiter à 6000 euros le montant de la provision accordée, abstenu de tirer les conséquences de l'acquiescement aux faits par le ministre de l'éducation nationale, lequel n'a pas produit de mémoire en défense et n'a pas contesté le montant de la provision sollicitée d'un montant de 19 883,73 euros. 6. Si, lorsque le défendeur n'a produit aucun mémoire, le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une telle mise en demeure avant de statuer, il doit, s'il y procède, en tirer toutes les conséquences de droit. Il lui appartient seulement, lorsque les dispositions précitées sont applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans les mémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier. 7. Il ne résulte pas de l'instruction, d'une part, des pièces composant le dossier de première instance, et contrairement à ce que soutient M. B..., que le tribunal administratif aurait mis en demeure l'administration de produire un mémoire en défense de sorte que cette dernière ne peut être réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans la demande de provision en application de l'article R. 612-6 du code de justice administrative. D'autre part, pour le surplus et ainsi qu'il a été rappelé plus haut, M. B... n'avait à aucun moment, dans ses écritures, indiqué qu'il avait fait l'objet d'une nouvelle sanction et, en tout état de cause, l'appréciation du montant de la provision à accorder en cas d'une obligation non sérieusement contestable n'affecte pas la régularité de l'ordonnance attaquée mais relève du bien-fondé de celle-ci. Le moyen sera, en tout état de cause, écarté. 8. En troisième et dernier lieu, le juge des référés du tribunal qui a, au point 6 de l'ordonnance attaquée, indiqué " qu'il sera fait une juste appréciation de l'obligation non sérieusement contestable dont peut se prévaloir M. B... au titre de l'ensemble des préjudices dont il se prévaut en la fixant à 9 000 euros pour solde de tout compte ", doit être regardé comme s'étant, ce faisant, également prononcé sur le préjudice découlant de " la non intégration de la période de sanction annulée dans le calcul de sa pension de retraite " et les conclusions d'injonction présentées à cet effet. M. B... n'est, par suite pas fondé à soutenir que le juge des référés se serait prononcé infra petita. Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée : 9. Aux termes, d'une part, de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant. 10. En vertu, d'autre part, des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour apprécier à ce titre l'existence d'un lien de causalité entre les préjudices subis par l'agent et l'illégalité commise par l'administration, le juge peut rechercher si, compte tenu des fautes commises par l'agent et de la nature de l'illégalité entachant la sanction, la même sanction, ou une sanction emportant les mêmes effets, aurait pu être légalement prise par l'administration. Le juge n'est, en revanche, jamais tenu, pour apprécier l'existence ou l'étendue des préjudices qui présentent un lien direct de causalité avec l'illégalité de la sanction, de rechercher la sanction qui aurait pu être légalement prise par l'administration. 11. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a cependant lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi perçues au cours de la période d'éviction. 12. M. B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Caen de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant total de 19 883, 73 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de l'absence de toute rémunération pendant sa période d'éviction illégale du service, ainsi que du préjudice moral l'affectant, qu'il n'avait pas précisément chiffré. Il demande désormais à la cour de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, au titre de son préjudice financier la somme totale de 19 883, 73 euros correspondant à 18 280, 38 euros au titre de son traitement brut, de 753,20 euros au titre des heures supplémentaires, de 699,51 euros au titre de l'indemnité de suivi et d'orientation et de 150,64 euros au titre de la majoration des heures supplémentaires et d'autre part, une somme de 5000 euros au titre du préjudice moral subi. 13. En premier lieu, M. B... soutient qu'en l'absence de sanction il aurait perçu un traitement de 18 220 euros pour la période d'éviction illégale du service. Il résulte de l'instruction, s'agissant du préjudice financier subi et indemnisable, que M. B..., du fait de la sanction d'exclusion temporaire de fonction d'une durée de neuf mois dont trois mois avec sursis du 13 mars 2014, sanction définitivement jugée illégale pour erreur d'appréciation, n'a pas perçu son traitement pour les mois de mars 2014 à septembre 2014. Dans de telles circonstances, le préjudice financier subi par M. B... du fait de son éviction illégale du service pendant une période de six mois doit être intégralement réparé. Il sera fait, en l'espèce une juste appréciation de l'indemnité représentative de perte de traitement en la fixant à la somme de 18 200 euros. En revanche, il ne peut prétendre à aucune indemnité au titre des heures supplémentaires, de l'indemnité de suivi et d'orientation et de la majoration des heures supplémentaires, liées à l'exercice effectif des fonctions. 14. En second lieu, si M. B... soutient que l'illégalité de la sanction d'exclusion temporaire du service a eu des répercussions importantes sur sa vie personnelle et professionnelle et qu'il a dû s'investir activement pour faire valoir ses droits, il n'apporte cependant aucun élément permettant d'étayer l'existence du préjudice moral invoqué et qu'il évalue pour la première fois en appel à la somme de 5000 euros. Cette demande indemnitaire, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre de l'éducation nationale, sera en tout état de cause rejetée. 15. Il résulte de ce qui vient d'être dit que M. B... peut prétendre à obtenir une provision d'un montant total de 18 220 euros qui sera mise à la charge de l'Etat. Sur les intérêts : 16. M. B... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme globale de 18200 euros à compter du 4 juillet 2016, date de réception par l'administration de sa réclamation préalable. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 17. M. B... sollicite qu'il soit enjoint au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports d'intégrer dans le calcul de sa pension de retraite les sommes versées au titre de l'indemnité à laquelle il peut prétendre s'agissant de sa période d'éviction illégale du service. Toutefois, la question de la reconstitution des droits à pension de la retraite de M. B... relève, ainsi que le souligne le ministre de l'éducation nationale en opposant une fin de recevoir sur ce point, d'un litige distinct de celui soumis à la Cour, et demeure en tout état de cause étranger à l'office du juge des référés, saisi sur le fondement de l'article R.541-1du code de justice administrative. Les conclusions seront rejetées. 18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que la provision qui lui a été accordée a été insuffisamment évaluée et que l'ordonnance attaquée doit être réformée dans cette mesure, la somme de 9000 euros étant portée à 18 200 euros, cette somme portant intérêts à compter du 4 juillet 2016. Sur les frais de l'instance : 19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui est dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. B... d'une somme de 1500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La provision que l'Etat a été condamné à verser à M. B... est portée à la somme de 18 200 euros. Article 2 : La somme de 18 200 euros portera intérêts à compter du 4 juillet 2016. Article 3 : L'ordonnance n° 2101341 du 29 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Caen est réformée en ce qu'elle a de contraire aux articles 1er et 2. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'éducation nationale. Une copie en sera adressée à la rectrice de l'académie de Normandie. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023 à laquelle siégeaient : M. Gaspon, président de chambre ; M. Coiffet, président assesseur ; Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, I.PETTON La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22NT00818 2 |
CETATEXT000048300392 | J4_L_2023_10_00022NT01652 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/30/03/CETATEXT000048300392.xml | Texte | CAA de NANTES, 6ème chambre, 31/10/2023, 22NT01652, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT01652 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. GASPON | SCP MARION LEROUX SIBILLOTTE ENGLISH | M. Olivier COIFFET | Mme BOUGRINE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes, tout d'abord, d'annuler la décision du 16 juillet 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant de 5 000 euros en application de l'article L. 4752-1 du code du travail, ensuite, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1904796 du 4 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 mai et 31 août 2022, M. B..., représenté par Me Sibillotte demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 4 avril 2022 ; 2°) à titre principal, d'annuler la décision du 16 juillet 2019 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant de 5 000 euros ; 3°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de l'amende administrative ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision contestée est entachée d'une insuffisance de motivation ; s'agissant de la motivation en droit, les textes régissant le travail en hauteur ne sont pas visés (articles R4323-58, R4534-85, R4323-59, R 4323-77, R4323-84, R4534-86 et L4311-7du code du travail) ni même ceux relatifs aux modalités du contrôle de la législation applicable (L4731- 1, L4731-2, L8112-1, L4111-6 ou L4321-4 du code du travail) ; ainsi, il est impossible à la lecture de la décision de la DIRECCTE de connaître les textes qui n'auraient pas été respectés ; s'agissant de la motivation en fait, la date des évènements litigieux n'est pas visée, le salarié concerné par le risque de chute non plus et il n'est pas précisé en quoi l'échafaudage et les équipements mis à disposition ne répondent pas aux impératifs fixés par le code du travail ; - la décision contestée est entachée d'un vice de procédure à défaut de procédure contradictoire en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle est entachée d'une erreur de droit faute pour l'administration de lui avoir notifié sa décision d'arrêt de travaux dans les formes prescrites par l'article R. 4731-2 du code du travail ; il ne peut lui être reproché de ne pas avoir respecté une décision qui ne lui avait pas encore été valablement notifiée ; - elle est entachée d'une erreur de droit en méconnaissance des articles L. 8113-7 et L. 8115-1 du code du travail dès lors qu'un procès-verbal a été dressé le 7 janvier 2019 à son encontre et transmis au procureur de la République pour l'engagement de poursuites pénales ; la DIRECCTE ne pouvait, en sus des poursuites pénales, prononcée une amende administrative sans contrevenir aux textes précités ; - l'amende prononcée présente un caractère disproportionné. Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2023, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code du travail ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Coiffet, - les conclusions de Mme Bougrine, rapporteure publique, - et les observations de Mme C..., représentant la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Considérant ce qui suit : 1. Le 21 novembre 2018, les agents de contrôle de l'inspection du travail ont effectué un contrôle sur le chantier de construction du lotissement " Domaine Saint-Hélier " situé à Saint-Brieuc. Ils ont constaté que les protections collectives contre le risque de chute de hauteur installées sur le chantier par l'entreprise ... n'étaient pas conformes à la réglementation alors que deux travailleurs - le gérant de l'entreprise et une salariée - étaient en train d'effectuer des travaux de couverture en hauteur et de soudure sur une gouttière. Cette situation étant de nature à caractériser un " danger grave et imminent ", les agents de contrôle ont alors demandé aux salariés concernés de quitter leur poste de travail. A la suite d'un échange avec les agents de contrôle, le gérant de la société leur a indiqué qu'aucune protection supplémentaire ne serait installée. Informé qu'une décision d'arrêt temporaire des travaux serait prise, M. B... et sa salariée ont cependant repris les travaux, le gérant invectivant et menaçant les agents qui rédigeaient la décision en cause. Le lendemain, soit le 22 novembre 2018, lors d'une nouvelle visite sur le chantier, les agents de contrôle ont constaté que le travail se poursuivait dans les mêmes conditions. Par une décision du 16 juillet 2019, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Bretagne, a prononcé à l'encontre de M. B..., couvreur, une amende administrative d'un montant de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 4752-1 du code du travail à défaut pour celui-ci de s'être conformé à une décision d'arrêt de travaux. 2. M. B... a, le 24 septembre 2019, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 4 avril 2022 et, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l'amende administrative. Il relève appel du jugement du 11 mars 2022 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande. Sur la contestation de l'amende administrative : 3. Aux termes, d'une part, de l'article L. 4731-1 du code du travail : " L'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 peut prendre toutes mesures utiles visant à soustraire immédiatement un travailleur qui ne s'est pas retiré d'une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, constituant une infraction aux obligations des décrets pris en application des articles L. 4111-6, L. 4311-7 ou L. 4321-4, notamment en prescrivant l'arrêt temporaire de la partie des travaux ou de l'activité en cause, lorsqu'il constate que la cause de danger résulte : / 1° Soit d'un défaut de protection contre les chutes de hauteur ; (...) ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 4752-1 du code du travail : " Le fait pour l'employeur de ne pas se conformer aux décisions prises par l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 en application des articles L. 4731-1 ou L. 4731-2 est passible d'une amende au plus égale à 10 000 euros par travailleur concerné par l'infraction ". En ce qui concerne la motivation de la décision contestée et la régularité de la procédure suivie : 4. M. B... soutient qu'il est impossible, à la lecture de la décision de la DIRECCTE, de connaître les textes qui n'auraient pas été respectés et que, s'agissant de la motivation en fait, la date des évènements litigieux n'est pas visée, le salarié concerné par le risque de chute non identifié et il n'est pas précisé en quoi l'échafaudage et les équipements mis à disposition ne répondent pas aux impératifs fixés par le code du travail. 5. En premier lieu, aux termes, de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 2° Infligent une sanction ; (...) ". Cette motivation consiste, selon l'article L.211-5 du même code, en " l'énoncé des considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision ". 6. Il ressort des pièces versées au dossier que la décision contestée du 16 juillet 2019 vise expressément les articles 4731-1 et 4731-2 du code du travail, relatifs aux mesures et procédures d'urgence, dont les arrêts temporaires d'activité, l'article L.4752-1 prévoyant l'amende dont est passible l'employeur qui ne se conforme pas aux décisions prises par l'inspecteur du travail en matière de santé et de sécurité au travail et, enfin, les articles 4721-1, L.8115-4 à L.8115-7, R.8115-1, R.8115-9 et R.8115-10 du même code relatifs à la procédure d'édiction des amendes administratives. Elle précise en ses points 1, 2 et 3, la date - le 21 novembre 2018 - le nom de la salariée concernée par le manquement - Mme B... - et les motifs ayant conduit l'agent de contrôle à prendre une décision d'arrêt de travaux soit l'insuffisance de protection contre les chutes en hauteur - gardes corps non fixés, absence de gardes corps latéraux, absence de protection en rives - les conditions dans lesquelles la décision a été notifié à M. B..., et en particulier - point 6 de la décision - les difficultés rencontrées par les agents de contrôle pour remettre cette décision en mains propres à l'intéressé, les constats portants sur le non-respect de ces dispositions par le gérant de l'entreprise qui a poursuivi les travaux. La décision du 16 juillet 2019 qui énonce précisément les considérations de fait et les motifs de droit est suffisamment motivée. Le moyen sera écarté. 7. En second lieu, aux termes, d'une part, de l'article L. 121-1 du même code : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ". Aux termes de l'article L. 4751-1 du code du travail : " Les amendes prévues au présent titre sont prononcées et recouvrées par l'autorité administrative compétente dans les conditions définies aux articles L. 8115-4, L. 8115-5 et L. 8115-7, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1. (...) ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 8115-5 du même code : " Avant toute décision, l'autorité administrative informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, ses observations. / A l'issue de ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende et émettre le titre de perception correspondant. (...) ". Il résulte de l'article R. 8115-2 de ce même code que le délai prévu par l'article L. 8115-5 est fixé à quinze jours. Enfin, aux termes de l'article L. 8113-7 du code du travail : " Les agents de contrôle de l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1 et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ". 8. M. B... soutient que la procédure contradictoire préalable au prononcé de la sanction n'aurait pas été respectée dès lors qu'il n'a pas été invité à présenter ses observations, contrairement à ce qui est indiqué dans la décision litigieuse. 9. Il ressort des pièces versées au dossier que M. B... a, par un courrier du 25 février 2019, été informé du grief qui lui était reproché - à savoir le non-respect d'une décision administrative d'arrêt des travaux et de la procédure de reprise des travaux -, de ce que ces manquements étaient passibles d'une amende d'un montant maximal de 10 000 euros et de la possibilité de présenter ses observations sur la procédure de sanction administrative en cours à son encontre. S'il soutient n'avoir jamais reçu ce courrier, il est cependant établi que ce dernier lui a bien été présenté mais qu'il n'est pas allé le retirer ainsi que l'atteste le formulaire de retour du courrier renvoyé par les services postaux à l'inspection du travail le 26 février 2019, portant la mention " pli avisé et non réclamé ". Dans ces conditions, alors même qu'il n'a pas retiré le pli qui lui était adressé, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la DIRECCTE de Bretagne n'aurait pas satisfait à son obligation d'engager une procédure contradictoire. D'autre part, si le courrier de retour renvoyé à l'administration par les services postaux mentionne effectivement, s'agissant de la date de présentation de ce pli du 25 février 2019, deux dates différentes - les 26/02/2019 et 26/02/2018 - il s'agit d'une erreur matérielle sans incidence. Il n'est pas contesté au demeurant que l'administration a réitéré sa démarche le 15 mars 2019 par lettre simple qui précisait notamment que M. B... y trouverait la copie du courrier recommandé avec accusé de réception qui lui avait été adressé le 25 février 2019. Le moyen tiré du vice de procédure sera écarté dans toutes ses branches. En ce qui concerne le bien fondé de l'amende administrative prononcée : 10. En premier lieu, M. B... soutient que la décision de la DIRECCTE de Bretagne du 16 juillet 2019 est entachée d'une première " erreur de droit " faute pour l'administration de lui avoir notifié sa décision d'arrêt de travaux dans les formes prescrites par l'article R. 4731-2 du code du travail. Il fait valoir qu'aucune décision ne lui a été remise en main propre le jour du contrôle et que celle-ci ne lui a été notifié par courrier que le 23 novembre 2018. 11. Aux termes de l'article R. 4731-1 du code du travail : " Pour l'application de l'article L. 4731-1, l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 relève les éléments caractérisant la situation de danger grave et imminent et précise les mesures qu'il prend pour y remédier. / Sa décision, qui est d'application immédiate, fait l'objet d'un écrit ". Aux termes de l'article R. 4731-2 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Lorsque l'employeur ou son représentant est présent sur le chantier, la décision lui est remise directement contre récépissé. / A défaut, elle est adressée d'urgence à l'employeur par tous moyens appropriés et confirmée au plus tard dans le délai d'un jour franc par lettre recommandée avec avis de réception. / Toutefois, cette décision, ou copie de celle-ci dans le cas où elle lui a déjà été adressée dans les formes prévues au premier alinéa, est remise directement, contre récépissé, à l'employeur qui s'est porté à la rencontre de l'inspecteur du travail. Cette procédure se substitue alors à celle définie au deuxième alinéa ". Enfin, aux termes de l'article R.4731-4 du même code : " L'employeur informe, par tout moyen donnant date certaine à la réception de cette information, l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1 des mesures qu'il a prises pour faire cesser la situation de danger grave et imminent. ". 12. Il résulte de l'instruction, en particulier du procès-verbal de contrôle, que l'inspecteur du travail a établi le 7 janvier 2019 à l'attention du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc, procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, ainsi qu'il est énoncé à l'article L. 8113-7 du code du travail précité, que, le 21 novembre 2018, M. B... a mis fin à la discussion engagée avec les agents de contrôle qui lui avaient signifié une situation de " danger grave et imminent " pour la sécurité des travailleurs, a refusé de mettre en place toute protection supplémentaire sur le chantier, a enjoint à son employée de regagner son poste de travail, a lui-même regagné son chantier et a ensuite proféré des insultes et des menaces à l'encontre des agents qui lui avaient signifié qu'ils prenaient une décision d'arrêt temporaire des travaux dans l'attente de mise en place de protections collectives. L'inspecteur du travail a également relevé dans ce procès-verbal que M. B... avait alors expressément refusé de recevoir notification, contre récépissé, de la décision d'arrêt des travaux établie par cet inspecteur. Alors qu'il a accepté une composition pénale pour avoir porté outrage aux agents de contrôle de l'inspection du travail, il ne saurait sérieusement nier les faits circonstanciés exposés dans le procès-verbal. Dans ces conditions, l'inspecteur du travail était fondé à lui remettre cette décision par tous moyens appropriés. M. B... ne saurait enfin se borner à affirmer ne pas avoir trouvé la décision d'arrêt des travaux sur le pare-brise de son véhicule utilitaire alors qu'il est indiqué dans ce procès-verbal que la décision d'arrêt des travaux de l'inspecteur du travail a finalement été posée sur ce pare-brise à titre de notification. Il résulte également de l'instruction que cette décision d'arrêt des travaux a été notifiée à l'intéressé par courrier daté du 21 novembre 2018 adressé dans le délai d'un jour franc mentionné par l'article R. 4731-2 du code du travail. Enfin, M. B... ne saurait utilement se prévaloir du fait qu'il aurait mis en place des protections après avoir reçu notification de la décision contestée le 23 novembre 2022 dès lors que les dispositions de l'article R.4731- 4 du code du travail lui imposent, ce qu'il n'a pas fait, de solliciter l'autorisation de l'inspection du travail avant de reprendre les travaux sur le chantier litigieux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de dispositions rappelées au point précédent sera écarté. 13. M. B... soutient, en second lieu, que la décision de la DIRECCTE de Bretagne du 16 juillet 2019 serait entachée d'une seconde " erreur de droit " du fait de l'existence de poursuites pénales concomitantes pour des manquements identiques. 14. Aux termes, d'une part, du second alinéa de l'article L. 8113-7 du code du travail, les procès-verbaux, qui constatent les infractions relevées, : " sont transmis au procureur de la République. Un exemplaire est également adressé au représentant de l'Etat dans le département. (...) / Lorsqu'il constate des infractions pour lesquelles une amende administrative est prévue au titre V du livre VII de la quatrième partie ou à l'article L. 8115-1, l'agent de contrôle de l'inspection du travail peut, lorsqu'il n'a pas dressé un procès-verbal à l'attention du procureur de la République, adresser un rapport à l'autorité administrative compétente, dans le cadre de la procédure prévue au chapitre V du présent titre ". Aux termes, d'autre part, de l'article L. 8115-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, soit adresser à l'employeur un avertissement, soit prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) 5° Aux dispositions prises pour l'application des obligations de l'employeur relatives aux installations sanitaires, à la restauration et à l'hébergement prévues au chapitre VIII du titre II du livre II de la quatrième partie, ainsi qu'aux mesures relatives aux prescriptions techniques de protection durant l'exécution des travaux de bâtiment et génie civil prévues au chapitre IV du titre III du livre V de la même partie pour ce qui concerne l'hygiène et l'hébergement. ". 15. Il résulte de l'instruction que les agents de contrôle ont, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale, procédé le 7 janvier 2019 à un signalement au Procureur de la République pour des faits d'outrage et de menaces à l'encontre de deux agents de contrôle de l'inspection du travail dans l'exercice de leur mission, signalement qui a fait l'objet d'une composition pénale validée le 4 septembre 2019. Cette procédure, qui n'avait ainsi pas trait aux manquements à la réglementation du travail constatés en matière d'hygiène et de sécurité, porte sur des faits distincts de la procédure administrative engagée par la DIRECCTE de Bretagne pour non-respect d'une décision d'arrêt de travaux représentant " une situation de danger grave et imminent " pour les travailleurs ayant conduit, par la décision du 16 juillet 2019, au prononcé de l'amende administrative en litige. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette amende aurait été prononcée contre lui en méconnaissance du dernier alinéa de l'article L. 8113-7 du code du travail. En ce qui concerne le montant de l'amende : 16. Aux termes de l'article L. 8115-4 du code du travail : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges ". 17. D'une part, la DIRECCTE fait valoir, sans que M. B... remette en cause ces éléments, qu'elle a, pour fixer le montant de l'amende en litige, et indépendamment de la gravité et de la persistance des manquements constatés, tenu compte également des antécédents du requérant en matière de non-respect des règles de sécurité et d'hygiène sur les chantiers et notamment le fait qu'il avait déjà fait l'objet au cours de l'année 2015 d'une mesure d'arrêt des travaux, de son comportement menaçant lors des opérations de contrôle alors que l'administration avait tenté de renouer le dialogue, comme dans les suites de ce contrôle. La DIRRECTE de Bretagne justifie en effet qu'elle lui a préalablement demandé de présenter ses observations et de s'expliquer quant à la teneur des propos tenus envers les agents de contrôle de l'inspection du travail et il est constant que M. B... s'est abstenu alors de présenter toute justification. D'autre part, alors que le requérant s'était abstenu également de transmettre au service des éléments relatifs à ses charges et à ses ressources et ce, malgré deux demandes faites en ce sens les 25 février et 15 mars 2019, il verse désormais aux débats des éléments d'ordre financier - emprunt personnel d'un montant de 20 000 euros souscrit le 2 février 2022, prêt professionnel de 92 000 euros contracté le 5 juin 2006 dont le terme est venu à échéance le 5 juin 2023, factures EDF Entreprise pour des montants allant de 37 à 65 euros par mois et une facture de la compagnie des eaux d'un montant de 232 euros pour le mois de novembre 2021 - qui ne permettent pas de considérer que le montant de l'amende administrative prononcée à son encontre, soit 5 000 euros pour une salariée alors que le maximum légal est fixé à 10 000 euros, présenterait un caractère disproportionné. Ses demandes tendant à l'annulation, comme à titre subsidiaire, à la minoration de l'amende en litige ne peuvent qu'être rejetées. 18. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à M. B... la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. Une copie en sera adressée pour information à la directrice régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS) de Bretagne. Délibéré après l'audience du 13 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Gaspon, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme Gélard, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023. Le rapporteur, O. COIFFETLe président, O. GASPON La greffière, I. PETTON La République mande et ordonne au ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N°22NT01652 2 |
CETATEXT000048313335 | J7_L_2023_10_00022DA01616 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/31/33/CETATEXT000048313335.xml | Texte | CAA de DOUAI, 2ème chambre, 31/10/2023, 22DA01616, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | CAA de DOUAI | 22DA01616 | 2ème chambre | plein contentieux | C | M. Sorin | DENYS | M. Guillaume Vandenberghe | Mme Regnier | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par jugement du 7 avril 2021, le tribunal administratif de Lille a ordonné une expertise avant dire droit en vue de se prononcer sur l'imputabilité et l'étendue des préjudices allégués par Mme B..., avant de statuer sur les conclusions de sa requête tendant à la condamnation du centre hospitalier régional universitaire de Lille, du centre hospitalier de Valenciennes et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM). Par un mémoire complémentaire après expertise, Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'ordonner avant dire droit une nouvelle expertise, ou à défaut, un complément d'expertise, de condamner solidairement le centre hospitalier de Valenciennes et le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser la somme globale de 150 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis et d'ordonner l'exécution provisoire du jugement. Par un jugement n° 1910594 du 25 mai 2022, le tribunal administratif de Lille a mis hors de cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), a rejeté la requête de Mme B... et a mis à sa charge définitive les frais d'expertise pour la somme de 1 500 euros. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2022 et des mémoires, enregistrés les 7 et 23 juin 2023, Mme A... B..., représentée par Me Ludivine Denys puis par Me Alexia Navarro, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'ordonner, avant dire droit, une nouvelle expertise médicale ou à défaut un complément d'expertise, et de condamner solidairement le centre hospitalier de Valenciennes et le centre hospitalier universitaire de Lille à lui verser une provision de 20 000 euros ; 3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement le centre hospitalier de Valenciennes et le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser la somme globale de 150 000 euros en réparation de ses préjudices ; 4°) d'ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ; 5°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille et du centre hospitalier de Valenciennes, outre les dépens, le versement à Mme B... de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le rapport d'expertise du Dr C... est entaché de nullité et de partialité dès lors qu'il méconnaît le principe du contradictoire ; - une contre-expertise serait utile, ou à défaut, une expertise complémentaire dès lors que la première expertise devra être annulée et que l'expert a manqué de discernement et d'impartialité ; - elle est fondée à solliciter le versement d'une provision au regard de ses préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux ; - à titre subsidiaire, s'il n'était pas fait droit à sa demande de nouvelle expertise avant dire droit, elle est fondée à demander l'indemnisation des préjudices résultant des manquements dans sa prise en charge par le centre hospitalier de Valenciennes et le centre hospitalier universitaire de Lille. Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 janvier et 21 juin 2023, le centre hospitalier de Valenciennes et le centre hospitalier régional universitaire de Lille, représentés par Me Didier Le Prado, concluent au rejet de la requête. Ils font valoir que l'expertise est régulière et qu'ils n'ont commis aucune faute dans la prise en charge médicale de la requérante. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Samuel Fitoussi, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête ; 2°) de le mettre hors de cause ; 3°) de mettre à la charge de tout succombant le paiement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés. La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing qui n'a pas produit de mémoire. Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller, - les conclusions de Mme Caroline Regnier, rapporteure publique, - et les observations de Me Hubert Demailly, représentant les centres hospitaliers de Lille et de Valenciennes. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... B..., née le 31 juillet 1995, s'est présentée aux urgences du centre hospitalier de Valenciennes dans la soirée du 27 août 2016 en raison de douleurs intenses de l'œil gauche avec rougeur, œdème, larmoiement, photophobie et céphalées. Une kératite aiguë de l'œil gauche post-traumatique a alors été diagnostiquée et prise en charge. Les 28, 29 et 30 août 2016, alors que son état s'était dégradé, elle s'est rendue au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille où a alors été diagnostiqué un ulcère cornéen de l'œil gauche par herpès. Elle a ensuite été hospitalisée en raison d'une infection bactérienne consécutive à la lésion de l'œil. Mme B..., estimant que les deux centres hospitaliers précités avaient commis des manquements durant sa prise en charge, a saisi le tribunal administratif de Lille, qui, par un jugement avant dire droit du 7 avril 2021, a ordonné une expertise afin d'apprécier la réalité des manquements allégués et d'évaluer l'étendue des préjudices subis. Mme B... relève appel du jugement du 25 mai 2022, par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à titre principal, à ce que soit ordonnée une contre-expertise, et à titre subsidiaire à la condamnation solidaire du centre hospitalier de Valenciennes et du centre hospitalier régional universitaire de Lille à l'indemniser en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Sur la régularité du rapport d'expertise : 2. Le respect du caractère contradictoire de la procédure d'expertise implique que les parties soient mises à même de discuter devant l'expert des éléments de nature à exercer une influence sur la réponse aux questions posées par la juridiction saisie du litige. Lorsqu'une expertise est entachée d'une méconnaissance de ce principe ou lorsqu'elle a été ordonnée dans le cadre d'un litige distinct, ses éléments peuvent néanmoins, s'ils sont soumis au débat contradictoire en cours d'instance, être régulièrement pris en compte par le juge, soit lorsqu'ils ont le caractère d'éléments de pur fait non contestés par les parties, soit à titre d'éléments d'information dès lors qu'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier. 3. Il résulte de l'instruction que la requérante, qui soutient ne pas avoir eu connaissance de toutes les pièces du dossier médical d'expertise, n'a pas demandé la communication des comptes rendus partiel et complet d'examen bactériologiques alors même que ces documents étaient mentionnés dans le pré-rapport d'expertise dont elle a eu connaissance et que l'expert, a, en réponse à son dire, assuré que la procédure avait été contradictoire. Par ailleurs et en toute hypothèse, Mme B... avait connaissance des résultats des analyses bactériologiques, qu'elle ne conteste pas, dès lors que le contenu des comptes rendus est cité par l'expert et dans des pièces qu'elle a elle-même fournies, de telle sorte qu'elle était à même d'en discuter la teneur devant l'expert. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du rapport d'expertise doit être écarté. 4. Mme B... soutient également que l'expert a manqué d'impartialité et de discernement dès lors qu'il aurait porté un jugement sur son port de faux-ongles. Toutefois, il résulte des termes du rapport que l'expert s'est borné à souligner, dans le cadre de sa mission et dans des termes objectifs, les dangers que comportait le port de faux ongles lors de la manipulation des lentilles de contact, en raison des risques de lésions oculaires et du réservoir bactériologique présent sous l'ongle. En outre, eu égard au contenu précis et détaillé du rapport, qui répond à l'ensemble des questions posées, ainsi que des pièces jointes, la cour dispose des éléments nécessaires à la résolution du litige, de telle sorte qu'une autre expertise ne serait pas utile. 5. Il résulte de ce qui précède que l'expertise étant régulière, il n'y a pas lieu de l'écarter des débats non plus que de procéder à une expertise complémentaire. Sur la responsabilité du centre hospitalier de Valenciennes : 6. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ". Aux termes de l'article L. 1110-5 du même code : " Toute personne a, compte tenu de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. / (...). " 7. Il résulte de l'instruction, que Mme B... s'est présentée le 27 août 2016 au service des urgences du centre hospitalier de Valenciennes en raison d'une douleur oculaire gauche majeure, de céphalées, de larmoiement réactionnel et de photophobie causées par une lésion de l'œil gauche don l'origine est liée au retrait sans précaution d'une lentille oculaire alors que Mme B... était parée de faux ongles. Contrairement à ce que soutient la requérante, l'examen pratiqué alors par le médecin urgentiste, lequel disposait des compétences requises et n'avait pas à se référer à un médecin ophtalmologue, était complet compte tenu des signes cliniques que présentait son œil gauche à ce stade, le médecin ayant ainsi cherché des signaux locaux de gravité tel qu'un cercle périkératique et ayant pratiqué un test à la fluorescéine. Par ailleurs, dans son expertise non utilement contredite sur ce point, le docteur C... qualifie l'examen d'exhaustif et souligne qu'il n'existait aucun signe clinique d'infection bactérienne à ce stade de sorte que des examens bactériologiques ne s'imposaient pas contrairement à ce que prétend la requérante ; de plus, le diagnostic d'ulcération cornéenne a bien été porté et un traitement qualifié de logique a été prescrit conformément aux règles de l'art et aux données acquises de la science au regard de l'ensemble de ces constations cliniques. Par suite, il y a lieu de considérer, à la suite de l'expert, que le centre hospitalier de Valenciennes n'a pas commis de faute dans la prise en charge de la requérante lors de son admission le 27 août 2016. 8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander la condamnation de centre hospitalier de Valenciennes à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Sur la responsabilité du centre hospitalier régional universitaire de Lille : 9. Il résulte de l'instruction que Mme B... s'est rendue, les 28 et 29 août 2016, au centre hospitalier régional universitaire de Lille en raison de la persistance et de l'aggravation de ses symptômes oculaires. L'intéressée, qui a d'abord été diagnostiquée comme porteuse d'une ulcération cornéenne herpétique le 28 août, a été hospitalisée le jour suivant en raison de l'apparition tant d'un abcès à la cornée de l'œil gauche que d'une infection par bactérie. Un traitement antibactérien lui a alors été prescrit en attendant les résultats de la mise en culture des prélèvements effectués le même jour. Il est constant que les traitements et examens doivent être adaptés aux constations cliniques, une antibiothérapie précoce non adaptée devant être évitée au risque de développer une résistance bactérienne, ainsi que le relève l'expert sans être contredit. En l'espèce, la requérante n'a présenté des signes localisés et infectieux graves, tels qu'un œdème palpébral et des sécrétions purulentes, que le 29 août 2016. Avant cette date, et contrairement à ce qu'elle allègue, les signes cliniques qu'elle présentait ne justifiaient pas d'utiliser un traitement antibiotique intensif et renforcé, le compte rendu de prise en charge du 28 août 2016 ne faisant apparaître, par exemple, aucun signe d'un état purulent de l'œil. Ainsi que le souligne l'expertise, le diagnostic d'ulcère herpétique ainsi que la prescription finale antiherpétique ont été logiques et adaptés aux constations cliniques. Par ailleurs et en tout état de cause, et alors même qu'aucun signe évocateur n'était apparu, les résultats des examens de mise en évidence de bactéries dépendent de la densité bactérienne, un prélèvement précoce le 28 août 2016 n'aurait ainsi pu mettre en évidence la présence de bactéries qu'avec une mise en culture, dont les résultats n'auraient été obtenus que le lendemain, soit le 29 août 2016, date à laquelle Mme B... avait déjà été hospitalisée et avait reçu une antibiothérapie renforcée et intensive. Dès lors, la démarche thérapeutique du centre hospitalier universitaire de Lille correspond aux connaissances acquises de la science médicale et était appropriée à l'évolution rapide de l'état de santé de Mme B... entre le début de son affection le 27 août et son hospitalisation le 29 août 2016. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier régional universitaire de Lille a commis une faute ou un retard fautif lors de sa prise en charge dans cet établissement. 10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans donc qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise médicale, que Mme B... n'est pas fondée à invoquer la responsabilité solidaire du centre hospitalier de Valenciennes et du centre hospitalier régional universitaire de Lille ni, par suite, à demander leur condamnation tant au titre du versement d'une provision qu'au titre de l'indemnisation de ses préjudices. Sur les conclusions aux fins d'exécution provisoire : 11. Les arrêts des cours administratives d'appel étant, par application des dispositions de l'article L. 11 du code de justice administrative, exécutoires de plein droit, les conclusions tendant à ce que soit prescrite l'exécution provisoire de la présente décision sont dépourvues d'objet et ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et a mis à sa charge définitive les frais d'expertise. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des articles R. 761-1 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Par ailleurs, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce dernier fondement par l'ONIAM. DÉCIDE : Article 1 : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au centre hospitalier de Valenciennes, au centre hospitalier régional universitaire de Lille, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de Roubaix-Tourcoing. Une copie en sera adressée, pour information, au docteur C..., expert. Délibéré après l'audience publique du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Thierry Sorin, président de chambre, - M. Marc Baronnet, président-assesseur, - M. Guillaume Vandenberghe, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2023 Le rapporteur, Signé : G. VandenbergheLe président de chambre, Signé : T. Sorin La greffière, Signé : Anne-Sophie Villette La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt. Pour expédition conforme La greffière, Anne-Sophie Villette N°22DA01616 2 |
CETATEXT000048380968 | JG_L_2023_10_000000489051 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/09/CETATEXT000048380968.xml | Texte | Conseil d'État, Juge des référés, 31/10/2023, 489051, Inédit au recueil Lebon | 2023-10-31 00:00:00 | Conseil d'État | 489051 | Juge des référés | Excès de pouvoir | C | Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en deuxième lieu, de suspendre l'exécution des décisions du 22 septembre 2023 par lesquelles le ministre de l'intérieur et des outre-mer l'a placé en zone d'attente et a refusé de l'autoriser à entrer sur le territoire français et, en dernier lieu, d'enjoindre à l'administration de l'autoriser à entrer sur le territoire français. Par une ordonnance n° 2311779 du 11 octobre 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a, d'une part, admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et, d'autre part, rejeté sa requête. Par une requête, enregistrée le 19 octobre 2023 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris et transmise au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, par une ordonnance du 23 octobre 2023 de la présidente de cette cour, M. B... demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) de suspendre l'exécution des décisions du 22 septembre 2023 lui refusant l'entrée sur le territoire français et le maintenant en zone d'attente ; 3°) d'enjoindre à la police aux frontières de le laisser entrer sur le territoire français ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision de refus d'entrée sur le territoire est entachée d'incompétence et d'une erreur manifeste d'appréciation ; - la condition d'urgence est satisfaite dès lors que, d'une part, les décisions du 22 septembre 2023 préjudicient de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation et, d'autre part, qu'il ne doit être maintenu en zone d'attente que pour la durée strictement nécessaire à son départ en application de l'article L. 221-1 du code de l'entrée et du séjour des étranges et du droit d'asile ; - il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ; - les décisions de refus d'entrée sur le territoire et de maintien en zone d'attente méconnaissent sa liberté d'aller et venir dès lors qu'il a obtenu un visa d'entrée de court séjour et qu'il a rempli les conditions de court séjour en France ; - elles méconnaissent son droit au respect de sa vie privée et familiale. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Considérant ce qui suit : 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. 2. M. B..., ressortissant libanais né le 3 mai 1954, relève appel de l'ordonnance du 11 octobre 2023 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande, présentée sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, tendant, d'une part, à la suspension de l'exécution des décisions du 22 septembre 2023 par laquelle le ministre de l'intérieur et des outre-mer l'a placé en zone d'attente et lui a refusé l'entrée sur le territoire français et, d'autre part, à enjoindre à l'administration de l'autoriser à entrer sur le territoire français. 3. M. B... n'apporte en appel aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée par la juge des référés du tribunal administratif de Montreuil qui a considéré, dès lors que M. B... n'avait pas fourni les documents requis par l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour être autorisé à entrer sur le territoire français, que la décision du ministre de l'intérieur et des outre-mer lui refusant l'entrée sur le territoire français ne pouvait être regardée comme ayant portée une atteinte manifestement illégale aux droits et libertés invoqués par M. B.... Il est manifeste que l'appel de M. B... ne peut être accueilli. Sa requête doit donc être rejetée selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du même code, sans qu'il y ait lieu de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à M. A... B.... Fait à Paris, le 31 octobre 2023 Signé : Jérôme Marchand-Arvier |
||||
CETATEXT000048386350 | JG_L_2023_11_000000449213 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386350.xml | Texte | Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10/11/2023, 449213, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | Conseil d'État | 449213 | 6ème - 5ème chambres réunies | Excès de pouvoir | C | SARL CABINET BRIARD | M. Bruno Bachini | M. Nicolas Agnoux | Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 29 janvier 2021 et le 4 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société EcoDDS demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2020-1455 du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs ; 2°) d'enjoindre à l'Etat de mettre en conformité l'article R. 541-114 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue de ce décret, avec l'article 8 bis de la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la Constitution ; - la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 ; - la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 ; - la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 ; - la directive 2015/1535 du 9 septembre 2015 ; - le code de commerce ; - le code de l'environnement ; - la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL cabinet Briard, avocat de la société EcoDDS ; Considérant ce qui suit : 1. Par la présente requête, la société EcoDDS, éco-organisme intervenant dans la filière des déchets diffus spécifiques ménagers, demande l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs en tant qu'il introduit dans le code de l'environnement ou modifie les articles R. 131-26-1, R. 131-26-2 à R. 131-26-4, D. 541-90 à D. 541-98, R. 541-86, R. 541-87, R. 541-99, R. 541-100, R. 541-107, R. 541-110, R. 541-112, R. 541-113, R. 541-114, R. 541-115, R. 541-116, le 3° de l'article R. 541-119, l'article R. 541-121, le 2° de l'article R. 541-123, les articles R. 541-124, R. 541-127, R. 541-129, R. 541-130, R. 541-131 et R. 541-174. Sur les moyens tirés de la méconnaissance de la directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur : 2. En premier lieu, si le paragraphe 7 de l'article 15 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur dispose que " les Etats membres notifient à la Commission toute nouvelle disposition législative, réglementaire ou administrative qui prévoit des exigences visées au paragraphe 6 ainsi que les raisons qui se rapportent à ces exigences ", ce même paragraphe précise expressément que " la notification n'empêche pas les Etats membres d'adopter les dispositions en question ". Dès lors, le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance de ces dispositions, ni le 1° et le 5° de l'article R. 541-86 du code de l'environnement, ni les articles D. 541-90 à D. 591-98, ni l'article R. 541-107 ni le 4° du nouvel article R. 541-110, introduits dans le code de l'environnement par le décret attaqué, n'ont été notifiés à la Commission européenne ne peut qu'être écarté. 3. En deuxième lieu, l'article 9 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, relatif aux régimes d'autorisation, dispose que " la présente section ne s'applique pas aux aspects des régimes d'autorisation qui sont régis directement ou indirectement par d'autres instruments communautaires ". Le régime des agréments des éco-organismes étant régi par la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets, qui définit le régime des autorisations et enregistrements auxquels sont soumis les opérateurs du traitement des déchets, ne peut qu'être écarté le moyen tiré de ce que la redevance mise à la charge des éco-organismes, prévue par l'article R. 131-26-2 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué, constituerait une condition financière préalable dans le cadre d'une procédure d'autorisation méconnaissant la finalité générale de facilitation de l'accès aux activités de services découlant de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Les moyens tirés de ce que les articles R. 541-86, R. 541-87 du même code, dans leur rédaction issue du décret attaqué, et l'article R. 541-107, introduit par le décret attaqué, méconnaîtraient les objectifs fixés par les articles 9 et 10 de la directive du 12 décembre 2006 ne peuvent qu'être écartés pour le même motif. 4. En troisième lieu, si la société requérante soutient que les articles D. 541-90 à D. 541-98 introduits dans le code de l'environnement par le décret attaqué, ainsi que les dispositions de l'article L. 541-10 du même code relatives au comité des parties prenantes, sur le fondement duquel ils ont été pris, porteraient atteinte aux objectifs de l'article 15 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, ce moyen ne peut qu'être également écarté dès lors que ces dispositions, qui mettent en œuvre des exigences issues de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets, relèvent du champ du d) du paragraphe 2 de cet article 15 qui prévoit une dérogation en cas d'exigences prévues dans d'autres instruments communautaires réservant l'accès à l'activité de service concernée à des prestataires particuliers en raison de la nature spécifique de l'activité. Sur l'article R. 131-26-1 du code de l'environnement : 5. Aux termes de l'article R. 131-26-1 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué, relatif à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) : " La mission de suivi et d'observation des filières à responsabilité élargie prévue au V de l'article L. 131-3 comprend les prestations suivantes : / 1° Au titre de l'accompagnement des éco-organismes et systèmes individuels, la réalisation des études et évaluations préalables à leur agrément ou renouvellement d'agrément ; / 2° La collecte, le traitement et l'analyse des données et informations mentionnées aux articles L. 541-10-13 et L. 541-10-14 nécessaires au suivi et à l'observation des filières de responsabilité élargie du producteur ; / 3° La mise à disposition du public des informations mentionnées à l'article L. 541-10-14, dans les conditions prévues à cet article. / L'agence est l'autorité administrative mentionnée aux articles L. 541-10-13 et L. 541-10-14 ". 6. Contrairement à ce que soutient la société requérante, ces dispositions, prises sur le fondement de l'article L. 131-3 du code de l'environnement et qui sont d'application immédiate, ne font pas obstacle à ce que les articles L. 541-10-13 et L. 541-10-14 du même code relatifs aux filières soumises à la responsabilité élargie du producteur n'entrent en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2022. Elles n'ont, par suite, pas méconnu l'article 130 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire prévoyant l'entrée en vigueur différée, à cette date, de ces dispositions législatives. Sur les articles R. 131-26-2 et R. 131-26-4 du code de l'environnement : 7. Aux termes du deuxième alinéa du V de l'article L. 131-3 du code de l'environnement l'ADEME " assure le suivi et l'observation des filières à responsabilité élargie du producteur. / Les coûts supportés par l'agence pour assurer la mission mentionnée au premier alinéa du présent V sont couverts par une redevance versée par les producteurs ou leur éco-organisme, dont le montant est fixé par décret. / Le pôle de l'agence réalisant ces actions dispose de l'autonomie financière dans la limite du produit des contributions reçues. Son budget constitue un budget annexe de l'agence. ". 8. L'article R. 131-26-2 relatif à l'ADEME, introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué, dispose que " La redevance prévue au deuxième alinéa du V de l'article L. 131-3 est perçue par l'agence en contrepartie des prestations mentionnées à l'article R. 131-26-1. Elle est due, selon les cas, par les producteurs qui ont mis en place un système individuel ou les éco-organismes. Le montant de la redevance est fixé par l'agence conformément à des tarifs établis par elle et homologués par le ministre chargé de l'environnement, dans les conditions fixées à l'article R. 131-26-4 ". Aux termes de ce nouvel article R. 131-26-4 : " L'agence notifie au ministre chargé de l'environnement les tarifs établis en application de l'article R. 131-26-3 quatre mois au moins avant le début de chaque période tarifaire. Cette notification est accompagnée des éléments ayant servi de base à la détermination des tarifs. Le ministre peut demander à l'agence tout élément permettant de justifier sa proposition tarifaire. / Les tarifs sont réputés homologués à défaut d'opposition motivée du ministre chargé de l'environnement dans un délai de deux mois à compter de cette notification. Dans le cas contraire, l'agence propose de nouveaux tarifs dans un délai d'un mois, en prenant en compte les observations formulées par le ministre. Ils sont alors adoptés dans les conditions prévues à la phrase précédente. En cas de nouvelle opposition ou en l'absence de notification les tarifs précédemment en vigueur demeurent applicables (...) ". 9. En premier lieu, la redevance en litige ayant été instituée par la loi, ne peut qu'être écarté comme inopérant le moyen tiré de ce qu'eu égard aux opérations qu'il est appelé à financer, ce prélèvement aurait la nature non d'une redevance pour service rendu mais d'une imposition de toute nature que le pouvoir réglementaire n'avait pas compétence pour instituer. 10. En deuxième lieu, le décret attaqué a défini, à l'article R. 131-26-1 qu'il a inséré dans le code de l'environnement, les prestations que comprend la mission de suivi et d'observation des filières à responsabilité élargie du producteur confiée à l'ADEME. Il a précisé, au I de l'article R. 131-26-3, que les tarifs de la redevance devaient couvrir les coûts de fonctionnement et d'investissement inhérents à ces prestations en tenant compte de celles qui sont spécifiques à chacune des filières et de celles dont le service est commun à plusieurs filières. Il a déterminé, au II du même article, les modalités de répartition de ces coûts entre les différents producteurs en système individuel et éco-organismes. Si l'article L. 131-3 du code de l'environnement a renvoyé à un décret le soin de fixer le montant de la redevance mise à la charge des producteurs et des éco-organismes en vue de couvrir les coûts supportés par l'ADEME à raison de la mission qui lui est confiée, le décret attaqué, qui a fixé les modalités de détermination du produit de cette redevance et de répartition de la charge correspondante entre les redevables, a pu, contrairement à ce qui est soutenu, sans méconnaître les dispositions législatives dont il faisait application, renvoyer à l'ADEME la fixation du montant de la redevance sur la base de tarifs proposés par cette agence et homologués par le ministre chargé de l'environnement. Sur l'article R. 131-26-3 du code de l'environnement : 11. Aux termes du deuxième alinéa du 2° du III de l'article R. 131-26-3 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Les tarifs annuels de redevance déterminés chaque année en application des dispositions des précédents alinéas peuvent être augmentés de 20 % au plus afin de couvrir le coût d'investissements devant être réalisés l'année suivante et nécessaires à la réalisation des prestations mentionnées à l'article R. 131-26-1. Ce complément de redevance donne lieu à régularisation au plus tard l'année suivant la réalisation des investissements, compte tenu des dépenses effectivement réalisées ". 12. Pour les motifs indiqués au point 9, ne peuvent qu'être écartés les moyens tirés de ce que qu'eu égard aux charges que cette majoration a vocation à couvrir et à l'absence de régularisation prévue dans l'hypothèse où l'éco-organisme ne serait plus agréé à la date de la réalisation des investissements, la majoration prévue par ces dispositions serait dépourvue de contrepartie pour les redevables, ce qui ferait obstacle à ce que le prélèvement ait, dans cette mesure, la nature d'une redevance pour service rendu. Sur l'article R. 541-86 du code de l'environnement : 13. Les dispositions du II de l'article L. 541-10 prévoient, d'une part, que " Les éco-organismes et les systèmes individuels sont agréés pour une durée maximale de six ans renouvelable s'ils établissent qu'ils disposent des capacités techniques, de la gouvernance et des moyens financiers et organisationnels pour répondre aux exigences d'un cahier des charges " et, d'autre part, que " ce cahier des charges précise les objectifs et modalités de mise en œuvre des obligations mentionnées à la présente section ". 14. En prévoyant, d'une part, à l'article R. 541-86 du code de l'environnement, dans la rédaction qu'il lui a donnée, l'obligation de faire figurer dans la demande d'agrément une description des mesures prévues pour respecter les dispositions de la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre V du code de l'environnement et des textes réglementaires pris pour leur application et, d'autre part, en subordonnant la délivrance de l'agrément à une évaluation des mesures susceptibles d'être mises en œuvre pour atteindre des performances supérieures à chacun des objectifs, le décret attaqué s'est borné à préciser les critères de mise en œuvre des dispositions du II de l'article L. 541-10 citées au point précédent qu'il n'a, par suite, pas méconnues et n'a pas davantage méconnu le principe de proportionnalité. Sur l'article R. 541-87 du code de l'environnement : 15. Aux termes du l'article R. 541-87 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue du décret attaqué : " Les ministres chargés de l'environnement et de l'économie se prononcent sur la demande d'agrément dans un délai de six mois à compter de la date de dépôt du dossier de demande d'agrément. Au terme de ce délai, la demande est réputée acceptée en l'absence de réponse de leur part. / Ces ministres peuvent fixer une durée d'agrément plus brève que celle qui est sollicitée par le demandeur, sans qu'elle puisse être inférieure à un an, en motivant leur décision au regard des éléments présentés dans le dossier de demande d'agrément et de la maturité de la filière. Dans ce cas, le demandeur met à jour les éléments de son dossier de demande mentionnés au 2° et au 4° de l'article R. 541-86 qui le nécessitent et au plus tard dans un délai de trois mois à compter de la date de son agrément. / La décision de refus d'agrément est motivée ". 16. En premier lieu, en prévoyant la possibilité pour les ministres compétents de fixer une durée d'agrément plus brève que celle qui est sollicitée par le demandeur, sans que celle-ci puisse être toutefois inférieure à un an, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu les dispositions du II de l'article L. 541-10, citées au point 13, lesquelles se bornent à indiquer que les éco-organismes et les systèmes individuels sont agréés pour une durée maximale de six ans. 17. En second lieu, en prévoyant que la décision fixant une durée d'agrément inférieure à celle demandée est motivée, pour partie, au regard de la " maturité de la filière ", le pouvoir réglementaire, qui s'est borné, ce faisant, à préciser les conditions de mise en œuvre de la faculté offerte aux ministres de moduler la durée de l'agrément qu'ils accordent, n'a pas ajouté de critère supplémentaire par rapport à ceux définis par la loi pour la délivrance de l'agrément et n'a, dès lors, pas excédé sa compétence. Sur les articles D. 541-90, D. 541-92 et D. 541-93 du code de l'environnement : 18. Aux termes des quatrième à huitième alinéas de L'article L. 541-10 du code de l'environnement : " Chaque éco-organisme crée un comité des parties prenantes, composé notamment de producteurs, de représentants des collectivités territoriales compétentes en matière de gestion des déchets, d'associations de protection de l'environnement agréées en application de l'article L. 141-1 et d'associations de protection des consommateurs ainsi que d'opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets, dont ceux de l'économie sociale et solidaire. / Ce comité rend un avis public préalable à certaines décisions de l'éco-organisme, en particulier celles qui portent sur les engagements pris en application du II de l'article L. 541-9-6, sur le montant de la contribution financière mentionnée à l'article L. 541-10-2 et sur le barème prévu au même article L. 541-10-2, sur les modulations prévues à l'article L. 541-10-3, sur l'attribution de financements en application de l'article L. 541-10-5 et sur les conditions des marchés initiés par l'éco-organisme en application de l'article L. 541-10-6. En l'absence d'avis dans un délai d'un mois, l'avis est réputé avoir été rendu. / Le comité peut également émettre des recommandations à destination de l'éco-organisme portant notamment sur l'écoconception des produits relevant de la filière. / Le comité a accès aux informations détenues par l'éco-organisme pour l'accomplissement de sa mission, dans le respect des secrets protégés par la loi. / La composition du comité, la procédure suivie devant lui et les types de projets de décisions préalablement soumis pour avis au comité sont précisés par décret. Ils peuvent être adaptés pour tenir compte des spécificités de chaque filière ". 19. En premier lieu, en prévoyant à l'article D. 541-90 du code de l'environnement, pris pour l'application de ces dispositions, que le comité des parties prenantes est composé de quatre collèges composés respectivement de représentants des producteurs des catégories de produits pour lesquels l'éco-organisme est agréé, de représentants d'opérateurs de la prévention et de la gestion des déchets issus des produits relevant de son agrément, de représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements compétents en matière de planification ou de gestion des déchets et de représentants des associations de protection de l'environnement et en n'y associant un représentant des distributeurs que lorsqu'une obligation de reprise des produits usagés s'applique à eux et sans que ce représentant puisse prendre part aux votes, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu les dispositions du a) du paragraphe 1 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets, qui se bornent à prévoir que les Etats membres définissent clairement les rôles et les responsabilités de tous les acteurs concernés. 20. En deuxième lieu, en permettant, à l'article D. 541-92, aux quatre collèges d'émettre des avis sur tous les projets, y compris ceux qui ne concernent que certains d'entre eux, le décret attaqué n'a pas davantage méconnu ces dispositions de la directive du 19 novembre 2008. 21. En troisième lieu, en prévoyant, à l'article D. 541-93, une obligation pour l'éco-organisme d'informer le comité des parties prenantes, le pouvoir réglementaire s'est borné à définir les conditions de mise en œuvre des dispositions du septième alinéa précité de l'article L. 541-10 du code de l'environnement et n'a, par suite, pas excédé sa compétence. Sur les articles R. 541-99 et R. 541-100 du code de l'environnement : 22. Aux termes du b) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets : " Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les contributions financières versées par le producteur du produit pour se conformer à ses obligations de responsabilité élargie : / (...) b) lorsque les obligations de responsabilité élargie des producteurs sont remplies collectivement, soient modulées, lorsque cela est possible, pour chaque produit ou groupe de produits similaires, compte tenu notamment de la durabilité, de la réparabilité, des possibilités de réemploi et de la recyclabilité de ceux-ci ainsi que de la présence de substances dangereuses, en adoptant pour ce faire une approche fondée sur le cycle de vie et conforme aux exigences fixées par le droit de l'Union en la matière et, lorsqu'ils existent, sur la base de critères harmonisés afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur ". 23. Aux termes de l'article L. 541-10-3 du code de l'environnement, pris pour la transposition de ces dispositions : " Les contributions financières versées par les producteurs qui remplissent collectivement les obligations mentionnées à l'article L. 541-10 sont modulées, lorsque cela est possible au regard des meilleures techniques disponibles, pour chaque produit ou groupe de produits similaires, en fonction de critères de performance environnementale, parmi lesquels la quantité de matière utilisée, l'incorporation de matière recyclée, l'emploi de ressources renouvelables gérées durablement, la durabilité, la réparabilité, les possibilités de réemploi ou de réutilisation, la recyclabilité, la visée publicitaire ou promotionnelle du produit, l'absence d'écotoxicité et la présence de substances dangereuses telles que définies par le décret prévu à l'article L. 541-9-1, en particulier lorsque celles-ci sont susceptibles de limiter la recyclabilité ou l'incorporation de matières recyclées (...) / La modulation est soumise à l'avis du ministre chargé de l'environnement. Elle peut être fixée par arrêté du ministre chargé de l'environnement après avis de la commission inter-filières (...) ". 24. Aux termes de l'article R. 541-99 introduit par le décret attaqué dans le code de l'environnement : " Pour l'application de l'article L. 541-10-3 relatif aux modulations des contributions financières versées par les producteurs, dans un délai de six mois à compter de la date de son agrément, l'éco-organisme détermine les critères de performance environnementale pertinents pour les produits ou groupes de produits relevant de son agrément et dont l'usage est similaire. Pour chacun de ces critères, il estime les performances pouvant être atteintes au regard des meilleures techniques disponibles et les différentiels de coûts correspondants. Il élabore une proposition de programme pluriannuel d'évolution des primes et pénalités fondée sur cette estimation ou sur d'autres critères de référence qu'il propose. / Chaque éco-organisme transmet les éléments mentionnés au précédent alinéa pour accord au ministre chargé de l'environnement, après consultation de son comité des parties prenantes. L'accord est réputé acquis en l'absence d'opposition dans un délai de deux mois suivant la réception de la proposition. / L'éco-organisme peut réviser ces modulations dans les conditions fixées à l'alinéa précédent. / Lorsque les modulations sont fixées par l'arrêté prévu au troisième alinéa de l'article L. 541-10-3, leurs critères et amplitudes s'appliquent à l'identique à chacun des éco-organismes agréés pour une même catégorie de produits ". 25. Aux termes de l'article R. 541-100 introduit par le décret attaqué dans le code de l'environnement : " Pour l'application de la quatrième phrase du troisième alinéa de l'article L. 541-10-3, l'éco-organisme réalise une évaluation de l'impact des critères et montants des modulations et de leur adéquation au regard des objectifs atteints, au plus tard trois ans à compter de la date de son agrément. L'éco-organisme propose, si besoin est, une révision des critères de performance environnementale au regard de l'évolution des meilleures techniques disponibles et une révision du programme pluriannuel d'évolution des primes et pénalités. Ces modulations sont adoptées dans les conditions fixées à l'article R. 541-99 ". 26. En premier lieu, en s'abstenant de réitérer la précision selon laquelle la modulation des contributions financières n'a lieu que " lorsque cela est possible ", l'article R. 541-99 ne méconnaît pas les dispositions législatives dont il fait application. 27. En deuxième lieu, l'article L. 541-10-3 du code de l'environnement, prévoit que la modulation des contributions s'opère en fonction de " critères de performance environnementale ", au nombre desquels les critères de " durabilité, de réparabilité, de possibilités de réemploi et de recyclabilité " des produits. L'article R. 541-99 du code de l'environnement se bornant, en prescrivant, pour la mise en œuvre de la modulation des contributions financières, la détermination de " critères de performance environnementale pertinents ", à faire application de ces dispositions législatives, la société requérante ne peut utilement soutenir que ces dispositions réglementaires méconnaîtraient l'objectif de prise en compte du cycle de vie du produit énoncé au b) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008. 28. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que ce même article méconnaîtrait l'objectif de mise en œuvre, lorsqu'ils existent, de critères harmonisés posé par l'article 8 bis de la directive ne peut qu'être écarté dès lors qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que de tels critères n'existaient pas à la date de son adoption. 29. En quatrième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 541-10-3 du code de l'environnement citées au point 23 que si la modulation doit être soumise à l'avis du ministre chargé de l'environnement, ce dernier a le pouvoir de fixer celle-ci par arrêté, après avoir recueilli l'avis de la commission inter-filières. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article R. 541-99 méconnaîtrait l'article L. 541-10-3 en prévoyant qu'il appartient à chaque éco-organisme de transmettre, pour accord, ses critères d'évaluation et propositions de programme au ministre chargé de l'environnement et que l'absence d'opposition de celui-ci dans un délai de deux mois suivant la réception de la proposition vaut accord. 30. En cinquième lieu, aux termes du 1 de l'article 5 de la directive du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information : " Sous réserve de l'article 7, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s'il s'agit d'une simple transposition intégrale d'une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit (...) ". La détermination de critères de performance environnementale prévue par l'article R. 541-99 du code de l'environnement procédant d'une transposition intégrale des dispositions du b) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait méconnu les obligations découlant de l'article 5 de la directive du 9 septembre 2015 en s'abstenant de prévoir une procédure assurant la notification préalable de ces critères à la Commission doit, en tout état de cause, être écarté. Sur l'article R. 541-107 du code de l'environnement : 31. Aux termes du II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement : " Les éco-organismes et les systèmes individuels sont agréés pour une durée maximale de six ans renouvelable (...) / lorsque plusieurs éco-organismes sont agréés pour une même catégorie de produits, il peut être imposé aux producteurs de mettre en place un organisme coordonnateur agréé dans les conditions prévues au même premier alinéa ". 32. En prévoyant, d'une part, que l'organisme coordonnateur mentionné par l'article L. 541-10 précité est mis en place par les éco-organismes, lesquels agissent pour le compte des producteurs, lorsque le cahier des charges le leur impose et, d'autre part, que cet organisme est agréé pour une durée de six ans renouvelable, qui correspond à la durée maximale fixée par ce même article, l'article R. 541-107 du code de l'environnement, introduit par le décret attaqué, ne méconnaît pas ces dispositions législatives, ni, en tout état de cause, ne porte atteinte aux principes de nécessité et de proportionnalité découlant du droit de l'Union européenne. Sur les articles R. 541-112, R. 541-113, R. 541-114, R. 541-115 et R. 541-116 du code de l'environnement : 33. En premier lieu, aux termes de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement : " Les contributions financières versées par le producteur à l'éco-organisme couvrent les coûts de prévention, de la collecte, du transport et du traitement des déchets, y compris les coûts de ramassage et de traitement des déchets abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre, lorsque le cahier des charges mentionné à l'article L. 541-10 le prévoit, les coûts relatifs à la transmission et la gestion des données nécessaires au suivi de la filière ainsi que ceux de la communication inter-filières et, le cas échéant, les autres coûts nécessaires pour atteindre les objectifs quantitatifs ou qualitatifs fixés par le cahier des charges (...) ". 34. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, les articles R. 541-112 et R. 541-113 introduits dans le code de l'environnement par le décret attaqué, pris pour l'application de ces dispositions, ne les méconnaissent pas du seul fait qu'elles ne rappellent pas que les contributions financières versées par le producteur à l'éco-organisme ne couvrent les coûts de ramassage et de traitement des déchets abandonnés illégalement que si le cahier des charges le prévoit. 35. En deuxième lieu, l'article R. 541-137 du code de l'environnement dispose que " sauf lorsque le cahier des charges en dispose autrement, les objectifs applicables au système individuel pour la collecte et le traitement des déchets issus de ses produits sont ceux qui sont fixés aux éco-organismes pour la même catégorie de produits ". Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées porteraient atteinte au principe d'égalité de traitement entre producteurs relevant de la responsabilité élargie des producteurs qui découle de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 en mettant les opérations de gestion de déchets relatives à la résorption d'un dépôt illégal à la charge exclusive des éco-organismes, sans les faire également peser sur les producteurs relevant d'un système individuel, ne peut qu'être écarté. 36. En troisième lieu, les dispositions attaquées, qui s'appliquent en cas de dépôts illégaux de déchets issus de produits relevant de filières pour lesquelles le cahier des charges prévoit leur prise en charge et dont il découle du 1° de l'article R. 541-111 du code de l'environnement qu'elles portent uniquement sur les dépôts dont la quantité totale estimée dépasse 100 tonnes ou 50 tonnes après déduction des déchets pouvant faire l'objet d'une valorisation, n'ont ni pour objet ni pour effet de mettre en œuvre un principe de responsabilité illimitée des producteurs dans la prise en charge financière des opérations de gestion des dépôts de déchets dits " sauvages ". Le moyen tiré de ce qu'elles porteraient atteinte, pour ce motif, au principe de proportionnalité doit donc être écarté. 37. En quatrième lieu, la prise en charge par les producteurs des coûts de résorption des dépôts de déchets dits " sauvages " étant prévue par la loi, la requérante ne saurait utilement soutenir que les dispositions réglementaires attaquées, qui se bornent à préciser les modalités de mise en œuvre de cette obligation, méconnaîtraient les dispositions du paragraphe 1 de l'article 8 et de l'article 14 de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets. 38. En cinquième lieu, si les articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne interdisent les restrictions quantitatives à l'importation et à l'exportation entre les États membres ainsi que toutes mesures d'effet équivalent, il ne résulte pas des dispositions de l'article R. 541-112, qui se bornent, ainsi qu'il a été dit, à préciser les modalités d'organisation et de fonctionnement du régime de prise en charge de dépôts de déchets illégaux, qu'elles pourraient avoir, par elles-mêmes, pour effet d'entraver l'accès d'opérateurs étrangers au marché national. Le moyen tiré de la violation des articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit par suite être écarté. 39. Enfin, si l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets dispose, au c) de son paragraphe 4, qu'il appartient aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que les contributions financières versées par le producteur du produit pour se conformer à ses obligations de responsabilité élargie " n'excèdent pas les coûts nécessaires à la fourniture de services de gestion des déchets présentant un bon rapport coût-efficacité ", ces coûts devant être " établis de manière transparente entre les acteurs concernés ", les dispositions des articles R. 541-114 et R. 541-116 introduits dans le code de l'environnement par le décret attaqué, qui prévoient avec précision les modalités suivant lesquelles les coûts de résorption des dépôts illégaux sont imputés et répartis entre éco-organismes, avec la possibilité de recourir à un tiers expert, ne méconnaissent pas les objectifs de ces dispositions. Sur l'article R. 541-119 du code de l'environnement : 40. L'article L. 541-10-7 du code de l'environnement dispose que " L'agrément d'un éco-organisme est subordonné à la mise en place d'un dispositif financier destiné à assurer, en cas de défaillance de l'éco-organisme, la couverture des coûts mentionnés à l'article L. 541-10-2 supportés par le service public de gestion des déchets ". Il précise que " En cas de défaillance, le ministre chargé de l'environnement peut désigner un éco-organisme agréé pour une autre filière afin que ce dernier prenne à sa charge les coûts supportés par le service public de gestion de ces déchets en disposant des fonds du dispositif financier prévus à cet effet " et que " les coûts liés aux opérations de gestion des déchets soutenues par l'éco-organisme sont également couverts par le dispositif financier et par la prise en charge mentionnés au premier alinéa du présent article dans le cas où ledit éco-organisme n'est pas détenteur des déchets ". L'article R. 541-123 du même code dispose, s'agissant du dispositif financier mentionné à l'article L. 541-10-7, que " le montant garanti par ce dispositif financier est calculé de façon à assurer la prise en charge, pendant deux mois, des coûts de collecte, de transport et de traitement des déchets qui seraient supportés, en cas de défaillance de l'éco-organisme, par les collectivités territoriales ou leurs groupements dans le cadre du service public de gestion des déchets et par les autres personnes auxquelles il apporte un soutien financier à la prise en charge des coûts de gestion des déchets en application d'une disposition législative ou réglementaire ". 41. Aux termes du nouvel article R. 541-119 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Tout éco-organisme établit un contrat type destiné aux producteurs qui souhaitent lui transférer leur obligation de responsabilité élargie, qui prévoit notamment : / 1° Le montant des contributions financières mentionnées à l'article L. 541-10-2, ainsi que les modulations prévues en application de l'article L. 541-10-3 ; / 2° Les modalités de mise en œuvre des mesures mentionnées au premier alinéa du III de l'article L. 541-10 et de celles relatives à la transmission pour le compte du producteur des données prévues à l'article L. 541-10-13 ; / 3° L'obligation pour le producteur de verser la contribution financière à un autre éco-organisme agréé désigné selon les modalités prévues à l'article L. 541-10-7 dans les cas de défaillance mentionnés à l'article R. 541-124. / L'éco-organisme est tenu de contracter avec tout producteur qui en fait la demande dès lors que celui-ci accepte les clauses du contrat type. / Pour des produits identiques, les contributions prévues par le barème mentionné au 1° du présent article sont les mêmes, quel que soit leur lieu de mise sur le marché sur le territoire national. Toutefois, l'éco-organisme peut décider que la contribution financière prévue à l'article L. 541-10-2 prend la forme d'un forfait pour les producteurs qui mettent sur le marché de petites quantités de produits. Dans ce cas, il s'assure périodiquement que le montant du forfait permet de couvrir les coûts mentionnés au même article ". 42. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 541-10-7 précitées du code de l'environnement que le législateur a nécessairement habilité le pouvoir réglementaire à prévoir que l'éco-organisme désigné pour se substituer à un éco-organisme défaillant perçoive les contributions financières correspondantes des producteurs concernés. Le moyen tiré de ce que les dispositions précitées du 1er alinéa du 3° de l'article R. 541-119 méconnaîtraient, pour ce motif, l'article L. 547-10-7 doit, dès lors, être écarté. Le pouvoir réglementaire s'étant ainsi borné à préciser les modalités d'application de cette disposition législative, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article R. 541-119 du code de l'environnement aurait pour effet de créer une obligation civile nouvelle à la charge des producteurs, en méconnaissance de l'article 34 de la Constitution et de l'article 125 de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. 43. En deuxième lieu, il résulte des dispositions précitées des articles L. 541-10-7, R. 541-119 et R. 541-123 du code de l'environnement que le dispositif financier qu'elles instituent a pour seul objet de garantir, pendant une période transitoire de deux mois, la continuité des prestations assurées par l'éco-organisme défaillant. Le moyen tiré de ce que les dispositions réglementaires attaquées méconnaîtraient le principe, posé par l'article le III de l'article L. 541-10, en vertu duquel les activités agréées des éco-organismes ne peuvent être exercées dans un but lucratif doit, dès lors, être écarté. 44. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions de l'article R. 541-119, qui ne font pas obstacle à ce que les producteurs concernés contractent avec un autre éco-organisme agréé pour la même filière à la place de celui désigné pour se substituer à l'éco-organisme défaillant, ne portent pas atteinte à la liberté des producteurs, découlant des dispositions de l'article L. 541-10, de mettre en place les éco-organismes de leur choix et d'y adhérer aux fins de leur déléguer leurs obligations dans le cadre du régime de responsabilité élargie, ni ne sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation. 45. En quatrième lieu, les dispositions du dernier alinéa de l'article R. 541-119, en vertu desquelles il y a lieu, pour des produits identiques, de prévoir les mêmes contributions régies par le barème national résultant de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement indépendamment du lieu de mise sur le marché sur le territoire national, ne contreviennent pas, par elles-mêmes, à l'objectif énoncé au a) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets, exigeant que les contributions financières versées par le producteur couvrent les coûts de collecte séparée des déchets et de leur transport et traitement ultérieurs. 46. Enfin, si l'article L. 462-2 du code de commerce prévoit que l'Autorité de la concurrence est obligatoirement consultée sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet, notamment, " d'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente ", le moyen tiré de ce que ces mêmes dispositions du dernier alinéa de l'article R. 541-119 seraient illégales faute d'avoir été précédées d'une telle consultation doit, en tout état de cause, être écarté dès lors que ces dispositions n'ont pas pour effet d'imposer de telles pratiques. Sur l'article R. 541-121 du code de l'environnement : 47. En prévoyant que les contributions perçues par les éco-organismes " sont utilisées dans leur intégralité pour les missions agréées et pour les frais de fonctionnement afférents à ces missions ", l'article R. 541-121 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué ne fait, contrairement à ce qui est soutenu, pas obstacle à la prise en charge des frais de mise en place des éco-organismes. La requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que ces dispositions méconnaîtraient, pour ce motif, les dispositions de l'article L. 541-10-2 du même code citées au point 33, ni, en tout état de cause, le droit de la concurrence. Sur l'article R. 541-123 du code de l'environnement : 48. Aux termes de l'article R. 541-123 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Le dispositif financier mentionné à l'article L. 541-10-7 résulte, au choix de l'éco-organisme : / 1° De l'engagement écrit d'un établissement de crédit, d'une société de financement, d'une entreprise d'assurance ou d'une société de caution mutuelle ; / 2° D'une consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations ; / 3° D'un fonds de garantie privé, qui peut être mis en place par l'organisme coordonnateur prévu au dernier alinéa du II de l'article L. 541-10 ; / 4° De l'engagement écrit, portant garantie autonome au sens de l'article 2321 du code civil, d'une ou plusieurs personnes morales présentes au capital de l'éco-organisme. Dans ce cas, le ou les garants doivent eux-mêmes être bénéficiaires de l'engagement, de la consignation, ou d'un fonds de garantie tels que mentionnés aux 1°, 2° et 3° ci-dessus. / Le montant garanti par ce dispositif financier est calculé de façon à assurer la prise en charge, pendant deux mois, des coûts de collecte et de traitement des déchets qui seraient supportés, en cas de défaillance de l'éco-organisme, par les collectivités territoriales ou leurs groupements dans le cadre du service public de gestion des déchets et par les autres personnes auxquelles il apporte un soutien financier à la prise en charge des coûts de gestion des déchets. Ce montant est fixé à hauteur de ses obligations de responsabilité élargie du producteur et dans la limite d'un plafond de 50 millions d'euros. L'éco-organisme estime ce montant lors de sa demande d'agrément et l'actualise lorsque les hypothèses prises en compte pour l'établir le modifient de 20 % ou plus et tous les trois ans au moins ". 49. En premier lieu, en instaurant un plafonnement, à hauteur de 50 millions d'euros, du montant garanti par le dispositif financier destiné à assurer, en cas de défaillance de l'éco-organisme, la couverture des coûts mentionnés à l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement supportés par le service public de gestion des déchets, le pouvoir réglementaire n'a pas excédé la compétence qu'il tenait de l'article L. 541-10-7 cité au point 40. 50. En deuxième lieu, si la requérante soutient que les dispositions précitées de l'article R. 541-123 méconnaîtraient le d) du paragraphe 1 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets ainsi que le principe d'égalité devant les charges publiques et le droit de la concurrence au motif que le plafonnement du dispositif de garantie s'appliquerait éco-organisme par éco-organisme et non agrément par agrément, il résulte des termes mêmes de l'article L. 541-10-7 que l'octroi de chaque agrément est subordonné à la mise en place d'un dispositif de garantie financière, avec toutes les conséquences qui en découlent. 51. Enfin, le moyen tiré de ce que ces dispositions contreviendraient aux objectifs fixés par l'article 14 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur en imposant, pour la mise en œuvre du dispositif financier mentionné à l'article L. 541-10-7, le recours à une consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignation ne peut qu'être écarté dès lors que les dispositions contestées ne mentionnent une telle consignation que comme une possibilité parmi d'autres, laissées au choix de l'éco-organisme concerné. Sur l'article R. 541-124 du code de l'environnement : 52. Aux termes de l'article R. 541-124 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Le contrat établi par l'éco-organisme en application de l'article R. 541-123 prévoit que le montant garanti par le dispositif financier mentionné à l'article L. 541-10-7 est transmis à un autre éco-organisme agréé désigné dans les conditions prévues au même article, en cas : / 1° D'arrêt de l'activité soumise à agrément, quelle qu'en soit la cause, y compris en cas de suspension ou de retrait de l'agrément ; / 2° De non-renouvellement de l'agrément à son échéance, lorsque les producteurs qui en assurent la gouvernance ne mettent pas en place un nouvel éco-organisme ou n'adhèrent pas à un autre éco-organisme agréé à cette échéance. / L'éco-organisme est libéré de l'obligation mentionnée à l'article L. 541-10-7, en cas de non-renouvellement de son agrément, dans un délai de deux mois à compter de son échéance. / En cas d'événement imprévu susceptible de conduire à une défaillance de l'éco-organisme, l'autorité administrative peut suspendre l'obligation mentionnée à l'article L. 541-10-7 pendant une période qui ne peut excéder douze mois, afin de lui permettre d'assurer la continuité de ses autres obligations de responsabilité élargie ". 53. En premier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 541-10-7 du code de l'environnement, citées au point 40, qu'en se référant à la " défaillance " de l'éco-organisme, le législateur a entendu n'exclure aucun type de défaillance et viser toutes les situations susceptibles de compromettre la continuité du service public de gestion des déchets. Dès lors, le moyen tiré de ce que les cas d'arrêt de l'activité soumise à agrément, pour tout motif et en particulier en cas de suspension ou de retrait de l'agrément, ainsi que les cas de non-renouvellement d'agrément sans que les producteurs concernés aient mis en place un nouvel éco-organisme ou adhéré à un autre éco-organisme, visés respectivement par les 1° et 2° de l'article R. 541-124, ne relèveraient pas du champ de l'article L. 541-10-7 doit être écarté. 54. En deuxième lieu, les dispositions contestées de l'article R. 541-124, prises pour l'application de l'article L. 541-10-7, n'ont pu, eu égard à leur objet qui ne saurait être de créer un régime de responsabilité, méconnaître ni le principe général du droit de la responsabilité en vertu duquel le droit à réparation ne saurait excéder le préjudice subi, ni les dispositions du a) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 déterminant les coûts dont les contributions financières versées par le producteur du produit soumis à obligation de responsabilité élargie doivent assurer la couverture. 55. En troisième lieu, en imposant, dans un but d'intérêt général, aux éco-organismes dont l'agrément n'a pas été renouvelé de continuer de se soumettre à l'obligation de garantie financière dans les deux mois qui suivent l'échéance, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu la compétence qu'il tenait de l'article L. 541-10-7. 56. Enfin, en prévoyant, au dernier alinéa de l'article R. 541-124, la possibilité, en cas d'événement imprévu entraînant une défaillance provisoire de l'éco-organisme concerné, d'une suspension de son obligation financière pendant une période limitée ne pouvant dépasser un an, afin de lui permettre d'assurer la continuité de ses autres obligations de responsabilité élargie, le pouvoir réglementaire n'a pas davantage méconnu l'article L. 541-10-7, qui vise à garantir, en toute circonstance, la continuité du service public de gestion des déchets. Sur les articles R. 541-127 et R. 541-129 du code de l'environnement : 57. Le II de l'article L. 541-10 du code de l'environnement dispose que " les éco-organismes et les systèmes individuels sont également soumis à un autocontrôle périodique reposant sur des audits indépendants réguliers réalisés au moins tous les deux ans, permettant notamment d'évaluer leur gestion financière, la qualité des données recueillies et communiquées ainsi que la couverture des coûts de gestion des déchets ". 58. Contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions des articles R. 541-127 et R. 541-129 introduits dans le code de l'environnement par le décret attaqué, qui se bornent à préciser les conditions de mise en œuvre du régime d'autocontrôle, ne méconnaissent pas les dispositions précitées du II de l'article L. 541-10. Sur l'article R. 541-130 du code de l'environnement : 59. Le VII de l'article L. 541-10 du code de l'environnement dispose que " tout éco-organisme élabore et met en œuvre un plan de prévention et de gestion des déchets dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution (...) ayant pour objectif d'améliorer les performances de collecte et de traitement des déchets dans ces territoires afin qu'elles soient identiques à celles atteintes, en moyenne, sur le territoire métropolitain dans les trois ans qui suivent la mise en œuvre du plan. Ce plan est présenté à la commission inter-filières et aux collectivités concernées avant sa mise en œuvre par l'éco-organisme. Il est rendu public par ce dernier ". 60. Aux termes de l'article R. 541-130 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué, prévoyant en application des dispositions précitées des dispositions spécifiques relatives à l'outre-mer : " Chaque éco-organisme élabore le plan prévu au VII de l'article L. 541-10 dans un délai de six mois à compter de la date de son agrément. Il transmet le projet de plan pour accord à l'autorité administrative, après consultation de son comité des parties prenantes et des collectivités d'outre-mer compétentes en matière de planification ou de gestion des déchets concernées. L'accord de l'autorité administrative est réputé acquis en l'absence d'opposition dans un délai de deux mois suivant la réception du projet de plan. / Dans les trois ans qui suivent la mise en œuvre du plan, l'éco-organisme élabore un bilan de sa mise en œuvre et évalue les progrès en matière de collecte et de traitement des déchets dans chacun des territoires concernés. Lorsque la performance reste inférieure à celle atteinte, en moyenne, sur le territoire métropolitain, l'éco-organisme révise les mesures du plan dans les conditions prévues au II de l'article L. 541-9-6, après consultation de son comité des parties prenantes et des collectivités qui sont compétentes en matière de planification ou de gestion des déchets. / L'éco-organisme peut déroger aux dispositions du présent article pour ceux des territoires d'outre-mer mentionnés au VII de l'article L. 541-10 dont il justifie que les performances de collecte et de traitement des déchets issus des produits relevant de son agrément sont au moins égales à celles atteintes, en moyenne, sur le territoire métropolitain. Dans ce cas, il présente ces éléments à l'autorité administrative dans les conditions mentionnées au premier alinéa ". 61. Si la requérante excipe, à l'encontre de ces dispositions réglementaires, de ce que les dispositions de l'article L. 541-10 dont elles font application méconnaîtraient les articles 29 et 30 de la directive du 19 novembre 2008 relative aux déchets en ce qu'elles confient aux éco-organismes le soin d'arrêter les plans de prévention et de gestion des déchets dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution alors que la directive exige des Etats membres qu'ils veillent à ce que leurs autorités compétentes établissent un ou plusieurs plans de gestion des déchets à l'échelle de l'ensemble du territoire géographique et arrêtent eux-mêmes des programmes de prévention des déchets, ces dispositions de la directive ont été entièrement transposées par les articles L. 541-11 à L. 541-15-2 du code de l'environnement relatifs aux plans de prévention et de gestion des déchets. Ce moyen ne peut par suite qu'être écarté. Contrairement à ce qui est soutenu, les dispositions précitées de l'article L. 541-10 n'ont pu, par elles-mêmes, davantage méconnaître les objectifs de la directive du parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement. Sur l'article R. 541-110 du code de l'environnement : 62. En vertu du c) du paragraphe 4 de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008, il appartient aux États membres de prendre les " mesures nécessaires pour que les contributions financières versées par le producteur du produit pour se conformer à ses obligations de responsabilité élargie n'excèdent pas les coûts nécessaires à la fourniture de services de gestion des déchets présentant un bon rapport coût-efficacité ", ces coûts devant, par ailleurs, être " établis de manière transparente entre les acteurs concernés ". 63. Le quatrième alinéa de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement dispose que " la prise en charge des coûts supportés par le service public de gestion des déchets est définie par un barème national ". Aux termes de l'article R. 541-110 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Le cahier des charges peut préciser les modalités d'application du présent paragraphe, notamment : / 1° Les montants du barème national prévu au quatrième alinéa de l'article L. 541-10-2 (...) ". 64. Si la société requérante soutient que ces dernières dispositions contreviendraient aux objectifs fixés par celles précitées de l'article 8 bis de la directive au motif que les coûts du service public des déchets à la charge des producteurs ne seraient pas établis entre les acteurs concernés de manière transparente ni ne respecteraient l'exigence de " bon rapport coût-efficacité ", il résulte des missions de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, telles qu'énoncées notamment à l'article R. 131-26-1, que celle-ci est amenée, pour l'élaboration de la proposition de barème national, à consulter l'ensemble des parties prenantes, tandis que le projet de cahier des charges soumis au ministre est soumis pour avis à la commission inter-filières de responsabilité élargie des producteurs ainsi qu'au conseil national d'évaluation des normes, ainsi qu'à la participation du public au titre de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement. Dès lors, eu égard aux garanties de transparence offertes par cette procédure d'élaboration qui ne saurait, par ailleurs, être de nature à porter atteinte au principe de " bon rapport coût-efficacité ", le moyen tiré de la méconnaissance des exigences de l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 doit être écarté. Sur l'article R. 541-131 du code de l'environnement : 65. Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement : " (...) Dans chaque collectivité régie par l'article 73 de la Constitution, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ce barème est majoré pour assurer, tant que les performances de collecte et de traitement constatées dans la collectivité sont inférieures à la moyenne nationale, une couverture de la totalité des coûts optimisés de prévention, de collecte, de transport et de traitement des déchets, y compris les coûts de ramassage et de traitement des déchets abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre, lorsque le cahier des charges mentionné à l'article L. 541-10 du présent code le prévoit, supportés par ces collectivités, en tenant compte de l'éloignement, l'insularité et la maturité des dispositifs de collecte et de traitement des déchets propres à chaque territoire ". 66. Aux termes de l'article R. 541-131 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Le barème majoré prévu à la deuxième phrase du quatrième alinéa de l'article L. 541-10-2 est fixé en tenant compte : / 1° Des surcoûts de gestion des déchets résultant de l'éloignement et, le cas échéant, de l'insularité propres à chaque collectivité d'outre-mer, estimés par comparaison aux coûts moyens observés sur le territoire métropolitain ; / 2° Des surcoûts liés à la maturité des installations de collecte et de traitement des déchets propres à chaque collectivité d'outre-mer, estimés au regard des investissements nécessaires pour atteindre, compte tenu de l'objectif mentionné au VII de l'article L. 541-10, un niveau de performances comparable à celui des installations implantées sur le territoire métropolitain ". 67. D'une part, le pouvoir réglementaire n'était pas tenu, à peine d'illégalité, de reprendre l'indication figurant dans la loi selon laquelle la majoration du barème vise à couvrir la totalité des coûts optimisés de prévention et de gestion des déchets. D'autre part, il résulte des termes mêmes de l'article R. 541-131 que le pouvoir réglementaire n'a pas entendu limiter le champ des différences de coûts de gestion des déchets entre l'outre-mer et la métropole à prendre en compte pour majorer le barème national aux seuls surcoûts d'éloignement et d'insularité, le 2° de cet article faisant également mention, conformément aux prescriptions de l'article L. 541-10-2, des surcoûts résultant de la maturité des installations de collecte et de traitement des déchets propres à chaque collectivité. Le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 541-131 méconnaîtraient, pour ces motifs, l'article L. 541-10-2 du code de l'environnement doit, par suite, être écarté. 68. En outre, en mentionnant, au 2° de l'article R. 541-131 relatif aux surcoûts liés aux installations de collecte et de traitement des déchets dont le niveau ne dépend pas uniquement de la taille des installations considérées, l'objectif à atteindre d'un niveau de performances comparable à celui des installations implantées sur le territoire métropolitain, le pouvoir réglementaire n'a pas méconnu le principe de proportionnalité. Sur l'article R. 541-174 du code de l'environnement : 69. D'une part, l'article 8 bis de la directive du 19 novembre 2008 dispose, à son paragraphe 5, que " chaque État membre autorise les producteurs de produits établis dans un autre État membre qui commercialisent des produits sur son territoire à désigner une personne physique ou morale établie sur son territoire en tant que mandataire chargé d'assurer le respect des obligations qui incombent à un producteur sur son territoire en vertu des régimes de responsabilité élargie des producteurs " et qu'" afin de suivre et de vérifier le respect des obligations qui incombent au producteur de produits en vertu des régimes de responsabilité élargie des producteurs, les États membres peuvent définir des exigences, comme l'enregistrement, l'information et la communication des données, qui doivent être remplies par une personne physique ou morale désignée comme mandataire sur son territoire ". 70. D'autre part, aux termes du I de l'article L. 541-10 du code de l'environnement : " En application du principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation à toute personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication, dite producteur au sens de la présente sous-section, de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent (...) Les producteurs s'acquittent de leur obligation en mettant en place collectivement des éco-organismes agréés dont ils assurent la gouvernance et auxquels ils transfèrent leur obligation et versent en contrepartie une contribution financière (...) ". 71. Aux termes de l'article R. 541-174 introduit dans le code de l'environnement par le décret attaqué : " Tout producteur de produits, qu'il soit établi en France, dans un autre Etat membre de l'Union Européenne ou un pays tiers, peut désigner une personne physique ou morale établie en France en tant que mandataire chargé d'assurer le respect de ses obligations relatives au régime de responsabilité élargie des producteurs. Cette personne est subrogée dans toutes les obligations de responsabilité élargie du producteur dont elle accepte le mandat. / Lorsque les producteurs transfèrent leur obligation de responsabilité élargie à un éco-organisme, le contrat de mandat prévoit que les contributions et modulations prévues en application des articles L. 541-10-2 et L. 541-10-3 répercutées par le mandataire sur les producteurs concernés ne peuvent faire l'objet d'une réfaction ". 72. En prévoyant que le mandataire désigné par le producteur pour assurer le respect de ses obligations relatives au régime de responsabilité élargie des producteurs est " subrogé " dans toutes les obligations de celui dont il a accepté le mandat, alors que ni l'article L. 541-10 du code de l'environnement, ni aucune autre disposition législative ne prévoit la possibilité d'une telle subrogation, le pouvoir réglementaire a excédé sa compétence. La société requérante est, par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens soulevés contre cet article, fondée à en demander l'annulation pour ce motif. 73. Compte tenu de tout ce qui précède, la société EcoDDS est seulement fondée à demander l'annulation du décret qu'elle attaque en tant qu'il introduit l'article R. 541-174 dans le code de l'environnement. Il n'y a pas lieu, eu égard à ses conséquences, de différer les effets de cette annulation. 74. Les conclusions tendant à l'annulation du décret en tant qu'il insère dans le code de l'environnement l'article R. 541-114 étant rejetée, les conclusions tendant à ce que cette annulation soit assortie d'une injonction ne peuvent qu'être rejetées. 75. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à la société EcoDDS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : Le décret du 27 novembre 2020 portant réforme de la responsabilité élargie des producteurs est annulé en tant qu'il introduit l'article R. 541-174 dans le code de l'environnement. Article 2 : L'Etat versera à la société EcoDDS une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société EcoDDS, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la Première ministre. Copie en sera adressée au Secrétariat général du gouvernement. Délibéré à l'issue de la séance du 16 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d'Etat et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur. Rendu le 10 novembre 2023. Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. Bruno Bachini La secrétaire : Signé : Mme Marie-Adeline Allain |
|
CETATEXT000048386351 | JG_L_2023_11_000000454476 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386351.xml | Texte | Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10/11/2023, 454476, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | Conseil d'État | 454476 | 6ème - 5ème chambres réunies | Excès de pouvoir | C | M. Antoine Berger | M. Nicolas Agnoux | Vu la procédure suivante : Par une ordonnance n° 2101838 du 12 juillet 2021, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Dijon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête, enregistrée le 7 juillet 2021 au greffe de ce tribunal, présentée par Mme A... B.... Par cette requête et un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique, un mémoire récapitulatif et un nouveau mémoire, enregistrés les 1er février, 16 mai, 30 juin et 7 août 2022, Mme B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 13 octobre 2020 par laquelle le premier président de la Cour des comptes l'a informée du rejet de sa candidature à l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, ensemble le décret du 16 octobre 2020 du président de la République portant intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, en tant que son nom n'y figure pas ; 2°) d'enjoindre au premier président de la Cour des comptes de procéder à un nouvel examen de sa candidature. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code des juridictions financières ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Antoine Berger, auditeur, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., administratrice territoriale, a été détachée en 2017 auprès de la chambre régionale des comptes Grand Est, avant d'être mutée à la chambre régionale des comptes de Bourgogne-Franche-Comté. En 2020, Mme B... s'est portée candidate à l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, en application de l'article L. 221-9 du code des juridictions financières. L'intéressée a été entendue, à l'instar des autres candidats, par une commission d'intégration. Dans le rapport qu'elle a remis au conseil supérieur des chambres régionales des comptes, cette commission a estimé qu'il n'y avait pas lieu de retenir la candidature de Mme B.... A l'issue de sa séance du 1er octobre 2020, le conseil supérieur a rendu un avis favorable à la demande d'intégration de 7 candidatures parmi les 28 reçues, sans retenir celle de Mme B.... Par un courrier du 13 octobre 2020, le premier président de la Cour des comptes l'a informée du rejet de sa candidature. Mme B... sollicite l'annulation de ce courrier ainsi que du décret du Président de la République en date du 16 octobre 2020 portant intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, en tant que son nom n'y figure pas. Sur les conclusions dirigées contre le courrier du 13 octobre 2020 du premier président de la Cour des comptes : 2. Aux termes de l'article L. 221-1 du code des juridictions financières : " Les nominations dans le corps des magistrats des chambres régionales des comptes sont prononcées par décret du Président de la République (...) ". L'article L. 221-9 du même code dispose que : " Peuvent être intégrés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes : / - les magistrats de l'ordre judiciaire et les fonctionnaires détachés en application de l'article L. 221-10, justifiant de huit ans de services publics effectifs, dont trois ans en détachement dans les chambres régionales des comptes ; ces intégrations sont prononcées après avis de leur président de chambre régionale et du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes ; / - les magistrats de l'ordre judiciaire et les fonctionnaires exerçant ou ayant exercé la fonction de rapporteur à temps plein à la Cour des comptes justifiant de huit ans de services publics effectifs, dont trois ans à la Cour des comptes ; ces intégrations sont prononcées après avis de leur président de chambre et du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 212-33 du même code : " Le premier président de la Cour des comptes, président du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes, assure la gestion des magistrats et des personnels des chambres régionales des comptes ainsi que celle des moyens matériels de ces juridictions. Il prend, sur proposition du secrétaire général, les actes relatifs à la gestion et à l'administration des fonctionnaires relevant des corps des juridictions financières, à l'exclusion des nominations dans un corps, des titularisations, des décisions entraînant la cessation définitive de fonctions, des mises en position hors cadres et des sanctions disciplinaires des troisième et quatrième groupes définies à l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (...) ". Il résulte de ces dispositions que les nominations dans le corps des magistrats des chambres régionales des comptes sont prononcées par décret du Président de la République et que le premier président de la Cour des comptes, s'il est chargé de la gestion des magistrats des chambres régionales des comptes, n'est pas compétent pour statuer sur leur nomination dans ce corps. Son courrier du 13 octobre 2020 n'avait pour objet, et ne pouvait avoir légalement pour effet, que d'informer Mme B... du rejet de sa candidature par l'autorité compétente. Ce courrier ne revêtant pas le caractère d'une décision susceptible de faire l'objet d'un recours en excès de pouvoir, les conclusions de Mme B... tendant à son annulation sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées pour ce motif. Sur les conclusions dirigées contre le décret du 16 octobre 2020 : 3. Ainsi qu'il est dit au point 2, l'article L. 221-9 du code des juridictions financières dispose que l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes est prononcée après avis, notamment, du conseil supérieur des chambres régionales des comptes. Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 220-16 du même code : " Le conseil supérieur établit son règlement intérieur, qui détermine notamment les modalités de fixation de l'ordre du jour, l'organisation de ses travaux ainsi que les conditions dans lesquelles il prend les décisions et rend les avis prévus par le présent code ". L'article 30 du règlement intérieur du conseil supérieur des chambres régionales des comptes, adopté le 18 octobre 2018, dispose que : " L'avis du Conseil supérieur prévu à l'article L. 221-9 du code des juridictions financières sur les demandes d'intégration de magistrats et de fonctionnaires dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, est rendu une fois par an. / Les candidatures sont examinées au préalable par une commission dont la composition est fixée par un arrêté du Premier président pris après avis du Conseil supérieur. Cette commission et présidée par un membre du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes désigné par le Premier président. Elle comprend par ailleurs quatre membres du Conseil supérieur dont deux représentants du corps désignés par leurs pairs ainsi qu'un représentant du Premier président et un représentant du Procureur général près la Cour des comptes. Afin de rendre l'avis prévu à l'article L. 221-9 précité, les membres du Conseil supérieur disposent, en plus du dossier individuel constitué par les candidats, de l'avis rendu sur leur candidature par le président de leur chambre d'affectation, du rapport présenté par le président de la commission susmentionnée chargée par le Conseil supérieur d'examiner les candidatures et d'un état actualisé des effectifs cibles et réels des chambres régionales et territoriales des comptes, à la date de la délibération. / Avant de rendre son avis, le Conseil supérieur peut demander à entendre tout ou partie des candidats ". 4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et de ce qui est dit aux points 1 et 3 que la procédure qui a été suivie pour statuer sur les demandes d'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes reçues au titre de l'année 2020 est conforme aux dispositions législatives et réglementaires du code des juridictions financières, lesquelles prévoient une procédure spécifique comprenant notamment un avis du conseil supérieur des chambres régionales des comptes. Contrairement à ce que soutient Mme B..., le conseil supérieur peut, en tant que de besoin, préciser les conditions dans lesquelles il se prononce sur les candidatures qui lui sont soumises et aucune disposition ni aucun principe ne fait obstacle à ce qu'il confie à une commission le soin de l'assister pour examiner les candidatures à l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes. L'appréciation de cette commission ne saurait lier le conseil supérieur des chambres régionales des comptes, qui délibère sur chacune des candidatures pour émettre son avis. 5. Par suite, et alors qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que le conseil supérieur des chambres régionales des comptes se serait estimé lié par l'appréciation de la commission ayant examiné les candidatures à l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que l'intervention de cette commission aurait vicié la procédure ni, en tout état de cause, qu'en fixant sa composition par un arrêté du 8 avril 2020, la doyenne des présidents de chambre de la Cour des comptes, faisant fonction de Première présidente, aurait méconnu les dispositions du code des juridictions financières. A la supposer établie, la circonstance que le règlement intérieur du conseil supérieur prévoyant l'existence et la composition de cette commission n'aurait pas été publié est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. 6. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que la procédure suivie est entachée d'irrégularité au motif que la commission d'intégration n'aurait pas utilisé de grille d'analyse pour évaluer les mérites respectifs des candidatures et qu'elle aurait insuffisamment motivé son rapport au conseil supérieur des chambres régionales des comptes, faute de se prononcer sur les mérites individuels de chaque candidat, il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que cette commission aurait été soumise à de telles obligations. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté. 7. En dernier lieu, si les dispositions de l'article L. 221-9 du code des juridictions financières permettent aux fonctionnaires détachés en chambres régionales des comptes d'être intégrés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, il résulte également de ces dispositions que cette intégration ne constitue pas un droit pour le fonctionnaire qui en sollicite le bénéfice. Pour accorder ou refuser une telle intégration, le Président de la République dispose d'un large pouvoir d'appréciation. 8. S'il est constant que Mme B... a fait l'objet, depuis le début de son détachement au sein des juridictions financières, d'appréciations positives de la part de ses supérieurs hiérarchiques et que le président de la chambre régionale des comptes de Bourgogne-Franche-Comté a émis un avis favorable à son intégration, il ne ressort pas des pièces du dossier que le président de la République aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas sa candidature à l'intégration dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes. 9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation du décret du président de la République en date du 16 octobre 2020 portant intégration dans le corps des magistrats de chambres régionales des comptes en tant que son nom n'y figure pas. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B..., à la Cour des comptes et à la Première ministre. Délibéré à l'issue de la séance du 16 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d'Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur. Rendu le 10 novembre 2023. Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. Antoine Berger La secrétaire : Signé : Mme Marie-Adeline Allain |
||
CETATEXT000048386352 | JG_L_2023_11_000000458347 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386352.xml | Texte | Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10/11/2023, 458347, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | Conseil d'État | 458347 | 6ème - 5ème chambres réunies | Excès de pouvoir | C | M. Bruno Bachini | M. Nicolas Agnoux | Vu la procédure suivante : Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 novembre 2021 et 4 juillet 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Adjutorium informatique demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du président du conseil supérieur du notariat du 27 octobre 2021 rejetant sa demande tendant à l'abrogation de la résolution de l'assemblée générale du conseil supérieur du notariat du 3 juin 2020 relative au plan visioconférence ; 2°) d'enjoindre au conseil supérieur du notariat d'abroger cette résolution et d'assurer la publicité de sa décision, sous une astreinte de 1 000 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge du conseil supérieur du notariat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de commerce ; - le décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 ; - le décret n° 2020-1422 du 20 novembre 2020 ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat, - les conclusions de M. Nicolas Agnoux, rapporteur public ; Considérant ce qui suit : 1. Par un courrier du 18 octobre 2021, la société Adjutorium informatique a demandé au président du conseil supérieur du notariat d'abroger la résolution de l'assemblée générale du conseil supérieur du notariatdu 30 juin 2020 relative au " plan visioconférence ". Par la présente requête, elle demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 octobre 2021 par laquelle le président du conseil supérieur du notariat a refusé de faire droit à cette demande. 2. Aux termes du premier alinéa de l'article 16 du décret du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires : " Le notaire qui établit un acte sur support électronique utilise un système de traitement et de transmission de l'information agréé par le Conseil supérieur du notariat et garantissant l'intégrité et la confidentialité du contenu de l'acte ". Aux termes de l'article 20-1 du même décret, dans sa version issue du décret du 20 novembre 2020 instaurant la procuration notariée à distance : " Le notaire instrumentaire peut établir une procuration sur support électronique, lorsqu'une ou les parties à cet acte ne sont pas présentes devant lui. / L'échange des informations nécessaires à l'établissement de l'acte et le recueil, par le notaire instrumentaire, du consentement de la ou des parties à l'acte qui ne sont pas présentes s'effectuent au moyen d'un système de traitement, de communication et de transmission de l'information garantissant l'identification des parties, l'intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au Conseil supérieur du notariat, auquel il incombe d'agréer les systèmes de traitement, de communication et de transmission de l'information utilisés pour l'établissement d'actes sur support électronique, de définir les conditions dans lesquelles les dispositifs proposés à cette fin satisfont à l'obligation de garantir l'identification des parties ainsi que l'intégrité et la confidentialité des contenus. 3. Il ressort des pièces du dossier que par une résolution du 30 juin 2020 relative au plan visioconférence, l'assemblée générale du conseil supérieur du notariat a demandé à la direction du numérique et des systèmes d'information du conseil supérieur du notariat, d'une part, d'établir, au plus tard le 15 septembre 2020, un cahier des charges pour l'ouverture à la concurrence de l'installation et de la distribution des salles de visioconférence et du matériel permettant le recours au logiciel Lifesize, d'autre part, de définir, au plus tard le 31 décembre 2020, un cahier des charges permettant à tout opérateur présentant les garanties de fiabilité requises de proposer des dispositifs de visioconférence présentant le même degré de préservation du secret professionnel que celui requis pour la comparution à distance, sous réserve d'une parfaite interopérabilité. Par la même résolution, l'assemblée générale du conseil supérieur du notariat a en outre demandé à l'association pour le développement du service notarial (ADSN) de permettre à sa filiale commerciale, la société ADNOV, et à toute autre entreprise qui respecterait le cahier des charges précité d'installer des salles de visioconférence et de déployer le logiciel Lifesize, dès lors que les paramétrages seraient assurés par l'ADSN. 4. En premier lieu, en prévoyant, par cette résolution, aux fins de garantir l'identification des parties ainsi que l'intégrité et la confidentialité des contenus, l'établissement d'un cadre de référence devant être respecté par les dispositifs utilisés pour l'établissement d'actes sur support électronique mettant en œuvre un système de traitement, de communication et de transmission de l'information soumis à son agrément au titre des dispositions précitées des articles 16 et 20-1 du décret du 26 novembre 1971, l'assemblée générale du conseil supérieur du notariat n'a pas excédé sa compétence. 5. En second lieu, cette résolution, qui se borne à prévoir la définition d'un cadre de référence pour les dispositifs proposés par les opérateurs, sans instituer de régime d'agrément de ces derniers, ne méconnait pas, par elle-même, l'article L. 420-1 du code de commerce, qui prohibe les actions concertées, telles que les ententes, ayant pour effet ou pouvant avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché. 6. Il résulte de ce qui précède que la société Adjutorium informatique n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision qu'elle attaque. Ses conclusions à fin d'injonction doivent, par voie de conséquence, être également rejetées, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 7. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Adjutorium informatique une somme de 3 000 euros à verser au conseil supérieur du notariat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : La requête de la société Adjutorium Informatique est rejetée. Article 2 : La société Adjutorium informatique versera au conseil supérieur du notariat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Adjutorium informatique et au conseil supérieur du notariat. Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré à l'issue de la séance du 16 octobre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Moreau, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Bruno Bachini, conseiller d'Etat-rapporteur. Rendu le 10 novembre 2023. Le président : Signé : M. Pierre Collin Le rapporteur : Signé : M. Bruno Bachini La secrétaire : Signé : Mme Marie-Adeline Allain |
||
CETATEXT000048386373 | JG_L_2023_11_000000468403 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386373.xml | Texte | Conseil d'État, 2ème chambre, 10/11/2023, 468403, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-10 00:00:00 | Conseil d'État | 468403 | 2ème chambre | Excès de pouvoir | C | SCP GURY & MAITRE | M. Julien Eche | Mme Dorothée Pradines | Vu la procédure suivante : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 décembre 2021 par lequel le préfet de police a retiré ses cartes de résident valables du 31 janvier 1985 au 30 janvier 1995, du 31 janvier 1995 au 30 janvier 2005, du 2 décembre 2004 au 1er décembre 2014 et du 2 décembre 2014 au 1er décembre 2024, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2201315 du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par une ordonnance n° 22PA01871 du 25 août 2022, le président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement. Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 octobre 2022 et 23 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler cette ordonnance ; 2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : - le rapport de M. Julien Eche, maître des requêtes, - les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique, La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 8 décembre 2021, le préfet de police a retiré les cartes de résident délivrées à M. B... depuis 1985, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de cet arrêté. Celui-ci se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 25 août 2022 par laquelle le président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'il avait formé contre ce jugement. 2. L'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose que : " Les (...) présidents des formations de jugement des cours peuvent (...) par ordonnance, rejeter (...) après l'expiration du délai de recours (...) les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement. (...) ". 3. Pour rejeter comme manifestement dépourvu de fondement l'appel formé par M. B..., le président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris a estimé que sa requête ne comportait pas de moyens critiquant utilement le jugement et l'arrêté attaqués. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la requête d'appel de l'intéressé comportait l'exposé d'éléments de fait et de droit mettant le juge d'appel à même de se prononcer, l'auteur de l'ordonnance attaquée s'est mépris sur la portée des écritures du requérant. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. 4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : -------------- Article 1er : L'ordonnance du président de la 9ème chambre de la cour administrative d'appel de Paris du 25 août 2022 est annulée. Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris. Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré à l'issue de la séance du 19 octobre 2023 où siégeaient : M. Nicolas Boulouis, président de chambre, présidant ; M. Jean-Yves Ollier, conseiller d'Etat et M. Julien Eche, maître des requêtes-rapporteur. Rendu le 10 novembre 2023. Le président : Signé : M. Nicolas Boulouis Le rapporteur : Signé : M. Julien Eche La secrétaire : Signé : Mme Eliane Evrard |
|
CETATEXT000048386399 | JG_L_2023_11_000000488872 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/38/63/CETATEXT000048386399.xml | Texte | Conseil d'État, Juge des référés, 08/11/2023, 488872, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-08 00:00:00 | Conseil d'État | 488872 | Juge des référés | Plein contentieux | C | SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET ; SCP SPINOSI | Vu les procédures suivantes : Mme M... I... épouse G... et M. H... G... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 21 août 2023 par laquelle le sous-préfet de Grasse les a mis en demeure de libérer le logement qu'ils occupent dans la commune du Bar-sur-Loup, dans un délai de 48 heures, sous peine d'évacuation forcée. Par une ordonnance n° 2304148 du 24 août 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a fait droit à leur demande. I. M. B... J... et Mme C... E..., épouse J..., agissant en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, D... et F... J..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, d'une part, de mettre fin à la suspension de l'exécution de la décision du 21 août 2023 du sous-préfet de Grasse prononcée par l'ordonnance du 24 août 2023, d'autre part, de mettre à la charge M. et Mme G... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par une ordonnance n° 2304644 du 29 septembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a, d'une part, mis fin à la suspension de l'exécution de la décision du 21 août 2023 du sous-préfet de Grasse et, d'autre part, mis à la charge M. et Mme G... la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Sous le n° 488872, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 et 27 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme G... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 2304644 du 29 septembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Nice ; 2°) de suspendre l'exécution de la décision du 21 août 2023 du sous-préfet de Grasse ; 3°) de mettre à la charge M. et Mme J..., ainsi que de l'Etat, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que l'ordonnance attaquée est entachée : - d'irrégularité dès lors que, d'une part, la requête ne leur a pas été communiquée, ils n'ont pas été régulièrement convoqués à l'audience et cette dernière n'a pas été renvoyée à une date ultérieure alors qu'ils n'ont eu le temps ni de produire un mémoire ni de préparer leur défense, en méconnaissance des droits de la défense, du droit à un procès équitable ainsi que des articles R. 522-4 et R. 522-7 du code de justice administrative et, d'autre part, leur mémoire en défense, produit postérieurement à l'audience mais antérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été pris en compte, en méconnaissance des articles L. 522-1, R. 522-8 et R. 611-1 du même code ; - de méconnaissance de l'office du juge des référés en ce que ce dernier s'est prononcé sur l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de l'acte dont la suspension est sollicitée et non sur l'existence d'une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale, en méconnaissance de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; - d'erreur de droit en ce que la décision du 21 août 2023 du sous-préfet de Grasse ne satisfait pas à deux des conditions prévues par l'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 dès lors que, d'une part, ils ne se sont pas introduits ni maintenus dans le logement à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte et, d'autre part, M. et Mme J... n'ont jamais démontré que le logement en cause constituait leur domicile principal. Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire enregistrés les 26 et 29 octobre 2023, M. et Mme J... concluent en premier lieu, à titre principal, au rejet de la requête, en deuxième lieu, à titre subsidiaire en cas d'annulation de l'ordonnance de première instance, à ce qu'il soit mis fin à la suspension de l'exécution de la décision du 21 août 2023 du sous-préfet de Grasse et, en dernier lieu, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge M. et Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. II. Par une requête en tierce opposition, M. B... J... et Mme C... E..., épouse J..., agissant en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs, D... et F... J..., ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice de déclarer non avenue l'ordonnance du 24 août 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Nice. Par une ordonnance n° 2304645 du 29 septembre 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a fait droit à leur demande. Sous le n° 488874, par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 et 27 octobre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme G... demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 2304645 du 29 septembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Nice ; 2°) de suspendre l'exécution de la décision du 21 août 2023 du sous-préfet de Grasse ; 3°) de mettre à la charge M. et Mme J..., ainsi que de l'Etat, la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - la requête en tierce opposition était irrecevable dès lors que, d'une part, les intérêts M. et Mme J... étaient déjà représentés dans le cadre de la procédure par le sous-préfet de Grasse, défendeur dans cette instance et, d'autre part, l'admission de la tierce opposition a amené la juridiction administrative à trancher un litige opposant le bailleur au preneur d'un contrat de bail au sujet de l'existence et de la portée de ce contrat, contentieux qui relève de la compétence de la juridiction judiciaire ; - l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité dès lors que, d'une part, la requête ne leur a pas été communiquée, ils n'ont pas été régulièrement convoqués à l'audience et cette dernière n'a pas été renvoyée à une date ultérieure, alors qu'ils n'ont eu le temps ni de produire un mémoire ni de préparer leur défense, en méconnaissance des droits de la défense, du droit à un procès équitable ainsi que des articles R. 522-4 et R. 522-7 du code de justice administrative et, d'autre part, leur mémoire en défense, produit postérieurement à l'audience mais antérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été pris en compte, en méconnaissance des articles L. 522-1, R. 522-8 et R. 611-1 du même code ; - l'ordonnance est entachée de méconnaissance de l'office du juge des référés en ce que ce dernier s'est prononcé sur l'existence d'un doute sérieux sur la légalité de l'acte dont la suspension est sollicitée et non sur l'existence d'une atteinte grave et immédiate à une liberté fondamentale, en méconnaissance de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; - l'ordonnance est entachée d'erreur de droit en ce que la décision du 21 août 2023 du sous-préfet de Grasse ne satisfait pas à deux des conditions prévues par l'article 38 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 dès lors que, d'une part, ils ne se sont pas introduits ni maintenus dans le logement à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte et, d'autre part, M. et Mme J... n'ont jamais démontré que le logement en cause constituait leur domicile principal. Par un mémoire en défense et un nouveau mémoire enregistrés les 26 et 29 octobre 2023, M. et Mme J... concluent en premier lieu, à titre principal, au rejet de la requête, en deuxième lieu, à titre subsidiaire en cas d'annulation de l'ordonnance de première instance, à ce que l'ordonnance n° 2304148 du 24 août 2023 soit déclarée non avenue et à ce que la requête présentée par M. et Mme G... soit rejetée et, en dernier lieu, à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge solidaire M. et Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. Vu les autres pièces des dossiers ; Vu : - la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 ; - le code de justice administrative ; Ont été entendus lors de l'audience publique du 30 octobre 2023, à 15 heures 30 : - Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat M. et Mme G... ; - Me Boré, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat M. et Mme J... ; - Mme J... ; - les représentants du ministre de l'intérieur et des outre-mer ; à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction. Considérant ce qui suit : 1. Les requêtes visées ci-dessus, présentées sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une même ordonnance. 2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ". 3. Aux termes de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale : " En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui, qu'il s'agisse ou non de sa résidence principale ou dans un local à usage d'habitation, à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, la personne dont le domicile est ainsi occupé, toute personne agissant dans l'intérêt et pour le compte de celle-ci ou le propriétaire du local occupé peut demander au représentant de l'Etat dans le département de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile ou sa propriété et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire, par le maire ou par un commissaire de justice. / (...) La décision de mise en demeure est prise, après considération de la situation personnelle et familiale de l'occupant, par le représentant de l'Etat dans le département dans un délai de quarante-huit heures à compter de la réception de la demande. Seule la méconnaissance des conditions prévues au premier alinéa ou l'existence d'un motif impérieux d'intérêt général peuvent amener le représentant de l'Etat dans le département à ne pas engager la mise en demeure. En cas de refus, les motifs de la décision sont, le cas échéant, communiqués sans délai au demandeur. / La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Lorsque le local occupé ne constitue pas le domicile du demandeur, ce délai est porté à sept jours et l'introduction d'une requête en référé sur le fondement des articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de justice administrative suspend l'exécution de la décision du représentant de l'Etat. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée à l'auteur de la demande. / Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le représentant de l'Etat dans le département doit procéder sans délai à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition de l'auteur de la demande dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure ". 4. Il résulte de l'instruction que M. et Mme J..., agissant au nom de leurs enfants mineurs propriétaires d'un logement dans la commune du Bar-sur-Loup, ont demandé au sous-préfet de Grasse, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007, de mettre en demeure les occupants de ce logement de quitter les lieux. Par une décision du 21 août 2023, le sous-préfet de Grasse a pris la mise en demeure sollicitée, assortie d'un délai de 48 heures dont le non-respect donnerait lieu à une évacuation avec le concours de la force publique. Mme I..., épouse G..., et M. G..., tous deux occupants du logement en cause, ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cette décision. M. et Mme J... ont relevé appel de l'ordonnance du 24 août 2023 par laquelle le juge des référés a fait droit à cette demande de suspension. Par une ordonnance en date du 13 septembre 2023, la juge des référés du Conseil d'Etat a rejeté leur requête pour irrecevabilité, M. et Mme J... n'ayant été ni appelés ni présents à l'instance ayant abouti à l'ordonnance du 24 août 2023. M. et Mme J... ont alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nice, d'une part, par une requête en tierce opposition, de déclarer non avenue l'ordonnance du 24 août 2023, d'autre part, par une demande sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative, de mettre fin à la suspension de l'exécution de la décision du 21 août 2023 du sous-préfet de Grasse prononcée par cette même ordonnance. Par deux ordonnances du 29 septembre 2023 dont M. et Mme G... relèvent appel, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a fait droit aux demandes M. et Mme J.... Sur la régularité des ordonnances attaquées : 5. Aux termes de l'article R. 522-8 du code de justice administrative : " L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction à une date postérieure dont il avise les parties par tous moyens. Dans ce dernier cas, les productions complémentaires déposées après l'audience et avant la clôture de l'instruction peuvent être adressées directement aux autres parties, sous réserve, pour la partie qui y procède, d'apporter au juge la preuve de ses diligences. / L'instruction est rouverte en cas de renvoi à une autre audience ". Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) ". Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties. 6. Il résulte de l'instruction que le juge des référés a, lors de l'audience commune aux deux requêtes ayant donné lieu aux ordonnances attaquées, informé les parties à l'audience que la clôture de l'instruction interviendrait le 29 septembre à 12h. Pour chacune des deux affaires, M. et Mme G... ont déposé un premier mémoire en défense, qui ont tous deux été enregistrés le 29 septembre à 11h01 et qui n'ont pas été communiqués aux parties. Le juge des référés du tribunal administratif de Nice, en ne communiquant pas aux parties les mémoires en défense présentés par M. et Mme G..., a entaché d'irrégularité les procédures aux termes desquelles il a pris les deux ordonnances attaquées. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens présentés pour chacune des deux requêtes, ces ordonnances doivent être annulées. 7. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes M. et Mme J.... Sur la requête en tierce opposition présentée par M. et Mme J... : 8. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ". 9. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 3, que M. et Mme J... n'ont été ni appelés ni présents à l'instance ayant abouti à l'ordonnance du 24 août 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Nice. Il résulte également de l'instruction que cette ordonnance, qui suspend l'exécution de la décision du sous-préfet de Grasse mettant en demeure, à leur demande, M. et Mme G... de quitter le logement dont les enfants mineurs M. et Mme J... sont propriétaires, préjudicie à leurs droits, sans que le sous-préfet de Grasse puisse être regardé comme représentant M. et Mme J... dans cette instance. Par suite, ils sont recevables à former devant le juge des référés, sur le fondement de l'article R. 832-1 du code de justice administrative, une tierce opposition. 10. Il résulte de l'instruction que M. et Mme G... qui n'ont, contrairement à ce qu'ils prétendent, pas conclu de bail de location avec M. et Mme J..., se sont introduits puis maintenus dans un logement situé sur la partie supérieure de la propriété M. et Mme J... et qui doit être considéré comme le domicile M. et Mme J... au sens de l'article 38 de la loi du 5 mars 2007, dans sa rédaction issue de l'article 6 de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023. Par suite, dès lors que M. et Mme G... se sont introduits et maintenus dans le domicile M. et Mme J... à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, que M. et Mme J... ont déposé une plainte et qu'ils ont fait constater, par un commissaire de justice, l'occupation illicite du logement, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que la décision du sous-préfet de Grasse du 21 août 2023 mettant en demeure M. et Mme G... de quitter ce logement, dans un délai de 48 heures dont le non-respect donnerait lieu à une évacuation avec le concours de la force publique, serait entachée d'une illégalité manifeste justifiant le prononcé des mesures demandées par M. et Mme G.... 11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 24 août 2023 doit être déclarée non avenue et que la demande présentée par M. et Mme G... devant ce juge doit être rejetée. Sur la demande présentée par M. et Mme J... sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative : 12. Aux termes de l'article L. 521-4 du code de justice administrative : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ". 13. Il résulte de ce qui vient d'être dit que l'ordonnance du 24 août 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Nice étant déclarée non avenue, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées contre cette même ordonnance par M. et Mme J... sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative. Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la M. et Mme G..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 4 000 euros à verser à M. et Mme J... au titre de l'ensemble des procédures. Les dispositions du même article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge M. et Mme J... et de l'Etat, qui ne sont pas les parties perdantes dans les présentes instances. O R D O N N E : ------------------ Article 1er : Les ordonnances n° 2304644 et n° 2304645 du 29 septembre 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Nice sont annulées. Article 2 : La tierce opposition présentée par M. et Mme J... est admise. Article 3 : L'ordonnance du 24 août 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Nice est déclarée non avenue. Article 4 : La demande présentée par M. et Mme G... devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice, enregistrée sous le n° 2304148, est rejetée. Article 5 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. et Mme J... sur le fondement de l'article L. 521-4 du code de justice administrative. Article 6 : M. et Mme G... verseront la somme de 4 000 euros à M. et Mme J... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 7 : Les conclusions présentées par M. et Mme G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 8 : La présente ordonnance sera notifiée à M. H... G... et Mme L... I..., épouse G..., à M. B... J..., à Mme C... E... épouse J..., au préfet des Alpes-Maritimes et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Fait à Paris, le 8 novembre 2023 Signé : Jérôme Marchand-Arvier |
|||
CETATEXT000048424025 | J0_L_2023_11_00021VE01911 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424025.xml | Texte | CAA de VERSAILLES, 2ème chambre, 16/11/2023, 21VE01911, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de VERSAILLES | 21VE01911 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | M. EVEN | JULIENNE | Mme Barbara AVENTINO | M. FREMONT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La commune de Bois d'Arcy a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande du maire de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 tendant à faire cesser le trouble anormal de voisinage résultant de la fermeture du parking ouvert aux visiteurs des détenus de la maison d'arrêt, d'enjoindre, à titre principal, à la garde des sceaux, ministre de la justice de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou d'enjoindre, à titre subsidiaire, à la garde des sceaux, ministre de la justice d'étudier les modalités de réalisation d'une nouvelle aire de stationnement, dans le même délai et sous la même astreinte et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G..., ont présenté un mémoire en intervention au soutien de la demande de la commune de Bois d'Arcy concluant à l'annulation de la décision implicite du garde des sceaux, ministre de la justice, portant rejet de la demande du maire de la commune de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 et à ce que soit mis à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à leur verser à chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1905100 du 4 mai 2021, le tribunal administratif de Versailles a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire enregistrés le 28 juin 2021 et le 15 mars 2023, la commune de Bois d'Arcy, représentée par Me Julienne, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler la décision implicite par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande du maire de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 tendant à faire cesser le trouble anormal de voisinage résultant de la fermeture du parking ouvert aux visiteurs des détenus de la maison d'arrêt ; 3°) d'enjoindre, à titre principal, au garde des sceaux, ministre de la justice de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de procéder à la réalisation d'une nouvelle aire de stationnement ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune de Bois d'Arcy soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé dès lors qu'il n'a pas pris en compte ses observations relatives à son intérêt à agir produites à la suite de la communication par le tribunal administratif d'un moyen d'ordre public ; - elle dispose d'un intérêt à agir dès lors que les difficultés de stationnement engendrées par la fermeture du parking ont une incidence sur les intérêts dont elle a la charge et ses pouvoirs de police ; elle est lésée par l'Etat dans le cadre de la convention du 5 décembre 1979 ; - la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la dégradation de la situation du stationnement aux abords du centre pénitentiaire liée à la fermeture du parking aux visiteurs. Par des mémoires enregistrés le 17 novembre 2022 et le 8 août 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête. Il soutient que la commune ne dispose pas d'un intérêt à agir et que les moyens ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 7 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 septembre 2023, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Aventino, - les conclusions de M. Frémont, rapporteur public, - et les observations de Me Samandjeu représentant la commune de Bois d'Arcy. Considérant ce qui suit : 1. Le maire de la commune de Bois d'Arcy a, par un courrier reçu le 21 mars 2019, demandé à la garde des sceaux, ministre de la justice de rouvrir aux familles et visiteurs des détenus le parking du centre pénitentiaire situé dans cette commune, afin de faire cesser la situation aux abords de l'établissement provoquée par l'insuffisance des possibilités de stationnement. La commune de Bois d'Arcy fait appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 4 mai 2021 rejetant ses conclusions aux fins d'annulation de la décision implicite de rejet de la garde des sceaux, ministre de la justice de sa demande, aux fins d'injonction, à titre principal, de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'étudier les modalités de réalisation d'une nouvelle aire de stationnement, dans le même délai et sous la même astreinte. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si la commune de Bois d'Arcy se prévaut des troubles de voisinage existant aux abords de l'établissement pénitentiaire en raison des problèmes liés au stationnement des visiteurs et de l'atteinte aux droits des détenus résultant de la fermeture du parking au public, elle fait également état de ce que ces difficultés portent atteinte à ses intérêts propres, en particulier ses pouvoirs de police du stationnement, lesquels ne permettent pas selon elle, compte tenu de la gravité de la situation, d'assurer la sécurité et la salubrité aux abords de cet établissement. 3. Par suite, la commune de Bois d'Arcy est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande comme irrecevable faute pour elle de justifier d'un intérêt à agir contre la décision implicite de rejet de sa demande par la garde des sceaux, ministre de la justice, aux fins d'injonction, à titre principal, de rouvrir le parking en litige, dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'étudier les modalités de réalisation d'une nouvelle aire de stationnement, dans le même délai et sous la même astreinte. Ainsi, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de régularité, ce jugement du tribunal administratif de Versailles du 4 mai 2021 doit être annulé. 4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Bois d'Arcy devant le tribunal administratif de Versailles. Sur l'intervention en première instance de M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... : 5. Aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : " L'intervention est formée par mémoire distinct. (...) ". 6. M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... ont intérêt à l'annulation de la décision attaquée. Par suite, leur intervention au soutien de la demande de première instance de la commune, qui tend aux mêmes fins par les mêmes moyens, présentée par mémoire distinct, est recevable. Sur la légalité de la décision contestée : 7. Lorsque le juge administratif est saisi d'une requête tendant à l'annulation du refus opposé par l'administration à une demande tendant à ce qu'elle prenne des mesures pour faire cesser la méconnaissance d'une obligation légale lui incombant, il lui appartient, dans les limites de sa compétence, d'apprécier si le refus de l'administration de prendre de telles mesures est entaché d'illégalité et, si tel est le cas, d'enjoindre à l'administration de prendre la ou les mesures nécessaires. Cependant, et en toute hypothèse, il ne lui appartient pas, dans le cadre de cet office, de se substituer aux pouvoirs publics pour déterminer une politique publique ou de leur enjoindre de le faire. 8. Il ressort des pièces du dossier, et il n'est pas contesté, que des difficultés de stationnement existent aux abords du centre pénitentiaire de Bois d'Arcy au moment des jours de visite aux personnes détenues, de nombreux véhicules stationnant de façon anarchique dans les rues de la zone pavillonnaire située alentour, occasionnant des troubles du voisinage. Si cette situation parait exister de longue date, comme en atteste un courrier du député des Yvelines daté du 16 janvier 1990 figurant au dossier, la commune de Bois d'Arcy soutient qu'elle s'est aggravée depuis la fermeture récente au public de l'aire de stationnement existante au sein de l'enceinte, qui est réservée au personnel de la prison et aux auxiliaires de justice, comme le mentionne le rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté de juillet 2010 rédigé à la suite d'une visite des lieux. 9. Cependant, aucune obligation législative ou réglementaire ne s'impose à l'Etat, en tant que gestionnaire du domaine public accueillant un centre pénitentiaire, pour garantir et organiser le stationnement des véhicules des visiteurs de cette prison, et notamment aménager une aire de stationnement spécifique à leur usage. 10. En outre, si la commune de Bois d'Arcy fait état de ce qu'elle a déployé en vain d'importants moyens dans le cadre de ses pouvoirs de police de la circulation routière, elle n'établit pas, par la seule production d'une attestation du maire de la commune non circonstanciée, une mobilisation particulière des agents municipaux les jours de visite, ni qu'elle aurait assumé des coûts supplémentaires en équipement ou en personnel, alors en outre qu'un des courriers des riverains fait état de ce que la police municipale est parfois sollicitée en vain. Par ailleurs, la commune n'établit pas davantage ni même n'allègue avoir mis en place des mesures d'interdiction de stationnement aux non riverains dans les rues concernées, afin d'inciter ces derniers à se rendre sur les aires de stationnement publiques situées à proximité, ni avoir renforcé la verbalisation des contrevenants. 11. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision en litige est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la dégradation de la situation du stationnement aux abords du centre pénitentiaire liée à la fermeture du parking aux visiteurs doit être écarté. Il en est de même du moyen tiré de la rupture du principe d'égalité entre les collectivités territoriales compte tenu de la charge supplémentaire et anormale que cette situation fait peser sur la commune. Par suite, la commune de Bois d'Arcy n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté la demande du maire de Bois d'Arcy du 8 mars 2019 tendant à faire cesser le trouble anormal de voisinage résultant de la fermeture du parking ouvert aux visiteurs des détenus de la maison d'arrêt. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles n° 1905100 du 4 mai 2021 est annulé. Article 2 : L'intervention de M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... est admise en première instance. Article 3 : La demande présentée par la commune de Bois d'Arcy devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée. Article 4 : Les conclusions présentées par M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G... devant le tribunal administratif de Versailles sont rejetées. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bois d'Arcy, au garde des sceaux, ministre de la justice, et à M. et Mme B... A..., M. C... D..., M. E... F... et M. et Mme G.... Délibéré après l'audience du 26 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Even, président de chambre, Mme Aventino, première conseillère, M. Cozic, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, B. AVENTINOLe président, B. EVEN La greffière, I. SZYMANSKI La République mande et ordonne au Garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, 2 N° 21VE01911 |
CETATEXT000048424039 | J0_L_2023_11_00022VE02860 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424039.xml | Texte | CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 16/11/2023, 22VE02860, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de VERSAILLES | 22VE02860 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. ALBERTINI | ANNOOT | M. Paul-Louis ALBERTINI | Mme VILLETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le président de la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne a prononcé à son encontre la sanction de révocation, sanction disciplinaire du 4ème groupe, alors qu'il était adjoint technique pour la collectivité. Par un jugement n° 2102887 en date du 27 octobre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Annoot, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ; 2°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière en ce que le tribunal administratif n'a pas enregistré et pris connaissance du mémoire en triplique produit le 23 mai 2022 et n'a par suite pas pu apprécier l'opportunité de le communiquer ou de faire droit à la demande d'instruction qu'il contenait ; - la sanction litigieuse a été prononcée sur le fondement d'un avis émis par un conseil de discipline qui s'est tenu au terme d'une procédure irrégulière en ce que son droit d'y être entendu n'a pas été respecté ; - l'autorité ayant arrêté la sanction litigieuse a procédé à une matérialisation inexacte des faits qui lui sont reprochés ; - la sanction attaquée est disproportionnée eu égard aux faits reprochés. Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2023, la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne, représentée par Me Rainaud, avocat, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement entrepris et à la mise à la charge de M. A... de la somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Un mémoire non communiqué a été présenté pour M. A... le 15 octobre 2023 à 21 heures 46. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ; - la loi du 26 janvier 1984 ; - le décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Albertini, - les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique, - et les observations de Me Annoot, pour M. A..., et de Me Halle, pour la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., adjoint technique territorial employé en tant qu'agent du service de collecte des ordures ménagères de la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne occupait les fonctions de chauffeur-ripeur, jusqu'à ce qu'il fasse l'objet d'une sanction de révocation, prononcée par un arrêté du président de la communauté de communes en date du 21 juin 2021. M. A... relève appel du jugement du 27 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 4 du décret du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés (...) ". Aux termes de l'article 6 de ce même décret : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de la réunion de ce conseil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il peut, devant le conseil de discipline, présenter des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (...) ". Aux termes enfin de l'article 8 dudit décret : " Le report de l'affaire peut être demandé par le fonctionnaire poursuivi ou par l'autorité territoriale : il est décidé à la majorité des membres présents. Le fonctionnaire et l'autorité territoriale ne peuvent demander qu'un seul report ". 3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été informé de l'engagement à son encontre d'une procédure de révocation par un courrier en date du 26 février 2021 mentionnant son droit à la communication de son dossier individuel, qu'il a consulté le 13 avril 2021, de l'existence d'un mémoire en défense établi à son encontre répertoriant les faits qui lui étaient reprochés, dont il a pris connaissance le 17 mars 2021, ainsi que son droit d'être assisté par les conseillers de son choix dans le cadre de cette procédure. Si l'intéressé a été informé par un courrier en date du 30 avril 2021, notifié le 3 mai 2021, de la tenue le 31 mai 2021 de la séance du conseil de discipline de la fonction publique territoriale destinée à se prononcer sur la procédure enclenchée à son encontre, il est constant que seul son conseil s'est présenté à cette séance pour indiquer que M. A..., cas contact d'une personne atteinte du virus du Covid-19, ne pouvait être présent, et en demander par conséquent le report. Celui-ci n'ayant pas été accordé, le conseil de M. A..., arguant en outre n'avoir reçu qu'un mandat d'assistance et non de représentation pour défendre les intérêts de son client, a quitté la séance, qui s'est ainsi poursuivie. Par un arrêté du 21 juin 2016, le président de cette communauté de communes a ensuite prononcé sa révocation en raison d'un comportement conflictuel avec ses collègues et irrespectueux à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques. 4. M. A... soutient que la sanction contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière méconnaissant le principe du contradictoire en ce qu'il aurait été privé de son droit d'être entendu lors de la séance du conseil de discipline appelé a formuler un avis sur la sanction. Il ressort des pieces du dossier qu'il a demandé un report de la séance prévue le 31 mai 2021 en raison de son signalement comme " cas contact " le 29 mai 2021, soit 48 heures auparavant, et à une date à laquelle cette situation impliquait un isolement de sa part. M. A... sera d'ailleurs testé positif le 31 mai 2021, en milieu de journée. Ce report a été refusé par le conseil de discipline par 9 voix contre 4. 5. Il ressort des dispositions citées au point 2 que le report du conseil de discipline n'est pas de droit sur simple demande. En revanche, eu égard au droit dont dispose le fonctionnaire de se présenter en personne devant cette instance pour présenter des observations orales, il doit être fait droit à une demande qui ne repose pas sur un motif dilatoire ou imputable à l'agent poursuivi. Pour s'opposer au report, le conseil de discipline a relevé que M. A... était informé depuis plus de deux mois de la procédure disciplinaire engagée contre lui, qu'il avait consulté son dossier en avril 2021 et avait effectivement reçu sa convocation au conseil de discipline début mai. Il aurait ainsi eu le temps de préparer sa défense et son conseil était d'ailleurs présent le jour de la séance. Toutefois, la date à prendre en compte n'est pas la date à laquelle M. A... a pu consulter son dossier, mais celle à laquelle il a été informé de son signalement en tant que " cas contact ", dès lors que l'agent poursuivi dispose du droit de présenter des observations orales ou écrites devant le conseil de discipline. A cet égard, un agent qui s'est préparé pour des observations orales et qui apprend moins de 48 heures avant la reunion qu'il ne pourra être présent physiquement ne dispose alors que d'un délai inuffisant pour rédiger ses observations écrites s'il n'avait pas prévu de le faire. En l'espèce, le signalement a été fait un samedi, alors que le conseil de discipline se tenait dès le lundi suivant à 10 heures. Par ailleurs, demander au conseil de M. A... de présenter des observations écrites en un temps aussi restreint aurait également été excessivement contraignant. En outre et surtout, en présence d'un motif non dilatoire à l'époque des faits et non imputable à l'agent, il n'appartenait pas au conseil de discipline de contraindre l'agent quant à la possibilité de se présenter en personne devant lui. 6. Le conseil de discipline a également relevé, pour refuser le report de sa séance, qu'aucune attestation de l'assurance-maladie quant à l'obligation d'isolement de M. A... n'avait été produite devant lui. Toutefois, l'appelant indique qu'il n'a été informé de sa qualité de "cas contact" que par télephone et qu'il ne disposait pas non plus d'un compte Ameli auquel il aurait eu accès, mais il a produit au dossier une attestation de la Caisse nationale d'assurance-maladie du 31 mai 2021, dont on ignore la date de notification, et par un courrier du 3 juin 2021, son avocate a fait parvenir ce document et le certificat de test positif de M. A... à la communauté de communes. Celle-ci ne pouvait dans ces conditions que constater à la date de l'arrêté en litige l'absence de motif dilatoire de la demande de report du conseil de discipline ainsi qu'un motif imposant son absence, fondant la demande de report de M. A... et par suite le caractère irrégulier de la séance du 31 mai 2021, ce qui rendait nécessaire une nouvelle séance du conseil de discipline pour régulariser ce vice avant l'édiction de la sanction. 7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans et de l'arrêté en litige du 21 juin 2021. Sur les frais liés à l'instance : 8. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme sollicitée par la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne la somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2102887 en date du 27 octobre 2022 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du 21 juin 2021 par lequel le président de la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne a prononcé à l'encontre de M. A... la sanction de révocation sont annulés. Article 2 : La communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne versera à M. A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la communauté de communes de la Cléry, du Betz et de l'Ouanne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Albertini, président de chambre, M. Pilven, président assesseur, Mme Florent, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-assesseur, J.-E. PILVENLe président-rapporteur, P.-L. ALBERTINILa greffière, S. DIABOUGA La République mande et ordonne à la préfète du Loiret en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 22VE02860 2 |
CETATEXT000048424046 | J0_L_2023_11_00023VE01104 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424046.xml | Texte | CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 16/11/2023, 23VE01104, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de VERSAILLES | 23VE01104 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. ALBERTINI | SELARL EQUATION AVOCATS | M. Paul-Louis ALBERTINI | Mme VILLETTE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 13 février 2023 du préfet d'Indre-et-Loire l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, fixant la République Démocratique du Congo comme pays de destination de sa reconduite et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 2300937 du 24 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 23 mai 2023, Mme B..., représenté par Me Rouille-Mirza, avocate, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation par celui-ci de la part contributive de l'Etat. Elle soutient que : - sa requête d'appel est recevable ; - l'obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : - elle méconnait aussi l'article 33 de la convention de Genève et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision fixant le pays de renvoi n'est pas motivée et n'a pas fait l'objet d'une analyse personnalisée de sa situation ; - elle méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire ; - la décision lui interdisant le retour sur le territoire français sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de renvoi et elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 19 septembre 2023, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 juin 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention de Genève du 28 juillet 1951 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience dans la présente instance. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Albertini a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 4 avril 1984, a déclaré être entrée en France le 6 mai 2022 sans pouvoir justifier d'une entrée régulière. Le 12 mai 2022, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du 28 juillet 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis le 9 janvier 2023 par la Cour nationale du droit d'asile. Par l'arrêté attaqué du 13 février 2023, le préfet d'Indre-et-Loire l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 24 avril 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français : 2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :/ (...)/ 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. /. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin (...) Les dispositions du présent article s'appliquent sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. ". 3. Le préfet d'Indre-et-Loire a pris l'obligation de quitter le territoire attaquée au motif que la demande d'asile de la requérante, présentée le 12 mai 2022, avait fait l'objet d'une décision du 28 juillet 2022 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par une décision du 9 janvier 2023 de la Cour nationale du droit d'asile et qu'au regard des dispositions du 4° de l'article L. 611-1 du code précité, l'intéressée ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. 4. En premier lieu, la requérante soutient encore en appel que le préfet d'Indre-et-Loire a méconnu les stipulations de l'article 33 de la convention de Genève et celles de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en faisant valoir que le préfet n'a pu s'assurer du respect de ces conventions internationales sans connaître lui-même les éléments qu'elle a présentés dans sa demande d'asile, ainsi que les risques qu'elle encourt en cas de retour en République démocratique du Congo en raison de son orientation sexuelle. Toutefois, la qualité de réfugiée politique n'a pas été reconnue à Mme B..., dont la demande d'asile a été rejetée dans les conditions rappelés au point 3, à la date de la décision attaquée. Elle ne peut donc, et en tout état de cause, se prévaloir des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève qui n'est applicable qu'aux seuls étrangers auxquels cette qualité a été reconnue. De même, l'obligation de quitter le territoire n'a pas pour objet de fixer le pays de destination de l'étranger, lequel est déterminé par une décision distincte et, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des risques encourus en cas de retour en République démocratique du Congo est inopérant à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire. 5. En second lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de mentionner dans l'arrêté attaqué les risques invoqués par la requérante au soutien de sa demande d'asile et à l'entendre avant de prendre sa décision et il pouvait, en vertu des dispositions citées au point 2, prendre cette décision au seul constat du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Au demeurant, si Mme B... fait encore valoir en appel qu'elle n'a pas été entendue en préfecture sur les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'assortit pas ce moyen de précision permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé. Sur la décision fixant le pays de renvoi : 6. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire. 7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprenant les dispositions de l'ancien article L. 513-2 du même code : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 8. La requérante soutient encore en appel qu'elle craint pour sa vie et sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine en invoquant son orientation sexuelle. Toutefois, les déclarations confuses, succinctes et peu personnalisées de Mme B..., sont par suite non convaincantes sur les faits à l'origine de son départ de son pays et sur ses craintes d'être exposée à des persécutions ou à une atteinte grave. Elle produit la copie d'un rapport du Département d'Etat des Etats Unis d'Amérique de 2021, d'ailleurs non traduit, portant sur les droits de l'homme dans le monde, un point d'actualité sur l'homosexualité en République Démocratique du Congo des autorités belges, daté du 24 juin 2021, un article du Monde publié le 16 janvier 2023 intitulé " Dans l'est de la RDC, les homosexuels contraints à la clandestinité ", un article des services de l'immigration du Canada sur le traitement réservé par la société et les autorités de la République Démocratique du Congo aux personnes en raison de leur orientation sexuelle de février 2022, un article sur la situation des femmes seules à Kinshasa du 15 janvier 2016 du département fédéral de justice et de police du secrétariat d'Etat aux migrations suisse et un rapport de mission en République Démocratique du Congo de juillet 2013 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, mais ces documents, d'ordre général, sont insuffisants pour établir qu'elle serait personnellement l'objet de persécutions ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo, alors qu'elle ne verse au dossier en appel aucun élément nouveau. Sa demande d'asile a, au demeurant, été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile. La décision fixant le pays de renvoi ne méconnait pas, dès lors, les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Sur l'interdiction de retour sur le territoire français : 9. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 621-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ". Aux termes de l'article L. 613-2 du code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ". 10. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'obligation de quitter le territoire et la décision fixant le pays de renvoi ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français doit être annulée en conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire et de la décision fixant le pays de renvoi. 11. En deuxième lieu, Mme B... soutient que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en faisant valoir que si la décision fait apparaître les quatre critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet en tire une conclusion totalement contradictoire de leur application car, d'une part, sa présence en France ne représente aucune menace pour l'ordre public et, d'autre part, qu'elle n'a jamais déclaré une identité différente de celle connue dans le système VISABIO. Toutefois, en faisant état de ce que la requérante était récemment entrée en France, le 6 mai 2022, qu'elle n'établissait pas non plus avoir des attaches familiales en France, puisqu'elle a indiqué que ses deux filles mineures résident en Afrique du Sud et que ses neuf frères et sœurs résident en République démocratique du Congo, qu'elle n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'elle a aussi tenté d'induire en erreur les autorités françaises en déclarant une identité différente de celle connue sur le système VISABIO, lors de l'enregistrement de sa demande d'asile, et qu'ainsi, une interdiction de retour d'un an ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au regard de sa vie privée et familiale, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas pris une mesure disproportionnée en prononçant cette interdiction de retour de la requérante sur le territoire français à supposer même qu'elle ne constituerait pas une menace à l'ordre public comme elle le soutient et qu'elle n'aurait pas déclaré une fausse identité lors de l'enregistrement de sa demande d'asile. 12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Albertini, président de chambre, M. Pilven, président assesseur, Mme Florent, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-assesseur, J.-E. PILVENLe président-rapporteur, P.-L. ALBERTINILa greffière, S. DIABOUGA La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, N° 23VE01104 2 |
CETATEXT000048424048 | J0_L_2023_11_00023VE01251 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424048.xml | Texte | CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 16/11/2023, 23VE01251, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de VERSAILLES | 23VE01251 | 6ème chambre | excès de pouvoir | C | M. ALBERTINI | SANDO;SANDO;SANDO | M. Paul-Louis ALBERTINI | Mme VILLETTE | Vu la procédure suivante : ... Procédure contentieuse antérieure : M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2206478 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet du Val-d'Oise, lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à M. B... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédures devant la cour : I. Par une requête enregistrée le 8 juin 2023, sous le n° 23VE01251, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande de M. B.... Il soutient que : - les premiers juges ont omis de répondre à un moyen qu'il a soulevé, tiré de ce que le requérant pouvait être soigné dans son pays d'origine par orthèse mandibulaire et de la circonstance que son état de santé ne cessait de se dégrader, malgré les soins reçus en France ; - ils ont ainsi entaché leur décision d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le jugement contesté a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par des mémoires, enregistrés les 14 août et 5 octobre 2023, M. B..., représenté par Me Sando, avocat, conclut au rejet de la requête et du mémoire de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet du Val-d'Oise ainsi qu'à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration de la somme de 1 500 euros au titre des mêmes dispositions. Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Par un mémoire d'observations enregistré le 27 septembre 2023, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration soutient que le syndrome d'apnée-hypopnée obstructive du sommeil dont est atteint M. B... n'est pas une pathologie à risque d'une exceptionnelle gravité, que l'hypertension artérielle dont il est atteint, sans caractère de malignité, est traitée par des spécialités disponibles en Centrafrique et que sa pathologie cardiaque mineure ne fait pas l'objet d'un traitement spécifique. II. Par une requête enregistrée le 8 juin 2023, sous le n° 23VE01250, le préfet du Val-d'Oise demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2206478 du 22 mai 2023. Il soutient que : - la juridiction de première instance a omis de répondre à un moyen qu'il a soulevé ; - le jugement du 22 mai 2023 a méconnu l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2023, M. B..., représenté par Me Sando, avocat, conclut au rejet des requêtes du préfet du Val-d'Oise tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 22 mai 2023 et à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement, à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 7 avril 2022 et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens soulevés par le préfet du Val-d'Oise ne sont pas fondés. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Albertini, - les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique, - et les observations de Me Sando, pour M. B..., en présence de l'intéressé. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant centrafricain né le 28 septembre 1956, est entré sur le territoire français le 18 septembre 2019, sous couvert d'un passeport muni d'un visa Schengen. Il a sollicité le 12 octobre 2021 le renouvellement de son titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 7 avril 2022, le préfet du Val-d'Oise a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi en cas d'exécution forcée de cette mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2206478 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet du Val-d'Oise et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le préfet du Val-d'Oise relève appel de ce jugement. Sur la requête n° 23VE01251 : 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. ". En outre, aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions " Les conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge médicale [...] sont appréciées sur la base des trois critères suivants : degré de gravité (mise en cause du pronostic vital de l'intéressé ou détérioration d'une de ses fonctions importantes), probabilité et délai présumé de survenance de ces conséquences./Cette condition des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant d'un défaut de prise en charge doit être regardée comme remplie chaque fois que l'état de santé de l'étranger concerné présente, en l'absence de la prise en charge médicale que son état de santé requiert, une probabilité élevée à un horizon temporel qui ne saurait être trop éloigné de mise en jeu du pronostic vital, d'une atteinte à son intégrité physique ou d'une altération significative d'une fonction importante./Lorsque les conséquences d'une exceptionnelle gravité ne sont susceptibles de ne survenir qu'à moyen terme avec une probabilité élevée (pathologies chroniques évolutives), l'exceptionnelle gravité est appréciée en examinant les conséquences sur l'état de santé de l'intéressé de l'interruption du traitement dont il bénéficie actuellement en France (rupture de la continuité des soins). Cette appréciation est effectuée en tenant compte des soins dont la personne peut bénéficier dans son pays d'origine. ". 3. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. 4. Dans son avis du 28 mars 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en précisant néanmoins qu'il existe un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il pouvait voyager sans risque. Pour rejeter la demande de renouvellement de son titre de séjour qui lui était soumise par M. B..., le préfet du Val-d'Oise s'est approprié les termes de cet avis. 5. Le préfet du Val d'Oise remet en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur la violation de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par le sens de cet avis. M. B..., en contestant cet avis devant le tribunal administratif, a levé le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication et en versant d'autres éléments au débat contradictoire. A la demande de la cour, l'Office, qui a été mis à m^me de présenter des observations, a transmis l'entier dossier sur la base duquel son collège de médecins s'était prononcé. 6. Il était soutenu, sans contradiction devant les premiers juges, que l'apnée du sommeil dont souffre M. B... nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il ressort des pièces du dossier et notamment des certificats médicaux établis par le docteur A... les 12 mai 2022 et 25 février 2023, plus de dix mois après la décision contestée, que l'état de santé de M. B... nécessitait à cette époque un traitement par pression positive continue, et que le requérant est atteint d'une pathologie grave, pour laquelle le défaut de soins entraine des conséquences d'une extrême gravité, à laquelle sont associées plusieurs comorbidités cardio-vasculaires. M. B... avait également produit un certificat médical du 5 mai 2022, du docteur C..., néphrologue exerçant au sein du groupe médical Laennec à Bangui, certifiant qu'il n'existe pas à Bangui, capitale de la Centrafrique, de traitement du syndrome de l'apnée obstructive du sommeil par pression positive continue (PPC), le requérant produisant, par ailleurs, des articles de presse en ligne qui font état des difficultés à accéder à Bangui à l'électricité nécessaire au branchement de l'appareil de pression positive continue prescrit dans le traitement de son état de santé et les conséquences graves de l'interruption de la fourniture d'électricité aux établissements hospitaliers dans la capitale. En se bornant à avancer en appel, au demeurant sans aucun avis médical au soutien de cette appréciation, que M. B... est seulement atteint d'une apnée obstructive du sommeil modérée et qu'une trachéotomie constituerait pour lui un traitement médical approprié, tout en relevant que les soins dont il a bénéficié en France jusqu'à présent ne permettent pas une amélioration de son état de santé, le préfet du Val-d'Oise ne conteste pas utilement l'appréciation portée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui s'est assuré, au regard de la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié en Centrafrique et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir effectivement accès, et n'a pas recherché si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. Le débat en première instance s'est donc focalisé sur l'existence d'un traitement adapté à cette pathologie et effectivement disponible en République centrafricaine. Les premiers juges y ont apporté une réponse négative en raison des coupures de courant récurrentes en Centrafrique y compris à Bangui, la capitale, affectant la possibilité de mise en place d'un traitement par pression positive continue, seul traitement réellement adapté à l'apnée sévère dont souffre le requérant au vu des éléments médicaux personnalisés comme généraux figurant au dossier. 7. Il ressort en outre des pièces du dossier et particulièrement des avis médicaux soumis au collège de médecins que l'apnée dont est atteint M. B... est associée à une hypertension artérielle, qui, à l'époque de la décision attaquée, était à l'origine d'une faiblesse cardio-vasculaire, et que ce n'est qu'une fois que les atteintes cardio-vasculaires se sont manifestées que l'état de santé de l'intimé a pu être regardé comme l'exposant à des conséquences d'une exceptionnelle gravité à défaut de traitement. Ainsi, alors même qu'il ressort de la liste des médicaments essentiels produite par l'Office que le traitement contre l'hypertension du défendeur est disponible en République centrafricaine, le préfet du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de ce que le préfet du Val-d'Oise, en refusant d'admettre le renouvellement du titre de séjour du requérant en qualité d'étranger malade, a entaché sa décision d'erreur d'appréciation au regard dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 8. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 7 avril 2022 en litige, et lui a enjoint de délivrer à M. B... un titre de séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Sur la requête n° 23VE01250 : 9. Le présent arrêt statuant sur la requête n° 23VE01251 du préfet du Val-d'Oise tendant à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la requête de M. B..., les conclusions de la requête n° 23VE01250 tendant à la suspension de l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu d'y statuer. Sur les frais liés aux litiges : 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 1 500 euros à verser à M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui a seulement été appelé à présenter des observations et n'a pas relevé appel du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, une somme à verser à M. B... au titre des mêmes dispositions. D É C I D E : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23VE01250 du préfet du Val-d'Oise. Article 2 : La requête n° 23VE01251 du préfet du Val-d'Oise est rejetée. Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. B... à l'encontre de l'Office français de l'immigation et de l'intégration au titre des mêmes dispositions sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. D... B.... Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise et au directeur génral de l'Office français de l'immigation et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Albertini, président de chambre, M. Pilven, président assesseur, Mme Florent, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. Le président-assesseur, J.-E. PILVENLe président-rapporteur, P.-L. ALBERTINILa greffière, S. DIABOUGA La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme La greffière, Nos 23VE01251-23VE01250002 |
CETATEXT000048424051 | J1_L_2023_11_00021PA06186 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424051.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 21PA06186, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 21PA06186 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | SELARL LOREAL AVOCATS | M. Vladan MARJANOVIC | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des retenues à la source d'un montant total de 1 007 394 euros prélevés au titre des années 2006 et 2007 sur ses dividendes de source française. Par un jugement n° 1710930 du 14 octobre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, et des mémoires, enregistrés les 18 février et 1er avril 2022, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L et représentée par Me Loréal et Me Hong-Rocca, avocats, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1710930 rendu le 14 octobre 2021 par le tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'ordonner la restitution des retenues à la source d'un montant total de 1 007 394 euros prélevés au titre des années 2006 et 2007 sur ses dividendes de source française ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a considéré à tort que ses réclamations des 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008 étaient irrecevables au motif qu'elles ne comportaient aucun chiffrage, alors qu'elles devaient être regardées comme tendant à la restitution de l'ensemble des retenues à la source prélevées par les établissements payeurs en 2006 et 2007 ; en tout état de cause, sa demande chiffrée, adressée au tribunal, a régularisé ses réclamations contentieuses conformément aux dispositions du 2ème alinéa de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales ; par ailleurs, conformément aux dispositions du d) de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales et aux principes dégagés par la décision n° 344678 rendue le 23 mai 2011 par le Conseil d'Etat, ses demandes étaient assorties des pièces justifiant du versement des retenues litigieuses ; - l'administration fiscale, en première instance, a expressément admis la comparabilité du fonds Axa Equity L avec un OPCVM français et reconnu que la demande devait être accueillie sur le fond ; - les justificatifs fournis établissent le versement de retenues à la source à hauteur de 37 233 euros au titre de l'année 2006 et 970 161 euros au titre de l'année 2007. Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 janvier 2022, 29 mars 2022 et 24 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il soutient que la demande est irrecevable et fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marjanovic ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Hong-Rocca, représentant la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH. Considérant ce qui suit : 1. La société allemande Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L, a fait l'objet d'une imposition en France par voie de retenue à la source sur des dividendes de source française distribués pour les années 2006 et 2007. Par lettres des 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008, la société requérante a demandé, pour le fonds Axa Equity L, la restitution de ces retenues à la source. Par une décision du 11 août 2017, l'administration fiscale a rejeté ces réclamations comme irrecevables. La société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L, demande à la Cour l'annulation du jugement du 14 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté, pour ce même motif, ses demandes de remboursement de l'imposition sur les dividendes de source française retenues à la source, au titre des années 2006 et 2007, ainsi que le remboursement de ces impositions, à hauteur des sommes respectives de 37 233 euros et 970 161 euros. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : / a) Mentionner l'imposition contestée ; / b) Contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie ; / c) Porter la signature manuscrite de son auteur ; à défaut l'administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours ; / d) Être accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / (...) ". Aux termes de l'article R. 200-2 dudit livre : " (...) / Les vices de forme prévus aux a, b et de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. / (...) ". 3. Il résulte de l'instruction que, par des courriers en date des 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L, a demandé au centre des impôs des non-résidents le remboursement des retenues à la source opérées sur les dividendes de source française qui lui ont été versés au titre des années 2006 et 2007. Eu égard au motif fondant ces demandes de remboursement, tiré de l'inconventionnalité du " dispositif français de retenue à la source sur les dividendes sortants ", celles-ci doivent être regardées comme portant sur l'intégralité des retenues à la source opérées au titre des années concernées. Si, lors du dépôt de ses réclamations, la contribuable, dans l'attente de données exactes provenant de sa banque de dépôt, a indiqué n'être " malheureusement pas en possession du montant exact de remboursement " et n'a donc pas précisément chiffré ses prétentions, cette carence, en l'espèce, n'est ainsi pas constitutive d'un vice de forme affectant la recevabilité de ses réclamations, et a, en tout état de cause, été régularisée par sa demande adressée au tribunal administratif, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales. Au demeurant, il ressort de la lettre de réclamation du 17 décembre 2008 qu'elle comportait, en pièce jointe, des justificatifs des retenues à la source dont le remboursement était demandé. Dans ces conditions, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH est fondée à soutenir que c'est à tort que cette demande a été rejetée au motif que ses réclamations contentieuses des 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008 ne comportaient aucun chiffrage. Par suite, le jugement du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil doit être annulé. 4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH devant le tribunal administratif de Montreuil et devant la Cour. Sur les conclusions tendant à la restitution des retenues à la source en litige : 5. Aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Les dividendes figurent au nombre des produits visés aux articles 108 à 117 bis de ce code. En application de l'article 187 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, le taux de la retenue à la source est fixé à 25 % du montant de ces revenus. Il est réduit à 15 % par l'article 9 de la convention fiscale conclue le 21 juillet 1959 entre la France et l'Allemagne. 6. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, les réclamations préalables, présentées par courriers des 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008 mentionnaient les retenues à la source contestées et devaient, eu égard à leurs termes, être regardées comme tendant au remboursement de la totalité de ces retenues, alors même qu'elles ne les chiffraient pas préciséement. En outre, la demande de la société requérante devant le tribunal administratif mentionnait les impositions dont le remboursement était demandé et déterminait précisément l'étendue des conclusions présentées à cette fin. Par suite, la demande de la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH est recevable au regard des dispositions précitées du livre des procédures fiscales. La fin de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être écartée. 7. En second lieu, dans l'arrêt du 10 mai 2012 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le tribunal administratif de Montreuil l'avait saisie, à titre préjudiciel, le 1er juillet 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un Etat membre qui prévoit l'imposition, au moyen d'une retenue à la source, des dividendes d'origine nationale lorsqu'ils sont perçus par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) résidents d'un autre Etat, alors que de tels dividendes sont exonérés d'impôts dans le chef des organismes de placement collectif en valeurs mobilières résidents du premier Etat. 8. D'une part, il est admis, en l'espèce, par l'administration fiscale que le fonds Axa Equity L, pour le compte duquel la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agit, est comparable à un OPCVM français. 9. D'autre part, il résulte de l'instruction, et n'est au demeurant pas contesté par l'administration fiscale, que la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH produit les justificatifs permettant d'établir la chaîne de paiement au titre des années 2006 et 2007 à hauteur, respectivement, des sommes de 37 233 euros et 970 161 euros dont elle demande la restitution. Par suite, elle a droit à la restitution de la somme de 1 007 394 euros qu'elle demande pour le compte du fonds Axa Equity L. Sur les frais liés au litige : 10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1710930 du 14 octobre 2021 du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : Il est accordé à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Equity L, le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française distribués au cours des années 2006 et 2007 à hauteur d'un montant total de 1 007 394 euros. Article 3 : L'Etat versera à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agissant pour le compte du fonds Axa Equity L une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agissant pour le compte du fonds Axa Equity L et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des impôts des non-résidents. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. Le rapporteur, V. MARJANOVICLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 21PA06186 |
CETATEXT000048424052 | J1_L_2023_11_00021PA06191 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424052.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 21PA06191, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 21PA06191 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société par actions simplifiée (SAS) Pierre Rénovation Tradition a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2012 à 2014 et des cotisations supplémentaires de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014. Par un jugement n° 2013569 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à sa demande en la déchargeant en droits et en pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012, à hauteur du montant résultant de la diminution de l'avantage consenti à M. B... lors de la vente de l'ensemble immobilier situé 161 avenue Victor Hugo à Paris 16ème arrondissement à raison d'un avantage estimé à 197 850 euros et a rejeté le surplus de ses demandes. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2021, la SAS Pierre Rénovation Tradition, représentée par Me Foissac et Me Pernoud, avocats, demande à la Cour : 1°) de réformer le jugement n° 2013569 du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à sa demande en la déchargeant, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012, en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ; 2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige en matière d'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) au titre des années 2012, 2013 et 2014 ainsi que des pénalités et intérêts de retard correspondants ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société soutient que : - le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit et erreurs manifeste d'appréciation ; - l'administration ne démontre pas l'existence d'un acte anormal de gestion dans la cession d'un bien immobilier situé 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris (16ème arrondissement) à un prix par mètre carré de 7 480 euros le m² : la valeur retenue par l'administration fiscale est supérieure à celle figurant dans la base d'informations économiques notariales " BIEN " ; elle a agi dans son propre intérêt, la simple insuffisance de prix ne pouvant qualifier la cession d'acte anormal de gestion et, en l'espèce, le prix de vente tenant compte des caractéristiques physiques et juridiques des biens en litige, dépourvus de commercialité ; cette cession a permis de limiter les risques financiers liés à l'emprunt bancaire nécessité pour l'acquisition du bien en cause et à la caution prise par M. B..., cessionnaire ; - c'est à tort que l'administration a rejeté la déductibilité à l'impôt sur les sociétés des commissions sur ventes versées aux sociétés Leclinvest, Europromo et SIPBG, qui ont été engagées dans l'intérêt de la société et conformément à l'objet social de ces sociétés ; - la somme de 55 000 euros versée à M. A... dans le cadre d'un protocole d'accord du 10 juillet 2013 était déductible de son résultat imposable, dès lors qu'elle a été engagée dans l'intérêt de l'entreprise ; - l'administration ne démontre pas l'existence d'un acte anormal de gestion s'agissant des avances sans intérêts ; - la société pouvait constater une charge exceptionnelle d'un montant de 41 500 euros résultant de la perte irrécouvrable sur la créance détenue sur la société Foncière de la Comète, dès lors que cette dernière était en liquidation judiciaire lors de l'exercice clos en 2013 ; - l'administration n'était pas fondée à réintégrer à l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises les commissions sur ventes versés aux sociétés Leclinvest, Europromo et SIPBG et la minoration du prix de vente du bien immobilier situé 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris ; - les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées. Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public, - et les observations de Me Chicano, substituant Mes Foissac et Pernoud, pour la SAS Pierre Rénovation Tradition. Considérant ce qui suit : 1. La SAS Pierre Rénovation Tradition, qui exerce une activité de marchand de biens immobiliers, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2015. Par deux propositions de rectification du 14 décembre 2015 et du 6 juin 2016, le service lui a notamment notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2012 à 2014 et des cotisations supplémentaires de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2013 et 2014. Par un jugement n° 2013569 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de la société en la déchargeant, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2012 et rejeté le surplus. La SAS Pierre Rénovation Tradition interjette régulièrement appel du jugement précité en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions. Sur la régularité du jugement : 2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SAS Pierre Rénovation Tradition ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreurs de droit et d'appréciation pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur le bien-fondé des impositions : En ce qui concerne la cession à prix minoré d'un appartement situé 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris (16ème arrondissement) : 3. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie. 4. Par acte du 15 décembre 2010, la SAS Pierre Rénovation Tradition a acquis auprès de la société Groupe immobilier Montaverde, sous le régime des marchands de biens, un ensemble immobilier situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris (16ème) et tous droits indivis avec les autres immeubles riverains du square Thiers dans un immeuble non bâti pour un prix hors droits et hors frais de 39 000 000 euros. Le 13 novembre 2014, la société a revendu un lot à M. et Mme B... à usage mixte (n° 5) situé au 3ème étage de l'immeuble, d'une superficie de 461,25 m2 au prix de 3 450 000 euros, soit 7 479,60 euros le m2. M. B... est gérant et associé à 98 % de la SAS Pierre Rénovation Tradition. 5. Constatant que quatorze biens similaires, tous situés dans le même arrondissement, avaient été vendus entre janvier et octobre 2014 pour un prix moyen de 11 283,57 euros le m², l'administration a estimé que la valeur vénale réelle du bien concerné s'élevait à 5 204 745 euros, soit un écart de prix de 33 % et a regardé la différence entre ce dernier montant et le prix stipulé au contrat de vente, soit 1 754 745 euros comme procédant d'un acte anormal de gestion de l'entreprise et a réintégré la somme aux résultats imposables de la société. 6. Il résulte de l'instruction que la valeur vénale du bien a été établie selon une méthode fiable reposant sur la comparaison de ventes de quatorze biens situés dans le 16ème arrondissement de Paris dans des secteurs résidentiels comparables et de consistance similaire. Pour remettre en cause l'écart de prix ainsi caractérisé, la société soutient, en premier lieu, que le prix au mètre carré retenu par l'administration n'est pas représentatif de l'état du marché immobilier pour des biens répondant aux caractéristiques du bien en litige, appartement d'une grande surface comportant en outre une part prépondérante de locaux à usage professionnel. A cet égard, si la société fait état d'une vente intervenue, le 7 mars 2011, dans le même ensemble immobilier, pour le prix de 9 703 euros le m2, cette vente, réalisée par la société requérante elle-même, ne saurait être regardée comme représentative de l'état du marché immobilier, à la date de la transaction en litige, portant sur le bien en cause. Par ailleurs, si la société requérante oppose les informations contenues dans la base notariale " BIEN " pour le 16ème arrondissement de Paris, et, notamment les secteurs Auteuil et Chaillot, les données mentionnées, non nominatives et tirées de moyennes, ne permettent pas de remettre en cause l'ampleur de l'écart résultant des termes de comparaison de l'administration, de nature à permettre de présumer de l'anormalité du prix de vente en litige. 7. En deuxième lieu, la société requérante soutient que, eu égard à ses caractéristiques physiques (appartement de 461,25 m2 non doté d'un emplacement à usage de parking et comportant de nombreux dégagements ainsi qu'une majorité de locaux à usage de bureau), impliquant une difficulté de vendre le bien en cause à usage d'habitation, et à l'absence de commercialité reconnue, le prix de vente doit nécessairement tenir compte d'une décote justifiée notamment par l'acquisition d'un droit à commercialité estimé à 1 800 euros par m2. Toutefois, alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le prix d'achat de ce bien aurait tenu compte d'une telle décote, la SAS Pierre Rénovation Tradition ne justifie pas que sa revente, réalisée à usage d'habitation, devait s'accompagner d'une transformation de la partie de ses locaux à usage d'habitation en locaux à usage de bureau. 8. En dernier lieu, la société requérante fait valoir qu'elle a agi dans son intérêt au motif qu'elle se trouvait dans l'impossibilité de faire face aux échéances de remboursement de l'emprunt bancaire contracté lors de l'acquisition de l'ensemble immobilier, devant être remboursé au terme d'un délai de trois ans expirant fin 2013. En outre, elle fait valoir que le cessionnaire, M. B..., gérant de la société, s'était porté caution. Cependant, alors qu'il ressort de l'acte de vente de l'immeuble que la société s'était engagée à revendre l'immeuble dans le délai maximum de cinq ans à compter du 28 décembre 2006, soit au plus tard le 28 décembre 2011, elle ne justifie pas de l'impossibilité, pour résoudre ses difficultés financières, de vendre un autre lot du même ensemble immobilier le cas échéant à une autre personne, ni de ce que M. B... aurait été amené à lever sa caution en vue du règlement de l'emprunt. 9. Ainsi, dans ces conditions, la SAS Pierre Rénovation Tradition ne justifiant pas de la nécessité de procéder à la vente du bien en litige au prix convenu, ou d'une contrepartie obtenue, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe d'un acte anormal de gestion résultant d'un écart significatif, soit de 33 %, entre le prix de vente du lot et leur valeur réelle correctement évaluée par le service. L'administration était par suite fondée à réintégrer dans les bénéfices imposables de la société Pierre Rénovation Tradition la somme de 1 754 745 euros correspondant à la différence hors taxes entre la valeur vénale du bien cédé et le prix de vente déclaré. En ce qui concerne les commissions de vente : 10. Aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". 11. En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable de justifier tant du montant des charges qu'il entend, en application du I de l'article 39 du code général des impôts précité, déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. 12. Au cours de l'exercice clos 2013, la SAS Pierre Rénovation Tradition a payé des honoraires à trois sociétés au titre de commissions pour la vente de biens immobiliers faisant partie de l'ensemble immobilier situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris (16ème arrondissement), soit le 1er mars à la société Leclinvest pour un montant de 195 000 euros toutes taxes comprises, le 31 mars à la société SIPBG pour un montant de 200 000 euros toutes taxes comprises et le 13 juillet à la société Europromo pour un montant de 80 000 euros toutes taxes comprises. Pour rejeter la déductibilité des prestations en litige, l'administration soutient que la société requérante ne justifie pas de la réalité de la contrepartie des prestations fournies au motif que les sociétés Leclinvest et Europromo ne possèdent pas les moyens humains et matériels pour réaliser les prestations facturées et que la société SIPBG n'a pas déclaré la commission facturée. Si la société Pierre Rénovation Tradition soutient qu'elle-même ne dispose pas des moyens d'effectuer directement les ventes en cause, que les prestations ont été réalisées conformément à l'objet social des sociétés mentionnées, que l'administration a méconnu le principe de non-immixtion dans la gestion des entreprises, et que l'action de M. B..., gérant ou actionnaire des trois sociétés mentionnées ou de leurs sociétés mères à 100 %, est incontestable, elle n'apporte ce faisant aucun élément de nature à justifier de la réalité des prestations ainsi remises en cause, tels des éléments relatifs aux diligences menées par les sociétés prestataires en vue de la vente des lots concernés. Par suite, la SAS Pierre Rénovation Tradition, qui ne saurait utilement soutenir que ses liens d'affaires avec les sociétés concernées obligeraient l'administration à apporter la preuve de l'absence de contrepartie, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre en déduction de son résultat imposable les sommes facturées par les sociétés Leclinvest, SIPBG et Europromo. 13. En outre, et contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration fiscale ne s'est pas prononcée sur l'opportunité de son choix de confier aux sociétés précitées certaines prestations de service, mais s'est bornée à remettre en cause la réalité de ces prestations. Par suite, le moyen tiré de ce que le principe de non-immixtion de l'administration dans la gestion des entreprises a été méconnu doit être écarté. En ce qui concerne les sommes versées dans la cadre du protocole d'accord avec M. A... : 14. Il résulte de l'instruction que la SAS Pierre Rénovation Tradition a versé une somme de 55 000 euros à titre de dédommagement à M. A... conformément à un protocole d'accord conclu, le 10 juillet 2013, destiné à éviter la survenance d'un contentieux induit par l'absence de jouissance d'un parking lors de l'achat, le 31 mars 2011, d'un bien sis 161 avenue Victor Hugo à Paris (16ème arrondissement). Le service a relevé, à la lecture de l'acte de cession, que l'engagement de fournir un emplacement individualisé à M. A... n'avait pas été mentionné et qu'il était contraire au règlement de copropriété. Il a, par conséquent, estimé que ce dédommagement ne pouvait être regardé comme justifié et a réintégré la somme de 55 000 euros au résultat de l'exercice 2013. Si la SAS Pierre Rénovation Tradition fait valoir que M. A... pouvait prétendre à la jouissance personnelle d'un emplacement de parking, eu égard aux modalités d'usage du parking situé dans le square Thiers, elle ne justifie d'aucune obligation de dédommager M. A..., notamment à raison d'une action que ce dernier aurait engagée sur le fondement du protocole conclu entre les parties, ou d'actions de tiers engagées contre l'intéressé, nonobstant la circonstance que des protocoles similaires auraient été conclus avec d'autres copropriétaires. La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, faute de justifier de l'absence de contrepartie, l'administration a réintégré le montant en litige à la base imposable de la société requérante. En ce qui concerne l'absence de rémunération des créances détenues : 15. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Le fait, pour une entreprise, de consentir une avance sans intérêts au profit d'un tiers ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. 16. Lors de la procédure de vérification, l'administration fiscale a relevé que la société Pierre Tradition Rénovation avait consenti des avances à titre gratuit à plusieurs sociétés qui étaient directement ou indirectement détenus par M. B... et sa famille pour un montant de 6 329 825 euros en 2013 et 7 759 768 euros en 2014. Il est apparu qu'au titre de l'exercice 2013, seules 22 % des créances de la société étaient rémunérées alors que les dettes de la société l'étaient à hauteur de 90 % et que, pour l'exercice 2014, seules 19 % des créances de la société étaient rémunérées alors que les dettes de la société l'étaient à hauteur de 70 %. 17. La société requérante conteste les rectifications correspondant aux avances rémunérées consenties aux diverses sociétés en faisant valoir que ses liens capitalistiques et les difficultés financières de ces sociétés justifiaient les avantages consentis. Toutefois, alors qu'elle ne justifie pas d'un lien capitalistique avec les sociétés débitrices, elle n'invoque aucune contrepartie commerciale et n'établit pas l'existence d'actifs financiers détenus dans ces sociétés dans des conditions susceptibles de justifier qu'une aide leur soit apportée. Ainsi, elle n'apporte pas la preuve lui incombant que les décisions litigieuses aient été prises dans son intérêt propre. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a estimé que cette renonciation à percevoir des intérêts sur les avances consenties présentait le caractère d'un acte anormal de gestion et a réintégré une rémunération calculée au taux de 3% mentionné par la société dans les conventions d'avances et de trésorerie qu'elle a conclues avec plusieurs sociétés débitrices. En ce qui concerne la minoration d'actifs : 18. Le 19 décembre 2005, la société Pierre Rénovation Tradition a acquis auprès de la société La Perla World une créance d'un montant de 265 000 euros qu'elle détenait sur la société Foncière de la Comète, pour un prix de 40 000 euros. Le 11 février 2013, le tribunal de commerce a condamné la société requérante à payer à la société La Perla World la somme de 40 000 euros. La société Pierre Rénovation Tradition a comptabilisé le 31 décembre 2013 une charge exceptionnelle d'un montant de 41 500 euros correspondant au prix de rachat de cette créance majorée de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, comptabilisée sous l'intitulé " La Perla perte sur rachat de créances ". 19. Or, une perte sur créance ne peut être constatée à la clôture d'un exercice que si, à cette date, une créance est certaine et définitivement irrécouvrable. Si la SAS Pierre Rénovation Tradition fait valoir que la société Foncière de la Comète a été mise en cessation de paiement 17 octobre 2011 et placée en liquidation judiciaire le 17 avril 2013, il n'est pas contesté par la société requérante qu'aucune créance sur la société Foncière de la Comète ne figurait à l'actif de son bilan d'ouverture au titre de l'exercice 2013 ou lors des exercices suivants. Par suite, en l'absence d'élément d'actif au bilan de l'exercice 2013, correspondant à la créance en cause, aucune minoration d'actif ne pouvait être constatée et ouvrir droit à déduction du bénéfice imposable. Sur les pénalités : 20. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ". 21. L'administration a appliqué la majoration prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la réintégration de la minoration du prix des cessions des biens immobiliers situés 161 avenue Victor Hugo et 77-79 avenue Raymond Poincaré, des commissions de vente non déductibles, de l'indemnité de dédommagement versée à M. A... et de la minoration d'actif, visésci-dessus. 22. Tout d'abord, pour justifier le bien-fondé de l'application d'une telle majoration, l'administration fait valoir que la société Pierre Rénovation Tradition est un professionnel reconnu de l'immobilier en qualité de marchand de biens depuis 2002, que son gérant, M. B..., est actionnaire de plusieurs sociétés immobilières et président du groupe Pierre Valorisation Développement dont l'expérience est reconnue dans l'activité immobilière. La société avait donc une parfaite connaissance du marché concurrentiel du secteur immobilier de l'habitation de Paris et, en évaluant les biens immobiliers précités à une valeur très nettement minorée, la société ne pouvait ignorer qu'elle consentait, en cédant ces biens à M. B..., une libéralité constitutive d'un acte anormal de gestion, d'autant que des rectifications analogues avaient été notifiées à la société au cours de la vérification de comptabilité effectuée au titre des années 2010 et 2011. 23. Par ailleurs, l'administration fait également valoir que les commissions de vente en litige ont été versées à des sociétés liées à la société requérante et qui ne disposaient ni de moyens matériels, ni de moyens humains suffisants, que la SAS Pierre Tradition Rénovation ne pouvait ignorer, en versant une indemnité de dédommagement, pour compenser l'absence de jouissance prétendue d'un emplacement de parking, d'une valeur de 11 % du prix du bien auquel il était annexé, à M. A..., beau-frère du président de la société, qu'elle commettait un acte anormal de gestion, et, enfin, qu'elle ne pouvait ignorer que la créance détenue sur la société Foncière de la Comète, sur laquelle elle a comptabilisé une perte exceptionnelle au titre de l'exercice 2013, ne figurait pas à l'actif du bilan d'ouverture de ce même exercice. 24. Ainsi, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve du caractère délibéré des manquements reprochés à la société. 25. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Pierre Rénovation Tradition n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge d'impôt, et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D E C I D E :Article 1er : La requête de la SAS Pierre Rénovation Tradition est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Pierre Rénovation Tradition et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal d'Ile-de-France.Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERELa greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 21PA06191 2 |
CETATEXT000048424053 | J1_L_2023_11_00022PA00145 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424053.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA00145, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA00145 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | ICLEK | M. Stéphane DIEMERT | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du 18 avril 2019 et la décision du 21 septembre 2021 par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger son arrêté d'expulsion du 4 octobre 1994, et d'enjoindre à ce ministre de d'abroger cet arrêté d'expulsion et de lui délivrer un visa de retour et un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1913537 du 19 décembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022, des mémoires enregistrés les 8 septembre 2022 et 12 juin 2023, une pièce enregistrée le 15 juin 2023, et un mémoire récapitulatif produit le 7 juillet 2023 après l'invitation prévue par l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, M. B... A... représenté par Me Iclek, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures résultant de son mémoire récapitulatif : 1°) d'annuler le jugement n° 1913537 du 19 décembre 2021 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision implicite du 18 avril 2019 et la décision du 21 septembre 2021 par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger son arrêté d'expulsion du 4 octobre 1994 ; 3°) d'enjoindre à ce ministre d'abroger cet arrêté d'expulsion, et de lui délivrer un visa de retour et un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; Il soutient que : - la décision litigieuse est insuffisamment motivée ; - le ministre de l'intérieur n'a pas examiné la situation personnelle du requérant ; - la procédure est irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la commission d'expulsion a été saisie tardivement et sans qu'il ait été informé qu'il était susceptible de bénéficier de l'aide juridictionnelle ; - la décision litigieuse méconnait l'article L. 524-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en l'absence d'une menace grave pour l'ordre public de nature à justifier le rejet de la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion et alors qu'il présente des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale en Algérie ou en France ; - la décision litigieuse méconnait les stipulations de l'article 8 Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense enregistré le 1er juin 2023, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une décision du 17 mai 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, a admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Diémert, - et les conclusions de M. Doré, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., né le 6 octobre 1967 et de nationalité algérienne, est entré régulièrement sur le territoire français en 1971. Il a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion du 4 octobre 1994, et en a demandé l'abrogation à plusieurs reprises. Par un jugement du 12 octobre 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision de rejet de sa demande, en date du 10 mars 2017, d'abrogation dudit arrêté et a enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer cette demande dans un délai de trois mois. Par une décision du 18 avril 2019, le ministre de l'intérieur a, implicitement, refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion puis, par une décision du 15 octobre 2020, contestée durant le cours de la première instance, il a procédé au retrait de cette décision et a repris l'examen de la situation de M. A.... En l'absence de décision expresse de rejet, une nouvelle décision implicite de rejet de la demande du requérant est née au plus tard le 23 août 2021, laquelle a ensuite été confirmée par une décision expresse du 21 septembre 2021. Les premiers juges ont à bon droit considéré que M. A... doit être regardé comme demandant tant l'annulation de la décision de retrait du 15 octobre 2020 que du refus exprès d'abrogation qui lui a été opposé le 21 septembre 2021. 2. Aux termes de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version applicable au présent litige : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé. Lorsque la demande d'abrogation est présentée à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de l'exécution effective de l'arrêté d'expulsion, elle ne peut être rejetée qu'après avis de la commission prévue à l'article L. 522-1, devant laquelle l'intéressé peut se faire représenter. ". L'article L. 524-2 du même code dispose que : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 524-1, les motifs de l'arrêté d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de la date d'adoption de l'arrêté. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de l'arrêté. L'étranger peut présenter des observations écrites. / À défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours. Le réexamen ne donne pas lieu à consultation de la commission prévue à l'article L. 522-1 ". Aux termes de l'article L. 524-3 dudit code : " Il ne peut être fait droit à une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion présentée plus de deux mois après la notification de cet arrêté que si le ressortissant étranger réside hors de France. / (...) ". L'article R. 524-1 de ce code dispose en outre que : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé par l'autorité qui l'a pris. L'abrogation d'un arrêté d'expulsion pris, avant l'entrée en vigueur du décret n° 97-24 du 13 janvier 1997, par le ministre de l'intérieur, sur le fondement des dispositions de l'article 23 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, désormais codifiées à l'article L. 521-1, et après accomplissement des formalités prévues par les dispositions de l'article 24 de la même ordonnance, désormais codifiées à l'article L. 522-1, relève de la compétence du préfet du département dans le ressort duquel l'étranger avait sa résidence à la date de l'arrêté d'expulsion. À Paris, le préfet compétent est le préfet de police. " et, en vertu de l'article R. 524-2 du même code, le silence gardé pendant plus de quatre mois sur une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion vaut décision de rejet. 3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens à l'appui d'un recours dirigé contre le refus d'abroger une mesure d'expulsion, de rechercher si les faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que la présence en France de l'intéressé constituait toujours, à la date à laquelle elle s'est prononcée, une menace pour l'ordre public sont de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée. 4. En premier lieu, et comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la décision de refus d'abrogation du 21 septembre 2021 mentionne les éléments de fait et de droit sur lesquels elle est fondée ; elle est donc suffisamment motivée. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit donc être écarté comme manquant en fait. 5. En deuxième lieu, et comme l'ont également relevé à bon droit les premiers juges, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'a pas procédé à un examen sérieux de la situation personnelle de l'intéressé. Le moyen tiré du défaut d'examen de la situation du requérant doit donc également être écarté comme manquant en fait. 6. En troisième lieu, et comme l'ont aussi relevé à bon droit les premiers juges, d'une part, il ressort des pièces du dossier que la commission d'expulsion, réunie le 4 mars 2021 a rendu un avis défavorable à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 4 octobre 1994 et, d'autre part, la circonstance que l'administration n'a pas respecté le délai de trois mois qui lui était imparti pour statuer sur la demande en vertu des dispositions, alors applicables, de l'article L. 524-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile citées au point 2 est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision attaquée ; enfin, si le requérant soutient qu'il n'aurait pas été informé de pouvoir bénéficier de l'aide juridictionnelle dans le cadre de la procédure devant la commission d'expulsion, cette allégation est démentie par le bulletin, en date du 16 février 2021, de convocation à la réunion de cette instance prévue pour le 4 mars suivant, qui comporte expressément la mention de la possibilité de bénéficier de cette aide. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission d'expulsion doit donc être écarté dans ses différentes branches. 7. En quatrième lieu, M. A..., entré régulièrement sur le territoire français en 1971 à l'âge de quatre ans, a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales entre 1988 et 1992 pour des faits d'usage de stupéfiants, de recel d'objet enlevé, détourné ou obtenu à l'aide d'un crime ou d'un délit, de vol, de refus, par un conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter et contrefaçon ou falsification d'un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, et pour vol avec violence en récidive et attentat à la pudeur commis avec violence ou surprise, pour un quantum total de peines de neuf ans et dix mois d'emprisonnement ; il a en outre été condamné le 29 janvier 1996 à trois mois d'emprisonnement pour soustraction à l'exécution d'un arrêté d'expulsion. Si le requérant n'a pas fait l'objet ultérieurement de condamnations en Algérie, il ressort des pièces du dossier qu'il ne présente aucune garantie de réinsertion professionnelle ou sociale en France, dès lors qu'il ne justifie d'aucun élément démontrant qu'il y exercerait une quelconque activité professionnelle. Dans ces conditions, en dépit de l'ancienneté des faits à l'origine de l'expulsion, qui révèlent néanmoins la réitération d'infractions répétées et de gravité croissante, la menace pour l'ordre public que la présence de l'intéressé en France est susceptible de constituer n'a pas diminué. Ainsi, et comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, le ministre n'a pas commis d'erreur d'appréciation en refusant d'abroger l'arrêté d'expulsion. 8. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 9. D'une part, Il ressort des pièces du dossier que M. A... est arrivé d'Algérie à l'âge de quatre ans en France où il a vécu jusqu'à son expulsion en 1996, avant de s'établir de nouveau en Algérie où il s'est marié en 2000 et a eu un enfant en 2002. S'il ressort des pièces du dossier que le requérant a en France huit frères et sœurs de nationalité française ou disposant d'un titre de séjour en France, sa vie familiale peut se poursuivre en Algérie avec son épouse et son enfant. Dans ces conditions, en prononçant une mesure d'expulsion à son encontre, le ministre de l'intérieur n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant au regard des buts en vue desquels la décision attaquée a été prise. 10. D'autre part, et en tout état de cause, la persistance de la menace contre l'ordre public susceptible de résulter de la présence en France de l'intéressé est de nature, en application du second alinéa de l'article 8 précité de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, à fonder la décision de refus d'abrogation de la mesure d'expulsion prise à son encontre. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 18 avril 2019 et la décision du 21 septembre 2021 par lesquelles le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger son arrêté d'expulsion du 4 octobre 1994 et d'enjoindre à ce ministre d'abroger cet arrêté d'expulsion, et de lui délivrer un visa de retour et un titre de séjour mention " vie privée et familiale " à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard. Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement et de ces décisions doivent donc être rejetées. 12. Dès lors que M. A... est la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de la requête fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative et sur l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, S. DIÉMERTLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA00145 |
CETATEXT000048424054 | J1_L_2023_11_00022PA01087 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424054.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA01087, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA01087 | 1ère chambre | plein contentieux | C | M. LAPOUZADE | SIMON | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 16 décembre 2019 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a suspendu les conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait et d'enjoindre à l'OFII de la rétablir dans ses droits à compter d'octobre 2019 ; d'autre part, d'annuler la décision implicite par laquelle l'OFII a suspendu, à compter du mois de juillet 2020, les conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait et d'enjoindre à l'OFII de la rétablir dans ses droits à compter de juillet 2020 ; enfin, d'annuler la décision par laquelle l'OFII a suspendu, à compter du mois de février 2021, les conditions matérielles d'accueil dont elle bénéficiait et d'enjoindre à l'OFII de la rétablir dans ses droits à compter de février 2021. Par un jugement n°s 2001350, 2021593, 2119359/4-2 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du 26 novembre 2019 et de juillet 2020 et a enjoint à l'OFII de rétablir Mme A... dans ses droits à compter de manière rétroactive d'octobre 2019 jusqu'en février 2021. Le tribunal a, dans les circonstances de l'espèce, rejeté les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 8 mars 2022, Me Lucie Simon, avocate de Mme A..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 7 février 2022 du tribunal administratif de Paris, en tant qu'il rejette les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; 2°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement d'une somme de 1 500 euros, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; 3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le versement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que le refus de lui accorder une somme sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 est mal fondé, dès lors qu'elle a effectué toutes les diligences nécessaires en tant que conseil de Mme A... et a obtenu l'annulation des décisions contestées ainsi que le rétablissement de la requérante dans le bénéfice des conditions matérielles d'accueil qu'elle sollicitait. La requête a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin, - et les conclusions de M. Doré, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par le jugement n°s 2001350, 2021593, 2119359/4-2 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Paris a jugé qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur la requête tendant à l'annulation de la décision implicite retirant à Mme A... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à compter de mars 2021, a annulé les décisions du 26 novembre 2019 et de juillet 2020, a enjoint à l'OFII de rétablir Mme A... dans ses droits à compter de manière rétroactive d'octobre 2019 jusqu'en février 2021 et a, dans les circonstances de l'espèce, rejeté les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Me Simon, avocate qui a assuré la défense de Mme A..., relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette les conclusions présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. 2. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 27 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " L'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle perçoit une rétribution ". Selon le deuxième alinéa de l'article 37 de cette loi : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat pouvant être rétribué, totalement ou partiellement, au titre de l'aide juridictionnelle, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". D'autre part, aucune disposition de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 n'interdit au juge administratif de condamner une partie à verser à l'autre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens dans le cas où elle constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions principales de la requête. 3. Me Simon soutient que les premiers juges ont, à tort, rejeté ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, dès lors qu'elle a obtenu l'annulation des décisions contestées ainsi que le rétablissement de la requérante dans le bénéfice des conditions matérielles d'accueil qu'elle sollicitait. 4. Il résulte de l'instruction que, s'agissant de la requête n° 2001350, le bureau d'aide juridictionnelle a rejeté la demande de Mme A... par une décision du 25 novembre 2020 et que l'intéressée n'a présenté aucune demande d'aide juridictionnelle en ce qui concerne la requête n° 2021593. Il résulte également de l'instruction que, concernant la requête n° 2119359, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er décembre 2021. Il est constant que le tribunal administratif de Paris a estimé qu'il n'y avait pas lieu à statuer sur les conclusions de cette requête tendant à l'annulation de la décision retirant à Mme A... le bénéfice des conditions matérielles d'accueil à compter de mars 2021, dès lors que l'OFII avait versé la somme correspondant à la somme du montant de ces conditions pour les mois de mars à septembre 2021 inclus et que les versements ont ensuite perduré. Me Simon justifie avoir produit, pour la défense des intérêts de Mme A..., deux mémoires et cette dernière a été représentée par un avocat à l'audience du 24 janvier 2022. Par suite, Me Simon est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII une somme de 1 000 euros en application de ces dispositions. Dès lors, l'OFII versera à Me Simon la somme de 1 000 euros, ce versement entraînant pour celle-ci renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Sur les frais liés à l'instance : 5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'OFII le versement à Me Simon d'une somme de 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E: Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 7 février 2022 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 2 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à Me Simon une somme de 1 000 euros, ce versement entraînant pour celle-ci renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Article 3 : L'Office français de l'immigration et de l'intégration versera à Me Simon une somme de 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me Lucie Simon et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, Le président, I. JASMIN-SVERDLIN J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA01087 |
CETATEXT000048424055 | J1_L_2023_11_00022PA01277 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424055.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 22PA01277, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA01277 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | SELARL LOREAL AVOCATS | M. Vladan MARJANOVIC | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L, a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des retenues à la source d'un montant total de 625 771 euros prélevés au titre des années 2005, 2006 et 2007 sur les dividendes de source française. Par un jugement n° 1710948 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 17 mars 2022, et des mémoires, enregistrés le 20 juin 2022, 25 octobre 2022 et 1er février 2023, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L et représentée par Me Loréal et Me Hong-Rocca, avocats, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler le jugement n° 1710948 rendu le 20 janvier 2022 par le tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'ordonner la restitution des retenues à la source d'un montant total de 622 780,80 euros prélevés au titre des années 2005, 2006 et 2007 sur ses dividendes de source française ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a considéré à tort que ses réclamations des 20 décembre 2006, 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008 étaient irrecevables au motif qu'elles ne comportaient aucun chiffrage, alors qu'elles devaient être regardées comme tendant à la restitution de l'ensemble des retenues à la source prélevées par les établissements payeurs en 2005, 2006 et 2007 ; en tout état de cause, sa demande chiffrée, adressée au tribunal, a régularisé ses réclamations contentieuses conformément aux dispositions du 2ème alinéa de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales ; par ailleurs, conformément aux dispositions du d) de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales et aux principes dégagés par la décision n° 344678 rendue le 23 mai 2011 par le Conseil d'Etat, ses demandes étaient assorties des pièces justifiant du versement des retenues litigieuses ; - l'administration fiscale, en première instance, a expressément admis la comparabilité du fonds Axa Euro Dividend L avec un OPCVM français et que la demande devait être accueillie sur le fond ; - les justificatifs fournis établissent le versement de retenues à la source à hauteur de 187 409,61 euros au titre de l'année 2005, 12 401,03 euros au titre de l'année 2006 et 422 970,16 euros au titre de l'année 2007. Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mai 2022, 25 juillet 2022, 3 janvier 2023 et 18 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; - la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959 modifiée ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Marjanovic ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Hong-Rocca, représentant la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH. Considérant ce qui suit : 1. La société allemande Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L, a fait l'objet d'une imposition en France par voie de retenue à la source sur des dividendes de source française distribués pour les années 2005, 2006 et 2007. Par lettres des 20 décembre 2006, 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008, la société requérante a demandé, pour le fonds Axa Euro Dividend L, la restitution de ces retenues à la source. Par une décision du 9 août 2017, l'administration fiscale a rejeté ces réclamations comme irrecevables. La société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L, demande à la Cour l'annulation du jugement du 20 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté, pour ce même motif, ses demandes de remboursement de l'imposition sur les dividendes de source française retenues à la source, au titre des années 2005, 2006 et 2007, ainsi que le remboursement de ces impositions, à hauteur des sommes respectives de 187 409,61 euros, 12 401,03 euros et 422 970,16 euros. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : / a) Mentionner l'imposition contestée ; / b) Contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie ; / c) Porter la signature manuscrite de son auteur ; à défaut l'administration invite par lettre recommandée avec accusé de réception le contribuable à signer la réclamation dans un délai de trente jours ; / d) Être accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. / (...) ". Aux termes de l'article R. 200-2 dudit livre : " (...) / Les vices de forme prévus aux a, b et de l'article R. 197-3 peuvent, lorsqu'ils ont motivé le rejet d'une réclamation par l'administration, être utilement couverts dans la demande adressée au tribunal administratif. / (...) ". 3. Il résulte de l'instruction que, par des courriers en date des 20 décembre 2006, 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L, a demandé au centre des impôs des non-résidents le remboursement des retenues à la source opérées sur les dividendes de source française qui lui ont été versés au titre des années 2005, 2006 et 2007. Eu égard au motif fondant ces demandes de remboursement, tiré de l'inconventionnalité du " dispositif français de retenue à la source sur les dividendes sortants ", celles-ci doivent être regardées comme portant sur l'intégralité des retenues à la source opérées au titre des années concernées. Si, lors du dépôt de ses réclamations, la contribuable, dans l'attente de données exactes provenant de sa banque de dépôt, a indiqué n'être " malheureusement pas en possession du montant exact de remboursement " et n'a donc pas précisément chiffré ses prétentions, cette carence, en l'espèce, n'est ainsi pas constitutive d'un vice de forme affectant la recevabilité de ses réclamations, et a, en tout état de cause, été régularisée par sa demande adressée au tribunal administratif, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales. Au demeurant, il ressort de la lettre de réclamation du 20 décembre 2006 qu'elle comportait, en pièce jointe, des justificatifs des retenues à la source dont le remboursement était demandé. Dans ces conditions, la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH est fondée à soutenir que c'est à tort que cette demande a été rejetée au motif que ses réclamations contentieuses des 20 décembre 2006, 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008 ne comportaient aucun chiffrage. Par suite, le jugement du 20 janvier 2022 du tribunal administratif de Montreuil doit être annulé. 4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH devant le tribunal administratif de Montreuil et devant la Cour. Sur les conclusions tendant à la restitution des retenues à la source en litige : 5. Aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187-1 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France (...) ". Les dividendes figurent au nombre des produits visés aux articles 108 à 117 bis de ce code. En application de l'article 187 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur, le taux de la retenue à la source est fixé à 25 % du montant de ces revenus. Il est réduit à 15 % par l'article 9 de la convention fiscale conclue le 21 juillet 1959 entre la France et l'Allemagne. 6. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, les réclamations préalables, présentées par courriers des 20 décembre 2006, 7 décembre 2007 et 17 décembre 2008, mentionnaient les retenues à la source contestées et devaient, eu égard à leurs termes, être regardées comme tendant au remboursement de la totalité de ces retenues, alors même qu'elles ne les chiffraient pas préciséement. En outre, la demande de la société requérante devant le tribunal administratif mentionnait les impositions dont le remboursement était demandé et déterminait précisément l'étendue des conclusions présentées à cette fin. Par suite, la demande de la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH est recevable au regard des dispositions précitées du livre des procédures fiscales. La fin de non-recevoir opposées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être écartée. 7. En second lieu, dans l'arrêt du 10 mai 2012 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le tribunal administratif de Montreuil l'avait saisie, à titre préjudiciel, le 1er juillet 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation d'un Etat membre qui prévoit l'imposition, au moyen d'une retenue à la source, des dividendes d'origine nationale lorsqu'ils sont perçus par des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) résidents d'un autre Etat, alors que de tels dividendes sont exonérés d'impôts dans le chef des organismes de placement collectif en valeurs mobilières résidents du premier Etat. Il convient de faire application de ces principes alors même que la convention fiscale applicable, en l'espèce, entre la France et la République Fédérale d'Allemagne du 21 juillet 1959 modifiée exclut de son champ les demandes présentées par un fonds non doté de la personnalité morale, en tant qu'il ne constitue pas un résident au sens des stipulations de cette convention, comme en l'espèce, le fonds Axa Equity L au nom duquel agit la société requérante. 8. D'une part, il est admis, en l'espèce, par l'administration fiscale que le fonds Axa Euro Dividend L, pour le compte duquel la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agit, est comparable à un OPCVM français. 9. D'autre part, il résulte de l'instruction, et n'est au demeurant pas contesté par l'administration fiscale, que la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH produit les justificatifs permettant d'établir la chaîne de paiement au titre des années 2005, 2006 et 2007 à hauteur, respectivement, des sommes de 187 409,61 euros, 12 401,03 euros et 422 970,16 euros dont elle demande la restitution. Par suite, elle a droit à la restitution de la somme de 622 780,80 euros qu'elle demande pour le compte du fonds Axa Equity L. Sur les frais liés au litige : 10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 1710948 du 20 janvier 2022 du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : Il est accordé à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH, agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L, le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française distribués au cours des années 2005, 2006 et 2007 à hauteur d'un montant total de 622 780,80 euros. Article 3 : L'Etat versera à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axa Investment Managers Deutschland GmbH agissant pour le compte du fonds Axa Euro Dividend L et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des impôts des non-résidents. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. Le rapporteur, V. MARJANOVICLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 No 22PA01277 |
CETATEXT000048424056 | J1_L_2023_11_00022PA01779 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424056.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 22PA01779, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA01779 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | SCP MEIER-BOURDEAU LECUYER & ASSOCIES | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : I- Par une requête n° 1926622, Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 11 octobre 2019 portant révision de son " dossier annuel d'activité 2019 " et d'enjoindre au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de procéder à une nouvelle rédaction de son compte-rendu d'évaluation, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de maintenir a minima le régime indemnitaire dont elle bénéficiait au titre de son évaluation 2018 et de la rétablir dans ses droits à la promotion au grade. II- Par une requête n° 2003670 Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 13 septembre 2019 portant mutation dans l'intérêt du service, ensemble la décision du 13 décembre 2019 rejetant son recours administratif, et d'enjoindre au CNRS de procéder à son affectation sur un poste de niveau équivalent, en termes de responsabilité et de régime indemnitaire, à celui qu'elle occupait précédemment, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de maintenir a minima le régime indemnitaire dont elle bénéficiait au titre de son évaluation 2018 et de le réactualiser à l'aune du nouveau régime indemnitaire mis en place, et de procéder à un examen plus favorable de son groupe de fonction. Par un jugement n° 1926622, 2003670 du 22 février 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 13 septembre 2019 portant mutation dans l'intérêt du service et la décision du 13 décembre 2019 rejetant le recours administratif de Mme D..., enjoint au CNRS de réintégrer Mme D... dans ses fonctions de directrice-adjointe administrative au sein de l'Institut national de physique (INP) et de procéder à la reconstitution de ses droits, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sauf à ce que l'intéressée accepte d'être affectée dans un emploi équivalent correspondant à son grade actuel ou renonce à une telle affectation en raison de l'évolution de sa situation, condamné le CNRS à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions de ses requêtes. Procédure devant la Cour : Par une requête sommaire, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique enregistrés les 20 avril et 13 juin 2022 et 31 août 2023, le CNRS, représenté par Me Meier-Bourdeau Lécuyer, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1926622, 2003670 du 22 février 2022 en tant que le tribunal administratif de Paris a partiellement fait droit à la demande de Mme D... en annulant la décision du 13 septembre 2019 portant mutation dans l'intérêt du service et la décision du 13 décembre 2019 rejetant le recours administratif de l'intéressée, en faisant injonction au CNRS de réintégrer Mme D... dans ses fonctions de directrice-adjointe administrative au sein de l'INP et de procéder à la reconstitution de ses droits dans un délai de deux mois, sauf à ce que l'intéressée accepte d'être affectée dans un emploi équivalent correspondant à son grade actuel ou renonce à une telle affectation en raison de l'évolution de sa situation ; 2°) de rejeter les conclusions de Mme D... ; 3°) de mettre à la charge de Mme D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le CNRS soutient que : - le tribunal n'a pas pris en compte et n'a pas répondu à l'ensemble des moyens qu'il a développés au soutien de ses écritures en défense de première instance, de sorte que le jugement est insuffisamment motivé ; - le jugement est entaché de dénaturation des faits ; - le jugement est entaché d'erreurs de droit ; - la procédure de mutation d'office n'est entachée d'aucune irrégularité ; aucune atteinte aux droits de la défense de Mme D... n'est établie ; - l'injonction de réintégration de Mme D... dans ses anciennes fonctions de directrice adjointe de l'INP du CNRS ne peut être exécutée, le changement d'affectation ayant été prononcé dans l'intérêt du service ; - l'appel incident de Mme D... est irrecevable pour cause de tardiveté. Par deux mémoires en défense et en appel incident, enregistrés les 12 avril et 5 octobre 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, Mme D..., représentée par Me Mokhtar, conclut au rejet de la requête du CNRS et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 4 du jugement en ce qu'il rejette les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 11 octobre 2019 portant révision du " dossier annuel d'activité 2019 ", à l'annulation de la décision précitée, à ce qu'il soit enjoint au CNRS de maintenir, a minima, le régime indemnitaire (IFSE et CIA) dont elle bénéficiait au titre de son évaluation 2018 en le réactualisant à l'aune du nouveau régime mis en place, et à ce que soit mise à la charge du CNRS la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle est recevable à demander, par la voie du recours incident, l'annulation du jugement attaqué dans la mesure où il ne lui a donné satisfaction que de manière partielle ; - le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et de dénaturation des faits ; - elle n'a pas été destinataire de la totalité de l'" enquête RPS " concomitante tant à sa mutation d'office qu'à son évaluation 2019 ; - son évaluation annuelle 2019 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été mise à même de faire valoir ses observations ; - elle est entachée d'inexactitude matérielle des faits ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - elle est entachée de détournement de pouvoir. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi du 22 avril 1905 ; - la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ; - le décret n° 83-1260 du 30 décembre 1983 ; - le décret n° 84-1185 du 27 décembre 1984 ; - le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - les observations de Me Cathelineau, substituant Me Meier-Bourdeau Lécuyer pour le CNRS ; - et les observations de Me Bajn, substituant Me Mokhtar, pour Mme D.... Une note en délibéré, enregistrée le 7 novembre 2023, a été produite pour le CNRS par Me Meier-Bourdeau Lécuyer. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... D..., recrutée par le CNRS en 1994 et titulaire du grade d'ingénieure de recherche de 1ère classe depuis le 1er juin 2013, a exercé, de juin 2015 à septembre 2019, les fonctions de directrice-adjointe administrative (DAA) de l'INP rattachée à la délégation régionale Paris Michel-Ange du Centre. Par un courrier du 8 juillet 2019, l'intéressée a saisi la déléguée régionale de Paris Michel-Ange d'une demande de révision de son appréciation annuelle puis, par un courrier du 22 août 2019, elle a saisi la commission administrative paritaire (CAP) de cette même demande. Parallèlement, la directrice de l'INP a sollicité, le 2 juillet 2019, la mutation d'office de l'intéressée dans l'intérêt du service. La CAP réunie le 12 septembre 2019 a proposé la suppression partielle ou totale de certains paragraphes de l'appréciation portée sur la manière de servir de Mme D... pour 2019 et elle s'est prononcée sur la mutation d'office de l'intéressée dans l'intérêt du service. Par une décision du 13 septembre 2019, notifiée le même jour, le président du CNRS a muté Mme D..., dans l'intérêt du service, au sein du secrétariat général du comité national, en qualité d'adjointe de la secrétaire générale. Le 12 novembre 2019, l'intéressée a formé à l'encontre de cette décision un recours administratif, qui a été rejeté par le CNRS le 13 décembre 2019. Par ailleurs, le CNRS a transmis à Mme D..., par une décision du 11 octobre 2019, le compte-rendu annuel d'évaluation révisé après avis de la CAP. Le CNRS demande l'annulation du jugement n° 1926622, 2003670 du 22 février 2022 en tant qu'il a annulé la décision du 13 septembre 2019 portant mutation dans l'intérêt du service de Mme D... et la décision du 13 décembre 2019 rejetant son recours administratif et l'a enjoint de la réintégrer dans ses fonctions de directrice-adjointe administrative au sein de l'INP et de procéder à la reconstitution de ses droits dans un délai de deux mois, sauf à ce que l'intéressée accepte d'être affectée dans un emploi équivalent correspondant à son grade actuel ou renonce à une telle affectation en raison de l'évolution de sa situation. Mme D... demande, pour sa part, l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 octobre 2019 portant révision du dossier annuel d'activité 2019. Sur la recevabilité de l'appel incident présenté par Mme D... : 2. Un appel incident est recevable, sans condition de délai, s'il ne soumet pas au juge d'appel un litige distinct de celui qui a été soulevé par l'appel principal. 3. Le CNRS, par l'appel principal qu'il a formé contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 22 février 2022, demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a annulé la décision du 13 septembre 2019 portant mutation dans l'intérêt du service de Mme D... ainsi que la décision du 13 décembre 2019 rejetant son recours administratif. Par son appel incident, formé après l'expiration du délai d'appel, Mme D... a, pour sa part, demandé l'annulation du jugement du tribunal en tant qu'il rejeté sa demande d'annulation de la révision du dossier annuel d'activité 2019. 4. Il ressort des pièces du dossier que la procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service de la requérante est distincte de la procédure de révision de son " dossier annuel d'activité 2019 " et que les deux décisions en ayant résulté sont indépendantes. En saisissant le tribunal administratif après le refus qui avait été opposé globalement par l'administration à l'ensemble de ses demandes, Mme D... a soumis au tribunal des litiges distincts tenant, d'une part, à la procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service et, d'autre part, à la révision de son " dossier annuel d'activité 2019 ". Dès lors que l'appel principal que le CNRS a formé ne porte pas sur le " dossier annuel d'activité 2019 ", litige distinct pour lequel le tribunal administratif a donné satisfaction au CNRS, ce dernier est fondé à soutenir que l'appel incident formé par Mme D... après l'expiration du délai d'appel, et dirigé contre le jugement non en tant qu'il avait fait droit aux conclusions relatives à la mutation d'office dans l'intérêt du service, mais en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la révision de son " dossier annuel d'activité 2019 ", n'est pas recevable. Il y a donc lieu d'accueillir la fin de non-recevoir soulevée par le CNRS et de rejeter les conclusions de Mme D... demandant la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de révision de son " dossier annuel d'activité 2019 ". Sur l'appel principal formé par le CNRS : En ce qui concerne la régularité du jugement : 5. En premier lieu, si le CNRS soutient que les premiers juges ont insuffisamment répondu aux moyens soulevés à l'appui de sa défense, il ressort toutefois du point 13 de ce jugement que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments présentés par le CNRS, ont implicitement mais nécessairement répondu à ses moyens en relevant que la décision de mettre fin aux fonctions de Mme D... a été prise, notamment, au vu d'un rapport élaboré le 3 juillet 2019 sur la situation de l'INP en matière de risques psycho-sociaux et réalisé à l'initiative de la déléguée régionale Paris Michel-Ange. Par suite, le moyen soulevé doit être écarté. 6. En second lieu, si le CNRS soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit et de dénaturation des faits et des pièces du dossier, ces moyens, qui relèvent du bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité. Au surplus, ces moyens relèvent du contrôle de cassation et sont inopérants en tant que tels devant le juge d'appel. Par suite, ces moyens ne peuvent qu'être écartés. En ce qui concerne le bien-fondé du jugement : S'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal : 7. En vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier. 8. Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public, y compris lorsqu'elle a été confiée à des corps d'inspection, le rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, les procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête, font partie des pièces dont ce dernier doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, sauf si la communication de parties de ce rapport ou de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné. Dans ce cas, l'administration doit informer l'agent public, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur, de telle sorte qu'il puisse se défendre utilement. 9. Le CNRS fait valoir d'une part, que la procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service de Mme D... a été mise en œuvre le 2 juillet 2019, soit antérieurement à celle de l'enquête administrative, et observe que le rapport de demande de mutation rédigé par la directrice de l'INP en date du 2 juillet ainsi que le rapport de saisine de la CAP en date du 28 août 2019 et la décision en litige ne font nullement mention du rapport d'enquête administrative en date 3 juillet 2019, établi suite à des signalements de souffrance au travail au sein de l'établissement et, d'autre part, que ce rapport d'enquête n'a pas servi de fondement, explicite ou même implicite, aux différents actes de la procédure suivie et, ainsi, à la décision de mutation d'office prise dans l'intérêt du service à l'encontre de Mme D.... 10. Toutefois, par une note en date du 2 juillet 2019 à l'attention de Mme A..., déléguée régionale de la délégation Paris Michel-Ange, Mme C..., directrice de l'INP, a sollicité le remplacement de Mme D..., notamment, au motif que cette dernière n'a pas montré une attitude positive pour co-piloter les changements d'organisation au sein de l'équipe administrative de l'INP initiés à la suite de plusieurs séminaires de travail collectifs et n'a pas su proposer et mettre en place des procédures de travail efficientes permettant de fluidifier la gestion des différentes tâches à accomplir au sein de l'institut et d'accroître la rigueur dans la mise en œuvre des projets et dans le suivi de la gestion notamment financière, mais indique également qu'elle a été alertée tant par les agents de l'équipe administrative que par certains des directeurs scientifiques adjoints de tensions et difficultés relationnelles rencontrées avec son adjointe. Cette dernière circonstance est, en outre, reprise dans le rapport établi le 28 août 2019 à l'attention des membres de la CAP des ingénieurs de recherche sur la situation de Mme D.... 11. Il ressort également des pièces du dossier que la directrice de l'institut a, au cours d'un entretien en date du 21 mai 2019 avec les membres du groupe de travail participant à l'élaboration du document unique d'évaluation des risques professionnels, fait mention des relations professionnelles difficiles qu'elle entretenait avec Mme D... et précisé que plusieurs personnels administratifs et scientifiques s'étaient également plaints des difficultés rencontrées avec celle-ci. Au vu de ces déclarations, une enquête administrative a été diligentée. Le rapport de synthèse de l'enquête administrative menée au sein de l'établissement établi le 3 juillet 2019 fait état des difficultés rencontrées parMme D... pour assurer la cohésion de l'équipe et une ambiance de travail sereine et précise que la rupture du lien de confiance entre Mme C... et Mme D... semble caractérisée. Au regard de la chronologie des événements, il apparaît que la procédure de mutation d'office dans l'intérêt du service initiée à l'encontre de Mme D... a été déclenchée notamment au vu des conclusions du rapport du 3 juillet 2019, nonobstant la circonstance que celui-ci ne soit pas expressément mentionné dans les différents actes de la procédure. 12. Si Mme D... a été destinataire dudit rapport, celui-ci ne lui a été communiqué, à sa demande, que le 28 octobre 2019, soit postérieurement à la décision attaquée. En outre, il ne comportait pas l'ensemble des comptes-rendus d'audition annexés au rapport. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le Tribunal a considéré queMme D... était fondée à soutenir qu'elle n'avait pas reçu l'ensemble des pièces qu'elle était en droit d'obtenir en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, afin de préparer utilement sa défense, et que, par suite, la procédure préalable à l'édiction de la décision du 13 septembre 2019 a été entachée d'irrégularité. S'agissant de l'injonction prononcée : 13. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". 14. Il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur le bien-fondé de l'injonction prononcée par le tribunal administratif en tenant compte, le cas échéant après une mesure d'instruction, de la situation de droit et de fait existant à la date de sa propre décision. 15. Le CNRS soutient que Mme D... ne peut être réintégrée dans ses fonctions de directrice adjointe de l'INP au motif qu'il existe toujours un intérêt du service à ce que l'intéressée soit éloignée de celui-ci, le jugement du tribunal ne s'étant fondé que sur l'existence d'un vice de procédure. 16. Or, l'annulation d'une décision ayant illégalement muté un agent public, quelle que soit son motif, oblige l'autorité compétente à replacer l'intéressé, à la date de sa mutation, dans l'emploi qu'il occupait précédemment et à reprendre rétroactivement les mesures nécessaires pour le placer dans une position régulière tenant compte des droits et prérogatives attachés à un statut. Si, à l'issue d'un réexamen de la situation de l'intéressé, une nouvelle mesure de mutation dans l'intérêt du service peut être prise, celle-ci ne saurait avoir d'effet rétroactif. Si le CNRS soutient que le poste précédemment occupé par Mme D... est occupé par un titulaire depuis plusieurs années, cette circonstance est sans incidence sur ce qui précède. Dans ces conditions, le CNRS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 2 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris lui a enjoint de réintégrer Mme D... dans ses fonctions de directrice-adjointe administrative au sein de l'INP et de procéder à la reconstitution de ses droits. Au demeurant, par ce même article, le Tribunal réservait la circonstance que l'intéressée accepte d'être affectée dans un emploi équivalent correspondant à son grade actuel, ou puisse renoncer à une telle affectation en raison de l'évolution de sa situation. Sur les frais applicables au litige en appel : 17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 18. D'une part, Mme D... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions du CNRS tendant à ce qu'une somme soit mise à sa charge sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. D'autre part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CNRS une somme de 1 500 euros à verser à Mme D... au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761 du code de justice administrative. 19. Il résulte de tout ce qui précède que le CNRS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mme D... relative à la mutation d'office dans l'intérêt du service dont elle a fait l'objet. D E C I D E :Article 1er : La requête du CNRS est rejetée.Article 2 : Le CNRS versera à Mme D... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par Mme D... est rejeté.Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à Mme B... D....Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 22PA01779 2 |
CETATEXT000048424057 | J1_L_2023_11_00022PA02125 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424057.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 22PA02125, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA02125 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2014 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1919889 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge à hauteur de la somme totale de 171 915 euros, en ce qui concerne les rappels d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mis à la charge de M. B... au titre de l'année 2012, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la Cour : Par un mémoire enregistré le 6 mai 2022, M. B..., représenté par Mes Foissac et Chicano, avocats, demande à la Cour : 1°) de réformer le jugement n° 1919889 du 10 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la décharge des rappels d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquels il a été assujetti au titre des années 2012 et 2014, et des pénalités correspondantes ; 2°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que c'est à tort que l'administration fiscale a considéré que la société Pierre Rénovation Tradition lui avait cédé un bien immobilier à un prix minoré, entraînant des rehaussements d'impôts sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et que les pénalités ne sont pas fondées. Par un mémoire en défense enregistré le 22 août 2022 le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot, - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public, - et les observations de Me Chicano pour M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B... est associé majoritaire et gérant de la société par actions simplifiée (SAS) Pierre Rénovation Tradition, laquelle a fait l'objet en 2015 et 2016 d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. A l'issue des opérations de contrôle, les rehaussements mis à la charge de la société, correspondant à des ventes à prix minorés de biens situé 77-79, avenue Raymond Poincaré et 161, avenue Victor Hugo à Paris (75016), ont été regardés par le service comme des distributions consenties à M. B... et imposées à son nom, comme avantage occulte, à l'impôt sur le revenu, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et aux prélèvements sociaux, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts. Par un jugement n° 1919889 du 10 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge à hauteur de la somme totale de 171 915 euros, en ce qui concerne les rappels d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mis à la charge de M. B... au titre de l'année 2012 suite à la décision de l'administration fiscale, prise postérieurement à l'introduction de la requête, le 8 décembre 2021, de procéder au dégrèvement de la somme susvisée, et a rejeté le surplus des demandes de l'intéressé. M. B... demande régulièrement l'annulation du jugement précité en tant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes. 2. En premier lieu, aux termes de l'article 111 c du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c) les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas de vente par une société d'un bien à un prix que les parties ont délibérément minoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices, au sens des dispositions de l'article 111 c du code général des impôts et d'un acte anormal de gestion. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'elle établit l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession. Lorsque l'administration fiscale procède, en vue d'établir l'existence d'une vente à prix minoré, à l'évaluation de la valeur vénale du bien immobilier cédé en se référant à des transactions qui ont porté sur des immeubles situés à proximité du lieu de situation de ce bien, il lui appartient de retenir des termes de comparaison relatifs à des ventes qui ont porté sur des biens similaires, intervenues à une date peu éloignée dans le temps de celle du fait générateur de l'avantage occulte. 3. En l'espèce, le 11 juin 2012, la société Pierre Rénovation Tradition, dont M. B... est gérant et associé majoritaire, a revendu à M. et Mme B..., un appartement de 106 m2, une cave et la moitié indivise d'un palier situé au 1er étage de l'immeuble situé 161 avenue Victor Hugo à Paris 16ème arrondissement au prix de 750 000 euros, soit 7 062 euros le m2. Le 13 novembre 2014, cette même société a vendu à M. et Mme B... un appartement de 461 m2 situé au 3ème étage d'un immeuble situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré au prix de 3 450 000 euros, soit 7 480 euros le m2. 4. En premier lieu, pour établir l'existence d'une minoration du prix de cession de ces deux appartements à M. et Mme B... par rapport à leur valeur vénale, l'administration s'était initialement référée au prix de vente moyen pondéré au mètre carré, s'établissant à 11 284 euros le m2 pour le bien situé au 161 avenue Victor Hugo à Paris 16ème résultant de cessions intervenues entre le 3 novembre 2010 et le 26 janvier 2012 de neuf appartements de superficie comparable situés dans le même secteur après un abattement de 10 % pour tenir compte de la situation du bien au premier étage de l'immeuble, les autres biens servant de référence se trouvant en étages élevés, mais également pour prendre en compte les nuisances liées au bruit et au manque de luminosité de biens situés en étages inférieurs, pour ramener le prix à 10 000 euros le m2 avant de ne retenir, à la suite de l'avis du 22 janvier 2018 de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qu'un prix de 8 500 euros après une décote supplémentaire de 15 % destinés à prendre en compte les incertitudes pesant sur le bien, induites par l'existence d'une procédure en annulation de vente qui a eu pour effet de retarder la commercialisation du bien et gelant les ventes en cours et en faisant obstacle à la finalisation de nouvelles ventes. S'agissant du bien situé 77-79 avenue Raymond Poincaré à Paris 16ème, elle a évalué le prix moyen du m2 à 11 284 euros en tenant compte de cessions intervenues entre le 20 janvier et le 30 octobre 2014 de quatorze appartements de consistance similaire. 5. S'agissant de l'appartement situé au 161 avenue Victor Hugo, si M. et Mme B... font valoir que l'administration fiscale n'a pas pris en compte l'ensemble des caractéristiques physiques du bien et que les données issues de la base d'information économiques notariales (BIEN) sont plus pertinentes pour déterminer la valeur vénale du bien, il résulte de l'instruction que le service a retenu cinq biens situés dans le même immeuble que l'appartement en litige et que les quatre autres biens se trouvent à proximité du bien à évaluer et que les requérants ne démontrent pas que les inconvénients résultants notamment de l'absence d'une place de parking et de sa situation en étage inférieur seraient de nature à justifier un abattement de la valeur de l'appartement supérieur à celui retenu par l'administration. En outre, en se bornant à faire valoir que la méthode de comparaison utilisée par l'administration reposerait sur des affirmations erronées au regard des éléments contenus dans la base d'information économiques notariales, M. et Mme B... ne contestent pas valablement les éléments de comparaison retenus par le service dès lors que les éléments de comparaison qui ont été mentionnés dans la proposition de rectification du 14 décembre 2015 correspondent à des biens de consistance similaire. 6. S'agissant de l'appartement situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré, si les requérants soutiennent que l'appartement présente de nombreux défauts, tenant notamment à la circonstance qu'il n'a pas de cave ni de parking ou de chambre de service, ces circonstances ne sont pas de nature à justifier l'écart de prix constaté par l'administration. A cet égard, si M. B... fait état d'une vente intervenue, le 7 mars 2011, dans le même ensemble immobilier, pour le prix de 9 703 euros le m2, cette vente, réalisée par la SAS Pierre Rénovation Tradition elle-même, ne saurait être regardée comme représentative de l'état du marché immobilier, à la date de la transaction en litige, portant sur le bien en cause. Par ailleurs, si M. B... oppose les informations contenues dans la base notariale " BIEN " pour le 16ème arrondissement de Paris, et, notamment les secteurs Auteuil et Chaillot, les données mentionnées, non nominatives et tirées de moyennes, ne permettent pas de remettre en cause l'ampleur de l'écart résultant des termes de comparaison de l'administration, de nature à permettre de présumer de l'anormalité du prix de vente en litige. Il en va de même de l'absence de droit de commercialité ou de l'obligation de procéder à une compensation au titre du changement de destination du bien, composé pour une partie de locaux à usage professionnel, le bien en cause, vendu à usage d'habitation, étant occupé par M. et Mme B... au titre de leur résidence principale et aucun élément de l'instruction ne justifiant que la revente du bien devait s'accompagner d'une transformation d'une partie de sa surface en locaux à usage de bureau. 7. Il résulte ainsi de l'instruction que l'écart entre la valeur vénale des biens immobiliers en cause et le prix de cession, soit 26 % pour le bien situé au 161 avenue Victor Hugo, et 33 % pour le bien situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré, selon l'évaluation non sérieusement remise en cause par les requérants, est significatif. L'administration établit ainsi, en l'espèce, l'existence d'un avantage occulte au sens des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts. 8. En second lieu, il est constant que M. B... est dirigeant et associé majoritaire de la société Pierre Rénovation Tradition, ce qui laisse présumer l'intention conjointe du vendeur d'accorder un avantage sans contrepartie et de l'acquéreur de recevoir cet avantage consenti à titre gratuit. Si les requérants soutiennent que les sommes issues de la vente du bien situé au 77-79 avenue Raymond Poincaré ont permis de solder le prêt attaché aux opérations d'acquisition de l'immeuble situé à cette même adresse, l'urgence de cette vente n'est pas justifiée. De plus, il n'est pas démontré que la société a essayé de rechercher un acquéreur lui offrant de meilleures conditions. Par ailleurs, si M. B... soutient s'être porté caution de l'emprunt contracté en vue de l'opération d'acquisition de l'ensemble immobilier dont fait partie le bien, il ne justifie pas avoir été amené à lever sa caution en vue du règlement de l'emprunt. En outre, en sa qualité de marchand de biens, M. B... avait une parfaite connaissance du marché immobilier et des risques inhérents. Dans ces conditions, l'administration établit l'intention pour la société d'octroyer, et, pour M. et Mme B..., de recevoir, une libéralité du fait de la vente par cette société, à son gérant, d'éléments de son actif circulant à un prix significativement minoré. Dès lors, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a imposé entre leurs mains des sommes au titre d'une insuffisance de prix de vente des biens en litige constitutives de revenus distribués sur le fondement de l'article 111 c du code général des impôts. Sur les pénalités pour manquement délibéré : 9. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant 1'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou/a liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40% en cas de manquement délibéré (...) ". 10. Il résulte de l'instruction que, pour assortir les droits litigieux de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration s'est fondée sur la qualité de professionnel de l'immobilier du requérant, qui est associé depuis 2002 de la SAS Pierre Rénovation Tradition, détient des parts dans d'autres sociétés immobilières et préside le groupe Pierre Valorisation Développement. En relevant ces éléments, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que l'intéressé a minoré le prix de vente des biens litigieux en connaissance de cause. Elle établit par suite le bien-fondé de l'application des majorations pour manquement délibéré. 11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de leurs demandes. Par voie de conséquence ne peuvent qu'être rejetées leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France.Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient :- M. Carrère, président,- M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère.Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023.La rapporteure,S. BOIZOTLe président,S. CARRERE La greffière,C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.N° 22PA02125 2 |
CETATEXT000048424058 | J1_L_2023_11_00022PA02472 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424058.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 22PA02472, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA02472 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | VOLTAIRE AVOCATS | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Le Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l'espace naturel (SNUPFEN solidaires) a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite du 25 septembre 2018 par laquelle le directeur général de l'Office national des forêts (ONF) a rejeté sa demande tendant à ce que soit mis fin aux affectations de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soient titularisés les salariés actuellement affectés sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soit communiqué le nombre de salariés de droit privé affectés sur des postes de techniciens forestiers territoriaux ainsi que la liste des postes concernés par ce type d'affectation, et que soit mis en place en 2019 des concours pour l'accès au grade de technicien forestier territorial. Par un jugement n° 1920567 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés respectivement les 30 mai, 14 juillet et 25 novembre 2022, le SNUPFEN solidaires, représenté par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocats au Conseil d'Etat, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1920567 du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 25 septembre 2018 par laquelle le directeur général de l'ONF a rejeté sa demande tendant à ce que soit mis fin aux affectations de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soient titularisés les salariés actuellement affectés sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soit communiqué le nombre de salariés de droit privé affectés sur des postes de techniciens forestiers territoriaux ainsi que la liste des postes concernés par ce type d'affectation, et que soit mis en place en 2019 des concours pour l'accès au grade de technicien forestier territorial ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le syndicat soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, faute d'être signé ; - le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit ; - l'affectation de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux constitue une violation des disposions du code forestier et du décret n° 2013-1173 du 17 décembre 2013 ; l'ONF a confié à des salariés de droit privé des missions ressortissant de prérogatives de puissance publique et relevant des missions de service public administratif de l'établissement. Par deux mémoires en défense enregistrés les 3 octobre 2022 et 11 avril 2023, l'ONF, représenté par Me Guillouet, conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est tardive ; - les moyens soulevés par le syndicat ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code forestier ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code général de la fonction publique ; - le décret n° 2005-1779 du 30 décembre 2005 ; - le décret n° 2013-1173 du 17 décembre 2013 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public ; - et les observations de Me Coudray pour le SNUPFEN solidaires. Considérant ce qui suit : 1. Par un courrier du 21 juillet 2018, réceptionné le 25 juillet suivant, le Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l'espace naturel (SNUPFEN) a signifié au directeur de l'Office national des forêts (ONF) son opposition au recrutement de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux. Faisant valoir que ces recrutements contrevenaient aux dispositions du code forestier dès lors que, à défaut de pouvoir être commissionnés et assermentés, ces agents non-titulaires ne pouvaient remplir l'intégralité des fonctions dévolues aux techniciens forestiers territoriaux, le SNUPFEN solidaires demandait que soit mis fin aux affectations de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soient titularisés les salariés actuellement affectés sur des postes de techniciens forestiers territoriaux, que soit communiquée la liste des postes concernés par ce type d'affectation et que soit mis en place, en 2019, des concours pour l'accès au grade de technicien forestier territorial. Par un jugement n° 1920567 du 29 mars 2022 dont le syndicat interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du 25 septembre 2018 par laquelle le directeur général de l'ONF a rejeté sa demande. Sur la régularité du jugement : 2. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement a été signée par la présidente de la formation de jugement, le rapporteur et la greffière d'audience, conformément aux prescriptions de l'article R. 751-7 du code de justice administrative. Par suite, le moyen tiré d'une irrégularité du jugement sur ce point doit être écarté. 3. Par ailleurs, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Le syndicat ne peut donc utilement soutenir, pour contester la régularité du jugement entrepris, que les premiers juges ont entaché leur décision d'erreur de droit. 4. Enfin, à supposer même que le tribunal ait retenu à tort la recevabilité de la demande du SNUPFEN solidaires, cette circonstance est sans incidence sur la régularité du jugement attaqué, le moyen invoqué sur ce point par l'ONF devant être examiné dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la recevabilité de la demande première instance : 5. En l'absence d'accusé de réception comportant les mentions prévues par l'article R. 112-5 du code des relations entre le public et l'administration, les délais de recours contentieux contre une décision implicite de rejet ne sont, en principe, pas opposables à son destinataire. 6. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance 7. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 8. Les règles énoncées au point précédent, relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision. La preuve d'une telle connaissance ne saurait résulter du seul écoulement du temps depuis la présentation de la demande. Elle peut en revanche résulter de ce qu'il est établi, soit que l'intéressé a été clairement informé des conditions de naissance d'une décision implicite lors de la présentation de sa demande, soit que la décision a par la suite été expressément mentionnée au cours de ses échanges avec l'administration, notamment à l'occasion d'un recours gracieux dirigé contre cette décision. Le demandeur, s'il n'a pas été informé des voies et délais de recours dans les conditions citées au point 7 du présent arrêt, dispose alors, pour saisir le juge, d'un délai raisonnable qui court, dans la première hypothèse, de la date de naissance de la décision implicite et, dans la seconde, de la date de l'événement établissant qu'il a eu connaissance de la décision. 9. Il ressort des pièces du dossier que le SNUPFEN solidaires a formé, le 21 juillet 2018, un recours pour demander au directeur de l'ONF de mettre fin aux affectations de recrutement de salariés de droit privé sur des postes de techniciens forestiers territoriaux qui a été réceptionné le 25 juillet suivant. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par l'administration sur son recours au terme d'un délai de deux mois. Moins d'un an s'étant écoulé à la date à laquelle elle a saisi le tribunal administratif soit le 23 septembre 2019, sa demande n'était pas tardive, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le SNUPFEN solidaires aurait acquis connaissance de la décision attaquée par un accusé de réception ou tout autre élément d'information. Ainsi, l'ONF n'est pas fondé à soutenir que la demande de première instance du syndicat était tardive et irrecevable. En ce qui concerne le fond : 10. Aux termes de l'article L. 222-5 du code forestier : " Le directeur général de l'Office nomme à tous les emplois sous réserve des dispositions particulières applicables à certains emplois dont la liste est déterminée par décret. ". Aux termes de l'article 3 du décret n° 2005-1779 du 30 décembre 2005 : " Pour l'exercice de fonctions participant à des missions autres que celles de service public administratif, l'Office national des forêts peut employer des salariés de droit privé dans les conditions prévues par le code du travail ". 11. Lorsqu'un établissement public tient de la loi la qualité d'établissement public industriel et commercial, ses activités présentent un caractère industriel et commercial, à l'exception de celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique et ne peuvent donc être exercées que par un service public administratif. 12. Par ailleurs, afin de se prononcer sur la légalité des recrutements de salariés de droit privé sur des postes de technicien forestier mis à la disposition d'un responsable d'unité territoriale au cours de la période en litige, il convient de rechercher si les intéressés, dans l'exercice de leurs fonctions au sein de l'ONF, participaient directement à l'exécution des missions de service public administratif dont se trouve également investi l'Office nonobstant sa qualification par la loi d'établissement public à caractère industriel et commercial. 13. Il ressort de la fiche métier de technicien forestier territorial mis à la disposition d'un responsable d'unité territoriale, communiquée par les parties, que les agents de droit privé recrutés pour un tel poste ont principalement en plus d'une activité commerciale, trois grands domaines d'intervention à savoir la production de bois, la préservation de la biodiversité et l'accueil du public. L'agent a ainsi notamment un rôle d'organisation et d'encadrement du travail des agents techniques forestiers et des ouvriers comme le marquage des bois à prélever en vue de leur coupe, la coupe et la commercialisation des arbres tombés, les travaux d'entretien des plantations et de leurs accès. Il est également responsable de la santé des arbres et du suivi de la chasse et de la pêche et assure un travail de gestion du matériel de chantier, d'entretien et d'amélioration de l'équipement forestier (routes, canaux, chemins de halage...). Enfin, l'accueil du public sur l'espace forestier (domanial ou communal) constitue une autre de ses missions (entretien des équipements mis à disposition du public, signalétique, stabilisation des chemins...). Ces activités n'impliquent pas la mise en œuvre de prérogative de puissance publique. Les techniciens forestiers territoriaux ainsi mis à la disposition d'un responsable d'unité territoriale doivent être regardés comme assurant à titre principal des missions de service public à caractère industriel et commercial, les activités de réglementation, de police ou de contrôle qui impliquent par leur nature des prérogatives de puissance publique étant uniquement confiées à des techniciens forestiers issus du corps des techniciens supérieurs forestiers de l'ONF. Ainsi, le syndicat requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en confiant les missions précitées à des salariés de droit privé l'ONF aurait entaché les recrutements litigieux d'illégalité. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le SNUPFEN solidaires n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes. Sur les conclusions à fin d'injonction : 15. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l'espace naturel, n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par le syndicat appelant doivent, par suite, être rejetées. Sur les frais liés au litige : 16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ONF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le SNUPFEN solidaires demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête du SNUPFEN solidaires est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l'espace naturel (SNUPFEN solidaires) et à l'Office national des Forêts. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA02472 2 |
CETATEXT000048424059 | J1_L_2023_11_00022PA03342 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424059.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA03342 | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA03342 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C+ | M. LAPOUZADE | BARTHELEMY | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. G... H... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 17 août 2020 par laquelle la société de requalification des quartiers anciens a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur un bien situé 2 rue André-Del-Sarte à Paris (18ème arrondissement). Par un jugement n° 2017279/4-3 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête et des mémoires en réplique enregistrés les 20 juillet 2022, 7 décembre 2022, 20 janvier 2023 et 27 février 2023, M. G... H..., représenté par Me Personnaz, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2017279/4-3 du 20 mai 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du 17 août 2020 de la société de requalification des quartiers anciens ; 3°) de mettre à la charge de la société de requalification des quartiers anciens le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) de condamner la société de requalification des quartiers anciens au paiement des entiers dépens. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a relevé le jugement, il avait intérêt à agir contre la décision de préemption, en application des dispositions des articles 815-2, 815-3 et 1583 du code civil, dès lors que la vente n'était pas parfaite, que son action ne constitue pas un acte de disposition et doit être regardée comme une mesure conservatoire destinée à soustraire le bien indivis du péril causé par l'illégalité de la décision de préemption ; - la décision de préemption a été prise par une autorité incompétente pour ce faire ; - il n'est pas justifié de l'institution du droit de préemption ; - la décision contestée ne vise ni l'avis du service des Domaines ni la date de consultation ni la date de l'avis ni le montant de l'estimation mentionné dans l'avis ; - il n'est pas établi que l'avis du service des Domaines est arrivé au siège de la société de requalification des quartiers anciens ; - la décision n'est pas suffisamment motivée ; - la préemption était tardive, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme ; - la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que la réalité du projet n'est pas établie ; - le projet n'entre pas dans les prévisions des dispositions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme. Par des mémoires en défense enregistrés le 16 novembre 2022, 28 décembre 2022 et 13 février 2023, la société de requalification des quartiers anciens, représentée par Me Caralp-Delion, conclut, dans le dernier état de ses écritures : 1°) au rejet de la requête de M. H... ; 2°) au rejet des demandes et des moyens de Mme E..., de Mmes H..., de MM. J... et de Mme D... ; 3°) à la mise à la charge de M. H... du versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) à la condamnation de M. H... au paiement des entiers dépens. Elle soutient que : - l'action de Mme E..., de Mmes H..., de MM. J..., et de Mme D... est tardive dès lors que leur mémoire a été introduit postérieurement au délai d'appel ; - il n'est pas établi que M. H... n'est pas sous curatelle ; - M. H... ne dispose pas d'un intérêt à agir concernant ce bien en indivision ; - les moyens soulevés à l'encontre de la décision contestée ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 24 janvier 2023, Mme L... E..., Mme C... H..., Mme F... H..., M. K... J..., M. M... J..., M. B... J... et Mme A... D..., représentés par Me Barthélemy, déclarent " s'associer pleinement aux demandes et à l'argumentaire " du conseil de M. H.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gobeill, - les conclusions de M. Doré, rapporteur public, - les observations de Me Personnaz, représentant M. H..., - et les observations de Me Fornacciari substituant Me Caralp-Delion, représentant la société de requalification des quartiers anciens. Considérant ce qui suit : 1. M. H... est propriétaire indivis d'un ensemble de lots d'un immeuble situé 2 rue André-Del-Sarte à Paris (18ème arrondissement) qui a fait l'objet, le 17 août 2020, d'une décision de préemption de la société de requalification des quartiers anciens. M. H... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cette décision. Il relève appel du jugement du 20 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande. Sur la recevabilité de l'appel de M. H... : 2. Aux termes des dispositions de l'article 468 du code civil : " (...) La personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur conclure un contrat de fiducie ni faire emploi de ses capitaux. / Cette assistance est également requise pour introduire une action en justice ou y défendre. ". La fin de non-recevoir opposée par la société de requalification des quartiers anciens et tirée de ce que M. H... n'est pas assisté de son curateur en appel, ne peut qu'être écartée dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que sa curatelle a pris fin. Sur les conclusions à fin d'annulation : 3. Aux termes de l'article 815-2 du code civil : " Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence. / Il peut employer à cet effet les fonds de l'indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers. (...) ". Aux termes de l'article 815-3 du même code : " Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité : / 1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ; / 2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ; / 3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ; / 4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. / Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers. / Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°. (...) ". 4. Pour contester le jugement, lequel a rejeté sa demande au motif qu'il n'avait pas qualité pour agir seul contre la décision, M. H... soutient que sa demande d'annulation de la décision de préemption constitue une mesure de conservation du bien au sens de l'article 815-2 du code civil et que l'accord des autres indivisaires n'était dès lors pas nécessaire. S'il fait valoir que le prix de 124 000 euros prévu par la promesse de vente a été fixé en tenant compte d'une clause contenue dans cette dernière et prévoyant la prise en charge par l'acquéreur, Mme I..., de travaux à hauteur de 35 000 euros, une telle stipulation ne figure toutefois pas dans la promesse de vente du 23 octobre 2019, laquelle comportait au titre des conditions suspensives, celle de l'exercice du droit de préemption, cette préemption ayant été exercée au prix de 124 000 euros par la décision contestée. Dans ces conditions, l'action de M. H..., qui maintient dans ses écritures être le seul appelant, ne peut être assimilée à un acte de conservation. Cette action qui aurait ainsi pour effet de remettre en cause la décision des indivisaires de conclure la promesse de vente ainsi décrite, doit dès lors, et en tout état de cause, être regardée comme un acte de disposition qu'il ne pouvait réaliser sans recueillir l'accord de ces derniers, comme le prévoient les dispositions de l'article 815-3 du code civil. M. H... était ainsi dépourvu de qualité pour agir. 5. Il résulte de ce qui précède que M. H... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation doivent être rejetées, ainsi qu'en tout état de cause, les conclusions de Mme E..., de Mmes H..., de MM. J..., et de Mme D.... Sur les frais liés au litige : 6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société de requalification des quartiers anciens qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. G... H... demande au titre des frais exposés par lui. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. G... H... une somme de 1 500 euros à verser à la société de requalification des quartiers anciens au titre des mêmes dispositions. Sur les dépens : 7. La présente instance ne comportant aucun dépens, les conclusions des parties relatives aux dépens ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. G... H... est rejetée, ainsi que, par voie de conséquence les conclusions présentées par Mme L... E..., Mme C... H..., Mme F... H..., M. K... J..., M. M... J..., M. B... J... et Mme A... D.... Article 2 : M. G... H... versera une somme de 1 500 euros à la société de requalification des quartiers anciens. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... H..., à Mme L... E..., première dénommée en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, et à la société de requalification des quartiers anciens. Délibéré après l'audience du 28 septembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA03342 |
CETATEXT000048424060 | J1_L_2023_11_00022PA04211 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424060.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA04211, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA04211 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | AARPI CHERMAK ELIAKIM | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un jugement n° 2207306 du 5 août 2022, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 15 septembre 2022, Mme A..., représentée par Me Chermak-Felonneau et Me Eliakim, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2207306 du 5 août 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 de la préfète du Val-de-Marne ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser son conseil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : S'agissant des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination : - elles sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ; - elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 611-3 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 611-1 5° du même code ; - elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ; S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen : - la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation : - elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - le signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen doit être effacé en conséquence de l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gobeill ; - et les observations de Me Eliakim, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante surinamienne née en décembre 1997, a fait l'objet par un arrêté du 21 juillet 2022 de la préfète du Val-de-Marne, d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Mme A... relève appel du jugement du 5 août 2022 par lequel la magistrate désignée par le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. L'intéressée soutient qu'elle ne peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement dès lors qu'elle réside habituellement en France depuis l'âge de treize ans, en application des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui disposent que : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) ". 3. Il ressort des pièces du dossier, certaines ayant été produites en appel, qu'elle a été scolarisée de 2009 à 2017, à l'école Etienne Ribal de Cayenne puis au collège Auxence Contou à Cayenne puis au collège Eugène Nonnon à Cayenne puis au collège Le Landry à Rennes puis en institut médico-éducatif, que lui ont été délivrées par le préfet de l'Île-et-Vilaine des cartes de séjour temporaire " vie privée et familiale " entre 2017 et 2019, qu'elle a travaillé ainsi qu'en attestent les bulletins de salaire en qualité d'hôtesse de restauration et d'employée en 2019 et 2020 et enfin qu'elle a été incarcérée de juin 2021 à juillet 2022. Née le 23 décembre 1997, elle justifie ainsi résider habituellement en France depuis qu'elle a atteint au plus l'âge de treize ans et ne pouvait de ce fait, en application des dispositions précitées, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Celle-ci doit donc être annulée. 4. L'obligation de quitter le territoire français étant ainsi entachée d'illégalité, les décisions portant refus de délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français, dont elle est assortie, doivent, par voie de conséquence, également être annulées. 5. Il résulte de ce qui précède, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 6. Il y a lieu d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de procéder à l'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A... de la somme de 1 000 euros. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2207306 du 5 août 2022 du tribunal administratif de Melun et l'arrêté du 21 juillet 2022 de la préfète du Val-de-Marne sont annulés. Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne de procéder à l'effacement du signalement de Mme A... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen. Article 3 : L'État versera à Mme A... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Val-de-Marne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, J-F. GOBEILLLe président, J. LAPOUZADE La greffière, C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA04211 2 |
CETATEXT000048424061 | J1_L_2023_11_00022PA04408 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424061.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA04408, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA04408 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | SELAS DS AVOCATS | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 9 octobre et 21 novembre 2022 ainsi que le 3 septembre 2023, l'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", et l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", représentées par Me Cofflard, demandent à la Cour : 1°) d'annuler la décision par laquelle la maire de Paris a implicitement rejeté leur recours gracieux déposé le 8 juin 2022 dirigé contre le permis d'aménager n° PA 075 116 20 V0005 du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société publique locale PariSeine pour l'aménagement de la place Varsovie, du pont d'Iéna, ainsi que de la place et du quai Branly, ensemble ledit permis ; 2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elles soutiennent que : - l'étude d'impact est insuffisante au regard des dispositions du 4° et du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, ces insuffisances ayant nui à l'information du public ; la Cour peut le cas échéant surseoir à statuer sur la requête et enjoindre au maître d'ouvrage d'entreprendre des mesures de régularisation du dossier de demande d'autorisation ; - le permis d'aménager méconnaît l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme compte tenu de l'insuffisance de sa notice explicative en particulier sur l'impact du projet sur la circulation automobile autour du site ; - il méconnaît l'article L. 421-6 de ce code, car la société PariSeine aurait dû solliciter la délivrance d'un permis de construire, le projet faisant partie d'un ensemble immobilier unique; - il méconnaît l'article R. 111-2 du même code, car les modifications de la circulation automobile envisagées comportent un risque pour la sécurité publique. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 6 septembre 2023, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge solidaire des requérantes une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 6 septembre 2023, la société PariSeine, représentée par Me Ceccarelli-Le Guen, conclut au rejet de la requête, ainsi qu'à ce que soit mise à la charge des requérantes une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Vu l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris n° 22PA04149 du 7 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de l'urbanisme ; - la loi n° 2018-202 du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin, - les conclusions de M. Doré, rapporteur public, - les observations de Me Cofflard, représentant l'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", et l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France ", - les observations de Me Froger, représentant la Ville de Paris, - et les observations de Me Cuny substituant Me Ceccarelli-Le Guen, représentant la société PariSeine. Les associations requérantes ont produit le 25 octobre 2023 une note en délibéré. Considérant ce qui suit : 1. Dans le cadre du projet de l'opération de réaménagement des espaces s'étendant de la place du Trocadéro, au Champ-de-Mars, jusqu'à l'Ecole Militaire, lancée par la Ville de Paris en décembre 2018, et ayant abouti au choix du projet de maîtrise d'œuvre dit " A... B... ", la société publique locale PariSeine a déposé une demande de permis d'aménager le 6 novembre 2020 pour les aménagements du secteur de la place Varsovie, du pont d'Iéna, ainsi que de la place et du quai Branly. Par décision du 7 avril 2022, la maire de Paris lui a accordé, sous prescriptions, ce permis, qui comprend, la rénovation des abords de la fontaine de Varsovie ; le nivellement des trottoirs des voies ceinturant la fontaine ; la piétonisation de la place Varsovie avec création d'un carré central de pelouse surélevée qui marque l'axe central ; l'implantation de nouveaux kiosques de part et d'autre de l'axe après démolition des existants ; la reconversion du passage souterrain sous l'avenue des Nations Unies Est en sanitaires publics ; la fermeture du pont d'Iéna à la circulation des véhicules privés avec installation d'alcôves formées par des bacs plantés ; la piétonisation partielle de la place Branly avec création d'un carré de pelouse surélevé marquant l'axe central ; la réduction en largeur des voies de circulation le long du quai Branly afin de permettre la création d'une promenade plantée ; le réaménagement des carrefours entre le quai Branly, les boulevards Suffren et Bourdonnais afin d'assurer le bon fonctionnement de la circulation des véhicules et des mobilités douces ainsi que l'implantation de 13 nouveaux kiosques, la plantation de 118 arbres après abattage de 5 arbres, pour une surface de plancher créée de 175,5 m² et une surface de plancher démolie de 290,21 m². L'association " France Nature environnement Paris ", l'association " SOS Paris ", l'association " Les amis du Champ de Mars ", et l'association " Société pour la protection des paysages et de l'esthétique en France " ont saisi la maire de Paris d'un recours gracieux déposé le 8 juin 2022 à l'encontre de ce permis d'aménager. En l'absence de réponse, ce recours a implicitement été rejeté par la maire de Paris le 8 août 2022. Les associations requérantes demandent l'annulation de cette décision implicite de rejet de leur recours par la maire de Paris ainsi que l'annulation de ce permis d'aménager. Sur les conclusions à fin d'annulation du permis d'aménager du 7 avril 2022 : En ce qui concerne la régularité de la procédure de consultation préalable du public : 2. Il est constant que les associations requérantes, qui critiquent le choix d'une procédure de participation du public dérogatoire, ne soulèvent aucun moyen à l'encontre de cette procédure, les moyens soulevés étant énumérés dans son mémoire récapitulatif du 3 septembre 2023. En ce qui concerne l'insuffisance de l'étude d'impact : 3. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa version alors en vigueur : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / Ce contenu tient compte, le cas échéant, de l'avis rendu en application de l'article R. 122-4 et inclut les informations qui peuvent raisonnablement être requises, compte tenu des connaissances et des méthodes d'évaluation existantes. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : (...) / 2° Une description du projet (...) / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; (...) ". 4. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. 5. Conformément aux dispositions précitées du 7° du II de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, l'étude d'impact expose les principales solutions de substitution examinées, sur les sites majeurs concernés par le projet, comme la place du Trocadéro, ou pour ce qui concerne le secteur du permis d'aménager en cause, l'aménagement de la fontaine et de la place de Varsovie, ainsi que celui du pont d'Iéna. Les requérantes estiment que les différentes variantes n'ont pas été examinées sur certains aménagements, en se fondant sur les remarques faites par l'autorité environnementale dans son avis sur le projet, sur les choix faits pour l'organisation des circulations automobiles, notamment au niveau des quais, qu'elle a estimés insuffisamment explicités ou étayés par des études précises. Il ressort toutefois du mémoire en réponse du maître d'ouvrage à cet avis, qui a été soumis à la procédure de consultation du public par voie électronique, que sur ce point, ce dernier a diligenté une nouvelle étude, annexée à son mémoire, de nature à apprécier finement l'impact du projet sur la circulation. Il en ressort qu'à l'exception de certaines modifications portant sur les largeurs des voies, la nouvelle organisation des circulations proposée par le projet a été validée comme présentant des conditions satisfaisantes par cette étude, et ne nécessitant donc pas d'autres variantes. Par ailleurs, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que le projet litigieux ne pourra être mis en œuvre avant les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, en raison de la décision du préfet de police de refuser les modifications de circulation sollicitées, qui ne portent, en tout état de cause, pas sur ce projet. 6. Les requérantes relèvent également que l'autorité environnementale a estimé que les choix de gestion de l'usage du site et de sa fréquentation n'étaient pas suffisamment explicités eu égard aux préoccupations du public sur la capacité de la Ville de Paris à assurer le bon entretien du site. Sur ce point, d'une part, il ressort de la note de présentation du projet que l'entretien du site est une ambition de ce dernier : " Intégrer dès la conception les conditions d'un entretien ultérieur optimum et d'une maintenance facilitée du site et des ouvrages réalisés (exploitation de la Tour Eiffel, des jardins, de la voirie, collecte des déchets, etc.), afin qu'il soit toujours respectable et respecté ", et, d'autre part, le mémoire en réponse du maître d'ouvrage, fait état de ce qu'un plan de gestion est en cours d'élaboration avec les différentes directions gestionnaires de la Ville de Paris et a pour objectif de permettre de développer et de tenir dans le temps les intentions paysagères du projet et la richesse de la composition, en fournissant un cadre de référence. Ce mémoire en réponse fait état de certains principes d'ores et déjà retenus, tel que, pour l'accueil d'évènements, celui de la recherche d'un équilibre dans leur répartition sur le site, en privilégiant pour leur localisation les zones piétonnes et minérales créées par le projet, tandis que l'accès aux zones végétales doit faire l'objet de restrictions. Ce même mémoire fait état de plusieurs études menées sur les flux piétons sur le site, qui y sont annexées, afin de vérifier la robustesse de l'aménagement prévu, qui concluent que les aménagements projetés sont suffisamment capacitaires pour accueillir les flux, et suggère un travail sur la signalétique ou la gestion des feux lorsque certaines surdensités ont pu être mises en évidence, notamment sur le quai Branly. Dès lors que le mémoire répond ainsi à la recommandation émise par l'autorité environnementale de l'intégration des conditions de mise en œuvre et de suivi du projet, en particulier pour ce qui concerne les usages du site, dans un plan de gestion, notamment pour ses parties végétalisées, et fait état de l'engagement et des avancées de l'élaboration de ce plan, l'étude d'impact ne peut être regardée comme étant insuffisante sur ce point. 7. Dans ces conditions, l'exposé par l'étude d'impact des choix faits pour le projet par rapport à des variantes envisageables, n'a pas été susceptible de vicier la procédure, ou de nuire à l'information du public. 8. Si les requérantes soutiennent encore que l'étude d'impact est insuffisante sur l'analyse de l'intégration paysagère du projet, cette branche du moyen n'est pas assortie de précisions permettant d'en apprécier la portée. En ce qui concerne l'insuffisance de la notice explicative du projet : 9. Aux termes de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme : " Le projet d'aménagement comprend une notice précisant : (...) / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) / b) La composition et l'organisation du projet, la prise en compte des constructions ou paysages avoisinants, le traitement minéral et végétal des voies et espaces publics et collectifs et les solutions retenues pour le stationnement des véhicules ; / c) L'organisation et l'aménagement des accès au projet; ". 10. La circonstance que le dossier de demande de permis d'aménager ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis d'aménager qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable. 11. Les requérantes estiment que la notice du projet est insuffisante en ce qui concerne l'impact des changements apportés sur la circulation automobile autour du site. Il ressort de la note de présentation du projet qu'il a pour objectif de favoriser les modes actifs, piétons et cycles, tout en optimisant la circulation des autres modes sur voiries, et en donnant la priorité à la circulation des transports en commun. L'organisation des circulations a fait l'objet d'une étude de trafic à l'échelle de l'Ile-de-France pour évaluer les effets, locaux et à distance, du projet, dont l'étude d'impact expose les conclusions. Il ressort du mémoire en réponse du maître d'ouvrage à l'avis de l'autorité environnementale, d'une part, que, comme le recommandait cet avis, les effets du projet sur les conditions de trafic, comportant des indicateurs de remontées de files et de retards simulés, ont été étudiés dans une étude microscopique de trafic complémentaire annexée à ce mémoire, déjà mentionnée au point 5, évoquant notamment les incidences du projet sur le débit de véhicules par rapport à une situation au fil de l'eau en 2024, non seulement sur les différents axes du secteur du projet, mais également sur les voiries et ponts en limite de projet. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les impacts du projet sur la circulation automobile sur le site et les reports de trafic en limite du projet n'auraient pas été examinés. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 441-3 du code de l'urbanisme doit donc être écarté. En ce qui concerne la nécessité de présenter une demande unique de permis d'aménager : 12. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ". S'il résulte de ces dispositions qu'une construction constituée de plusieurs éléments formant, en raison des liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique, doit en principe faire l'objet d'un seul permis de construire, elles ne font pas obstacle à ce que, lorsque l'ampleur et la complexité du projet le justifient, notamment en cas d'intervention de plusieurs maîtres d'ouvrage, les éléments de la construction ayant une vocation fonctionnelle autonome puissent faire l'objet de permis distincts, sous réserve que l'autorité administrative ait vérifié, par une appréciation globale, que le respect des règles et la protection des intérêts généraux que garantirait un permis unique sont assurés par l'ensemble des permis délivrés. 13. Les requérantes estiment que la présentation de deux demandes de permis d'aménager, l'une relative à l'aménagement du Trocadéro et l'autre, objet de la présente instance, concernant l'aménagement de la place de Varsovie, du pont d'Iéna et de la place du quai Branly, méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, dès lors qu'elle n'a pas permis à l'autorité administrative d'apprécier le projet de manière globale, notamment au regard des interactions entre les voies de circulation. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les deux demandes ont été déposées le 6 septembre 2020 par la société PariSeine et ont fait l'objet, s'agissant de la circulation, d'une consultation commune de la préfecture de police le 13 novembre 2020. Par conséquent, la maire de Paris a pu porter une appréciation globale sur le projet, la seule circonstance que le préfet de police ait, dans une décision du 10 mai 2022, retenu une approche d'ensemble pour refuser de co-signer les mesures règlementaires formalisant les modifications de circulation automobile sollicitées ne suffisant pas à justifier d'une nécessité de procéder à une demande de permis unique pour les deux projets d'aménagement. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme doit être écarté. En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : 14. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. 15. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de police (sous-direction de la sécurité du public) a émis, le 31 août 2021, un avis favorable au projet d'aménagement litigieux, sous réserve de l'exécution de plusieurs prescriptions. Ainsi, les requérantes, qui se bornent à faire référence à l'arrêt susvisé par lequel la Cour a rejeté la requête à fin d'annulation de la décision du préfet de police du 10 mai 2022 refusant de co-signer les mesures réglementaires formalisant une modification de la police de la circulation automobile sollicitées dans le cadre du " projet A... " et ne font état d'aucun élément permettant d'établir l'existence d'un risque d'atteinte à la sécurité publique, ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, au regard des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions sera écarté. 16. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " France Nature environnement Paris " et autres ne sont pas fondées à demander l'annulation du permis d'aménager du 7 avril 2022 accordé par la maire de Paris à la société PariSeine pour les aménagements du secteur de la place Varsovie, du pont d'Iéna, ainsi que de la place et du quai Branly. Sur les frais liés à l'instance : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association " France Nature environnement Paris " et autres demandent au titre des frais qu'elles ont exposés. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'association " France Nature environnement Paris " et autres une somme totale de 1 500 euros à verser à la Ville de Paris et une somme totale de 1 500 euros à verser à la société publique locale PariSeine. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'association " France Nature environnement Paris " et autres est rejetée. Article 2 : L'association " France Nature environnement Paris " et autres verseront à la Ville de Paris, une somme totale de 1 500 euros et à la société PariSeine, une somme totale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " France Nature environnement Paris ", première requérante dénommée, pour l'ensemble des requérants, à la Ville de Paris et à la société publique locale PariSeine. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA04408 |
CETATEXT000048424062 | J1_L_2023_11_00022PA04596 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424062.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA04596, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA04596 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | TCHIAKPE | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2211570 du 15 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 24 octobre 2022, M. B... A..., représenté par Me Tchiakpé, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2211570 du 15 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2022 du préfet de police ; 3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 70 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la notification de la décision à intervenir ; 4°) d'enjoindre au préfet d'examiner sa demande de titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification de la décision et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle dès lors qu'il avait bien déposé sa demande sur le double fondement des articles L. 425-9 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision ne comporte pas les motifs du refus au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ; - il ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Sénégal, le médicament qui lui est prescrit en France n'étant disponible au Sénégal que dans une dose potentiellement dangereuse pour lui ; - la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 18 août 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 4 mai 2022, le préfet de police a refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 15 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. M. A... soutient, en premier lieu, que le préfet de police n'a examiné sa demande de titre de séjour que sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'il l'avait également présentée au titre de l'article L. 435-1 du même code relatif à l'admission exceptionnelle au séjour. Toutefois, et en dépit des mentions portées sur la confirmation de consommation d'un timbre fiscal électronique et des mentions de la décision qui, au demeurant, se bornent à constater qu'il a présenté des fiches de paie, il ressort des mentions de la convocation du 11 octobre 2021 et de la fiche de salle renseignée et signée par l'intéressé le 22 novembre 2021 que ce dernier a présenté une demande de titre de séjour sur le seul fondement de son état de santé. Il en résulte que la décision contestée n'est entachée ni d'un défaut d'examen ni d'un défaut de motivation. 3. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". 4. La décision, prise après un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 16 mars 2022, a relevé que si M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Sénégal. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une hépatite B chronique. Pour contester l'affirmation du préfet de police selon lequel la liste des médicaments essentiels disponibles au Sénégal comporte bien le Tenfovir qui lui est prescrit, il fait valoir que le dosage existant au Sénégal, soit 300 mg, est supérieur au dosage qui lui est prescrit, soit 245 mg, et que la prise d'un dosage supérieur est susceptible de l'exposer à des risques graves ainsi que l'atteste un certificat médical d'un praticien hospitalier du 23 juin 2022. Toutefois, outre que ce certificat est postérieur à la décision attaquée, le préfet de police soutient, document médical à l'appui et sans être contesté sur ce point, qu'un comprimé comportant 300 mg de fumarate de ténofovir disoproxil équivaut à 245 mg de ténofovir disoproxil. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 5. En dernier lieu, la circonstance qu'il résiderait en France depuis 2019 et qu'il travaille depuis 2020 n'est pas de nature à entacher la décision d'erreur manifeste d'appréciation. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA04596 |
CETATEXT000048424063 | J1_L_2023_11_00022PA05187 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424063.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA05187, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA05187 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | MAILLARD | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 février 2022 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2211792/6-3 du 19 juillet 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 6 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Maillard, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2211792/6-3 du 19 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté du 15 février 2022 du préfet de police ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail durant la durée de confection du titre de séjour sous les mêmes conditions d'astreinte ; 4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail durant cet examen ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat (préfet de police) le versement d'une somme de 1 500 euros HT (soit 1 800 euros TTC) à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L.9 du code de justice administrative, s'agissant de la pathologie dont il souffre, de ses conséquences en cas d'arrêt du traitement et de sa situation professionnelle ; En ce qui concerne la décision de refus de séjour : - elle n'est pas suffisamment motivée en fait ; - le préfet de police s'est estimé lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; - le préfet de police ne démontre pas que le procédé d'apposition de la signature des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sous la forme d'un fac simile numérisé, ce procédé étant proscrit par l'article R. 4127-76 du code de la santé publique, permettrait d'identifier les auteurs de l'avis et de garantir l'authenticité de l'avis ; - le caractère collégial de la délibération du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas établi ; - elle méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français : - elle a été prise sur le fondement d'une décision de refus de séjour illégale, notamment en ce qu'elle a été prise à la suite d'une procédure irrégulière ; - elle méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire : - elle est prise sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire illégale ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - elle a été prise sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire illégale. Par un mémoire en défense enregistré le 11 juillet 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 15 février 2022, le préfet de police a refusé d'octroyer à M. B..., ressortissant malien, un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 19 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement contesté : 2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". 3. La circonstance que le jugement attaqué ne ferait pas état de l'ensemble des éléments de la pathologie dont souffre M. B... et qu'il ne mentionnerait pas plus sa situation professionnelle n'est pas de nature à l'entacher d'une insuffisance de motivation. Sur le bien-fondé du jugement contesté : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 4. En premier lieu, en relevant que M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut n'est pas susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers le Mali, le préfet de police a suffisamment motivé sa décision. Il ne ressort pas des termes de cette dernière qu'il se serait considéré en situation de compétence liée par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...). ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313 22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ". 6. D'une part, l'avis du collège des médecins du 21 octobre 2021 est revêtu de la signature des 3 médecins composant le collège prévu par les dispositions précitées, la circonstance qu'elles soient apposées sous forme de fac-simile n'étant pas de nature à remettre en cause leur authenticité. 7. D'autre part, l'avis commun rendu par trois médecins, au vu du rapport établi par un quatrième médecin, le cas échéant après examen du demandeur, constitue une garantie pour celui-ci. Les médecins signataires de l'avis ne sont pas tenus, pour répondre aux questions posées, de procéder à des échanges entre eux, l'avis résultant de la réponse apportée par chacun à des questions auxquelles la réponse ne peut être qu'affirmative ou négative. Par suite, la circonstance, à la supposée avérée, que ces réponses n'aient pas fait l'objet de tels échanges, oraux ou écrits, est sans incidence sur la légalité de la décision prise par le préfet au vu de cet avis. 8. Enfin, le préfet de police a considéré que le défaut de prise en charge de sa pathologie n'était pas susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. B... pouvant voyager sans risque vers le Mali. Les éléments communiqués par M. B..., à savoir des certificats médicaux des 18 mars 2022 et 25 mai 2023, postérieurs à la décision attaquée mais confirmant le diagnostic réalisé antérieurement par un certificat du 24 septembre 2021, attestant qu'il est atteint d'une neurofibromatose de type 1 compliquée de neurofibromes internes, que cette pathologie nécessite une surveillance clinique annuelle et par imagerie métabolique spécialisée tous les 2-3 ans ou moindre symptôme, la complication potentielle n'étant pas certaine, ne sont pas toutefois de nature à infirmer l'appréciation portée par le préfet de police. 9. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 10. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., entré en France en 2019 à l'âge de 27 ans, est célibataire, sans charge de famille en France, et que son intégration professionnelle, établie à partir de 2021 par un contrat à durée déterminée et des certificats d'intérim, est encore récente. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Il n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 11. Il résulte de ce qui précède que la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire : 12. En premier lieu, et pour les motifs rappelés au point 8 du présent arrêt, la décision contestée n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose que " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". 13. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés pour les mêmes motifs que ceux rappelés aux points 10 et 11 du présent arrêt. 14. En dernier lieu, la décision de refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne la décision accordant le délai de départ volontaire : 15. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. ". 16. Pour les motifs rappelés aux points 8 et 10, la décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. 17. En second lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision accordant le délai de départ volontaire serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 18. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. 19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22PA05187 |
CETATEXT000048424064 | J1_L_2023_11_00022PA05416 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424064.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA05416, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA05416 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an, d'enjoindre au préfet territorialement compétent de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre fin à son signalement dans le système d'information Schengen et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 2214431 du 23 novembre 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 21 septembre 2022, a enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de M. D... dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de prendre toute mesure propre à faire cesser son signalement dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant de la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 21 décembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2214431 du 23 novembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de rejeter la requête présentée par M. D... en première instance. Il soutient que : - c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a estimé que l'arrêté attaqué était entaché d'une erreur de fait alors que le dossier AGDREF du requérant ne comportait pas la mention d'une demande de titre de séjour et qu'en tout état de cause, l'intéressé, entré irrégulièrement en France et s'y étant maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, entrait dans le champ d'application du 1°) de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'arrêté litigieux a été signé par une autorité compétente ; - la décision d'obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée ; - cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ; - la décision refusant d'accorder au requérant un délai de départ volontaire est suffisamment motivée ; - cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant ; - la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est suffisamment motivée ; - cette décision ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur d'appréciation. La requête a été communiquée à M. D... qui n'a pas présenté de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. D..., ressortissant tunisien, né le 23 février 1994 et entré en France, selon ses déclarations, en 2018, a demandé au président du tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Le préfet des Hauts-de-Seine fait appel du jugement du 23 novembre 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 21 septembre 2022, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de prendre toute mesure propre à faire cesser son signalement dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant de la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. La magistrate désignée a annulé l'arrêté du 21 septembre 2022 au motif qu'il était entaché d'une erreur de fait, dès lors que, pour obliger M. D... à quitter le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine avait considéré que le requérant s'était maintenu sur le territoire national sans avoir accompli de démarches en vue de la régularisation de sa situation administrative alors que M. D... avait déposé le 3 juin 2022 une demande de titre de séjour et que la vérification de sa situation administrative était aisée. 3. Cependant, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que, pour obliger M. D... à quitter le territoire français, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur les dispositions du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a relevé que l'intéressé avait déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français en 2018 et qu'il s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Si l'arrêté litigieux mentionne que M. D... n'a pas accompli de démarches en vue de la régularisation de sa situation administrative, il est constant que le préfet aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif. Il suit de là que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté en litige du 21 septembre 2022 au motif tiré de ce qu'il serait entaché d'une erreur de fait. 4. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil. Sur la légalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français : 5. En premier lieu, par un arrêté PCI n° 2022-078 du 31 août 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 1er septembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a donné délégation à M. B... C..., adjoint au chef du bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, signataire des décisions contestées, pour signer notamment les décisions d'obligation de quitter le territoire français assorties ou non d'un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté. 6. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de la décision en litige, ni des autres pièces du dossier que le préfet des Hauts-de-Seine aurait omis de procéder à un examen particulier de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de M. D.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de la situation du requérant dont serait entaché la décision litigieuse doit être écarté. 7. En dernier lieu, si M. D... soutient qu'entré en France en 2018, il travaille sous contrat à durée indéterminée depuis le 25 novembre 2020, il ressort toutefois des pièces du dossier que le requérant est célibataire et sans charge de famille, qu'il ne justifie pas d'une intégration particulière en France et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par suite, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé en l'obligeant à quitter le territoire français. Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : 8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". 9. Le préfet des Hauts-de-Seine a pu légalement prononcer une interdiction de retour à l'encontre de M. D... dès lors qu'aucun délai de départ ne lui a été accordé pour se conformer à l'obligation de quitter le territoire national prononcée à son encontre. Compte tenu notamment de la faible ancienneté de la présence en France du requérant et des éléments mentionnés au point 7, le préfet a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation décider de prononcer une interdiction de retour d'une durée d'un an. 10. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 21 septembre 2022, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. D... dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de prendre toute mesure propre à faire cesser son signalement dans le système d'information Schengen et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2214431 du 23 novembre 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : La demande n° 2214431 présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA05416 2 |
|
CETATEXT000048424065 | J1_L_2023_11_00022PA05418 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424065.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA05418, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA05418 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | BECHIEAU | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... C... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 16 avril 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2106601 du 5 octobre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée les 21 décembre 2022, Mme C..., représentée par Me Bechieau, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2106601 du 5 octobre 2022 du tribunal administratif de Melun ; 2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2021 de la préfète du Val-de-Marne ; 3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " membre de famille de citoyen européen " ou " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : S'agissant de la décision de refus de séjour : - elle est entachée d'un défaut de motivation ; - elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ; - elle méconnaît les stipulations des articles 6.5 de l'accord franco-algérien, 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde ; - elle est illégale au regard des mêmes moyens que ceux soulevés contre la décision de refus de titre de séjour. Par un mémoire complémentaire enregistré le 22 septembre 2023, Mme C... a informé la Cour qu'elle s'est vu délivrer, le 4 mai 2023, un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 3 mai 2024 et qu'elle maintient ses conclusions à fin d'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense. La requérante a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 17 janvier 1977, est entrée en France le 2 août 2017 sous couvert d'un visa valable du 3 juillet 2017 au 2 juillet 2018. Par un arrêté du 16 avril 2021, la préfète du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme C... fait appel du jugement du 5 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Il ressort des pièces du dossier que la préfète du Val-de-Marne a délivré à Mme C..., le 4 mai 2023, un certificat de résidence algérien valable jusqu'au 3 mai 2024. L'arrêté du 16 avril 2021 ayant de ce fait été abrogé, les conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par la requérante sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'y statuer. Sur les frais liés à l'instance : 3. Mme C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Son avocat peut donc se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à l'avocate de Mme C..., Me Béchieau, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 2106601 du 5 octobre 2022 du tribunal administratif de Melun et de l'arrêté du 16 avril 2021 de la préfète du Val-de-Marne. Article 2 : L'Etat versera à Me Béchieau la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA05418 2 |
CETATEXT000048424066 | J1_L_2023_11_00022PA05419 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424066.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 22PA05419, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 22PA05419 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | ANGLADE & PAFUNDI A.A.R.P.I | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2022 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé de son transfert aux autorités bulgares, d'enjoindre à ce préfet d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par un jugement n° 2222702/8 du 23 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 18 octobre 2022, a enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 100 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la Cour : Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 21 décembre 2022 et le 12 janvier 2023, le préfet des Hauts-de-Seine demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2222702/8 du 23 novembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la requête présentée par M. B... en première instance. Il soutient que : - le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation et d'une erreur de droit, au regard des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; - la décision contestée a été signée par une autorité compétente ; - elle est suffisamment motivée ; - la situation de l'intéressé a été examinée de manière complète ; - la procédure de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 a été respectée, car l'entretien individuel a été réalisé avec un interprète en langue pachtou, que le requérant a déclaré comprendre et le résumé de cet entretien lui a été remis ; - le principe du contradictoire a été respecté, car le requérant a pu formuler des observations avant l'édiction de la mesure ; - les dispositions des articles 24 et 25 de ce règlement n'ont pas été méconnues, car les autorités bulgares ont tacitement accepté leur responsabilité et ont été informées de cette acceptation ; - le moyen tiré de la violation de l'article 26 du même règlement est inopérant, car les irrégularités qui affectent la notification de cette décision sont sans incidence de celle-ci ; - il n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en œuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ; - la décision litigieuse n'a pas été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le requérant n'établit pas qu'elle l'exposerait à un risque personnel de traitement inhumain et dégradant ; - cette décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense enregistré le 19 avril 2023, M. B..., représenté par Me Parfundi, demande à la Cour : 1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ; 2°) de rejeter la requête présentée par le préfet des Hauts-de-Seine ; 3°) de confirmer le jugement n° 2222702/8 du 23 novembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le jugement attaqué est bien fondé ; - la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des défaillances systémiques des autorités bulgares dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, prévues à l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; - cette décision a été prise en violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au regard du risque de traitements inhumains ou dégradants encouru par le requérant en cas de transfert ; - le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne mettant pas en œuvre la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 avril 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Par une lettre du 9 octobre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'existence d'un éventuel non-lieu à statuer sur les recours du préfet des Hauts-de-Seine, dans la mesure où l'arrêté de transfert de M. B... en date du 18 octobre 2022 n'est plus susceptible d'exécution à l'expiration d'un délai de six mois ayant couru à compter de la notification du jugement du tribunal administratif de Paris du 23 novembre 2022 au préfet des Hauts-de-Seine. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ; - le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac ; - le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant afghan, né le 10 juin 1992 est entré irrégulièrement en France et y a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile le 2 septembre 2022. La consultation du fichier Eurodac ayant révélé que l'intéressé avait présenté une demande d'asile auprès des autorités bulgares le 30 juin 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a adressé à ces autorités une demande de reprise en charge de M. B... en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que les autorités bulgares ont acceptée. Le préfet des Hauts-de-Seine a décidé du transfert de M. B... aux autorités bulgares par un arrêté du 18 octobre 2022, lequel a été annulé par un jugement du 23 novembre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris. Le préfet des Hauts-de-Seine fait appel de ce jugement. Sur les conclusions tendant à l'admission à l'aide juridictionnelle provisoire : 2. Par une décision du 17 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. En conséquence, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions présentées par ce dernier tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer : " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". 4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) / Lorsqu'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. Le président du tribunal administratif statue dans un délai de quatre-vingt-seize heures à compter de l'expiration du délai de recours (...) ". 5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, a été notifié à l'administration, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale. 6. Si le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 a été interrompu par l'introduction, par M. B..., d'un recours contre l'arrêté du 18 octobre 2022, un nouveau délai de six mois a commencé à courir à compter de la notification au préfet des Hauts-de-Seine le 23 novembre 2022, du jugement du même jour rendu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ce délai aurait été prolongé, en application du paragraphe 2 de l'article 29, en raison de l'emprisonnement ou de la fuite de l'intéressé, ou que la décision de transfert aurait été exécutée à la date d'expiration de ce délai de six mois. Dès lors, en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, la France est devenue responsable de l'examen de la demande de protection internationale de M. B.... 7. Par suite, la requête du préfet des Hauts-de-Seine tendant à l'annulation du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 18 octobre 2022 décidant le transfert de M. B... aux autorités bulgares est devenue sans objet. Dès lors, il n'y a pas lieu d'y statuer. 8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme qu'il demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet des Hauts-de-Seine tendant à l'annulation du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris du 23 novembre 2022. Article 2 : Il n'y a pas lieu à statuer sur les conclusions de M. B... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire. Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 22PA05419 2 |
CETATEXT000048424067 | J1_L_2023_11_00023PA00044 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424067.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA00044, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00044 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | BROCARD | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2211982 du 20 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l'intéressé. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 5 janvier 2023 M. A..., représenté par Me Brocard, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2211982 du 20 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 15 mars 2022 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, la mention " salarié " dans un délai d'un mois sous astreinte de 50 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et de réexaminer sa situation administrative dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - le jugement est entaché d'une erreur de droit. En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : - elle est irrégulière en raison du défaut de saisine de la commission du titre de séjour ; - elle méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - par voie d'exception, elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur la décision de refus de titre qui est entachée d'illégalité. Par un mémoire en défense enregistré le 12 mai 2023 le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 21 novembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 5 juin 1965 à Fadiar, est entré en France le 13 septembre 2006 selon ses déclarations. Par un arrêté en date du 7 juin 2021, le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et l'a interdit de retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois. Par un jugement n° 2112187 en date du 26 juin 2021, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté précité pour défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... et enjoint au préfet de police de statuer à nouveau sur sa situation. A l'issue de ce réexamen, le préfet de police a, par un arrêté du 15 mars 2022, refusé de délivrer à M. A... un titre de séjour, a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2211982 du 20 septembre 2022 dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions. Sur la régularité du jugement : 2. M. A... soutient que le jugement est entaché d'une erreur de droit. Ce moyen, qui relève du bien-fondé de la décision juridictionnelle attaquée, ne constitue pas un moyen touchant à sa régularité. En tout état de cause, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. M. A... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'erreur de droit pour demander l'annulation du jugement attaqué. Sur le bien-fondé du jugement : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 3. En premier lieu, dès lors que M. A... ne faisait valoir aucun élément nouveau à l'appui de sa demande de réexamen, autre que la durée de la présence en France de l'intéressé, le préfet n'était pas tenu de saisir à nouveau la commission du titre de séjour qui avait rendu un avis, au demeurant favorable, le 20 septembre 2018 au regard de ces mêmes éléments. Aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obligation au préfet, dans le cadre de l'examen d'une nouvelle demande de titre de séjour au titre de l'admission exceptionnelle, de saisir de nouveau la commission du titre de séjour du cas de M. A.... C'est ainsi à juste titre que le tribunal administratif, au point 4 de son jugement, a écarté le moyen tiré du vice de procédure dont aurait été entachée la décision litigieuse. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14 ". 5. En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 435-1, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour. 6. M. A... soutient qu'il est présent en France depuis 2006. Toutefois, l'ancienneté du séjour en France, ne constitue pas, à elle seule, un motif exceptionnel d'admission au séjour ou une considération humanitaire au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il est sans charges de famille sur le territoire français, qu'il n'établit l'existence d'aucun lien particulier qu'il y aurait noué et que son épouse et ses enfants majeurs vivent dans son pays d'origine. Par ailleurs, la production d'un bulletin de salaire pour le mois d'août 2009 en qualité d'agent d'entretien, de fiches de paie pour la période comprise entre avril 2011 et juin 2012 en qualité de manœuvre et enfin d'un bulletin de salaire pour le mois de décembre 2021 en qualité de plongeur ne permet pas d'établir une insertion professionnelle notable. En outre, l'intéressé ne fait état d'aucune perspectives d'évolution professionnelle. Dans ces conditions, l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... par la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ne se justifiait ni par des considérations humanitaires, ni au regard de motifs exceptionnels. M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer à titre exceptionnelle une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié ". 7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". 8. Si M. A... se prévaut de sa présence en France depuis 2016 et soutient disposer d'attaches familiales sur le territoire national, dont il n'établit pas la réalité, le requérant conserve des attaches dans son pays d'origine où résident son épouse et ses enfants et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de quarante-et-un ans. Il est en outre sans emploi et ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Par suite, et alors au demeurant qu'il n'établit pas avoir présenté de demande de titre sur le fondement de l'article L. 423-23 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en prenant la décision contestée. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire : 9. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit par suite être écarté. 10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de la justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00044 2 |
CETATEXT000048424068 | J1_L_2023_11_00023PA00070 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424068.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA00070, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00070 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | SELARL AEQUAE | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2103172 du 9 décembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 6 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Vitel, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2103172 du 9 décembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil; 2°) d'annuler l'arrêté du 27 janvier 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis; 3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant ce réexamen ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : - elle n'est pas suffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen ; - le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour en application des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'une erreur de fait sur sa durée de présence en France ; - elle méconnait les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû régulariser sa situation ; - elle est entachée d'erreurs manifestes d'appréciation ; En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire : - elle est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour ; - elle est entachée d'un défaut d'examen, le préfet s'étant considéré en situation de compétence liée par le refus de séjour ; - elle ne pouvait être légalement prise dès lors qu'il remplit les conditions d'octroi d'un titre de séjour de plein droit ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire : - elle est fondée sur des décisions illégales de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire ; - elle n'est pas suffisamment motivée ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - elle est fondée sur une décision illégale d'obligation de quitter le territoire ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus, au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gobeill, - et les observations de Me Charles, substituant Me Vitel, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 27 janvier 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'octroyer à M. A..., ressortissant algérien, un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 9 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 2. En premier lieu, la décision contestée, prise au visa de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, fondement de sa demande de titre de séjour, mentionne qu'il est célibataire, père de deux enfants, qu'il ne justifie ni de l'intensité ni de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France et que rien ne l'empêche de poursuivre le centre de ses intérêts en Algérie. Elle est ainsi suffisamment motivée, le préfet n'étant pas tenu de viser les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ni l'ensemble des éléments de fait relatifs à sa situation personnelle. 3. En deuxième lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que l'arrêté contesté serait entaché d'un défaut d'examen. 4. En troisième lieu, aux termes des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 5. Outre que M. A... soutient sans l'établir qu'il est entré en France en 1995, il ressort des pièces du dossier qu'il a été expulsé du territoire en 2009, et qu'il y est de nouveau entré irrégulièrement en 2014 à l'âge de 29 ans, conformément à ce que relève sans erreur de fait la décision. A supposer même qu'il vive habituellement sur le territoire français depuis cette date, ce qui ne ressort pas des pièces produites, notamment des quelques relevés d'opérations bancaires, des attestations d'élections de domicile et des documents médicaux parcellaires produits, il est séparé de la mère de ses enfants et n'établit pas l'intensité des relations qu'il a nouées avec ces derniers, nés en 2009 et en 2017, par la seule production des documents d'identité de ces derniers, d'une attestation de leur mère, du jugement du 9 novembre 2021 du juge aux affaires familiales de Bobigny, de la preuve du paiement de la pension alimentaire prévue par ce jugement, du bulletin scolaire de l'aînée et de quelques photographies ponctuelles. Il en résulte qu'en prenant la décision contestée, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit à la vie privée et familiale de M. A... une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi et n'a pas plus méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. La décision n'est ainsi pas plus entachée d'erreurs manifestes d'appréciation. 6. En quatrième lieu, il ne ressort pas de ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû régulariser la situation de l'intéressé. 7. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ".L'article L 312-2 dispose : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission que du seul cas des ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues , notamment , à l'article 6 de l'accord franco-algérien , équivalentes à celles de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile , auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité , et non celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions. 8. Or il résulte de ce qui a été dit précédemment que M. A... ne justifie pas satisfaire aux dispositions, notamment, de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, équivalant à celles prévues par l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de se prononcer sur sa demande de titre de séjour. En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire : 9. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, en conséquence, être écarté. 10. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait considéré en situation de compétence liée par le refus de séjour. Le moyen tiré de l'erreur de droit ne peut donc qu'être écarté. 11. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt. 12. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 13. En dernier lieu, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait légalement prendre la décision contestée dès lors que M. A... ne remplissait pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour de plein droit. En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire : 14. En premier lieu, les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant entachées d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision la décision fixant le délai de départ volontaire doit, en conséquence, être écarté. 15. En deuxième lieu, le moyen tiré du défaut de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus au point 14 du jugement attaqué. 16. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5 du présent arrêt. 17. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 18. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision la décision fixant le pays de destination doit, en conséquence, être écarté. 19. En deuxième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux rappelés au point 5 du présent arrêt, cette décision n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. 20. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation. 21. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision 2 N° 23PA00070 |
CETATEXT000048424069 | J1_L_2023_11_00023PA00260 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424069.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA00260, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00260 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | CANTON-FOURRAT | Mme Irène JASMIN-SVERDLIN | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le préfet de police lui a retiré son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2221418/8 du 28 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 19 juillet 2022 du préfet de police et lui a enjoint de restituer à Mme A... sa carte de résident dans un délai de trois mois. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2023, le préfet de police demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2221418/8 du 28 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) de rejeter la demande de première instance de Mme A.... Il soutient que c'est à tort que le tribunal a estimé que l'arrêté du 19 juillet 2022 est entaché d'une erreur de droit. Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Canton-Fourrat conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de police de lui restituer son titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de condamner l'Etat aux dépens. Par une décision du 24 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris, a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., née le 10 mai 1984, de nationalité ivoirienne, est entrée en France le 13 mai 2011. Mme A..., mère de trois enfants dont l'un de nationalité française, a bénéficié de plusieurs titres de séjour temporaires avant de se voir octroyer une carte de résidence " vie privée et familiale " d'une durée de 10 ans valable du 12 septembre 2017 au 11 septembre 2027, sur le fondement de l'article L. 423-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 2 septembre 2021, Mme A... a fait l'objet d'un signalement par la direction de la coopérative internationale de sécurité du service de sécurité intérieur de la Côte d'Ivoire pour avoir tenté d'introduire dans l'espace Schengen un enfant mineur en usurpant la carte nationale d'identité de son fils français contre rémunération, et ce à l'occasion d'un vol reliant Abidjan et Istanbul, et dont la destination finale était l'Allemagne. Après avoir eu connaissance de ce signalement, le préfet de police, a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 mai 2022, d'une part, informé Mme A... qu'il envisageait de procéder au retrait de sa carte de résident et d'autre part, invité l'intéressée à présenter ses observations écrites. Le courrier lui a été retourné avec la mention " pli avisé et non réclamé ". Par un arrêté du 19 juillet 2022, le préfet de police lui a retiré sa carte de résident, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif : 2. Aux termes de l'article L. 241-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation aux dispositions du présent titre, un acte administratif unilatéral obtenu par fraude peut être à tout moment abrogé ou retiré. ". 3. Il ressort des dispositions précitées qu'un acte administratif obtenu par fraude ne crée pas de droits et, par suite, peut être retiré ou abrogé par l'autorité compétente pour le prendre, alors même que le délai de retrait de droit commun serait expiré. Toutefois, dès lors que les délais encadrant le retrait d'un acte individuel créateur de droit sont écoulés, il appartient à l'administration d'établir la preuve de la fraude, tant s'agissant de l'existence des faits matériels l'ayant déterminée à délivrer l'acte que de l'intention du demandeur de la tromper, pour procéder à ce retrait. 4. Pour annuler la décision contestée, le tribunal administratif de Paris a retenu que le préfet avait commis une erreur de droit dès lors que le motif exposé dans l'arrêté litigieux, soit, la tentative d'introduction d'un mineur dans l'espace Schengen au moyen de la carte nationale d'identité du fils français de l'intéressée, n'était pas par lui-même de nature à justifier le retrait de la carte de résident de Mme A... dès lors que cette utilisation frauduleuse n'a pas été de nature à induire en erreur l'administration en vue de la délivrance de son titre de séjour. Si le préfet soutient que Mme A... a commis une fraude de nature à justifier le retrait de son titre de séjour pour le motif exposé, ainsi que l'ont jugé les premiers juges, les faits commis par l'intéressée, pour gravement répréhensibles qu'ils soient, ne sont pas de nature à démontrer l'intention de Mme A... de tromper le préfet quant à l'octroi d'un tel titre de séjour. Au surplus, la circonstance que Mme A... ait fait l'objet de signalements pour des faits d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France en 2018 n'est pas de nature à justifier le retrait de son titre de séjour, dès lors que le préfet n'a motivé son arrêté qu'au seul motif de la fraude. 5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé, pour erreur de droit, son arrêté du 19 juillet 2022 prononçant à l'encontre de Mme A... le retrait de sa carte de résident d'une durée de dix ans. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 6. Dès lors que, par le présent arrêt, la Cour rejette les conclusions dirigées contre le jugement d'annulation, celui-ci demeure exécutoire et la décision prise pour son exécution, produit toujours ses effets. Dès lors, les conclusions présentées par Mme A... à fin d'injonction sont sans objet. Il appartient au préfet de police, s'il s'y croit fondé, de se prononcer à nouveau sur la situation de la requérante au regard de son droit au séjour. Sur les dépens : 7. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, les conclusions présentées à ce titre par Mme A... doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée. Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par Mme A... est rejeté. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Mme B... A.... Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, I. JASMIN-SVERDLINLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA00260 |
CETATEXT000048424070 | J1_L_2023_11_00023PA00488 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424070.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA00488, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00488 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | BREVAN | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2214984/6-2 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 3 février 2023, Mme A..., représentée par Me Brevan, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2214984/6-2 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ; 2°) à titre principal, d'annuler les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français du 31 mars 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 4°) à titre subsidiaire, d'annuler l'obligation de quitter le territoire français ; 5°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sous astreinte de 150 euros par jour de retard durant cet examen ; 6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement n'a pas statué sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation soulevé à l'encontre l'obligation de quitter le territoire français ; En ce qui concerne la décision de refus de séjour : - elle n'est pas suffisamment motivée ; - le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'elle résidait en France depuis plus de 10 ans, fondement sur lequel elle avait déposé sa demande de titre de séjour ; - elle méconnait les dispositions des articles L. 313-11 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français : - elle a été prise sur le fondement d'une décision de refus de séjour illégale ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle méconnait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la même convention ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 31 mars 2022, le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A..., ressortissante malienne, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 2 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement contesté : 2. Alors que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation affectant l'obligation de quitter le territoire avait été soulevé par Mme A..., il ne ressort pas des mentions du jugement attaqué que ce dernier aurait statué sur ce moyen qui n'est au demeurant pas visé. Il s'ensuit qu'il est entaché d'une omission à statuer. 3. Mme A... est donc fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier et doit être annulé. Il y a donc lieu pour la Cour, statuant par la voie de l'évocation, d'examiner les moyens articulés à l'encontre de l'arrêté en litige. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 4. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les textes applicables et mentionne notamment que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Mali et qu'elle peut voyager sans risque vers ce pays. Elle est ainsi suffisamment motivée. 5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...). ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313 22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ". 6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police justifie avoir recueilli l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel a rendu un avis le 23 décembre 2021, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant la transmission de l'avis au demandeur. 7. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, l'arrêté attaqué mentionne que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Mali et qu'elle peut voyager sans risque vers ce pays. Mme A..., qui souffre d'une hépatite B chronique, conteste l'appréciation portée par le préfet de police et soutient que les soins dont elle a besoin ne sont pas disponibles au Mali. Toutefois, les ordonnances et les certificats médicaux qu'elle produit, attestant que l'hépatite B chronique dont elle souffre nécessite une surveillance régulière de la PCR et selon lesquels ne sont disponibles au Mali ni les dosages de PCR ni les traitements antiviraux, ne sont pas de nature à remettre en cause les motifs de la décision du préfet de police, ce dernier faisant valoir en défense et sans être utilement contesté qu'il existe au Mali des structures hospitalières prenant en charge les pathologies hépatiques. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code précité ne peut qu'être écarté, ainsi que celui de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 du même code, en tout état de cause abrogées à la date de la décision attaquée. 8. En troisième lieu, Mme A... n'établissant pas avoir déposé sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour, ainsi que l'établit la fiche de salle du 5 août 2021, laquelle comporte la mention " titre de séjour demandé : santé ", elle ne peut utilement invoquer la circonstance qu'elle résiderait en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée pour soutenir que le préfet aurait dû soumettre son cas à la commission du titre de séjour, une telle obligation étant seulement prévue par les dispositions de l'article L. 435-1 du code précité qui ne constituent pas le fondement du titre de séjour demandé. 9. En dernier lieu, si Mme A... fait valoir qu'elle réside sur le territoire français depuis l'année 2012, qu'une partie de sa famille réside régulièrement en France dont le père de son enfant né en 2018 dont elle est séparée, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est entrée en France qu'à l'âge de 23 ans. De plus, et nonobstant les dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 19 janvier 2021, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'à la date de la décision, le père de son enfant, qui ne dispose pas de l'autorité parentale, contribuerait effectivement à son entretien et aurait noué avec son fils une relation affective, les quelques photographies et les virements bancaires réalisés par le père postérieurement à la décision attaquée n'étant pas de nature à démontrer la réalité de ces liens. Il en résulte que la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire : 10. En premier lieu, la décision de refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. 11. En deuxième lieu, et pour les mêmes faits que ceux mentionnés au point 9, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 12. En troisième lieu, et pour les motifs rappelés au point 7 du présent arrêt, la décision contestée n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose que " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". 13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Compte tenu de ce qui a été rappelé au point 9 du présent arrêt, la décision n'a pas méconnu les stipulations précitées et n'est pas plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation. 14. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article 2 de la même convention stipule que : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ". Mme A... n'établissant pas que les soins nécessités par son état de santé ne sont pas disponibles au Mali, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté. 15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2214984/6-2 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé. Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA00488 |
CETATEXT000048424071 | J1_L_2023_11_00023PA00747 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424071.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA00747, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00747 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | LENDREVIE | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2221781/2-2 du 23 janvier 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 21 février 2023 et un mémoire complémentaire enregistré le 11 octobre 2023, M. A... C... B..., représenté par Me Lendrevie, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2221781/2-2 du 23 janvier 2023 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2022 du préfet de police ; 3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " et de lui délivrer, durant la durée de confection du titre de séjour, un récépissé l'autorisant à travailler sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation et de lui délivrer, durant le temps du réexamen, un récépissé l'autorisant à travailler sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : - elle n'est pas suffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ; - elle méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - il vit en France depuis plus de 10 ans à la date de la décision contestée, et non depuis 2018 qui est sa dernière date d'entrée en France alors qu'il bénéficiait d'un titre de séjour ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français : - elle a été prise sur le fondement d'une décision de refus de séjour illégale, notamment en ce qu'elle a été prise à la suite d'une procédure irrégulière ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - elle a été prise sur le fondement d'un refus de séjour illégal ; - elle n'est pas suffisamment motivée ; - elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 avril 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus, au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gobeill, - et les observations de Me Lendrevie, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 31 août 2022, le préfet de police a refusé de délivrer à M. A... C... B..., ressortissant égyptien, un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 23 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 1. En premier lieu, en relevant que l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut n'est pas susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers l'Egypte, le préfet de police a suffisamment motivé sa décision et ne l'a pas entachée d'un défaut d'examen de sa situation. 2. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". 3. Le préfet de police, en se fondant sur l'avis des collèges des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, a considéré que le défaut de prise en charge de sa pathologie n'était pas susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il pouvait voyager sans risque vers l'Egypte. S'il ressort des pièces du dossier que le requérant est atteint d'une histiocytose langerhansienne qui entraîne pour lui des conséquences pulmonaires, les certificats médicaux produits attestent seulement que l'atteinte pulmonaire observée est actuellement stabilisée et que le patient est vu tous les six mois seulement pour des examens radiologiques. Dans ces conditions, en considérant que le défaut de prise en charge de l'intéressé ne devrait pas entraîner, pour lui, de conséquences d'une exceptionnelle gravité, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 4. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". S'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que mentionne la décision attaquée qui relève que l'intéressé ne vit en France que depuis l'année 2018, il vit en France depuis l'année 2011 comme il le soutient, il n'est en tout état de cause entré sur le territoire national qu'à l'âge de 30 ans seulement, il est célibataire, sans enfant et n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Egypte où résident ses parents selon les mentions non contestées de la décision et son intégration professionnelle, attestée seulement entre les années 2018 et 2019 par des bulletins de salaire et un contrat à durée déterminée, est encore récente. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Il n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire : 5. En premier lieu, la décision de refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. 6. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux rappelés au point 4 du présent arrêt. 7. Le requérant ne peut, en troisième lieu, utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision d'éloignement, laquelle ne fixe pas de pays de destination. 8. En dernier lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 9. En premier lieu, la décision portant refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté. 10. En deuxième lieu, la décision comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée. 11. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Il résulte de ce qui a été dit au point 3 que la décision n'a pas méconnu les stipulations précitées. Elle n'est pas plus entachée d'erreur d'appréciation. 12. Il résulte de ce qui précède que M. A... C... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... C... B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA00747 |
CETATEXT000048424072 | J1_L_2023_11_00023PA00772 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424072.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA00772, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00772 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | BEN AMMAR | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2207308 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 février 2023, M. A... D..., représenté par Me Ben Ammar, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2207308 du 7 février 2023 du tribunal administratif de Montreuil; 2°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ou " salarié " au besoin sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir. Il soutient que : - la décision a été prise par une autorité incompétente pour ce faire ; - il satisfait aux conditions d'admission sur le territoire français prévues par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait dû saisir la commission du titre de séjour ; - la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 7 avril 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de délivrer à M. D..., ressortissant serbe, un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. D... relève appel du jugement du 7 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-1827 du 19 juillet 2021 régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a donné délégation à M. C... B..., sous-préfet du Raincy, à l'effet de signer les décisions prises en matière de police des étrangers, lorsqu'elles concernent des ressortissants résidant dans l'arrondissement du Raincy. Par un arrêté n° 2021-1828 du 19 juillet 2022 régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a consenti cette même délégation à M. Mame Abdoulaye Seck, secrétaire général de la sous-préfecture du Raincy, en cas d'absence ou d'empêchement de M. B.... Par suite, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... n'était ni absent ni empêché, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1./ Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. (...) ". 4. D'une part, le requérant n'établit par aucune pièce résider habituellement en France depuis plus de dix ans de sorte que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que son épouse se maintient en France en situation irrégulière, que la demande de titre de séjour de leur fils né en 1999, et majeur à la date de la décision attaquée, n'avait pas encore fait l'objet d'une décision du préfet de police et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et un autre membre de sa fratrie. Enfin, son intégration professionnelle, en qualité de menuisier depuis le mois de mai 2020, est encore très récente. Il en résulte que sa situation ne relève ni de considérations humanitaires ni de motifs exceptionnels. 5. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, la décision n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 6. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA00772 |
CETATEXT000048424073 | J1_L_2023_11_00023PA00781 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424073.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA00781, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00781 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | SELARL COHEN LILTI COHEN | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016. Par un jugement n° 1907353 du 23 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 février 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Cohen, demandent à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1907353 du 23 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014, 2015 et 2016 ; 2°) à titre principal, de prononcer la décharge sollicitée ; 3°) à titre subsidiaire, de prononcer une réduction correspondant à la limitation du " loyer dû " à la valeur locative normale de 174 803 euros par an concernant les rehaussements des loyers " abandonnés " ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. et Mme A... soutiennent que : - le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit et erreurs manifeste d'appréciation ; - la réponse aux observations du contribuable du 23 février 2018 est insuffisamment motivée ; le non-respect d'une garantie substantielle des droits de la défense constitue à lui seul un motif de décharge en vertu des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ; - l'administration aurait dû tenir compte de la valeur locative normale du bien situé 190 bis boulevard de Charonne à Paris (75020) fixée par les parties ; - les loyers dus par la SARL ITIC n'ont pas été abandonnés, dès lors qu'ils ont fait l'objet de relances régulières et d'un accord amiable dans le cadre du protocole transactionnel du 24 novembre 2017 ; - l'administration a retenu un montant erroné au titre des loyers encaissés ; le montant du loyer fixé dans le protocole transactionnel repose sur des critères économiques normaux ; - s'agissant de l'immeuble situé 36 avenue de Rosny à Villemomble, le mandat de location présenté à l'administration fiscale est valable, la société mandataire étant toujours active selon l'INSEE ; - s'agissant du bien situé 11 rue de Mayenne à Créteil, les travaux relatifs à la piscine étaient déductibles du revenu foncier car ils ne sont pas dissociables de travaux de reconstruction de l'immeuble ; - les pénalités pour dépôt tardif de déclaration ne sont pas applicables, s'agissant d'un retard dans le dépôt de la déclaration 2072-C ; - les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées. Par un mémoire, enregistré le 14 septembre 2023, M. et Mme A... déclarent se désister de leur requête. Le mémoire en désistement a été communiqué au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui, par mémoire enregistré le 21 septembre 2023, a indiqué demander à la Cour d'en prendre acte. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme A... se sont vus notifier, à la suite du contrôle sur place de la SCI MR 36 dont M. A... possède 20 % des parts, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2014 à 2016, par une proposition de rectification du 5 décembre 2017. Par un jugement dont ils interjettent régulièrement appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande de décharge, en droits et pénalités, de ces impositions. 2. Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2023, M. et Mme A... déclarent se désister de leur requête. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. D E C I D E : Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. et Mme A.... Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD). Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00781 2 |
CETATEXT000048424074 | J1_L_2023_11_00023PA00782 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424074.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA00782, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA00782 | 9ème chambre | plein contentieux | C | M. CARRERE | SELARL COHEN LILTI COHEN | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016. Par un jugement n° 1909473 du 22 décembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 22 février 2023, M. B... représenté par Me Cohen demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 1909473 du 22 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016 ; 2°) à titre principal, de prononcer la décharge sollicitée ; 3°) à titre subsidiaire, de prononcer une réduction correspondant à la limitation du " loyer dû " à la valeur locative normale de 174 803 euros par an concernant les rehaussements des loyers " abandonnés " ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. B... soutient que : - le jugement est entaché de plusieurs erreurs de droit et erreurs manifeste d'appréciation ; - la réponse aux observations du contribuable du 23 février 2018 est insuffisamment motivée ; le non-respect d'une garantie substantielle des droits de la défense constitue à lui seul un motif de décharge en vertu des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ; - l'administration aurait dû tenir compte de la valeur locative normale du bien situé 190 bis boulevard de Charonne à Paris (75020) fixée par les parties ; - les loyers dus par la SARL ITIC n'ont pas été abandonnés, dès lors qu'ils ont fait l'objet de relances régulières et d'un accord amiable dans le cadre du protocole transactionnel du 24 novembre 2017 ; - l'administration a retenu un montant erroné au titre des loyers encaissés ; le montant du loyer fixé dans le protocole transactionnel repose sur des critères économiques normaux ; - s'agissant de l'immeuble situé 36 avenue de Rosny à Villemomble, le mandat de location présenté à l'administration fiscale est valable, la société mandataire étant toujours active selon l'INSEE ; - s'agissant du bien situé 11 rue de Mayenne à Créteil, les travaux relatifs à la piscine étaient déductibles du revenu foncier car ils ne sont pas dissociables de travaux de reconstruction de l'immeuble ; - les pénalités pour dépôt tardif de déclaration ne sont pas applicables, s'agissant d'un retard dans le dépôt de la déclaration 2072-C ; - les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées. Par un mémoire en défense enregistré le 13 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés. Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2023, M. B... déclare se désister de sa requête. Le mémoire en désistement a été communiqué au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique qui, par mémoire enregistré le 21 septembre 2023, a indiqué demander à la Cour d'en prendre acte. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Boizot ; - et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. M. B... s'est vu notifier, à la suite du contrôle sur place de la SCI MR 36 dont M. B... possède 20 % des parts, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des années 2014 à 2016, par une proposition de rectification du 5 décembre 2017. Par un jugement dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, de ces impositions. 2. Par un mémoire enregistré le 14 septembre 2023, M. B... déclare se désister de sa requête. Ce désistement est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. D E C I D E : Article 1er : Il est donné acte du désistement de la requête de M. B.... Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des finances publiques d'Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD). Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA00782 2 |
CETATEXT000048424075 | J1_L_2023_11_00023PA01244 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424075.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA01244, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA01244 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | NUNES | M. Stéphane DIEMERT | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un jugement n° 1803723 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil, saisi par Mme C... A..., épouse B..., a, notamment mis à la charge de l'État le versement au conseil de cette dernière, Me Jean-Emmanuel Nunes, d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Me Jean-Emmanuel Nunes a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'enjoindre à l'autorité compétente de prendre les mesures qu'implique l'exécution de ce jugement en lui versant la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les intérêts y afférents, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de cent euros par jour de retard. Par une ordonnance du 2 avril 2021, le président du tribunal administratif de Montreuil a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en application de l'article R. 921-6 du code de justice administrative. Par un jugement n° 2109297 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 24 mars 2023, Me Jean-Emmanuel Nunes demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2109297 du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) d'annuler la décision implicite du préfet de la Seine Saint-Denis refusant d'exécuter le jugement n° 1803723 du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Montreuil ; 3°) de condamner l'État à verser la somme de 1 500 euros, et les intérêts y afférents, à Me Jean Emmanuel Nunes, sous une astreinte définitive de 100 euros par jour de retard. Il soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, et a été rendu en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, dès lors que des pièces produites n'ont pas été transmises à la partie défenderesse ni prises en compte par la juridiction ; - le comptable assignataire a été effectivement saisi d'une demande de paiement et n'y a pas donné suite ; - le préfet de Seine-Saint-Denis ne peut légalement exiger la production d'un relevé d'identité bancaire afférent au compte de son conseil à la caisse des règlements pécuniaires des avocats, alors qu'un tel compte ne peut recevoir que des fonds destinés à être remis aux seuls clients d'un avocat, et en aucun cas des fonds ayant vocation à rémunérer directement ce dernier en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. La requête a été communiquée au préfet de Seine-Saint-Denis, qui n'a pas présenté d'observations en défense. Vu les autres pièces du dossier. Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 août 2023 à 12 heures. Vu : - la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; - le code civil ; - la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; - la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 relative aux astreintes prononcées en matière administrative et à l'exécution des jugements par les personnes morales de droit public ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ; - l'arrêté du 5 juil. 1996 fixant les règles applicables aux dépôts et maniements des fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats pour le compte de leurs clients ; - le code de justice administrative. Vu le jugement n° 1803723 du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Montreuil. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Diémert, - et les conclusions de M. Doré, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement n° 1803723 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Montreuil a condamné l'État à verser à Me Jean-Emmanuel Nunes, conseil de Mme A... épouse B..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Les diligences accomplies auprès de l'administration en vue d'obtenir l'exécution du jugement n'ayant pas abouti, une phase juridictionnelle a été ouverte par une ordonnance du premier vice-président du tribunal du 2 avril 2021. 2. Eu égard au droit propre reconnu à l'avocat auquel la juridiction a accordé le versement d'une somme sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, l'intéressé peut saisir lui-même le juge administratif, dans le cadre du livre IX du code de justice administrative, aux fins d'obtenir l'exécution de la décision juridictionnelle dont s'agit. Ainsi qu'en dispose le dernier alinéa de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Les demandes d'exécution d'un arrêt de la cour administrative d'appel ou d'un jugement rendu par un tribunal administratif situé dans le ressort de la cour et frappé d'appel devant celle-ci sont dispensées de ministère d'avocat. ". Sur la régularité du jugement attaqué : 3. Me Nunes soutient que le jugement attaqué est irrégulier, et a été rendu en méconnaissance de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, dès lors que des pièces produites n'ont pas été transmises à la partie défenderesse ni prises en compte par la juridiction. 4. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la demande de première instance, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montreuil le 20 septembre 2020, était accompagnée d'un bordereau qui se limite à mentionner deux pièces jointes, lesquelles ne correspondent pas aux documents dont il est allégué qu'ils auraient été produits à l'instance. " L'historique de Télérecours " invoqué dans la requête et sensé établir cette allégation n'est pas produit devant la Cour. Il s'ensuit que le moyen manque en tout état de cause en fait et ne peut qu'être écarté. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 5. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. Toutefois, en cas d'inexécution d'un jugement frappé d'appel, la demande d'exécution est adressée à la juridiction d'appel. Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. / (...) ". Aux termes de l'article R. 921-5 du même code : " Le président (...) du tribunal administratif saisi d'une demande d'exécution sur le fondement de l'article L. 911-4, ou le rapporteur désigné à cette fin, accomplissent toutes diligences qu'ils jugent utiles pour assurer l'exécution de la décision juridictionnelle qui fait l'objet de la demande (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 921-6 de ce code : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle (...) le président (...) du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle (...). L'affaire est instruite et jugée d'urgence. ". 6. Toutefois, d'autre part, aux termes de l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision passée en force de chose jugée a prononcé la condamnation d'une personne publique au paiement d'une somme d'argent dont elle a fixé le montant, les dispositions de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, ci-après reproduites, sont applicables : " Art. 1er. - I. Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné l'État au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. / À défaut d'ordonnancement dans les délais mentionnés aux alinéas ci-dessus, le comptable assignataire de la dépense doit, à la demande du créancier et sur présentation de la décision de justice, procéder au paiement." ". 7. Il résulte de ces dispositions législatives, reprises à l'article L. 911-9 du code de justice administrative, qu'il appartient au requérant, en l'absence d'ordonnancement de la somme d'argent qu'une personne publique a été condamnée à lui verser par une décision passée en force de chose jugée, constatée à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la décision de justice, de saisir le comptable assignataire de la dépense afin qu'il procède au paiement de cette somme. Dès lors que ces dispositions permettent à la partie gagnante, en cas d'inexécution d'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée, d'obtenir du comptable public assignataire le paiement de la somme que l'État est condamné à lui verser à défaut d'ordonnancement dans le délai prescrit, il n'y a, en principe, pas lieu de faire droit à une demande tendant à ce que le juge prenne des mesures pour assurer l'exécution de cette décision. Il en va toutefois différemment lorsque le comptable public assignataire, bien qu'il y soit tenu, refuse de procéder au paiement. 8. Me Nunes produit, pour la première fois en appel, sa demande, adressée au directeur régional des finances publiques le 13 décembre 2019, afférente au règlement de la somme à lui due, au titre du jugement n° 1803723 du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Montreuil, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, qui n'a reçu aucune réponse et dont est ainsi née une décision implicite de rejet. Dans ces conditions, l'intéressée établit que le comptable public assignataire, dûment saisi à cette fin, a implicitement refusé de procéder au paiement auquel il était tenu. Il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif de Montreuil a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande au motif que l'intéressé, qui pouvait obtenir le mandatement d'office de la somme due en saisissant le comptable assignataire de la dépense afin qu'il procède au paiement de cette somme, n'établit pas qu'il aurait effectué une telle demande. Le jugement attaqué doit ainsi être annulé. 9. En second lieu, et en tout état de cause, il résulte des dispositions combinées de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, des articles 240 et 241 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat et des articles 8, 12 et 13 de l'arrêté du 5 juillet 1996 fixant les règles applicables aux dépôts et maniements des fonds, effets ou valeurs reçus par les avocats pour le compte de leurs clients, que la caisse des règlements pécuniaires des avocats ne peut être destinataire que des fonds reçus par les avocats pour le compte de leurs clients et destinés à leur être remis, et non des fonds à verser directement à l'avocat en application, notamment, de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Dès lors que, comme en l'espèce, les sommes dues à Me Nunes en application du jugement du 20 juin 2019 du tribunal administratif de Montreuil n'ont pas vocation à être remises à un client de l'intéressé, le préfet de Seine-Saint-Denis ne pouvait légalement subordonner leur versement à la production d'un relevé d'identité bancaire afférent au compte ouvert à la caisse des règlements pécuniaires des avocats. 10. À la date du présent arrêt, le préfet de Seine-Saint-Denis n'a pas pris de mesures propres à assurer l'exécution du jugement n° 1803723 du 20 juin 2019. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de prononcer à l'encontre de l'État, à défaut pour lui de justifier de cette exécution dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 100 euros par jour jusqu'à la date à laquelle le jugement précité aura reçu exécution. 11. Par ailleurs, aux termes de l'article 1153-1 du code civil : " En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. (...) " ; ainsi, alors même que le jugement du 20 juin 2019 ne l'a pas prévu explicitement, la somme de 1 500 euros allouée au titre des frais non compris dans les dépens en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 est productive d'intérêts. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2109297 du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de l'État (ministère de l'intérieur et des Outre-mer) s'il ne justifie pas avoir, à compter de l'expiration d'un délai de trois mois suivant la notification de la présente décision, exécuté le jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 1803723 du 20 juin 2019, et jusqu'à la date de cette exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 100 euros par jour. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Jean-Emmanuel Nunes et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer. Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Seine-Saint-Denis et au directeur régional des finances publiques d'Île-de-France. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, S. DIÉMERTLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA01244 |
CETATEXT000048424076 | J1_L_2023_11_00023PA01798 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424076.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA01798, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA01798 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | BROCARD | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 19 avril 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2106448 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de l'intéressée. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 28 avril 2023 Mme B..., représentée par Me Brocart, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2106448 du 16 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 19 avril 2021 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer immédiatement une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et de procéder au réexamen de sa situation administrative, dans un délai d'un mois suivant l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - la décision lui refusant le renouvellement de son titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ; - elle a méconnu les dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'illégalité de la décision de refus de séjour prive de base légale l'obligation de quitter le territoire français. La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du 16 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., de nationalité comorienne, née le 31 décembre 1986, a été admise au séjour en France au titre du regroupement familial et est entrée à ce titre sur le territoire français le 26 décembre 2017. Elle a sollicité le 8 février 2019 le renouvellement de son titre de séjour. Par un arrêté du 19 avril 2021, pris sur le fondement de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté cette demande au motif que l'intéressée ne justifie plus d'une communauté de vie avec son époux et ne remplit donc plus les conditions du regroupement familial pour continuer à séjourner en France. Par voie de conséquence, le préfet l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2106448 du 16 novembre 2022 dont elle interjette régulièrement appel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté précité. 2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas examiné la situation de la requérante au regard des éléments dont il avait connaissance, quand bien même la décision en litige ne mentionne pas les violences conjugales alléguées par la requérante dans le courriel du 10 novembre et le courrier du 14 novembre 2018 adressés par l'association La Cimade à la préfecture de la Seine-Saint-Denis antérieurement à sa demande de renouvellement de titre de séjour. En outre, si la requérante soutient avoir annexé à sa demande de renouvellement de titre de séjour déposée le 8 février 2019 un courrier où elle exposait de manière précise et détaillée les violences conjugales dont elle a été victime de la part de son époux, elle n'établit pas que ce courrier aurait été reçu par les services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'examen particulier de la situation de la requérante doit être écarté. 3. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 431-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable : " Les membres de la famille entrés en France régulièrement au titre du regroupement familial reçoivent de plein droit une carte de séjour temporaire, dès qu'ils sont astreints à la détention d'un titre de séjour ". Aux termes de l'article L. 431-2 du même code : " 1. En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. / (...) 4 En outre, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". 4. Pour l'application des dispositions précitées, la notion de violences conjugales inclut non seulement les violences physiques et sexuelles mais également les violences psychologiques et économiques, au nombre desquelles figurent la privation de ressources financières et la privation d'accès au domicile conjugal. 5. Par ailleurs, si ces dispositions ouvrent droit à un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " au conjoint d'un étranger, vivant en France dans le cadre d'un regroupement familial et victime de violences conjugales, il incombe à l'autorité préfectorale, saisie d'une telle demande, d'apprécier, sous l'entier contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'intéressé justifie la délivrance du titre à la date où il se prononce, en tenant compte, notamment, des éléments probants relatifs aux violences conjugales. 6. Mme B... soutient avoir été victime de comportements humiliants et injurieux de la part de son époux et que la vie commune a été rompue en raison des violences psychologiques que lui aurait fait subir celui-ci qui l'ont obligée à quitter le domicile conjugal. Comme il a été indiqué au point 4 du présent arrêt, des violences psychologiques peuvent constituer des violences conjugales au sens de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au même titre que des violences physiques. Pour étayer ses dires, la requérante produit une main courante en date du 10 juillet 2018 mentionnant que son époux l'a obligée à quitter le domicile familial le 22 juin 2018 et que, depuis cette date, elle réside chez une amie, deux attestations en date des 22 janvier et 30 novembre 2018 établies par la sage-femme coordinatrice de la Maison des femmes de Saint-Denis qui précisent que Mme B... bénéficie d'un suivi médical et psychologique ainsi qu'un accompagnement personnalisé au regard des humiliations dont elle s'est déclarée victime de la part de son époux, ainsi qu'une attestation en date du 26 octobre 2018 rédigée par l'équipe du lieu d'accueil et d'orientation SOS Femmes 93 faisant état de sa participation à l'accueil collectif depuis juin 2018, un courrier du 1er juin 2018 établi par la coordinatrice de consultation pour femmes victimes de violence de la Maison des femmes qui mentionne que l'époux de Mme B... refuse de lui fournir les documents nécessaires à ses démarches administratives et de subvenir à ses besoins quotidiens, et des certificats médicaux en date du 29 octobre 2018 et du 22 novembre 2018, le premier établi par un médecin généraliste - au demeurant presque identiques à l'attestation précitée, le second par une psychologue de l'unité médico-judiciaire. Toutefois, ces certificats et attestations, lesquels se bornent à reprendre les affirmations de la requérante, ne permettent de tenir pour établie la réalité des violences qu'elle n'allègue ni de vérifier leur imputabilité au comportement adopté par son époux en l'absence de tout autre élément de nature à établir l'existence des violences conjugales alléguées. Dès lors, la communauté de vie entre Mme B... et son conjoint ne peut être regardée comme ayant été rompue en raison de violences conjugales au sens de l'article L. 431-2, de sorte que Mme B... ne remplissait pas la condition de communauté de vie entre époux prévue tant par l'article L. 431-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. 7. En dernier lieu, la décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit par suite être écarté. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de la justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA01798 2 |
CETATEXT000048424077 | J1_L_2023_11_00023PA02074 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424077.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA02074, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA02074 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | JASLET | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'ordonner la communication de l'ensemble des documents sur lesquels le préfet a fondé sa décision conformément à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'annuler l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait. Par un jugement n° 2207553 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande de l'intéressé. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 12 mai 2023, et des pièces, enregistrées le 25 octobre 2023 et non communiquées, M. A..., représenté par Me Jaslet, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2207553 du 20 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 29 mars 2022 lui refusant la délivrance d'un titre séjour ; 2°) d'annuler cet arrêté ; 3°) d'enjoindre au préfet de Seine-et-Marne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 200 euros par jour de retard suivant l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative dans un délai d'un mois sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - la décision portant refus de séjour méconnaît les dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ces stipulations. La requête a été communiquée au préfet de Seine-et-Marne, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par décision du 5 juin 2023, la demande d'aide juridictionnelle de M. A... a été rejetée par le bureau d'aide juridictionnelle compétent. Cette décision a été confirmée par une ordonnance du 22 juin 2023 de la présidente de la cour administrative d'appel de Paris. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant sénégalais né en 1974, est entré en France, selon ses déclarations, en mai 2010. Il a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un jugement n° 2207553 du 20 avril 2023 dont il interjette régulièrement appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mars 2022 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il sollicitait. 2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné, le 18 octobre 2016, par la cour d'assises du Val-de-Marne, à une peine de quatorze ans de réclusion criminelle pour violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur un mineur de quinze ans par ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime. Par un jugement du 11 juillet 2022 du tribunal judiciaire de Melun, il a été admis au bénéfice de la détention à domicile sous surveillance électronique à compter du 19 juillet 2022 jusqu'au 19 mars 2023 en raison des efforts importants engagés en détention dans le travail d'introspection pour comprendre les raisons de son geste. Au regard notamment de cet élément, M. A... fait valoir que son comportement s'est avéré exemplaire au cours de sa détention pendant laquelle il a travaillé notamment dans différentes activités, témoignant ainsi de son implication, qu'il s'est investi de manière régulière dans un suivi psychologique pour s'interroger sur son passage à l'acte, ses réactions et les éléments de sa personnalité et qu'il a obtenu durant son incarcération différentes qualifications professionnelles (un certificat de compétences de citoyen sécurité civile - PSC1, un titre professionnel d'agent magasinier et de vendeur-conseil magasin, un certificat d'aptitudes professionnelles métiers de la blanchisserie et une habilitation à conduire des chariots automoteurs de manutention à conducteur porté). L'intéressé se prévaut également des efforts de réinsertion qu'il aurait démontrés durant sa détention en occupant un emploi en prison et en remboursant la partie civile. 3. Si l'expertise psychiatrique et l'attestation produites au dossier en date des 7 janvier 2020 et 30 mars 2022 font état de ce que M. A..., qui bénéficiait depuis le 1er août 2017 d'un suivi psychologique régulier, a pris conscience de la gravité des faits pour lesquels il a été condamné et des conséquences pour la victime et son entourage, que sa dangerosité criminologique, et le risque de récidive paraissent significativement plus réduites, il ressort de l'expertise mentionnée que la poursuite du travail psychologique peut générer de nouvelles prises de conscience et donner lieu à des phases d'affaissement face aux difficultés d'intégration et à l'isolement affectif auxquels il risque de se confronter à la sortie. Par ailleurs, le jugement d'admission au bénéfice de la libération conditionnelle avec détention à domicile sous surveillance électronique probatoire précité relève que le refus de l'intéressé de se soumettre à l'expertise dernièrement ordonnée pour des motifs particulièrement obscurs interroge de même que l'absence de transparence dont il semble avoir fait l'objet à l'égard de l'association chargée du suivi de sa réinsertion. Ce jugement pose notamment comme conditions que l'intéressé se soumette à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins, y compris sous le régime de l'hospitalisation, au titre du suivi psychologique. Au vu de la nature et de la gravité des faits, le préfet de Seine-et-Marne a pu légalement estimer que la présence en France de M. A... constituait une menace pour l'ordre public. Par suite, les moyens tirés de la violation des dispositions des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions doivent être écartés. 4. En second lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 5. M. A... fait valoir qu'il réside en France de manière stable et continue depuis le 23 mai 2010, que la pathologie dont il est atteint nécessite un suivi annuel en chirurgie ainsi qu'un traitement médicamenteux et qu'il a entrepris de nombreuses démarches de réinsertion sociale et professionnelle. S'il fait état de la durée de sa résidence en France, il a passé la majeure partie de ce temps en prison pour des faits particulièrement graves. Par ailleurs, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales à l'étranger, seule la présence d'une cousine étant avérée en France. De plus, les démarches d'insertion entreprises ne sont pas de nature à diminuer la gravité de la menace qu'il représente pour l'ordre public au regard des éléments mentionnés au point 3. Enfin, il ne démontre pas, par les pièces médicales produites au dossier, ni l'indisponibilité de traitements appropriés aux pathologies dont il souffre au Sénégal, ni que les institutions de santé existantes dans ce pays ne seraient pas à même de lui offrir une qualité de soins au moins équivalente à celle qui lui serait dispensée en France. Eu égard à la gravité des faits reprochés à M. A... qu'au but poursuivi, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision contestée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. 6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA02074 2 |
CETATEXT000048424078 | J1_L_2023_11_00023PA02371 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424078.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA02371, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA02371 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | SANGUE | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mai 2023 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un récépissé de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour. Par une ordonnance n° 2311062/2-2 du 26 mai 2023, le vice-président de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 30 mai 2023, M. A..., représenté par Me Sangue, demande à la Cour : 1°) d'annuler l'ordonnance n° 2311062/2-2 du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ; 2°) d'annuler la décision du préfet de police refusant de lui délivrer un récépissé de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ; 3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour dans le délai de 3 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge du préfet de police le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : -l'acte attaqué a été considéré à tort comme une décision inexistante par l'ordonnance contestée ; - la décision méconnait les dispositions de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que son dossier était complet. Par un mémoire en défense enregistré le 20 juillet 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 23 octobre 1992, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 16 mai 2023 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un récépissé de sa demande de titre de séjour. Il relève appel de l'ordonnance par laquelle le vice-président de la 2ème section a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. Pour rejeter la requête de M. A..., au visa du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le premier juge s'est fondé sur la circonstance qu'était sollicitée l'annulation d'une décision inexistante dès lors que le préfet ne pouvait être regardé comme ayant refusé de lui délivrer un récépissé de sa demande de titre de séjour. 3. Aux termes des dispositions de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code. ". Aux termes de l'article R. 431-3 du même code : " La demande de titre de séjour ne figurant pas dans la liste mentionnée à l'article R. 431-2, est effectuée à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture. ". L'article R. 431-12 du même code, applicable à la demande d'admission exceptionnelle au séjour déposée par M. A..., dispose que : " " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. Ce document est revêtu de la signature de l'agent compétent ainsi que du timbre du service chargé, en vertu de l'article R. 431-20, de l'instruction de la demande. ". 4. Il ressort des pièces du dossier que suite à son passage à la préfecture de police, M. A... s'est vu remettre un document intitulé " confirmation de dépôt d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour ", mentionnant qu'il a " déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour auprès de la préfecture de police de Paris ", que ce document " constitue la preuve du dépôt de votre demande ", qu'il " ne constitue pas une preuve de régularité du séjour et ne permet pas l'ouverture des droits associés à un séjour régulier " et que le demandeur sera informé de l'avancement et de la suite donnée dans un délai indicatif de quatre mois. 5. Le document en cause ne constitue toutefois pas le récépissé prévu par les dispositions précitées de l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, et alors que M. A... soutient que son dossier était complet, sans être explicitement contredit par le préfet de police qui, bien que disposant dudit dossier, se borne à soutenir sans plus de précisions que l'intéressé allègue sans le justifier que son dossier est complet, le préfet de police doit être regardé, dans les circonstances particulières de l'espèce, comme ayant tacitement refusé de délivrer à l'intéressé ledit récépissé en méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-12 précité. Il y a lieu, par suite, d'annuler sa décision ainsi que l'ordonnance du 26 mai 2023. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 6. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de police délivre à M. A... un récépissé de sa demande de titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à la délivrance de ce récépissé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État (ministre de l'intérieur et des outre-mer) le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A.... D E C I D E : Article 1er : L'ordonnance n° 2311062/2-2 du 26 mai 2023 est annulée. Article 2 : La décision par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer à M. A... un récépissé de demande d'admission exceptionnelle au séjour est annulée. Article 3 : Il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de procéder à la délivrance de ce récépissé dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat (ministre de l'intérieur et des outre-mer) versera à M. A... une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02371 |
CETATEXT000048424079 | J1_L_2023_11_00023PA02373 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424079.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA02373, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA02373 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | KORAYTEM | M. Jean-François GOBEILL | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D..., agissant par l'ATFPO Paris Nord et Mme B... C..., en qualité de tuteur, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement n° 2302054/1-3 du 26 avril 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 30 mai 2023, M. D..., agissant par l'ATFPO Paris Nord et Mme B... C..., en qualité de tuteur, représenté par Me Koraytem, demande à la Cour : 1°) de lui accorder l'aide juridictionnelle à titre provisoire ; 2°) d'annuler le jugement n° 2302054/1-3 du 26 avril 2023 du tribunal administratif de Paris ; 3°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 du préfet de police ; 4°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou à défaut une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 7 jours suivant la notification de la décision sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - son recours devant le tribunal administratif était recevable dès lors que la décision n'avait pas été notifiée à son tuteur ; - la décision n'est pas suffisamment motivée ; - il ne peut quitter la France sans l'autorisation ou l'accompagnement de son tuteur ; - la décision méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 17 août 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens ne sont pas fondés. M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 juillet 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 20 octobre 2022, le préfet de police a refusé de délivrer à M. D..., ressortissant comorien, un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 26 avril 2023 par laquelle le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire : 2. Par une décision du 6 juillet 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Sur les conclusions à fin d'annulation : 3. En premier lieu, la décision comporte des éléments de fait sur la situation médicale du requérant et est ainsi suffisamment motivée, quand bien même elle ne ferait pas mention de la circonstance qu'il a été placé sous tutelle par jugement du tribunal judiciaire de Paris. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...) ". 5. Pour refuser d'octroyer à M. D... le titre de séjour sollicité, le préfet de police a relevé que si l'état de santé de ce dernier nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement médical approprié aux Comores. 6. Pour contester les motifs de la décision, le requérant ne produit qu'un certificat médical du 28 février 2023, postérieur à la décision attaquée mais relatif à un état de fait antérieur, qui ne fait pas mention des soins disponibles aux Comores, ainsi que des extraits de sites internet de l'ambassade de France aux Comores, de la Croix Rouge et de la Banque Mondiale qui se bornent à décrire de façon générale le système de santé aux Comores, la circonstance qu'il soit sous tutelle n'étant pas de nature à établir qu'il ne pourrait pas y bénéficier d'un traitement. 7. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. A supposer que M. D... réside en France depuis l'année 2016 comme il le soutient et que son frère de nationalité française y vivrait également, la preuve du lien familial ne découlant pas nécessairement de la similitude du patronyme du père, il n'y serait en tout état de cause entré qu'à l'âge de 32 ans alors qu'il est célibataire, sans charge de famille et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. S'il fait valoir qu'un jugement du tribunal judiciaire l'a placé sous tutelle et qu'il ne peut pas être éloigné seul de la France, une telle circonstance relève de l'exécution de la mesure d'éloignement et non de sa légalité. Dans ces conditions, le préfet de police n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée. Il n'a, dès lors, pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 9. En dernier lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. 10. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... agissant par l'ATFPO Paris Nord et Mme B... C..., en qualité de tuteur et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de police. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - M. Gobeill, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Le président, J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE La greffière C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23PA02373 |
CETATEXT000048424080 | J1_L_2023_11_00023PA02646 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424080.xml | Texte | CAA de PARIS, 9ème chambre, 17/11/2023, 23PA02646, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA02646 | 9ème chambre | excès de pouvoir | C | M. CARRERE | Mme Sabine BOIZOT | M. SIBILLI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 décembre 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français et fixe le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par un jugement n° 2300258 du 24 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil, après avoir admis M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 15 juin 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2300258 du 24 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil ; 2°) de rejeter la demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Montreuil. Il soutient que : - c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de ce que M. A... bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés. La requête a été communiquée à M. A... qui n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Boizot a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant bangladais né le 20 juillet 1987, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), par une décision du 24 juin 2022, confirmée par une décision de la Cour national du droit d'asile (CNDA) du 23 novembre 2022 notifiée le 24 novembre 2022. Par un arrêté du 23 décembre 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Par la présente requête, le préfet de la Seine-Saint-Denis relève régulièrement appel du jugement n° 2300258 du 24 mai 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal : 2. Aux termes des dispositions de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision./ Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". L'article R. 532-57 du même code dispose que : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ". 3. En l'espèce, le premier juge a estimé que, faute de toute justification du préfet de la Seine-Saint-Denis, M. A... est fondé à soutenir qu'il ne pouvait faire l'objet d'une mesure d'éloignement tant que la décision de la CNDA n'avait pas été régulièrement lue en audience publique ou ne lui avait pas été notifiée. Or par la présente requête d'appel, le préfet produit le fichier informatique de la base de données " Telemofpra " établissant que la décision de la CNDA du 23 novembre 2022 lui a été notifiée le 24 novembre suivant. Dès lors, le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré du défaut de notification de la décision de la CNDA pour annuler son arrêté du 23 décembre 2022. Sur les autres moyens soulevés en première instance par M. A... examinés par l'effet dévolutif de l'appel : 4. En premier lieu, l'arrêté litigieux a été signé par M. C... D..., adjoint à la cheffe du bureau de l'asile, qui a reçu délégation de signature du préfet de la Seine-Saint-Denis par un arrêté n° 2022-0979 du 25 avril 2022 régulièrement publié. Le moyen tiré de l'incompétence doit donc être écarté. 5. En deuxième lieu, l'arrêté litigieux énonçant les motifs de droit et les circonstances de fait qui en constituent le fondement, le moyen tiré de l'insuffisance de sa motivation doit être écarté. De même, il ne ressort ni de cette motivation ni des autres pièces du dossier que le préfet ne se serait pas livré à un examen complet et sérieux de la situation de l'intéressé. 6. En troisième lieu, si aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. 7. Il résulte également de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. 8. M. A..., dont la demande d'asile a été définitivement rejetée par la CNDA dans les conditions mentionnées au point 1, ne pouvait ignorer qu'il ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Il ressort des pièces du dossier qu'il s'est présenté personnellement en préfecture pour l'enregistrement de sa demande d'asile, où il a pu présenter les observations qu'il estimait utiles sur sa situation. En outre, l'intéressé ne conteste pas avoir été entendu à plusieurs reprises tant par l'OFPRA que par la CNDA et ne soutient ni même n'allègue avoir de nouveaux éléments en sa possession qu'il aurait tenté en vain de porter à la connaissance de l'administration avant l'intervention de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu tel que reconnu par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. 9. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 532-54 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'informe dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend du caractère positif ou négatif de la décision prise. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ". 10. Si M. A... soutient que la décision de la CNDA ne lui aurait pas été valablement notifiée, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations, de nature à remettre en cause l'exactitude des indications figurant sur le relevé " Telemofpra ", lequel fait foi jusqu'à preuve du contraire en application des dispositions précitées de l'article R. 532-57 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, cette décision est réputée lui avoir été régulièrement notifiée. 11. En cinquième lieu, M. A... est célibataire sans charges de famille et il est dépourvu de toute attache familiale en France. En outre, il ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Enfin, si l'intéressé soutient que l'obligation de pointage prise à son encontre est disproportionnée au regard de son droit à la vie privée, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué qu'une telle mesure aurait été prise à son encontre. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent donc être écartés. 12. En sixième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire n'étant pas entachée d'illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être rejeté. 13. En dernier lieu, par ses seules affirmations, le requérant n'établit pas qu'il serait exposé à des risques actuels, personnels et réels de peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Bangladesh. L'intéressé est d'ailleurs débouté du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés, ainsi que le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine. 14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 23 décembre 2022 obligeant M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination, lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 800 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu en conséquence d'annuler les articles 2, 3 et 4 de ce jugement et de rejeter les conclusions de la demande de M. A... auxquelles il a été fait droit en première instance. D E C I D E : Article 1er : Le jugement n° 2300258 du 24 mai 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montreuil est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis. Délibéré après l'audience du 3 novembre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Carrère, président, - M. Marjanovic, président assesseur, - Mme Boizot, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 17 novembre 2023. La rapporteure, S. BOIZOTLe président, S. CARRERE La greffière, C. DABERT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. N° 23PA02646 2 |
|
CETATEXT000048424081 | J1_L_2023_11_00023PA03811 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424081.xml | Texte | CAA de PARIS, 1ère chambre, 16/11/2023, 23PA03811, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de PARIS | 23PA03811 | 1ère chambre | excès de pouvoir | C | M. LAPOUZADE | BOURDON ET ASSOCIES | M. Stéphane DIEMERT | M. DORE | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. E... C... et M. B... F... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 2 avril 2021 par lequel le Premier ministre, exerçant les attributions du garde des sceaux, ministre de la justice a renouvelé l'agrément de l'association Anticor en vue de l'exercice des droits reconnus à la partie civile. Par un jugement n° 2111821 du 23 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a fait droit à la seule demande de M. C... et prononcé l'annulation de l'arrêté contesté. Procédure devant la Cour : I. Par une requête enregistrée le 22 août 2023 sous le n° 23PA03811, l'association Anticor, représentée par Me Brenghart et Me Claoué Heylliard, demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement n° 2111821 du 23 juin 2023 du tribunal administratif de Paris en tant que, après avoir jugé recevable la demande de M. C..., il a prononcé l'annulation de l'arrêté litigieux et refusé de moduler dans le temps les effets de cette annulation ; 2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Paris par M. E... C... et M. B... F... ; 3°) à titre subsidiaire, de moduler les effets de l'annulation en différant son entrée en vigueur à l'expiration d'un délai de trois mois suivant l'arrêt à intervenir et de juger que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de l'arrêt à intervenir, les effets produits par l'agrément du 2 avril 2021 antérieurement à son annulation seront regardés comme définitifs ; 4°) de mettre à la charge de MM. C... et F..., individuellement, le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le jugement attaqué est irrégulier, comme méconnaissant le principe du contradictoire de la procédure ; - la demande de première instance est irrecevable à raison du défaut d'intérêt à agir de MM. F... et C... qui ne sont pas directement affectés par la décision litigieuse ; - la décision litigieuse est légale dès lors que les conditions de renouvellement de l'agrément étaient réunies ; - il y a lieu de procéder à une substitution de motifs dès lors qu'elle remplit effectivement les conditions posées pour le renouvellement de son agrément ; - à titre subsidiaire, la modulation de l'annulation de la décision litigieuse s'impose eu égard à l'intérêt général qui s'attache au maintien des procédures engagées devant le juge pénal. Le Premier ministre, exerçant les attributions du garde des sceaux, ministre de la justice a présenté des observations, enregistrées le 3 octobre 2023. Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2023, M. E... C... et M. B... F..., représentés par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, concluent : 1°) au rejet de la requête ; 2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté comme irrecevables, pour défaut d'intérêt à agir, les conclusions présentées par M. F... ; 3°) à ce que le versement de la somme de 2000 euros à M. C... et de la somme de 3 000 euros à M. F... soit mis à la charge de l'association requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils font valoir que : - aucun des moyens de la requête n'est fondé ; - M. F... justifie d'un intérêt à agir. II. Par une requête enregistrée le 22 aout 2023 sous le n° 23PA03813, l'association Anticor, représentée par Me Brenghart et Me Claoué Heylliard, demande à la Cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2111821 du 23 juin 2023 du tribunal administratif de Paris. Elle soutient que : - la requête au fond est fondée sur des moyens sérieux ; - le jugement attaqué est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables. Le Premier ministre, exerçant les attributions du garde des sceaux, ministre de la justice a présenté des observations, enregistrées le 3 octobre 2023. Par un mémoire en défense enregistré le 12 octobre 2023, M. E... C... et M. B... F..., représentés par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, concluent au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros à M. C... et de la somme de 3 000 euros à M. F... soit mis à la charge de l'association requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils font valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Par une ordonnance en date du 13 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 octobre 2023 à 12h dans ces deux instances. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code pénal ; - le code de procédure pénale ; - le décret n° 2014-327 du 12 mars 2014 relatif aux conditions d'agrément des associations de lutte contre la corruption en vue de l'exercice des droits reconnus à la partie civile ; - les décrets n° 2020-1293 du 23 octobre 2020 et n° 2022-847 du 2 juin 2022 pris en application de l'article 2-1 du décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Diémert, - les conclusions de M. Doré, rapporteur public, - les observations de Me Brengarth et de Me Claoué Heylliard, avocats de l'association Anticor, et de Me Thiriez, avocat de MM. F... et C.... Une note en délibéré a été présentée le 25 octobre 2023 pour l'association Anticor. Considérant ce qui suit : 1. L'association Anticor a demandé, le 28 septembre 2020, le renouvellement de l'agrément mentionné à l'article 2-23 du code de procédure pénale, en vue de l'exercice des droits reconnus à la partie civile. Par un arrêté du 2 avril 2021, le Premier ministre, exerçant en l'espèce, en application du décret n° 2020-1293 du 23 octobre 2020 pris en application de l'article 2-1 du décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres, les attributions du garde des sceaux, ministre de la justice, a renouvelé cet agrément pour une durée de trois ans à compter du même jour. M. E... C..., ancien membre de l'association Anticor et dont le renouvellement de son adhésion a été refusé par le bureau de l'association pour l'année 2021, et M. B... F..., membre de cette association, ont alors saisi le tribunal administratif de Paris aux fins d'annulation de cet arrêté. Ce tribunal, après avoir refusé d'admettre l'intervention de M. A... D... et regardé en outre la demande de M. F... comme irrecevable faute d'intérêt à agir de l'intéressé, a néanmoins fait droit à la demande en tant qu'elle émane de M. C... et a prononcé l'annulation de l'arrêté dont s'agit, par un jugement du 23 juin 2023. 2. Par sa requête n° 23PA03811, l'association Anticor relève appel de ce jugement, en tant que, après avoir jugé recevable la demande de M. C..., il a prononcé l'annulation de l'arrêté litigieux et refusé de moduler dans le temps les effets de cette annulation. Par sa requête n° 23PA03813, elle demande à la Cour de prononcer le sursis à l'exécution dudit jugement. Le Premier ministre n'a pas relevé appel de ce jugement dans le délai de deux mois suivant sa notification mais a seulement présenté, à la suite de la communication de la requête d'appel de l'association Anticor, des observations par lesquelles la Cour ne peut être saisie ni de conclusions ni de moyens. M. C... et M. F... ont également formé un appel incident contre ce jugement, en tant seulement qu'il a rejeté comme irrecevables, pour défaut d'intérêt à agir, les conclusions présentées par M. F.... 3. Il y a lieu de joindre ces deux requêtes dirigées contre le même jugement et qui ont fait l'objet d'une instruction commune. Sur les conclusions à fins de sursis à l'exécution du jugement attaqué : 4. Dès lors qu'il est statué au fond sur les conclusions de la requête n° 23PA03811, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué deviennent sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer. Sur la régularité du jugement attaqué : En ce qui concerne la méconnaissance du principe du contradictoire : 5. L'association requérante soutient que le jugement attaqué méconnait le principe du contradictoire dès lors qu'elle n'a disposé que d'un délai de sept mois pour assurer la défense de ses intérêt directs dans une procédure qui aura duré 24 mois devant le premiers juges, dans la mesure où la demande de MM. F... et C..., trois mémoires complémentaires et un mémoire en défense, transmis au tribunal plusieurs mois auparavant (les 2 juin 2021, 21 janvier 2022, 24 mars 2022, 25 mars 2022 et 1er juillet 2022), ne lui ont été communiqués que le 7 décembre 2022 et que l'affaire a été audiencée le 12 juin 2023. 6. Pour regrettable que soit le caractère tardif de la transmission, par le greffe du tribunal administratif à l'association défenderesse, de la demande d'annulation de l'arrêté portant renouvellement de son agrément et de celle, concomitante, de l'ensemble des autres écritures des parties, le délai de sept mois dont elle a ainsi bénéficié pour présenter sa défense ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant porté atteinte au principe du contradictoire. Le moyen doit donc être écarté. En ce qui concerne le refus de reconnaître à M. F... un intérêt pour agir : 7. Par la voie de l'appel incident, les demandeurs de première instance contestent la régularité du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté comme irrecevables, faute d'intérêt pour agir, les conclusions de M. F.... 8. En première instance, M. F..., membre de l'association Anticor, faisait uniquement valoir que son recours avait pour objectif de défendre les intérêts moraux de l'association au motif que son fonctionnement ne lui permet pas d'exercer son action conformément à son objet. Il ne justifiait pas, à ce seul titre, d'un intérêt suffisamment personnel et direct à agir à l'encontre d'une décision renouvelant l'agrément qui permet à ladite association, par l'exercice des droits qui lui sont reconnus par l'article 2-23 du code de procédure pénale, de remplir la mission de lutte contre la corruption que lui assignent ses statuts. 9. En revanche, en appel, M. F... invoque un intérêt moral personnel, résultant des dissensions importantes ayant vu le jour au sein de l'association et de la méconnaissance des principes défendus par cette dernière. Il justifie ainsi d'un intérêt direct à contester un acte qui, dans ce contexte, l'affecte personnellement. 10. Il y a donc lieu d'accueillir les conclusions à fin d'appel incident dirigées contre le jugement attaqué, en tant qu'il a regardé les conclusions de la demande de première instance présentées par M. F... comme irrecevables, et d'en prononcer l'annulation dans cette mesure. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance : - S'agissant de l'intérêt à agir de M. C... : 11. Les anciens membres d'une association en conflit avec cette dernière relativement aux modalités de son fonctionnement interne ou aux conditions dans lesquelles elle remplit son objet social ont en principe un intérêt moral à demander au juge de l'excès de pouvoir l'annulation d'une décision d'agrément qui lui est favorable, lorsqu'elle présente un lien suffisant avec le différend qui les oppose. 12. Ainsi que l'on relevé à bon droit les premiers juges, il est constant que M. C... est ancien vérificateur des comptes de l'association et membre de son comité d'éthique, qu'il avait, avant sa saisine du tribunal administratif de Paris, alerté le ministère de la justice sur des dysfonctionnements de l'association par un courrier du 16 juin 2020, puis été exclu de l'association le 17 septembre 2020 en raison des modalités selon lesquelles il avait dénoncé des dérives de fonctionnement. Dans ces conditions, et alors qu'il a au demeurant fait l'objet d'une plainte pour dénonciation calomnieuse de la part de l'association en décembre 2021, il doit être regardé comme ayant un intérêt personnel suffisamment direct et certain à contester la décision d'agrément attaquée, dont la délivrance est subordonnée à l'absence de dysfonctionnements tels que ceux qu'il avait dénoncés. En ce qui concerne la légalité de la décision litigieuse : 13. Aux termes de l'article 2-23 du code de procédure pénale : " Toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions suivantes : / 1° Les infractions traduisant un manquement au devoir de probité, réprimées aux articles 432-10 à 432-15 du code pénal ; / 2° Les infractions de corruption et trafic d'influence, réprimées aux articles 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 du même code ; / 3° Les infractions de recel ou de blanchiment, réprimées aux articles 321-1, 321-2, 324-1 et 324-2 dudit code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ; 4° Les infractions réprimées aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral. / Un décret en Conseil d'État fixe les conditions dans lesquelles les associations mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent être agréées. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2014-327 du 12 mars 2014 relatif aux conditions d'agrément des associations de lutte contre la corruption en vue de l'exercice des droits reconnus à la partie civile : " L'agrément prévu à l'article 2-23 du code de procédure pénale peut être accordé à une association se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption lorsqu'elle remplit les conditions suivantes : / 1° Cinq années d'existence à compter de sa déclaration ; / 2° Pendant ces années d'existence, une activité effective et publique en vue de lutter contre la corruption et les atteintes à la probité publique, appréciée notamment en fonction de l'utilisation majoritaire de ses ressources pour l'exercice de cette activité, de la réalisation et de la diffusion de publications, de l'organisation de manifestations et la tenue de réunions d'information dans ces domaines ; / 3° Un nombre suffisant de membres, cotisant soit individuellement, soit par l'intermédiaire d'associations fédérées ; / 4° Le caractère désintéressé et indépendant de ses activités, apprécié notamment eu égard à la provenance de ses ressources ; / 5° Un fonctionnement régulier et conforme à ses statuts, présentant des garanties permettant l'information de ses membres et leur participation effective à sa gestion. ". 14. Le Premier ministre, après avoir notamment rappelé, dans les motifs de l'arrêté litigieux, diverses circonstances afférentes tant au renouvellement du conseil d'administration de l'association qu'à des dons reçus par elle, dans des conditions contestées, a considéré que : " ces éléments, et en particulier l'absence de transparence sur ce don conséquent, sont de nature à faire naitre un doute sur le caractère désintéressé et indépendant des activités passées de l'association, et (...) l'absence de formalisation, par les statuts de l'association, des procédures d'information du conseil d'administration conjuguée à la non-information effective de celui-ci n'ont pas, par le passé, garanti l'information de ses membres et leur participation effective à la gestion de l'association ; (...) toutefois (...) l'association a, dans le cadre de la procédure d'instruction de sa demande de renouvellement d'agrément, manifesté l'intention de recourir à un commissaire aux comptes pour accroitre la transparence de son fonctionnement financier, ainsi qu'une refonte de ses statuts et de son règlement intérieur ". 15. En premier lieu, il ressort ainsi des termes mêmes de l'arrêté litigieux, et comme l'ont relevé les premiers juges, de première part, que l'administration a entendu relever que l'absence de transparence sur les dons conséquents réalisés par une personne physique à l'association, sont de nature à faire naitre un doute sur le caractère désintéressé et indépendant des activités passées de l'association, et, en outre, que l'absence de formalisation, par les statuts de l'association, des procédures d'information du conseil d'administration conjuguée à la non-information effective de celui-ci n'ont pas, par le passé, garanti l'information de ses membres et leur participation effective à la gestion de l'association et, de seconde part, que pour accorder le renouvellement malgré ces éléments témoignant du non-respect des conditions prévues aux termes des dispositions précitées des 4° et 5° de l'article 1er du décret du 12 mars 2014, le Premier ministre a considéré que l'association avait, dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande de renouvellement, manifesté l'intention de se doter d'un commissaire aux comptes pour accroitre la transparence de son fonctionnement financier et de procéder à une refonte de ses statuts et de son règlement intérieur. 16. Les dispositions précitées de l'article 1er du décret du 12 mars 2014 ne permettent pas à l'administration d'accorder l'agrément à une association qui n'en remplit pas les conditions. Dès lors, le Premier ministre ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, se fonder sur la circonstance que l'association se serait engagée à prendre des mesures correctives visant à se mettre en conformité avec ses obligations postérieurement à la date de la décision d'agrément. Le moyen ainsi articulé par l'association requérante doit donc être écarté. 17. En deuxième lieu, l'association requérante sollicite qu'il soit procédé à une substitution de motifs, en soutenant que les réserves émises dans les motifs de l'arrêté litigieux ne sont pas fondées et qu'elle satisfait à l'ensemble des conditions posées par le décret du 12 mars 2014. 18. Une substitution de motifs ne peut être demandée au juge de l'excès de pouvoir que par l'administration auteur de la décision attaquée. La demande de l'association doit donc être écartée. 19. En troisième lieu, eu égard aux finalités poursuivies par le législateur avec l'instauration du régime d'agrément prévu à l'article 2-23 du code de procédure pénale, l'association requérante ne peut utilement ni même sérieusement soutenir que l'annulation d'une décision lui renouvelant cet agrément méconnaitrait son droit à l'accès à un juge. 20. Il résulte de ce qui précède que l'association Anticor n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, fait droit aux conclusions de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du Premier ministre du 2 avril 2021 renouvelant l'agrément de cette association au titre de l'article 2-23 du code de procédure pénale. En ce qui concerne la modulation dans le temps des effets de l'annulation de la décision litigieuse : 21. L'association requérante conteste le refus des premiers juges de différer les effets de l'annulation de l'agrément et demande à la Cour d'y procéder, pour un délai de trois mois à compter de l'arrêt à intervenir, afin de laisser au Premier ministre, dans cet intervalle, le temps nécessaire pour reprendre un arrêté d'agrément, et de juger que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de l'arrêt à intervenir, les effets produits par l'agrément du 2 avril 2021 antérieurement à son annulation sont regardés comme définitifs. Elle soutient que l'annulation de l'agrément a pour effet de fragiliser les procédures pénales engagées à sa demande, en particulier celles qui ont été introduites malgré l'inertie du parquet et qu'elle pourrait créer un effet d'aubaine pour toutes les personnes mises en cause pour des faits d'atteinte à la probité, en l'empêchant de se constituer partie civile dans de nouvelles affaires afin de pallier à l'inertie du parquet ou d'interrompre la prescription, de se constituer partie civile lors des prochaines audiences, ou encore de former de nouvelles demandes d'actes en cours d'instruction et de formuler des observations à la suite de l'avis de fin d'information, et en faisant courir un risque d'annulation de ses constitutions de partie civile et des actes subséquents dans le cadre des procédures d'instruction depuis le 2 avril 2021. 22. D'une part, l'annulation d'un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n'être jamais intervenu. Toutefois, s'il apparaît que cet effet rétroactif de l'annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l'ensemble des moyens, d'ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l'acte en cause - de prendre en considération, d'une part, les conséquences de la rétroactivité de l'annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d'autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l'annulation. Il lui revient d'apprécier, en rapprochant ces éléments, s'ils peuvent justifier qu'il soit dérogé au principe de l'effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l'affirmative, de prévoir dans sa décision d'annulation, ou, lorsqu'il a décidé de surseoir à statuer sur cette question, dans sa décision relative aux effets de cette annulation, que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de sa décision prononçant l'annulation contre les actes pris sur le fondement de l'acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l'annulation ne prendra effet qu'à une date ultérieure qu'il détermine. 23. D'autre part, lorsque la juridiction d'appel est saisie d'un jugement ayant annulé un acte administratif et qu'il rejette l'appel formé contre ce jugement en ce qu'il a jugé illégal l'acte administratif, la circonstance que l'annulation ait été prononcée par le tribunal administratif avec un effet rétroactif ne fait pas obstacle à ce que le juge d'appel, saisi dans le cadre de l'effet dévolutif, apprécie, à la date à laquelle il statue, s'il y a lieu de déroger en l'espèce au principe de l'effet rétroactif de l'annulation contentieuse et détermine, en conséquence, les effets dans le temps de l'annulation, en réformant le cas échéant sur ce point le jugement de première instance. 24. En l'espèce, eu égard à la finalité poursuivie par les auteurs d'une constitution de partie civile, il n'apparaît pas, alors que l'association requérante n'invoque qu'un nombre très limité de procédures judiciaires en cours susceptibles d'être affectées par un risque de prescription ou de nullité, dans des situations où le ministère public avait décidé ou décidera de ne pas poursuivre, que les conséquences de l'annulation du renouvellement d'agrément emporte des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu'il était en vigueur, que de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien temporaire de ses effets. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, après avoir au demeurant précisément analysé les conséquences procédurales de cette annulation, ont refusé de différer son entrée en vigueur. Il n'y a pas davantage lieu pour la Cour de procéder à la modulation sollicitée. La demande présentée en ce sens par l'association requérante doit être rejetée. 25. Il résulte de tout ce qui précède que l'ensemble des conclusions d'appel de l'association Anticor doivent être rejetées. Sur les frais du litige : 26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'association Anticor, qui succombe dans la présente instance, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge, sur le même fondement, le versement d'une somme globale de 1 500 euros à M. C... et à M. F.... DÉCIDE : Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23PA03813. Article 2 : Le jugement n° 2111821 du 23 juin 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par M. B... F.... Article 3 : Les conclusions de la requête n° 23PA03811 de l'association Anticor sont rejetées. Article 4 : L'association Anticor versera à M. E... C... et à M. B... F... une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Anticor, au Premier ministre, à M. E... C... et à M. B... F.... Copie en sera adressée au garde des sceaux, ministre de la justice. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lapouzade, président de chambre, - M. Diémert, président-assesseur, - Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, S. DIÉMERTLe président, J. LAPOUZADE La greffière, Y. HERBER La République mande et ordonne au Premier ministre en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 Nos 23PA03811, 23PA03813 |
CETATEXT000048424086 | J2_L_2023_11_00021LY00179 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424086.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 21LY00179, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY00179 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | CARNOT AVOCATS | Mme Emilie FELMY | M. DELIANCOURT | Vu les procédures suivantes : Procédures contentieuses antérieures Par une première requête, M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 janvier 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain a rejeté sa demande de protection fonctionnelle ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux et d'enjoindre au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en vue de la prise en charge des frais et honoraires relatifs à ses plaintes pour diffamation et harcèlement des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019, et de le réintégrer dans une équipe de permanence, dans ses fonctions de chef d'équipe et le convoquer à nouveau aux réunions d'encadrement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1904789 du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 30 janvier 2019 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de l'Ain et la décision implicite rejetant le recours gracieux de M. B..., et a enjoint à l'administration de procéder au réexamen de la demande de protection fonctionnelle de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Par une seconde requête, M. B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 15 janvier 2021 par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, d'enjoindre à l'administration de lui accorder le bénéfice de cette protection fonctionnelle en vue d'assurer la prise en charge des frais et honoraires consécutifs à ses plaintes des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019 et à la requête dirigée contre le refus d'octroi de la protection fonctionnelle, et tendant à sa réintégration dans ses fonctions de chef d'équipe et sa participation aux réunions d'encadrement du centre d'incendie et de secours de Lagnieu, enfin de condamner le SDIS de l'Ain à lui verser les sommes respectives de 8 500 euros et de 5 000 euros en réparation de son préjudice matériel et de son préjudice moral. Par un jugement n° 2101823 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. B.... Procédures devant la cour I- Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2021 sous le n° 21LY00179, et un mémoire, enregistré le 21 juin 2022, le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain, représenté par Me Prouvez, demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2020. Il soutient que : - sa décision était justifiée par l'imprécision des faits au soutien de la demande de protection fonctionnelle ; - aucun fait relevant de diffamation ou d'injure n'est caractérisé ; - une substitution de motifs est de nature à justifier la décision en l'absence d'atteinte caractérisée ; - les conclusions à fin d'injonction de réintégration constituent un litige distinct. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 24 mars 2022 et 11 juillet 2023, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. A... B..., représenté par Me Bacha, conclut, dans le dernier état de ses écritures : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à ce qu'il soit enjoint au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain, d'une part, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en vue de la prise en charge des frais et honoraires relatifs à ses plaintes pour diffamation et harcèlement des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019 et ceux consécutifs à la présente procédure, d'autre part, de le réintégrer dans une équipe de permanence, dans ses fonctions de chef d'équipe et de le convoquer à nouveau aux réunions d'encadrement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 3°) à ce qu'il soit procédé à la rectification d'erreur matérielle de l'omission, dans le dispositif du jugement, de la condamnation du SDIS de l'Ain au paiement des frais sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 4°) à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du service départemental d'incendie et de secours de l'Ain sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que les moyens présentés par le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain ne sont pas fondés. II- Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2022 sous le n° 22LY02087, M. B..., représenté par Me Bacha, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 juin 2022 ; 2°) d'annuler la décision du 15 janvier 2021 par laquelle le président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain a refusé de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle ; 3°) d'enjoindre au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en vue d'assurer la prise en charge des frais et honoraires consécutifs à ses plaintes des 9 novembre 2018 et 29 avril 2019 et à la requête dirigée contre le refus d'octroi de la protection fonctionnelle, sa réintégration dans ses fonctions de chef d'équipe et sa participation aux réunions d'encadrement du centre d'incendie et de secours de Lagnieu ; 4°) de condamner le SDIS de l'Ain à lui verser les sommes respectives de 8 500 euros et de 5 000 euros en réparation du préjudice matériel et du préjudice moral qu'il estime avoir subis ; 5°) de mettre à la charge du SDIS de l'Ain une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le fait que la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Lyon ait classé sans suite sa plainte relative aux faits du 29 septembre 2018 ne suffit pas à considérer que les propos tenus les 26 juin 2018 et les 29 septembre 2018 ne constituent pas des " atteintes, injures ou outrages " au sens de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ; - les faits dénoncés sont susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ; - les mesures de rétorsion qu'il a subies ne peuvent en aucun cas se rattacher à un exercice " normal " du pouvoir hiérarchique et constituent des " attaques " ouvrant droit au bénéfice de la protection fonctionnelle. Par un mémoire en défense enregistré le 13 juillet 2023, le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain, représenté par Me Prouvez, conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés ; - les conclusions indemnitaires doivent être rejetées en l'absence de faute et d'établissement des préjudices allégués. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le code général de la fonction publique ; - le code de la sécurité intérieure ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, - les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Rey, représentant le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain, et celles de Me Bacha, représentant M. B.... Considérant ce qui suit : 1. M. A... B..., sapeur-pompier volontaire au sein du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Ain, également sapeur-pompier professionnel auprès du service départemental-métropolitain d'incendie et de secours du département du Rhône et de la Métropole de Lyon, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 30 janvier 2019 par laquelle le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain a rejeté sa demande de protection fonctionnelle présentée le 3 décembre 2018, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux formé le 20 février 2019. Par une première requête, le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain relève appel du jugement rendu le 18 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 30 novembre 2019 et a enjoint au président de son conseil d'administration de procéder au réexamen de la demande de protection fonctionnelle de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. A la suite de l'injonction ainsi décidée par le tribunal, le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain a de nouveau refusé d'accorder à M. B... le bénéfice de la protection fonctionnelle par une décision du 15 janvier 2021 dont celui-ci a demandé l'annulation au tribunal administratif de Lyon. Par le jugement du 7 juin 2022 dont M. B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande. 2. Les requêtes du SDIS de l'Ain et de M. B... concernent la situation de ce dernier, en particulier une même demande d'octroi de la protection fonctionnelle formée par lui, et présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt. 3. D'une part, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, rendu applicable aux sapeurs-pompiers volontaires par l'article L. 113-1 du code de la sécurité intérieure, désormais codifié aux articles L. 134-1 et suivants du code général de la fonction publique : " (...) / IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...) ". 4. Les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 établissent à la charge des collectivités publiques, au profit des fonctionnaires et des agents publics non titulaires lorsqu'ils ont été victimes d'attaques dans l'exercice de leurs fonctions, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Si cette obligation peut avoir pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis, laquelle peut notamment consister à assister, le cas échéant, l'agent concerné dans les poursuites judiciaires qu'il entreprend pour se défendre, il appartient dans chaque cas à la collectivité publique d'apprécier, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la question posée au juge et du caractère éventuellement manifestement dépourvu de chances de succès des poursuites entreprises, les modalités appropriées à l'objectif poursuivi. 5. D'autre part, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais repris aux articles L. 133-2 et L. 133-3 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser l'existence de tels agissements. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au regard de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. En outre, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte de l'ensemble des faits qui lui sont soumis, y compris des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés, lorsqu'ils émanent des responsables de l'agent, doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. 6. Pour refuser d'accorder, par la décision en litige du 30 janvier 2019, le bénéfice de la protection fonctionnelle demandée le 3 décembre 2018 par M. B... pour des faits dénoncés comme relevant de l'injure ou de la diffamation, ainsi que du harcèlement, le président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain s'est fondé sur le défaut de précision desdits faits, notamment les injures et diffamations alléguées, et l'absence d'éléments relatifs à la procédure consécutive à la plainte déposée à l'encontre du directeur du SDIS. Toutefois, l'administration ne conteste pas que la demande de M. B... du 3 décembre 2018 faisait référence au courrier du 3 juillet 2018 adressé par son conseil au directeur départemental du SDIS et à celui du 1er août 2018, adressé par lui-même au président du conseil d'administration du SDIS de l'Ain, qu'elle a reçus, même tardivement comme elle l'allègue sans cependant le démontrer, et qui exposent les griefs exprimés par l'agent à l'encontre du directeur départemental du SDIS, en particulier le caractère " diffamatoire " des propos tenus par celui-ci. Au surplus, il ressort du recours gracieux formé le 18 février 2019 par M. B... à l'encontre de la décision du 30 janvier 2019 que celui-ci précisait les éléments de faits justifiant la demande de protection fonctionnelle, notamment son dépôt de plainte du 9 novembre 2018 à la suite de " propos injurieux portant atteinte à son honneur et sa dignité ", et l'adoption de la délibération du 14 décembre 2018 du bureau du conseil d'administration du SDIS qui accordait le bénéfice de la protection fonctionnelle au directeur départemental de cet établissement public. Dans ces conditions, le SDIS de l'Ain n'établit pas que M. B... n'aurait pas suffisamment précisé les dénonciations pour lesquelles il sollicitait le bénéfice de la protection fonctionnelle ni qu'il ne pouvait par suite apprécier utilement l'opportunité d'une telle demande. Dès lors, ainsi que les premiers juges l'ont retenu, le motif d'imprécision de la demande de protection fonctionnelle présentée par M. B..., opposé par le SDIS de l'Ain dans la décision en litige, est entaché d'erreur d'appréciation. 7. Toutefois, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué. 8. En premier lieu, s'il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental du SDIS de l'Ain a tenu le 26 juin 2018 des propos à l'intérieur de la caserne de Lagnieu évoquant notamment " un volontaire au centre de secours de Lagnieu, professionnel au SDMIS et représentant syndical qui est indigne d'être pompier et de composer l'encadrement de la caserne de Lagnieu...", puis lors de la clôture du congrès national des sapeurs-pompiers le 29 septembre 2018, que M. B... " n'a rien à faire chez les pompiers, s'il n'a pas les valeurs de l'organisation, il n'a qu'à la quitter ", il résulte de la décision de la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Lyon du 2 avril 2020 qui s'est prononcée à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 9 novembre 2018 par M. B... sur la qualification des propos tenus le 29 septembre 2018 par le directeur départemental du SDIS, que ceux-ci ne présentaient pas un caractère diffamatoire. En outre, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B... aurait été nommément désigné lorsque le directeur a tenu les propos dénoncés par celui-ci en juin 2018. Ainsi, dès lors que l'ensemble des propos incriminés, tenus en juin et septembre 2018, ne visent pas un fait imputé à M. B..., en particulier un hypothétique mauvais agissement qui lui serait reproché, ceux-ci ne peuvent être qualifiés d'injures ou d'affirmations portant atteinte à son honneur ou à sa réputation. Enfin, si par délibération du 14 décembre 2018, le SDIS de l'Ain a accordé au directeur départemental de l'établissement le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison de l'information judiciaire ouverte à son encontre à la suite de la plainte pour diffamation de M. B..., il ressort des pièces du dossier que le bénéfice de cette protection lui a été retiré par délibération du bureau du conseil d'administration du 13 septembre 2019. Par suite, les faits à l'origine de la demande de M. B... ne relèvent pas du champ d'application des dispositions rappelées au point 4, et le motif tiré de l'absence de fait d'injure ou de diffamation doit être accueilli au titre de la substitution demandée par le SDIS. 9. En deuxième lieu, M. B... fait état, au titre du harcèlement qu'il dénonce, de la dégradation des conditions d'exercice de ses fonctions et des conditions dans lesquelles, dans un contexte marqué par sa présentation d'une demande indemnitaire préalable puis d'une requête contentieuse fondées sur la méconnaissance par le SDIS des règles relatives aux obligations de service et à la rémunération des sapeurs-pompiers volontaires et résultant selon lui de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il a été amené à déposer plainte à raison de propos tenus publiquement à son égard par le directeur du SDIS les 26 juin et 29 septembre 2018 et des décisions prises à son encontre aux mois de septembre et de novembre 2018, constitutives selon lui de mesures de rétorsion, consistant en particulier à lui interdire de dormir en caserne, à lui retirer ses fonctions de chef d'équipe et à l'exclure des équipes de permanence et des réunions d'encadrement. Toutefois, il ne ressort ni des appréciations critiques portées au sujet de M. B... par le directeur du SDIS, ni de la circonstance que le SDIS aurait procédé à un rappel du régime des nuitées en caserne ou à l'organisation d'un planning des gardes, que M. B... ferait l'objet d'un traitement particulier de la part de ses supérieurs. Ainsi, le SDIS expose sans être utilement contesté, notamment par l'attestation produite par M. B..., que seuls les sapeurs-pompiers de garde la nuit et affectés à ce titre à une activité opérationnelle conservent la possibilité de dormir à la caserne. En outre, le SDIS justifie avoir fait droit à la demande de son agent de ne plus être affecté à des disponibilités programmées, gardes et astreintes, qu'il considérait non conformes au droit européen et préjudiciables à sa santé et sa sécurité, lui permettant ainsi, dès lors que cette demande impliquait le retrait des permanences et des fonctions d'encadrement, de relever d'un état de disponibilité ou de renfort compatible avec son emploi du temps professionnel. Par suite, il ne résulte pas des éléments apportés par M. B... au soutien de sa requête que les faits qu'il dénonce seraient susceptibles de caractériser des agissements de harcèlement moral au sens des dispositions rappelées au point 5, traduisant notamment un exercice anormal du pouvoir hiérarchique. 10. S'il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. B... à l'encontre de cette décision, il ne ressort ni des mémoires d'appel ni des mémoires de première instance que ce dernier aurait invoqué d'autres moyens à l'appui de ses conclusions. Il résulte ainsi de ce qui précède que le service départemental d'incendie et de secours de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 18 novembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 30 novembre 2019 par laquelle le président de son conseil d'administration a rejeté la demande de protection fonctionnelle de M. B..., ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux. Ce jugement doit dès lors être annulé et les conclusions présentées par ce dernier en première instance doivent être rejetées. 11. Il n'y a par suite pas lieu d'une part, alors au surplus que de telles conclusions présentées par M. B... sont irrecevables, de faire procéder à la rectification des erreurs matérielles qui entacheraient ce jugement. D'autre part, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... dans l'instance n° 21LY00179 ne peuvent qu'être rejetées dès lors que le présent arrêt annule le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2020 et rejette les conclusions de M. B... présentées en première instance. 12. Il résulte des motifs retenus aux points 8 et 9 que le nouveau refus de protection fonctionnelle opposé à M. B... par la décision en cause du 15 janvier 2021, fondé sur les circonstances que celui-ci n'établissait pas les faits d'injures dénoncés, que les propos dénoncés ne relevaient ni de la diffamation ni du harcèlement, et enfin qu'il ne justifiait d'aucune atteinte au sens des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983, n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation. Il en résulte que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2021 et, par voie de conséquence, ses conclusions indemnitaires. Par suite, l'ensemble de ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction, de condamnation du SDIS de l'Ain au versement de sommes et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 novembre 2020 est annulé. Article 2 : La requête de M. B..., ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 30 janvier 2019 du président du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours de l'Ain et ses conclusions accessoires présentées tant devant le tribunal administratif qu'en appel dans l'instance n° 21LY00179 sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental d'incendie et de secours de l'Ain. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY00179, 22LY02087 |
CETATEXT000048424089 | J2_L_2023_11_00021LY01825 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424089.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 21LY01825, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY01825 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | JARS PAPPINI & ASSOCIES | Mme Emilie FELMY | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure La société Keller Dorian Graphics a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 31 juillet 2019 par lequel le préfet du Rhône lui a imposé des prescriptions complémentaires à la suite de la cessation des activités de l'établissement situé 10 bis rue Saint-Eusèbe dans le 3ème arrondissement de Lyon. Par un jugement n° 1907748 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 30 juillet 2021, la ministre de la transition écologique demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 avril 2021 ; 2°) de rejeter la demande de la société Keller Dorian Graphics. Elle soutient que : - le jugement est irrégulier à défaut de signature de la minute par le président de la formation de jugement et le greffier d'audience ; - il est insuffisamment motivé ; - les prescriptions imposées à la société Keller Dorian Graphics n'excédaient pas les mesures de remise en état pouvant être mises à sa charge. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2021, la société Keller Dorian Graphics, représentée par Me Jars, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête de la ministre est irrecevable ; - à titre subsidiaire, les moyens présentés par la ministre ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 22 juillet 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 septembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, - et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public. Considérant ce qui suit : 1. La société Keller Dorian Graveurs, spécialisée dans les activités d'impression de sols plastiques et papiers peints, a exploité entre 1919 et 2000 un site industriel soumis à la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement au 10 bis rue Saint-Eusèbe dans le 3ème arrondissement de Lyon. La société Keller Dorian Graphics, ayant pour activité la fourniture de cylindres gravés, a repris l'ensemble des activités du site, à l'exception de celle relative au traitement de surface utilisant le chrome, la société Keller Dorian Graveurs restant propriétaire du terrain. A la suite de l'arrêt des activités de la société Keller Dorian Graphics en 2004 et de l'instruction de sa demande de cessation d'activité, des pollutions aux chrome, solvants chlorés, hydrocarbures et polychlorobiphényles (PCB) ont été relevées sur le site. Le préfet du Rhône a fixé, par plusieurs arrêtés en 2006 et 2007, des prescriptions de remise en état du site. Par courrier du 27 octobre 2009, la société Keller Dorian Graveurs lui a indiqué reprendre les obligations de la société Keller Dorian Graphics dans le cadre de la procédure de cessation d'activité et vouloir rendre compatible le site avec un usage d'habitation. Par un arrêté du 9 novembre 2012, le préfet du Rhône a prescrit à la société Keller Dorian Graveurs les travaux de dépollution du site. Par un jugement du 5 novembre 2015, que la cour administrative d'appel de Lyon a confirmé le 27 mars 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé et réformé cet arrêté en considérant que seuls les seuils de dépollution relatifs au chrome étaient susceptibles d'être rendus opposables à la société Keller Dorian Graveurs. Par un arrêté du 31 juillet 2019, le préfet du Rhône a fixé à l'encontre de la société Keller Dorian Graphics des prescriptions complémentaires, lui imposant de surveiller pendant un an, de manière trimestrielle, la qualité de l'air intérieur et des gaz de sols au droit du bâtiment A de la résidence d'habitation édifiée en lieu et place du site industriel anciennement exploité. La ministre de la transition écologique relève appel du jugement du 8 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ce nouvel arrêté. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 2. Contrairement à ce que soutient la société défenderesse, la ministre, qui a au demeurant produit un mémoire ampliatif à sa requête régulièrement communiqué à la partie défenderesse, a présenté au soutien de celle-ci des moyens et conclusions conformes aux prescriptions imposées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Il y a par suite lieu d'écarter la fin de non-recevoir opposée par la société Keller Dorian Graphics. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.". L'article L. 512-6-1 du même code dispose : " Lorsque l'installation soumise à autorisation est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site déterminé conjointement avec le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas de l'exploitant, le propriétaire du terrain sur lequel est sise l'installation ". Selon l'article R. 512-31 de ce code : " Des arrêtés complémentaires peuvent être pris sur proposition de l'inspection des installations classées et après avis du conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ils peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 rend nécessaires ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n'est plus justifié. (...) ". Son article R. 512-39-4 prévoit que : " I. - A tout moment, même après la remise en état du site, le préfet peut imposer à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 181-45, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. / En cas de modification ultérieure de l'usage du site, l'exploitant ne peut se voir imposer de mesures complémentaires induites par ce nouvel usage sauf s'il est lui-même à l'initiative de ce changement d'usage. (...) ". Enfin selon son article R. 512-39-5 : " Pour les installations ayant cessé leur activité avant le 1er octobre 2005, le préfet peut imposer à tout moment à l'exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article R. 512-31, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1, en prenant en compte un usage du site comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation. ". 4. En application des dispositions de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de 'l'environnement, reprises aux articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement, l'obligation de remise en état du site prescrite pour les installations soumises à autorisation, aux articles R. 512-39-1 et suivants du même code, pèse sur le dernier exploitant de l'installation ou sur son ayant-droit. Cette obligation est applicable aux installations de la nature de celles soumises à autorisation en application du titre 1er du livre V du code de l'environnement, dès lors que ces installations demeurent susceptibles de présenter les dangers ou inconvénients énumérés à l'article L. 511-1 de ce code. Dans cette hypothèse, l'obligation de remise en état du site pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant-droit. Lorsque l'exploitant ou son ayant-droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant. Il incombe ainsi à l'exploitant d'une installation classée, à son ayant-droit ou à celui qui s'est substitué à lui, de mettre en œuvre les mesures permettant la remise en état du site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement. L'autorité administrative peut contraindre les personnes en cause à prendre ces mesures et, en cas de défaillance de celles-ci, y faire procéder d'office et à leurs frais. 5. D'une part, ainsi que le tribunal administratif de Lyon l'a retenu dans un jugement n° 1300498 du 5 novembre 2015 que la Cour a confirmé par un arrêt n° 16LY00158 du 27 mars 2018, la société Keller Dorian Graveurs, antérieurement responsable d'une pollution au chrome, ne pouvait se voir imputer les obligations de surveillance du site précédemment exploité dès lors qu'elle ne s'était pas formellement substituée à la société Keller Dorian Graphics, responsable d'une pollution aux solvants chlorés, en sa qualité d'ancien exploitant. Par suite, contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, le procès-verbal de recollement du 14 avril 2016 adressé à la société Keller Dorian Graveurs, évaluant les seules mesures de dépollution relatives au chrome mises à la charge de cette société pour un usage de type industriel, ne permet pas d'établir que les mesures prises par elle afin de procéder à la reconversion des lieux en site affecté à l'habitation auraient été suffisantes au regard des obligations, nécessairement de nature différente, incombant à la société Keller Dorian Graphics. 6. D'autre part, si la société Keller Dorian Graphics, en sa qualité de dernier exploitant connu, est soumise à une obligation de remise en état en vertu des dispositions des articles L. 511-1 et suivants et de l'article R. 512-39-5 du code de l'environnement et demeure tenue de satisfaire aux prescriptions additionnelles liées à l'apparition ou à la persistance des risques ou inconvénients que son ancienne activité suscite, une telle obligation ne s'étend qu'aux mesures de réhabilitation pour un usage du site comparable à l'usage industriel qu'elle en faisait à la date à laquelle elle a cessé son activité et non pas ses futurs usages possibles, et notamment un usage d'habitation. Toutefois, en l'espèce, le préfet a limité les obligations imposées à la société à une surveillance du site. Sur ce point, la ministre fait valoir que des pollutions en composés organiques volatiles halogénés et en hydrocarbures volatils (COHV) ont été identifiées au sein de l'emprise foncière de l'ancienne installation exploitée par la société Keller Dorian Graphics et que des incertitudes sur la teneur et sur la concentration de ces substances nocives dans l'air intérieur du bâtiment d'habitation édifié sur l'emprise du site ne permettent en tout état de cause pas de déterminer si l'état actuel du site est conforme à un usage industriel. Pour établir que le site est compatible avec l'usage qui en était fait lorsque celle-ci y exploitait son établissement, la société Keller Dorian Graphics produit une étude de fin de travaux de réhabilitation réalisée par le bureau d'étude Arcadis en 2014 ainsi qu'un courrier de la société AECOM, apportant des réponses à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) Auvergne-Rhône-Alpes dans le cadre d'une réunion de novembre 2018, indiquant que la situation à la date de fin des travaux révélait l'absence d'impact significatif en COHV dans les sols à l'aplomb des bâtiments, en particulier la faible présence de ces composés dans les gaz du sol à l'aplomb du bâtiment A, et l'absence d'impact dans l'air ambiant du logement. Il ressort cependant du rapport de la DREAL du 22 mars 2019 que cette étude est affectée de carences méthodologiques concernant notamment l'évaluation des pollutions des sols, du fait de l'imprécision de l'emplacement et des modalités des prélèvements dans les fouilles, la quasi-absence d'investigation au-delà de trois mètres lors du diagnostic initial, l'absence de production des procès-verbaux d'analyse, le caractère fragmentaire et l'absence de contexte des analyses réalisées après les excavations, l'absence de contrôle de plusieurs mailles impactées significativement en COHV et de représentativité des résultats d'analyse fournis pour une maille concernée par les pollutions en COHV identifiées avant les travaux dans la même zone et, en ce qui concerne les gaz présents dans les sols, l'absence de recherche d'hydrocarbures volatils. Si l'étude d'analyse de risques résiduels de 2014 conclut que les investigations réalisées à l'issue des travaux de dépollution semblent montrer la présence, sous le bâtiment A, d'une pollution diffuse aux COHV, l'inspection retient que cette conclusion n'est pas fiable et qu'il existe un impact important de ces composés sur la qualité de l'air des sols, d'un ordre de grandeur ne permettant pas d'exclure a priori un risque inacceptable vis-à-vis de l'usage retenu pour le site. Concernant enfin la qualité de l'air intérieur dans le bâtiment A, la DREAL estime que les résultats relatifs à la pollution des sols, présentés comme ayant un impact inférieur aux valeurs de référence, ne sont pas fiables en raison de la campagne menée en période hivernale, de nature à minimiser significativement les résultats obtenus, et de l'absence de campagnes complémentaires destinées à garantir la représentativité de ces résultats. Par suite, à supposer même que l'étude produite par la société en 2014 ait été complète, compte tenu des connaissances scientifiques à cette date et des obligations règlementaires en vigueur, l'arrêté litigieux du 31 juillet 2019 qui retient que la société Keller Dorian Graphics n'est pas en mesure de fournir un état des lieux précis des pollutions résiduelles en solvants chlorés dont elle est responsable, n'est entaché ni d'erreur de fait ni d'erreur d'appréciation. 7. Dans ces conditions, compte tenu non de la destination d'habitation du site retenue par l'arrêté attaqué aux termes d'un motif surabondant faisant référence à l'impact sur la santé des résidents de l'immeuble, mais des incertitudes sur les mesures réalisées et l'état des lieux de la pollution résiduelle en solvants chlorés dont elle est responsable, et alors même que la société Keller Dorian Graphics ne conteste pas qu'une telle pollution présente des dangers ou des inconvénients notamment pour la protection de la nature et de l'environnement, les mesures de surveillance imposées par le préfet, qui visent à assurer une meilleure connaissance des sources de pollution et de leur impact sur les milieux, n'excèdent pas, ainsi que la ministre le fait valoir, les prescriptions nécessaires et utiles à la protection des intérêts écologiques et sanitaires auxquels se réfère l'article L. 511-1 du code de l'environnement, au sens de l'article R. 512-39-5 précité. Par suite, l'arrêté litigieux n'est pas entaché d'illégalité de ce fait. 8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni de se prononcer sur la substitution de base légale demandée par l'appelante, que la ministre de la transition écologique est fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 31 juillet 2019. 9. Dans le cadre de l'examen incombant à la cour ainsi saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, il résulte de la demande présentée par la société Keller Dorian Graphics devant le tribunal administratif de Lyon que celle-ci n'a soulevé aucun autre moyen. Par conséquent, le jugement du tribunal administratif doit être annulé et les conclusions de la société devant le tribunal administratif de Lyon doivent être rejetées. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société Keller Dorian Graphics demande au titre des frais qu'elle a exposés dans la présente instance. D E C I D E : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 8 avril 2021 est annulé. Article 2 : La demande de la société Keller Dorian Graphics est rejetée. Article 3 : Les conclusions de la société Keller Dorian Graphics présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la société Keller Dorian Graphics. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra BertrandLa République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY01825 |
CETATEXT000048424091 | J2_L_2023_11_00021LY01880 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424091.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 21LY01880, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY01880 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. TALLEC | REMY | Mme Emilie FELMY | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure La société hydroélectrique de la Dore a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une part, de réformer l'article 7.1 de l'arrêté du 19 octobre 2017 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme l'a autorisée à exploiter la microcentrale de Chantelauze pour la production d'énergie hydraulique, pour une durée limitée à quinze ans à compter de la mise en service de 1'installation, au titre des articles L. 214-1 à L. 214-3 du code de l'environnement, et de fixer cette durée à trente ans, d'autre part, d'annuler le dernier alinéa de l'article 5.1.2 de cet arrêté lui prescrivant d'évacuer les déchets flottants et dérivants remontés hors de l'eau par dégrillage vers des sites habilités à les recevoir. Par un jugement n°1800007 du 8 avril 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 8 juin 2021, la société hydroélectrique de la Dore, représentée par Mes Remy et Brunner, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 avril 2021 ; 2°) de réformer l'article 7.1 de l'arrêté du 19 octobre 2017 du préfet du Puy-de-Dôme relatif à la durée de l'autorisation d'exploitation afin de porter cette durée à trente ans ; 3°) d'annuler l'article 5.1.2 de cette décision en tant qu'il prescrit d'évacuer les déchets flottants et dérivants vers des sites habilités à les recevoir, et par conséquent de supprimer les visas 8 à 10 de l'arrêté ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'autorité préfectorale a commis une erreur manifeste d'appréciation en fixant la durée d'autorisation de la microcentrale de Chantelauze à quinze ans ; - l'autorité préfectorale a commis une erreur manifeste d'appréciation en prévoyant que les déchets flottants et dérivants remontés hors de l'eau par dégrillage devaient être évacués vers des sites habilités à les recevoir ; - il n'existe aucune disposition législative ou réglementaire permettant à l'autorité préfectorale de prescrire à une centrale hydroélectrique soumise au régime de l'autorisation, l'évacuation des déchets flottants et dérivants remontés hors de l'eau par dégrillage ; - les dispositions de l'article 21 du décret du 27 avril 2016 ne lui sont pas applicables, dès lors qu'elle relève du régime de l'autorisation et non de celui de la concession ; - les dispositions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement ne sont pas applicables, dès lors que les éléments visés par l'article 5.1.2 de l'arrêté attaqué ne constituent pas une source de pollution des eaux ; - elle ne saurait être considérée comme détentrice des déchets au sens des dispositions de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement. Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens présentés par la société hydroélectrique de la Dore ne sont pas fondés. Par une ordonnance du 10 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 2 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'environnement ; - le code de l'énergie ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, - les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public, - et les observations de Me Gravier, représentant la société hydroélectrique de la Dore. Une note en délibéré, enregistrée le 6 novembre 2023, a été présentée pour la société hydroélectrique de la Dore. Considérant ce qui suit : 1. Par un arrêté du 19 octobre 2017, le préfet du Puy-de-Dôme a, notamment, autorisé la société hydroélectrique de la Dore à exploiter pour la production d'énergie hydraulique la microcentrale de Chantelauze pour une durée de quinze ans à compter de la mise en service de 1'installation et lui a prescrit d'évacuer les déchets flottants et dérivants remontés hors de l'eau par dégrillage vers des sites habilités à les recevoir. La société relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant, d'une part, à la réformation de l'arrêté attaqué afin que la durée de l'autorisation d'exploitation qui lui a été accordée soit portée à trente ans et, d'autre part, à l'annulation de l'obligation d'évacuation des déchets flottants qui lui a été imposée. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article L. 531-1 du code de l'énergie : " I. ' L'octroi par l'autorité administrative de l'autorisation permettant l'exploitation d'installations utilisant l'énergie hydraulique également soumises aux articles L. 214-1 à L. 214-11 du code de l'environnement est entièrement régi par ces dispositions et par celles du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du même code et les actes délivrés en application du code de l'environnement valent autorisation au titre du présent chapitre, sous réserve de ses dispositions particulières (...) ". Aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, dans sa version applicable au litige : " I.-Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer : (...) 2° La protection des eaux et la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines ou des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; (...) 5° La valorisation de l'eau comme ressource économique et, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable ainsi que la répartition de cette ressource ; (...) / II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : (...) 3° (...) de la production d'énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, (...) ". Il résulte de ces dispositions que la valorisation de l'eau comme ressource économique, en particulier, pour le développement de la production d'électricité d'origine renouvelable constitue l'un des objectifs de la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau dont les autorités administratives chargées de la police de l'eau doivent assurer le respect. Il appartient ainsi à l'autorité administrative compétente, lorsqu'elle autorise au titre de cette police de l'eau des installations ou ouvrages de production d'énergie hydraulique, de concilier cet objectif avec tous ceux qui lui sont assignés, dont la préservation du patrimoine hydraulique, compte tenu du potentiel de production électrique propre à chaque installation ou ouvrage. En ce qui concerne la durée de l'autorisation : 3. Aux termes de l'article L. 531-2 du code de l'environnement : " Les autorisations délivrées au titre du présent chapitre ne peuvent excéder soixante-quinze ans ". Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le préfet fixe une durée d'exploitation inférieure à la durée maximale de soixante-quinze ans pour les ouvrages hydroélectriques. 4. La société requérante reprend en appel, sans l'assortir d'éléments nouveaux, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation que le préfet aurait commise en fixant à quinze ans, aux termes de l'article 7.1 de son arrêté, la durée de l'autorisation d'exploitation dont elle bénéficie, en faisant de nouveau valoir que cette limitation fait obstacle à l'amortissement de ses investissements et charges, et que le contrat qu'elle a conclu avec la société Electricité de France est susceptible de couvrir une durée de vingt ans. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen. En ce qui concerne la prescription d'enlèvement et d'évacuation des déchets flottants remontés par dégrillage : 5. Aux termes de l'article L. 215-14 du code de l'environnement : " Sans préjudice des articles 556 et 557 du code civil et des chapitres Ier, II, IV, VI et VII du présent titre, le propriétaire riverain est tenu à un entretien régulier du cours d'eau. L'entretien régulier a pour objet de maintenir le cours d'eau dans son profil d'équilibre, de permettre l'écoulement naturel des eaux et de contribuer à son bon état écologique ou, le cas échéant, à son bon potentiel écologique, notamment par enlèvement des embâcles, débris et atterrissements, flottants ou non, par élagage ou recépage de la végétation des rives. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ". Aux termes de l'article 16 de l'article annexe à l'article R. 214-85 du même code approuvant le modèle de règlement d'eau des entreprises autorisées à utiliser l'énergie hydraulique, en vigueur en dépit de l'abrogation des dispositions de l'article R. 214-85 par le décret n°2014-750 harmonisant la procédure d'autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l'article L. 214-3 du code de l'environnement et renvoyant aux dispositions de l'article L. 215-14 du code de l'environnement : " Entretien de la retenue et du lit du cours d'eau / (...) / Toutes dispositions devront en outre être prises par le permissionnaire pour que le lit du cours d'eau soit conservé dans son état, sa profondeur et sa largeur naturels, notamment en considération des articles L. 215-14 et L. 215-15-1 ". Aux termes de l'article R. 521-28 du code de l'énergie, relatif au règlement d'eau : " Le règlement d'eau prévu à l'article L. 521-2 ne peut contenir, conformément à l'article L. 181-11 du code de l'environnement et au 1° de l'article L. 521-4 du présent code, que les prescriptions individuelles nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ou que des prescriptions relatives aux moyens de surveillance, aux modalités des contrôles techniques et aux moyens d'intervention en cas d'incident ou d'accident. / Le règlement d'eau fixe en particulier les conditions techniques applicables à l'exploitation des ouvrages hydrauliques dans toutes les hypothèses connues et prévisibles et portant sur : (...) -la suppression des embâcles et le dégrillage ; (...) ". 6. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées que l'obligation d'enlèvement des embâcles et autres déchets flottants qui pèse sur les propriétaires riverains est également applicable aux exploitants d'une installation hydroélectrique. Il en résulte que le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas entaché son arrêté d'un défaut de base légale en imposant, comme en l'espèce, à l'exploitant d'une centrale autorisée de procéder à la récupération et à l'évacuation en site habilité de ces éléments. 7. En deuxième lieu, ainsi que les premiers juges l'ont retenu, dès lors qu'elle a été édictée en application des dispositions de l'article L. 215-14 du code de l'environnement et de l'article 16 de l'article annexe à l'article R. 214-85 du même code, la prescription contestée a pour objet d'assurer le respect des intérêts déterminés à l'article L. 211-1 du code de l'environnement. Il ne ressort pas des termes de cet article rappelés au point 2 que celui-ci, qui vise la lutte contre toute pollution générée par des matières de toute nature, exclurait par principe les dépôts ou déversements de matière végétale. Ainsi, la société hydroélectrique de la Dore qui soutient, sans toutefois le démontrer par une analyse de cette contrainte réalisée par un cabinet d'ingénierie en juin 2018, un procès-verbal de constat d'huissier du 26 juin 2018 et une étude réalisée par un bureau d'études en août 2001, que la majorité des éléments charriés par la rivière La Dore serait d'origine naturelle et constituée notamment de végétaux nécessaires à l'équilibre chimique et biologique du cours d'eau, et ne pourraient pour ce motif être qualifiés de déchet, n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation en lui imposant la prescription litigieuse. En outre et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas des mentions de l'arrêté du 19 octobre 2017 que le préfet du Puy-de-Dôme aurait entendu regarder tous les éléments flottants ou dérivants sur la Dore comme des déchets devant en être extraits en vue de leur traitement. Par suite, et alors que la prescription imposée doit être regardée comme portant sur l'enlèvement des seuls embâcles préjudiciables au libre écoulement des eaux et remontés par dégrillage conformément aux dispositions précitées, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté en toutes ses branches. 8. En troisième lieu, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, et dès lors que l'arrêté n'est pas fondé sur les dispositions de l'article 21 du décret du 27 avril 2016 relatif au régime de la concession, d'écarter d'une part comme inopérant le moyen tiré du défaut de base légale de cet arrêté, d'autre part le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au vu des difficultés techniques d'exécution de la prescription relative à l'évacuation par dégrillage et à l'élimination des déchets flottants ou dérivants et qui seraient issues de la situation de la prise d'eau de la centrale hydroélectrique de Chantelauze dans un endroit encaissé, en contrebas de la route, de telles contraintes étant sans incidence sur la légalité de l'obligation édictée. 9. Il résulte de ce qui précède que la société hydroélectrique de la Dore n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 octobre 2017 en tant que le préfet du Puy-de-Dôme a limité son autorisation d'exploitation pour une durée de quinze ans et lui a prescrit d'évacuer les déchets flottants et dérivants remontés hors de l'eau par dégrillage vers des sites habilités à les recevoir. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que la société hydroélectrique de la Dore demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D E C I D E : Article 1er : La requête de la société hydroélectrique de la Dore est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société hydroélectrique de la Dore et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY01880 |
CETATEXT000048424099 | J2_L_2023_11_00021LY03017 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/40/CETATEXT000048424099.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 21LY03017, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 21LY03017 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | SCP LARDANS TACHON MICALLEF | Mme Audrey COURBON | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure L'EHPAD de l'Aumance a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la restitution des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014, 2015 et 2016, à concurrence de la somme de 248 665 euros, ainsi que le remboursement d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi au titre des mêmes années, pour un montant de 278 893 euros. Par un jugement n° 1801332 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a ordonné la restitution des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles l'EHPAD de l'Aumance a été assujetti à hauteur de la somme de 77 019 euros au titre de l'année 2014, de 82 144 euros au titre de l'année 2015, de 89 502 euros au titre de l'année 2016 et rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2021 et, un mémoire, non communiqué, enregistré le 7 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de remettre ces impositions à la charge de l'EHPAD de l'Aumance. Il soutient que : - l'EHPAD de l'Aumance, qui est un EHPAD public, exerce son activité d'hébergement en tant qu'autorité publique ; - du fait de ses caractéristiques, notamment en termes de prix pratiqué et de public bénéficiaire, cette activité ne crée pas de distorsion de concurrence par rapport à celle réalisée par les établissements de droit privé lucratifs ; - il en résulte que l'activité d'hébergement de l'EHPAD n'est pas assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, de telle sorte que l'établissement entre, pour cette activité, dans le champ d'application de la taxe sur les salaires ; - s'agissant d'un contentieux de série, la formation de jugement peut mettre en œuvre l'article L. 113-1 du code de justice administrative en transmettant au Conseil d'Etat une question sur les modalités d'appréciation d'une éventuelle distorsion de concurrence au regard du nombre de places habilitées à l'aide sociale. Par un mémoire, enregistré le 8 décembre 2021, l'EHPAD de l'Aumance, représentée par Me Tachon, conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés. Par ordonnance du 11 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 13 février 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ; - le code de l'action sociale et des familles ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - l'avis du Conseil d'Etat n° 427540 du 12 avril 2019 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ; Considérant ce qui suit : 1. L'EHPAD de l'Aumance, établissement public en charge de l'accueil de personnes âgées dépendantes, situé à Cosne d'Allier (Allier), qui n'était soumis à la taxe sur la valeur ajoutée que pour son activité de portage de repas, était assujetti à la taxe sur les salaires. Il a sollicité son assujettissement aux impôts commerciaux, demandé à bénéficier du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et le remboursement d'une partie de la taxe sur les salaires acquittée au titre des années 2014, 2015 et 2016. Par un jugement du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à la demande de l'EHPAD de l'Aumance tendant à la restitution de la taxe sur les salaires à laquelle il a été assujetti au titre de ces trois années et rejeté le surplus de ses conclusions tendant au remboursement d'une créance de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Le ministre de l'économie, des finances et de la relance doit être regardé, eu égard à l'argumentation qu'il développe, comme demandant l'annulation de ce jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de l'EHPAD de l'Aumance relative à la taxe sur les salaires. Sur l'appel du ministre : 2. D'une part, aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés (...) sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale (...). Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés, (...), qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. (...) ". 3. D'autre part, aux termes de l'article 13 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " 1. Les Etats, les régions, les départements, les communes et les autres organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu'ils accomplissent en tant qu'autorités publiques, même lorsque, à l'occasion de ces activités ou opérations, ils perçoivent des droits, redevances, cotisations ou rétributions. / Toutefois, lorsqu'ils effectuent de telles activités ou opérations, ils doivent être considérés comme des assujettis pour ces activités ou opérations dans la mesure où leur non-assujettissement conduirait à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. (...) / 2. Les Etats membres peuvent considérer comme activités de l'autorité publique les activités des organismes de droit public, lorsqu'elles sont exonérées en vertu des articles 132 (...) ". Aux termes du g du 1 de l'article 132 de cette même directive, les Etats membres exonèrent de la taxe sur la valeur ajoutée :" les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l'aide et à la sécurité sociales, y compris celles fournies par les maisons de retraite, effectuées par des organismes de droit public ou par d'autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l'Etat membre concerné (...) ". 4. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ". Aux termes de l'article 256 A du même code : " Sont assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée les personnes qui effectuent de manière indépendante une des activités économiques mentionnées au troisième alinéa, quels que soient le statut juridique de ces personnes, leur situation au regard des autres impôts et la forme ou la nature de leur intervention. / (...) Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 256 B du même code : " Les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services (...) sociaux (...) lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence ". Aux termes du b du 1° du 7 de l'article 261 du même code, sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : " les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient (...) ". 5. Il résulte des dispositions citées au point 3, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans son arrêt du 29 octobre 2015 (C-174/14) Saudaçor - Sociedade Gestora de Recursos e Equipamentos da Saúde dos Açores SA, que le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée prévue en faveur des personnes morales de droit public énumérées au paragraphe 1 de l'article 13 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006, qui déroge à la règle générale de l'assujettissement de toute activité de nature économique, est subordonné à deux conditions cumulatives tenant, d'une part, à ce que l'activité soit exercée par un organisme agissant en tant qu'autorité publique et, d'autre part, à ce que le non-assujettissement ne conduise pas à des distorsions de concurrence d'une certaine importance. 6. En premier lieu, la condition selon laquelle l'activité économique est réalisée par l'organisme public en tant qu'autorité publique est remplie, selon la jurisprudence de la Cour de justice, lorsque l'activité en cause est exercée dans le cadre du régime juridique particulier aux personnes morales de droit public. Ainsi, l'activité en cause doit être exercée dans des conditions juridiques différentes de celles des opérateurs économiques privés, notamment, lorsque sont mises en œuvre des prérogatives de puissance publique, lorsque l'activité est accomplie en raison d'une obligation légale ou dans le cadre d'un monopole ou encore lorsqu'elle relève par nature des attributions d'une personne publique. Cette condition peut également, si la législation de l'Etat membre le prévoit, être regardée comme remplie lorsque l'activité exercée est exonérée en application, notamment, de l'article 132 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006. Si cette condition n'est pas remplie, la personne morale de droit public est nécessairement assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de cette activité économique, sans préjudice des éventuelles exonérations applicables. 7. Aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles : " I.- Sont des établissements et services sociaux et médico-sociaux, au sens du présent code, les établissements et les services, dotés ou non d'une personnalité morale propre, énumérés ci-après : (...) 6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées (...) ". Aux termes de l'article L. 314-2 du même code, les établissements assurant l'hébergement des personnes âgées mentionnées au 6° du I de l'article L. 312-1 du même code : " sont financés par : (...) 3° Des tarifs journaliers afférents aux prestations relatives à l'hébergement, fixés par le président du conseil général, dans des conditions précisées par décret et opposables aux bénéficiaires de l'aide sociale accueillis dans des établissements habilités totalement ou partiellement à l'aide sociale à l'hébergement des personnes âgées (...) ". 8. Par les dispositions de l'article 256 B du code général des impôts citées au point 4, la France a fait usage de la possibilité, ouverte par le 2 de l'article 13 de la directive du 28 novembre 2006 citée au point 3, lu en combinaison avec le g du 1 de l'article 132 de cette même directive, de regarder comme une activité effectuée en tant qu'autorité publique le service social d'hébergement des personnes âgées dans des structures publiques. Par suite c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que l'activité de l'EHPAD de l'Aumance n'était pas exercée par un organisme agissant en tant qu'autorité publique. 9. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par l'EHPAD devant le tribunal administratif et devant la cour. 10. Par un arrêt du 16 septembre 2008 (C-288/07) Commissioners of Her Majesty's Revenue et Customs contre Isle of Wight Council et autres, la Cour de justice a dit pour droit que les distorsions de concurrence d'une certaine importance auxquelles conduirait le non-assujettissement des organismes de droit public agissant en tant qu'autorités publiques doivent être évaluées par rapport à l'activité en cause, en tant que telle, indépendamment de la question de savoir si ces organismes font face ou non à une concurrence au niveau du marché local sur lequel ils accomplissent cette activité, ainsi que par rapport non seulement à la concurrence actuelle, mais également à la concurrence potentielle, pour autant que la possibilité pour un opérateur privé d'entrer sur le marché pertinent soit réelle, et non purement hypothétique. Par un arrêt du 19 janvier 2017 (C-344/15) National Roads Authority, la Cour de justice a précisé que les distorsions de concurrence d'une certaine importance doivent être évaluées en tenant compte des circonstances économiques et que la seule présence d'opérateurs privés sur un marché, sans la prise en compte des éléments de fait, des indices objectifs et de l'analyse de ce marché, ne saurait démontrer ni l'existence d'une concurrence actuelle ou potentielle ni celle d'une distorsion de concurrence d'une certaine importance. Les distorsions de concurrence mentionnées au paragraphe 1 de l'article 13 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 s'apprécient à la fois au regard de l'activité en cause et des conditions d'exploitation de cette activité. L'existence de telles distorsions ne saurait, dès lors, résulter de la seule constatation que des prestations réalisées par un organisme de droit public sont identiques à celles réalisées par un opérateur privé, sans examen de l'état de la concurrence réelle, ou à défaut potentielle, sur le marché en cause. 11. Eu égard au caractère social des EHPAD publics qui sont habilités à accueillir entièrement ou principalement des personnes âgées à faibles ressources et qui, par suite, sont soumis en principe à une tarification administrée de leurs prestations relatives à l'hébergement de celles-ci, un opérateur privé exerçant cette activité à titre lucratif, libre de choisir sa clientèle et, par suite, de fixer ses tarifs en conséquence, ne saurait être empêché d'entrer sur le marché en cause ou y subir un désavantage du seul fait de son assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée qui lui permet, à la différence d'un opérateur public placé hors du champ de celle-ci, d'obtenir le remboursement de l'excédent de la taxe ayant grevé ses charges sur celle dont il est redevable à raison de ses recettes. Par ailleurs, cette même activité exercée sans but lucratif par un opérateur privé est exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée en vertu du b du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts cité au point 4. Par suite, le non-assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de l'EHPAD de l'Aumance, dont il résulte de l'instruction qu'il est habilité à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale à l'hébergement pour la totalité des 86 places qu'il offre, n'est pas susceptible de générer de distorsion dans les conditions de la concurrence au sens et pour l'application de l'article 256 B du code général des impôts, lu à la lumière des dispositions de la directive du 28 novembre 2006 qu'il a pour objet de transposer. 12. Il résulte des points 2 à 11 que les prestations fournies par l'EHPAD de l'Aumance ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée. En conséquence, cet établissement est redevable de la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du code général des impôts. 13. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a prononcé la restitution partielle des cotisations primitives de taxe sur les salaires acquittées par cet établissement au titre des années 2014 à 2016. Sur les frais liés au litige : 14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'EHPAD de l'Aumance au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1801332 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 27 mai 2021 est annulé. Article 2 : La taxe sur les salaires dont le tribunal administratif a prononcé la restitution, soit 77 019 euros au titre de l'année 2014, de 82 144 euros au titre de l'année 2015 et de 89 502 euros au titre de l'année 2016, est remise à la charge de l'EHPAD de l'Aumance. Article 3 : Les conclusions de l'EHPAD de l'Aumance présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD de l'Aumance et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. PruvostLa greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 21LY03017 |
CETATEXT000048424112 | J2_L_2023_11_00022LY00089 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424112.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY00089, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY00089 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF | M. Jean-Simon LAVAL | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013, 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement nos 1900561-1904192 du 17 novembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 11 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Tournoud, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge des impositions à l'impôt sur le revenu et aux contribution sociales établies au titre des années 2013 et 2015 et des pénalités correspondantes ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat, les dépens, ainsi qu'une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. M. A... soutient que : - c'est à tort qu'il a été considéré comme marchand de bien faute de remplir les conditions du 1° du I de l'article 35 du code général des impôts de sorte que l'imposition du profit tiré des cessions dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux n'est pas justifiée ; - le bien immobilier revendu par lots en 2014 et 2015 constituait sa résidence principale et sa gestion relevait de son patrimoine privé. Par un mémoire en défense, enregistrés le 26 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - en l'absence d'impositions, les conclusions portant sur les contributions sociales sont irrecevables; - les moyens de la requête sont infondés. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Laval premier conseiller ; - les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ; ; Considérant ce qui suit : 1. M. A..., qui exerçait la profession d'agent immobilier et dirigeait plusieurs sociétés, dont il était associé, opérant dans le secteur de la construction et de l'immobilier, a fait l'objet, en 2016, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 et d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2013, 2014 et 2015. A la suite de ces contrôles, l'administration a estimé, au vu des opérations d'achats et reventes de biens immobiliers accomplies par l'intéressé en 2013 et 2014, que celui-ci exerçait une activité occulte de marchand de biens dont les opérations relèvent de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux pour l'impôt sur le revenu en application du 1° de l'article 35-I du code général des impôts. En conséquence de ces contrôles, M. A... a été assujetti, au titre des années 2013, 2014 et 2015, à des compléments d'impôt sur le revenu résultant notamment de la réintégration dans ses revenus imposables de bénéfices industriels et commerciaux que l'administration a évalués d'office sur le fondement du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales. Ces impositions ont été assorties de la majoration de 80 % encourue en cas de découverte d'une activité occulte prévue au c de l'article 1728-1 du code général des impôts. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes de décharge de ces impositions et contributions sociales mises à sa charge. 2. Aux termes de l'article 35 du code général des impôts : " I. - Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. (...) ". Les bénéfices réalisés à l'occasion de la cession d'immeubles sont imposables à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, lorsque ces cessions sont faites par un contribuable qui se livre habituellement à l'activité de marchand de biens, sauf pour l'intéressé à établir, alors, soit que les immeubles qu'il a vendus avaient été acquis pour satisfaire des besoins personnels ou familiaux et, de ce fait, que leur vente relevait de la simple gestion de son patrimoine personnel, soit que les immeubles en cause constituaient sa résidence principale. L'application des dispositions du I de l'article 35 du code général des impôts est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel. L'existence d'une intention spéculative ne se présume pas du seul fait du caractère habituel des opérations d'achat et de revente. Une telle intention doit être recherchée à la date d'acquisition des immeubles ultérieurement revendus et non à la date de leur cession. 3. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la vente de sa résidence de Saint-Beron en 2013, dont le caractère personnel n'est plus contesté par l'administration, M. A... a acquis, le 21 novembre 2013, un immeuble comprenant un local à usage professionnel et deux garages à Le Pont-de-Beauvoisin (Isère) qu'il a revendu le 12 décembre 2013. M. A... a également acquis, le 17 juillet 2014, une maison dans la même commune dont le niveau du rez-de-chaussée a été revendu le 9 octobre 2014, le premier niveau le 24 juin 2015 et les combles aménagés le 4 juillet 2015. Ainsi, M. A... s'est livré, sur une brève période, à des opérations d'achat et de revente d'immeubles qui suffisent à conférer à ces activités un caractère habituel. Eu égard aux très faibles délais séparant les achats et les ventes et au fait que l'intéressé a revendu la maison acquise en 2014 en six lots, dont trois lots de caves, après division et établissement d'un règlement de copropriété établi seulement deux mois après l'acquisition et réalisation de travaux sur deux des lots qui se sont achevés avant juin 2015, ces circonstances sont de nature à caractériser, en l'espèce, l'existence, dès l'acquisition des biens d'une intention spéculative de l'intéressé. M. A... doit dès lors être regardé comme s'étant livré habituellement sur les trois années en cause à une activité de marchand de biens justifiant l'imposition du profit tiré de ces cessions dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux en application du 1° de l'article 35-I du code général des impôts quand bien même il a déclaré une plus-value au titre du bien revendu le 12 décembre 2013. 4. M. A... soutient, d'une part, avoir fixé sa résidence principale dans la maison de Le Pont-de-Beauvoisin acquise en juillet 2014 où il affirme avoir résidé habituellement et effectivement avec sa nouvelle compagne et ses enfants, dont il a vendu rapidement le rez-de-chaussée pour financer les travaux d'aménagement et les derniers lots, en 2015, en raison de sa mutation et de celle de sa compagne qui l'ont conduit à s'installer à Novalaise (Savoie) où résident son ancienne épouse et ses propres enfants en garde alternée. Si M. A... a effectivement porté l'adresse de la maison de Le Pont-de-Beauvoisin dans la déclaration de revenus qu'il a souscrite au titre de l'année 2014, le ministre soutient que le premier étage et les combles de cette maison n'étaient pas habitables, ce que l'intéressé ne conteste pas sérieusement en se bornant à faire valoir, que les travaux de remplacement des menuiseries et d'isolation du logement qu'il soutient avoir entrepris ne l'ont pas empêché de l'occuper avec sa famille. Dans ces conditions, il ne peut être regardé comme apportant la preuve, qui lui incombe de l'affectation du bien à sa résidence principale et de la revente de ce dernier pour des motifs purement personnels, en se bornant à ces seules allégations non démontrées et à produire des bulletins de salaires, une déclaration de vol et diverses factures, dont certaines sont libellées au nom des entreprises qu'il dirige, ainsi que des factures ponctuelles des travaux engagés à cette adresse. Par suite, c'est par une exacte application des dispositions sus-reproduites que l'administration a imposé l'ensemble des profits tirés de ces cessions dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, ainsi que, en tout état de cause, celles tendant à la condamnation de l'Etat aux dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost président de chambre, Mme Courbon, présidente assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur J-S. Laval Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY00089 |
CETATEXT000048424116 | J2_L_2023_11_00022LY00296 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424116.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY00296, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY00296 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF | M. Jean-Simon LAVAL | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure La SARL Remue Ménage a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des retenues à la source mises à sa charge par un avis de mise en recouvrement du 15 janvier 2019 au titre des années 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes, et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction de ces retenues à la source. Par un jugement n° 1906807 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 janvier 2022, le 13 octobre 2022 et le 31 août 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SARL Remue Ménage, représentée par Me Tournoud, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge et, subsidiairement, la réduction des retenues à la source et des pénalités correspondantes ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La SARL Remue Ménage soutient que : - le jugement est insuffisamment motivé ; - sa filiale de Hong-Kong auprès de laquelle elle s'approvisionne n'a réalisé pour son compte aucune prestation de service distincte détachable de l'opération d'achat des marchandises, laquelle doit être regardée comme une seule et même opération, échappant à la retenue à la source ; - doivent être exclues de l'assiette des retenues à la source les sommes supportées au titre de la recherche de fournisseurs, de la négociation des prix, du stockage des marchandises et de leur conditionnement avant leur expédition ainsi que la marge du vendeur. Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé. Par ordonnance du 2 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 2 octobre 2023. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - l'accord entre la République Française et le gouvernement de la région administrative spéciale de Hong-Kong de la République Populaire de Chine du 21 octobre 2010 ; - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Laval, premier conseiller, - et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ; Une note en délibéré, présentée pour la SARL Remue ménage, a été enregistrée le 24 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. La SARL Remue Ménage, dont le siège est à Sassenage (Isère), qui a pour activité l'achat-vente et la distribution de produits destinés à l'équipement du foyer et revend en France des marchandises acquises auprès de la société Remue Ménage Asia, sa filiale, établie à Hong-Kong, a fait l'objet, en 2018, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 à l'issue de laquelle l'administration a soumis à la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts, au taux légal de 33,3 %, les sommes versées en 2015 et en 2016 à sa filiale dont le service a considéré qu'elles étaient la contrepartie de prestations de service fournies par celle-ci. La SARL Remue Ménage relève appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tenant à la décharge de ces retenues à la source. Sur la régularité du jugement : 2. Le jugement du tribunal administratif de Grenoble, qui n'était pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments de la demande, répond de façon complète et circonstanciée aux moyens invoqués en première instance par la SARL Remue Ménage. Il est, par suite, suffisamment motivé. Sur le bien fondé de l'imposition : En ce qui concerne l'assujettissement à la retenue à la source. 3. Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : " I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : / (...) c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France ". Sont soumises à retenue à la source les sommes payées par une société qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés qui n'y disposent pas d'une installation professionnelle permanente, en rémunération de prestations qui sont soit matériellement fournies en France, soit, bien que matériellement fournies à l'étranger, effectivement utilisées par le débiteur pour les besoins de son activité en France. 4. Il résulte de l'instruction que la société Remue Ménage Asia établie à Hong-Kong auprès de laquelle la SARL Remue Ménage s'approvisionne en marchandises produites en Asie, outre ses activités de recherche et d'achat de marchandises auprès de fournisseurs chinois et de mise au point de nouveaux produits, assure, pour le compte de la société française, des fonctions de conseil, de suivi et de surveillance des opérations de production, de gestion du stockage, de contrôle de qualité des fournisseurs locaux et de contrôle de la conformité de la marchandise à l'embarquement, avant expédition, fonctions pour lesquelles elle est rémunérées par des commissions qu'elle facture sous un libellé " order management and quality control commission ". Ces prestations, qui garantissent à la SARL Remue Ménage la réception de produits qu'elle peut directement commercialiser, selon ses choix de gestion au regard des exigences du marché français, en lui évitant de procéder elle-même à l'ensemble de ces vérifications, doivent être regardées comme étant effectivement utilisées en France par la société française pour les besoins de son activité d'achat-revente et de distribution en France de marchandises fabriqués en Asie. 5. La SARL Remue Ménage, qui ne conteste pas avoir bénéficié de ces services de la part de sa filiale, soutient que les prestations réalisées par celle-ci pour son compte ne sont pas détachables de l'opération d'achat de marchandises auprès de la filiale et s'analysent, d'un point de vue économique, en une seule opération, échappant à la retenue à la source. Elle reconnaît toutefois que les prestations de contrôle accomplies à Hong-Kong par la filiale ont pour objet notamment de vérifier que les produits acquis en Asie respectent les normes en vigueur en France et la documentation mise en ligne par sa filiale, à laquelle se réfère le ministre, établit que les prestations rendues par la filiale obéissent à un cahier des charges précis établi par la société française. Il ressort, en outre, du mode de facturation adopté donnant lieu, selon la proposition de rectification, à des factures séparées, l'une relative aux prestations de contrôle et de conformité des marchandises rémunérées par une commission et l'autre relative à la vente des marchandises ou, comme le soutient la société, à une seule facture comportant deux lignes distinctes, que la SARL Remue Ménage a entendu rémunérer séparément les prestations de sa filiale. Si la SARL Remue Ménage soutient que les factures se borneraient à distinguer, d'une part, une simple refacturation " au franc le franc " du prix d'achat du bien revendu par sa filiale et, d'autre part, la marge commerciale réalisée par cette dernière, cette allégation est contredite par le libellé des factures. Au demeurant, à supposer, comme elle l'affirme sans l'établir, que l'achat et la prestation qualité seraient, le plus souvent, facturés ensemble, le fait que les ventes en France et les contrôles qualité effectués par la filiale puissent être regardés comme constituant une opération unique, au sens du droit de l'Union européenne pour l'application de la taxe sur la valeur ajoutée, est sans incidence sur l'application de l'article 182 B du code général des impôts. Enfin, le fait que les prestations de la filiale, qui n'a pas d'installation professionnelle permanente en France, aient été matériellement exécutées à Hong-Kong ne permet pas d'échapper à la retenue à la source. Il suit de là que c'est par une exacte application de l'article 182 B du code général des impôts que l'administration a soumis à la retenue à la source les sommes versées la SARL Remue Ménage en rémunération des prestations rendues par sa filiale. En ce qui concerne le montant de la retenue à la source : 6. La société requérante soutient que les prestations de services relèvent de prix négociés avec sa filiale, que leur prix intègre les marges et les coûts du fournisseur sur la seconde ligne des factures et que la base de la retenue à la source doit être réduite à due proportion, la marge étant évaluée à 11 %. Cependant, il résulte de l'instruction que les coûts du fournisseur afférents notamment au conditionnement des marchandises en vue de l'expédition ont été exclus des montants sur lesquels portaient la retenue à la source à la suite des observations du contribuable du 8 juin 2018. En outre, alors que les base des retenues à la source s'appliquent sur les montants bruts sans déduction de charge, la SARL Remue Ménage, en tout état de cause, n'établit ni le bien-fondé ni le montant de la marge commerciale dont elle entend réclamer l'exclusion des bases de calcul de la retenue à la source et pas davantage les coûts relatifs aux prestations de services réalisés. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions subsidiaires de la société tendant à la réduction des bases de la retenue à la source. 7. Il résulte de ce qui précède que la SARL Remue Ménage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de SARL Remue Ménage est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Remue Ménage et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, J.-S. Laval Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY00296 |
CETATEXT000048424121 | J2_L_2023_11_00022LY00490 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424121.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY00490, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY00490 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | HELENE BOVIO AVOCAT | M. Arnaud POREE | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016, ainsi que des intérêts de retard correspondants. Par un jugement n° 1908425 du 16 décembre 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 février 2022 et 13 avril 2023, Mme A... B..., représentée par Me Bovio, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge de ces impositions et intérêts de retard, et leur restitution avec intérêts moratoires ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - la terrasse constitue une annexe au sens des articles 199 novovicies et 2 terdecies D de l'annexe III du code général des impôts, ainsi que des commentaires administratifs BOI-IR-RICI-230-20-20 ; - à titre subsidiaire, elle invoque le droit à l'erreur, qui a déjà été retenu par l'administration. Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 octobre 2022 et 25 avril 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est irrecevable au titre de l'année 2016 dès lors que Mme B... et son compagnon n'ont pas demandé à bénéficier de réduction d'impôt en raison d'un investissement locatif " Duflot " au titre de cette année ; elle est également irrecevable au titre de l'année 2015 concernant les rehaussements qui ont porté l'impôt sur le revenu de 9 727 euros à 9 906 euros ainsi que pour la remise en cause du crédit d'impôt relatif à l'habitation principale, dès lors que Mme B... ne conteste que la remise en cause du bénéfice de la réduction d'impôt pour investissement locatif " Duflot " ; - la réduction de cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ne pourrait être qu'à hauteur de 4 731 euros en droits et de 788 euros en pénalités, dès lors que Mme B... et son compagnon ont mentionné sur leur déclaration complémentaire de revenus 2015 le montant total de l'investissement immobilier réalisé et non 1/9 de la réduction d'impôt de l'année 2014 ; - il n'existe pas de litige né et actuel sur l'application d'intérêts moratoires, et ainsi les conclusions de la requérante tendant au versement d'intérêts moratoires sont irrecevables ; - les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par ordonnance du 17 avril 2023, la clôture d'instruction, initialement fixée au 13 avril 2023, a été reportée au 2 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de la construction et de l'habitation ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance ; - l'arrêté du 9 mai 1995 pris en application de l'article R. 353-16 et de l'article R. 331-10 du code de la construction et de l'habitation ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Porée, premier conseiller, - les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique, - et les observations de Me Bovio, représentant Mme B... ; Une note en délibéré, présentée par Mme B..., a été enregistrée le 27 octobre 2023 ; Considérant ce qui suit : 1. Mme B... et son partenaire de Pacs, qui ont acquis, le 9 mai 2014, un appartement de type T3 avec terrasse et jardin attenant ainsi qu'un parking à Castelnau-Le-Lez (Hérault) ont télédéclaré, le 3 juin 2015, un engagement de location de ce logement en déclarant une surface à prendre en compte pour l'appréciation du plafond de loyer de 54 m², un loyer mensuel hors charges de 589 euros et une date de prise d'effet de la location au 4 juin 2014. Ils ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a notamment remis en cause le bénéfice de la réduction d'impôt pour investissement locatif " Duflot " au titre de l'année 2015 pour non-respect de la condition tenant au montant du loyer. Mme B... a, en conséquence, été assujettie à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2015 assortie des intérêts de retard et à la majoration de 10 % prévue par l'article 1758 A du code général des impôts. Elle relève appel du jugement du 16 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu établies au titre des années 2015 et 2016 et des intérêts de retard correspondants. Sur l'application de la loi fiscale : 2. Aux termes de l'article 199 novovicies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. ' A. ' Les contribuables domiciliés en France, au sens de l'article 4 B, qui acquièrent, entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016, un logement (...) en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale fixée, sur option du contribuable, à six ans ou à neuf ans. (...) / III. ' L'engagement de location (...) prévoit que le loyer (...) ne doivent pas excéder des plafonds fixés par décret en fonction de la localisation du logement et de son type. (...) ". Aux termes de l'article 2 terdecies D de l'annexe III du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. ' Pour l'application du premier alinéa du III de l'article 199 novovicies du code général des impôts : 1. Les plafonds de loyer mensuel, par mètre carré, charges non comprises, sont fixés, pour les baux conclus en 2014, à (...) 10,00 € en zone B 1 (...) Aux plafonds de loyer définis à l'alinéa précédent, il est fait application d'un coefficient multiplicateur calculé selon la formule suivante : 0,7 + 19/ S, dans laquelle S est la surface du logement. Le coefficient ainsi obtenu est arrondi à la deuxième décimale la plus proche et ne peut excéder 1,2. Pour l'application du présent 1, la surface à prendre en compte s'entend de celle prévue au dernier alinéa du a de l'article 2 duodecies (...) ". Aux termes du dernier alinéa du a de l'article 2 duodecies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " La surface à prendre en compte pour l'appréciation du plafond de loyer s'entend de la surface habitable au sens de l'article R. 111-2 du code de la construction et de l'habitation, augmentée de la moitié, dans la limite de 8 mètres carrés par logement, de la surface des annexes mentionnées aux articles R. 353-16 et R. 331-10 du même code ". Enfin, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 mai 1995 susvisé auquel renvoient les articles R. 353-16 et R. 331-10 du code de la construction et de l'habitation : " Pour la définition de la surface utile visée à l'article R. 331-10 et au 2° de l'article R. 353-16 du code de la construction et de l'habitation, les surfaces annexes sont les surfaces réservées à l'usage exclusif de l'occupant du logement et dont la hauteur sous plafond est au moins égale à 1,80 mètre. Elles comprennent (...) dans la limite de 9 mètres carrés les parties de terrasses accessibles en étage ou aménagées sur ouvrage enterré ou à moitié enterré. ". 3. Mme B... a pris en considération, au titre de la surface à prendre en compte pour l'appréciation du plafond de loyer du logement qu'elle possède, la terrasse d'une surface pondérée à 4,35 m² correspondant à 50 % de sa surface réelle de 8,70 m². Toutefois, cette terrasse, qui se trouve en rez-de-chaussée de l'immeuble, ne peut être considérée comme une terrasse accessible en étage. En outre, la terrasse ne peut pas davantage être regardée comme " aménagée sur ouvrage enterré ou à moitié enterré " au sens des dispositions précitées de l'arrêté du 9 mai 1995 dès lors que la dalle en béton sur laquelle elle repose par le biais de plots ne constitue pas l'élément supérieur d'une dépendance du bâtiment. Mme B... ne peut utilement se prévaloir de ce que sa terrasse est encastrée dans des murs, dès lors que ladite terrasse n'est pas accessible en étage, ni aménagée directement sur ouvrage enterré ou à moitié enterré. Ainsi, c'est à bon droit que l'administration a refusé de tenir compte de la surface de la terrasse et a considéré que le loyer mensuel de 589 euros, charges non comprises, excédait le plafond alors applicable de 567 euros pour un logement d'une surface habitable de 54 m² situé en zone B1. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplissait les conditions fixées par l'article 199 novovicies du code général des impôts pour bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu. Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale : 4. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. ". 5. Mme B... invoque l'instruction administrative référencée BOI-IR-RICI-230-20-20 dans sa version au 21 mai 2015 et en ses paragraphes 320 et 340. Toutefois, cette instruction administrative ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à s'en prévaloir en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Sur le droit à l'erreur : 6. Aux termes de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. (...) ". 7. Il est constant que Mme B... n'a pas régularisé sa situation. Par suite, elle ne peut, en tout état de cause, se prévaloir du droit à l'erreur institué par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration auquel fait référence un document, publié sur Internet, rédigé sous forme de Powerpoint en septembre 2019 par la direction départementale des finances publiques de Vendée dans le cadre d'un forum employeur, concernant un autre contribuable. 8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir soulevées par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, ainsi qu'en tout état de cause, ses conclusions relatives aux dépens. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, A. Porée Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY00490 |
CETATEXT000048424133 | J2_L_2023_11_00022LY01058 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424133.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY01058, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01058 | 3ème chambre | plein contentieux | C | M. TALLEC | CHAVRIER-MOUISSET-THOURET-TOURNE | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... D..., M. F... D..., M. B... D..., et M. C... D..., agissant comme représentant de M. J... D..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre communal d'action sociale (CCAS) de Villefranche-sur-Saône à leur verser la somme de 50 000 euros en réparation des préjudices subis par Mme I..., assortie des intérêts légaux à compter du 12 février 2020. Par un jugement n° 2006787 du 9 février 2022, le tribunal administratif de Lyon a condamné le CCAS de Villefranche-sur-Saône à verser aux consorts D... la somme de 1 500 euros en réparation des préjudices subis par Mme G..., ainsi que 1 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 7 avril 2022, M. A... D..., M. F... D..., M. B... D..., et Mme E... D..., agissant en qualité de représentante légale de M. H..., représentés par la SELARL d'avocats François Dumoulin, agissant par Me Pieri, demandent à la cour : 1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 février 2022, en ce qu'il limite la condamnation du CCAS de Villefranche-sur-Saône à la somme de 1 500 euros ; 2°) de porter le montant de l'indemnité due à la somme de 50 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 12 février 2020 ; 3°) de mettre à la charge du CCAS de Villefranche-sur-Saône le versement d'une somme de 2 400 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - le centre communal d'action sociale a commis une faute, dès lors qu'il n'a pas pris les précautions requises pour assurer la sécurité et la santé de ses agents comme l'y obligent les dispositions de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 ainsi que les articles 2 et 6 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985, et c'est ainsi à bon droit que le tribunal l'a jugé responsable de l'accident subi par Mme G... le 1er décembre 2016 ; - cet accident a toutefois engendré des préjudices plus graves que ceux reconnus par le tribunal, notamment une souffrance physique et morale, des troubles dans les conditions d'existence et des complications médicales, qui justifient l'indemnité réclamée. Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2022, le CCAS de Villefranche-sur-Saône, représenté par SCP Thouret Avocats, agissant par Me Thouret, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 400 euros soit mise à la charge des consorts D... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il expose que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - les observations de Me Pieri, pour les consorts D... ; Considérant ce qui suit : 1. Mme G..., adjointe administrative de deuxième classe affectée à l'accueil du centre communal d'action sociale (CCAS) de Villefranche-sur-Saône, a été victime le 1er décembre 2016 d'une agression à son poste de travail, dont l'administration a reconnu qu'elle constituait un accident de service. Le 11 février 2020, elle a sollicité du CCAS le versement d'une indemnité en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait de cet accident. L'administration ayant conservé le silence, les ayants droit de l'intéressée ont saisi le tribunal administratif de Lyon. Ils relèvent appel du jugement du 9 février 2022 par lequel ce tribunal a reconnu la responsabilité du CCAS, mais a limité à 1 500 euros le montant de l'indemnité mise à la charge du CCAS. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Il résulte de l'instruction que Mme G..., alors qu'elle était à son poste de travail au CCAS, a été agressée verbalement par un usager qu'elle avait informé de l'absence de l'agent chargé du suivi de son dossier. Celui-ci a ensuite tenté de jeter sur elle l'écran de son ordinateur et un téléphone, avant de s'en prendre à un autre usager et une personne qui l'accompagnait, et qui avaient tenté de s'interposer, jusqu'à l'intervention de la police municipale. Cette agression a causé à Mme G... un choc psychologique et des douleurs cervicales, dorsales et lombaires, qui ont justifié la prescription d'un arrêt de travail d'un jour, ultérieurement prolongé pour neuf jours. Il ressort en outre du rapport de l'expertise pratiquée le 11 décembre 2018 par un psychiatre à la demande de l'administration, que l'intéressée souffrait encore, à la date de cette expertise, d'un syndrome post-traumatique imputable à son accident de service, qui avait de fortes répercussions dans sa vie quotidienne, pour lequel son médecin généraliste lui avait prescrit un traitement antidépresseur et anxiolytique et pour lequel elle était suivie par une psychothérapeute. En revanche, il n'est pas établi que le cancer pour lequel Mme G... a été placée en arrêt de travail à compter du 20 décembre 2016, et dont elle est décédée, lequel n'a pas été déclaré imputable au service, a eu pour cause l'accident de service du 1er décembre 2016. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que Mme G..., qui n'était pas présente à l'audience du tribunal correctionnel à laquelle a été jugé son agresseur, aurait obtenu de ce dernier ou du fonds d'indemnisation des victimes d'infractions, une quelconque indemnité. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature résultant pour Mme G... de l'agression du 1er décembre 2016 en fixant le montant dû à ce titre aux consorts D... à la somme de 4 000 euros, tous intérêts compris à compter du 12 février 2020. 3. Il résulte de ce qui précède que les consorts D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a condamné la CCAS de Villefranche-sur-Saône à ne leur allouer que la somme de 1 500 euros. Il convient de porter cette somme à 4 000 euros. Sur les frais liés au litige : 4. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts D... une somme au titre des frais exposés par le CCAS de Villefranche-sur-Saône. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du CCAS le versement aux consorts D... d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La somme de 1 500 euros que le CCAS de Villefranche-sur-Saône a été condamné à verser aux consorts D... par le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 février 2022 est portée à 4 000 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 février 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le CCAS de Villefranche-sur-Saône versera aux consorts D... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des consorts D... est rejeté. Article 5 : Les conclusions présentées par le CCAS de Villefranche-sur-Saône sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., M. F... D..., M. B... D... et à Mme E... D..., en sa qualité de représentante légale de M. H..., ainsi qu'au centre communal d'action sociale (CCAS) de Villefranche-sur-Saône. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01058 |
CETATEXT000048424135 | J2_L_2023_11_00022LY01077 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424135.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY01077, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01077 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | POUDEROUX | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 1er juillet 2019 par laquelle le directeur de l'EHPAD de Cusset a prononcé à son encontre la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois. Par un jugement n° 1901502 du 17 février 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du directeur de l'EHPAD de Cusset du 1er juillet 2019 et rejeté les conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 8 avril 2022 et un mémoire enregistré le 1er février 2023, l'EHPAD de Cusset, représenté par Me Pouderoux, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 février 2022 ; 2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif et son appel incident ; 3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - M. A... ayant eu connaissance de tous les faits qui lui étaient reprochés, ainsi que de ses droits, c'est à tort que le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a jugé que la procédure ayant précédé l'édiction de la décision attaquée avait été entachée d'irrégularité ; - la prétendue méconnaissance du contradictoire n'a pas eu d'effet sur le sens de la décision prise ni effectivement privé l'intéressé de garanties ; - les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Rigault, conclut au rejet de la requête, demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler la décision du 1er juillet 2019 sur le fondement des moyens non retenus par les premiers juges et que soit mise à la charge de l'EHPAD de Cusset une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il expose que : - les moyens de la requête ne sont pas fondés ; - la décision du 1er juillet 2019 est insuffisamment motivée ; - la composition du conseil de discipline était irrégulière ; - la procédure disciplinaire a été méconnue ; - l'administration aurait dû, en vertu de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, attendre l'issue de la procédure pénale ; - les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et l'EHPAD de Cusset a commis une erreur manifeste d'appréciation ; - la sanction a un caractère disproportionné. Par ordonnance du 2 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - les observations de Me Rigault, avocat de M. A... ; Considérant ce qui suit : 1. Par une décision du 1er juillet 2019, le directeur de l'EHPAD de Cusset a infligé à M. A..., aide-soignant, la sanction disciplinaire d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois. L'EHPAD de Cusset relève appel du jugement du 17 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette décision. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande à la Cour de prononcer l'annulation de la décision du 1er juillet 2019 sur le fondement des autres moyens qu'il avait soulevés devant le tribunal. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 2. Aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 alors applicable : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. (...) ". Aux termes de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1983 alors applicable : " (...) Le conseil de discipline est saisi par un rapport de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Ce rapport précise les faits reprochés et les circonstances dans lesquelles ils ont été commis. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le fonctionnaire contre lequel est engagée une procédure disciplinaire doit être informé qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel et de se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. Il doit être invité à prendre connaissance du rapport mentionné à l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée ". 3. Il ressort des pièces du dossier que par une lettre du 27 mai 2019, le président du conseil de discipline de l'EHPAD de Cusset a convoqué M. A... à la séance tenue par ce conseil le 18 juin, durant laquelle seraient examinés les faits reprochés par le directeur de l'établissement dans un rapport du 28 mars 2019 portant sur une suspicion de violences avec coups envers une collègue de travail. Ce courrier informait l'agent de ses droits, et notamment de celui de consulter l'intégralité de son dossier. Il contenait notamment en annexe le rapport du directeur ainsi que le compte rendu de l'entretien tenu le 14 mars 2019 par le directeur avec M. A..., et des témoignages signés de certains agents sur les faits reprochés. Alors même que cette convocation ne mentionnait pas d'autres faits que l'altercation survenue le 11 mars avec une autre aide-soignante, il ressort du compte rendu de l'entretien du 14 mars que d'autres reproches quant au comportement de l'agent et à ses relations avec ses collègues y ont été évoqués, et ces faits étaient mentionnés par le rapport de saisine du conseil de discipline. Au cours des débats devant ce conseil, tels qu'ils sont retracés par le procès-verbal de la séance, ces faits ont également été discutés, et M. A... a eu l'occasion de s'expliquer sur eux. Dans ces circonstances, c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur le moyen tiré d'une méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure disciplinaire pour annuler la décision du 1er juillet 2019 par laquelle le directeur de l'EHPAD de Cusset a infligé à M. A... une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois. 4. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif, qu'il a d'ailleurs expressément repris devant elle. 5. Il ressort des pièces du dossier que l'altercation du 11 mars 2019 entre M. A... et l'une de ses collègues est survenue en la seule présence de résidents de l'établissement hors d'état de témoigner. Il est constant que celle-ci a éclaté du fait du mécontentement exprimé par la collègue de M. A... de ce que ce dernier, pour servir aux résidents des oranges découpées en quartiers, avait choisi d'utiliser des tasses qu'elle avait préparées pour servir du chocolat. M. A..., dont la main portait des traces de griffures, nie avoir porté des coups à sa collègue et affirme s'être contenté de la tenir à distance alors qu'il était lui-même frappé. Dans une lettre au directeur de l'établissement, sa collègue a reconnu lui avoir porté au moins un coup, et pour le surplus, ses déclarations sont contradictoires, celle-ci s'étant lors du dépôt de sa plainte auprès du commissariat de police de Vichy abstenue d'évoquer ce coup et ayant présenté l'altercation comme ayant eu lieu lors d'une pause, ce qui n'était manifestement pas le cas. Dans ces circonstances, la responsabilité de M. A... dans la survenance de cette altercation et l'exercice par celui-ci de violences à l'égard de sa collègue ne sauraient être regardés comme établis. Par ailleurs, si la décision du 1er juillet 2019 évoque également des comportements inadaptés récurrents de M. A... dans l'organisation de la prise en charge des soins entraînant des changements de services successifs, les répercussions sur les résidents de l'EHPAD en tant que personnes vulnérables, et les risques pour la sécurité des agents en raison du renouvellement des attitudes et comportements irrespectueux entre collègues de travail, elle n'évoque aucun fait précis. La lettre adressée au directeur de l'établissement quelques semaines avant l'altercation par plusieurs collègues de M. A... se plaignant de son comportement, évoque un " comportement sanguin ", mais ne fait précisément état d'aucun autre fait de violence. Si l'EHPAD de Cusset produit un courrier et une attestation de l'une de ses agents qui s'était plainte en 2011 d'une agression de M. A..., les faits allégués sont anciens, et n'ont été corroborées par aucun témoin, ni aucune autre pièce du dossier, le compte rendu d'entretien professionnel de l'intéressé pour l'année 2012 lui prêtant même un " tempérament calme ". Les comptes rendus portant sur les années ultérieures font état de difficultés relationnelles avec d'autres membres des équipes auxquelles il a appartenu, mais d'un bon relationnel avec les résidents, et ne font pas état de graves manquements dans l'accomplissement de ses tâches, tels que ceux que lui reprochent certains de ses collègues. Le requérant produit quant à lui des attestations d'autres agents de l'établissement contestant les propos désagréables ou discriminatoires et les agissements hostiles qui lui sont prêtés. Dans ces circonstances, les faits reprochés à M. A... ne peuvent être regardés comme établis. 6. Il résulte de tout ce qui précède que l'EHPAD de Cusset n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 1er juillet 2019 ayant infligé à M. A... une exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'EHPAD de Cusset. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce dernier le versement d'une somme de 1 500 euros à M. A..., en application de ces mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : La requête de l'EHPAD de Cusset est rejetée. Article 2 : L'EHPAD de Cusset versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'EHPAD de Cusset et à M. B... A.... Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au préfet de l'Allier en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01077 |
CETATEXT000048424148 | J2_L_2023_11_00022LY01544 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424148.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY01544, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01544 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | SCP ROBIN VERNET | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 3 décembre 2021 par lesquelles la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2200040 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 19 mai 2022, M. B..., représenté par la SCP d'avocats Robin Vernet, agissant par Me Vernet, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Lyon ; 2°) d'annuler les décisions de la préfète de la Loire du 3 décembre 2021 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou à tout le moins " salarié " d'une durée d'un an renouvelable, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour : - le refus de lui délivrer un titre de séjour est insuffisamment motivé, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, et il n'a pas été précédé d'un examen de sa situation personnelle ; - ce refus résulte d'une erreur de fait déterminante ; - il viole l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; - le refus de l'admettre au séjour à titre exceptionnel est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours : - l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français dans un délai de trente jours est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ; - ces mesures violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : - cette décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. La requête a été communiquée au préfet de la Loire, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 10 mars 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 avril 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller, - et les observations de Me Lulé, avocat, pour M. B... ; Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant tunisien né en 1979, a déposé le 22 septembre 2020 une demande de délivrance d'un titre de séjour. Par des décisions du 3 décembre 2021, la préfète de la Loire lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. B... relève appel du jugement du 19 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions. Sur la légalité du refus de titre de séjour : 2. En premier lieu, M. B... reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance, tirés de ce que le refus de lui délivrer un titre de séjour serait insuffisamment motivé, aurait été pris sans examen complet de sa situation personnelle et serait le résultat d'une erreur de fait déterminante. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 2 et 3 du jugement contesté. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail visé ci-dessus : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ". 4. M. B... fait valoir qu'il réside depuis 2014 en France, où vit l'un de ses frères, où il a travaillé dans plusieurs entreprises et où il a tissé des liens amicaux. Toutefois, le requérant a vécu en Tunisie, pays dont il a la nationalité, jusqu'à l'âge de trente-cinq ans. Il y conserve de nombreuses attaches familiales, en particulier ses parents, l'un de ses frères et sa sœur. S'il soutient être séparé de son épouse depuis plusieurs années, il a en Tunisie deux enfants âgés de dix et huit ans, à l'égard desquels un tribunal lui a reconnu un droit de visite et d'hébergement. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien visé ci-dessus, renvoyant aux dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la vie privée et familiale du requérant. 5. En troisième lieu, en ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien visé ci-dessus stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article 3 du même accord : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er (...) reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié" (...) ". Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".. 6. L'article L. 435-1 cité ci-dessus n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien régit les règles de délivrance des titres de séjour pour une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour à raison d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation. 7. Il résulte de ce qui précède que la préfète de la Loire ne pouvait légalement examiner et rejeter la demande de M. B... en se fondant sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au titre d'une activité salariée. Toutefois, il est possible, ainsi que l'a sollicité la préfète en défense devant le tribunal, de substituer à cette base légale erronée celle tirée du pouvoir dont dispose l'autorité préfectorale, de régulariser ou non la situation d'un étranger, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 8. En l'espèce, M. B... fait valoir qu'il a obtenu un diplôme de boulangerie en août 2001 en Tunisie et que son curriculum vitae fait apparaître qu'il a travaillé en région parisienne, de mars 2014 à août 2017 en qualité de boulanger pâtissier, puis de septembre 2017 jusqu'à septembre 2020 en qualité d'employé polyvalent au sein d'une société de restauration de type rapide et que depuis le 1er octobre 2020, il est employé en tant que boulanger à Lyon. Il fait également valoir que ce secteur d'activité rencontre des difficultés de recrutement dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, qu'il a le soutien de son employeur qui a accompli des démarches administratives pour sa régularisation et qu'il dispose d'un avis favorable rendu par les services de la main d'œuvre étrangère le 8 novembre 2021. Toutefois, le requérant ne produit aucune pièce propre à justifier du niveau de son diplôme, obtenu auprès du centre Ryade de formation professionnelle et touristique privé à Mednine, ni de l'équivalence de celui-ci avec le CAP ou le BEP de boulangerie exigé pour occuper le poste pour lequel son employeur a publié une annonce par l'intermédiaire de Pôle emploi. En outre, il ne justifie pas par des pièces probantes de son emploi en qualité de boulanger entre 2014 et 2017, et n'établit ainsi nullement disposer d'une expérience professionnelle significative en boulangerie. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation que la préfète de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours : 9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour à l'encontre des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours. 10. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que ces mesures violeraient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus. Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination : 11. Il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination de son éloignement doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. 12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de la préfète de la Loire du 3 décembre 2021. 13. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'articles L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Loire. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01544 |
CETATEXT000048424152 | J2_L_2023_11_00022LY01620 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424152.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY01620, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01620 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | IBARRA MICKAEL | Mme Audrey COURBON | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2012 et 2014, des majorations correspondantes et de l'amende qui lui a été appliquée sur le fondement de l'article 1766 du code général des impôts au titre de l'année 2014. Par un jugement nos 1901532, 1904120, 1904121 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 29 mai 2022, M. B..., représenté par Me Ibarra, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge de ces impositions, majorations et amendes ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 7 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il justifie du montant et de l'origine des sommes qui ont transité par son compte bancaire ouvert auprès du Crédit Suisse et qui ont servi à financer deux achats immobiliers en France ; elles proviennent, à hauteur de 179 904 euros, du prix de cession du fonds de commerce de la SARL Fitness club et, à hauteur de 365 641 euros, d'un prêt remboursé par Mme D... A... ; elles ont été utilisées pour souscrire une assurance-vie le 30 novembre 2011 d'un montant de 545 000 euros, dont le rachat partiel, puis total, les fonds ayant transité par son compte ouvert en Suisse, a été versé en 2012 et 2014 aux notaires en charge des opérations d'achats immobiliers à Tignes ; - la justification de la somme de 179 904 euros a été admise par le service dans la proposition de rectification et celle-ci n'avait pas à être soumise à l'impôt dès lors qu'elle correspond, à hauteur de 76 028 euros, au remboursement d'un compte courant d'associé, et qu'en l'absence de boni de liquidation, aucune imposition n'était due hormis l'enregistrement des actes ; - la somme de 365 641 euros ne peut faire l'objet de la présomption de revenus imposables prévue à l'article 1649 A du code général des impôts ; une partie des sommes qu'il a perçues en 2003 lors des cessions des parts des sociétés SCI Lo Terrachu, SARL Lo Terrachu et SARL Evolution 2 Hôtel a permis à son épouse, Mme D... A..., d'acquérir un bien immobilier à Londres en juin 2010, ainsi qu'en atteste le transfert de fonds intervenu le 2 juin 2010 sur le compte bancaire de cette dernière ; les sommes en cause ont été soumises à l'impôt en France en 2003, ce que l'administration ne remet pas en cause ; l'apport effectué étant un prêt, Mme D... A... l'a remboursé en deux fois en septembre et octobre 2011 ; une attestation signée par cette dernière et lui-même démontre de l'existence de ce prêt, l'administration ne pouvant l'écarter au seul motif qu'il n'a pas été enregistré, ni déclaré ; - l'administration a méconnu l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales et manqué à son devoir de loyauté, dès lors qu'en dépit de sa demande, elle ne lui a pas communiqué les documents transmis par la banque Crédit Suisse en réponse à la demande de communication du 7 février 2018 ; - s'agissant de la plus-value réalisée lors du rachat de son contrat d'assurance-vie, la proposition de rectification est insuffisamment motivée, en ce qui concerne les modalités de calcul de cette plus-value ; - les modalités de calcul de cette plus-value sont contraires aux règles prévues au BOI-RPPM-RCM-20-10-20-50, selon lesquelles le débouclage du contrat génère une perte de 766 euros ; - les intérêts de retard et majorations appliquées aux droit rappelés en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux seront déchargés par voie de conséquence ; - l'administration ne pouvait maintenir l'amende de 1 500 euros pour défaut de déclaration d'un contrat d'assurance-vie à l'étranger sur le fondement du premier alinéa de l'article 1766 du code général des impôts, au lieu du second alinéa du même article utilisé initialement, et déclaré non conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2017-667 QPC du 27 octobre 2017, le service ne pouvant opérer une substitution de base légale pour substituer une nouvelle amende à une amende déclarée non conforme à la Constitution. Par un mémoire, enregistré le 7 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 13 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Courbon, présidente assesseure, - et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ; Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme B... ont été assujettis, au titre des années 2012 et 2014, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant, d'une part, de la taxation, sur le fondement des articles 1649 A et 1649 AA du code général des impôts, des sommes de 300 033 euros et 253 025 euros transférées, respectivement, le 4 décembre 2012 et le 12 juin 2014 d'un compte bancaire que M. B... détenait en Suisse sur des comptes bancaires français et, d'autre part, de la réintégration dans leur revenu imposable de l'année 2014, sur le fondement du 2 de l'article 122 du même code, d'une plus-value de 12 510 euros réalisée à l'occasion du rachat d'un contrat d'assurance-vie. L'administration a appliqué aux impositions notifiées sur le fondement des articles 1649 A et 1649 AA du code général des impôts la majoration de 40 % prévue à l'article 1758 de ce code et à l'imposition à l'impôt sur le revenu établie au titre de l'année 2014, à raison de la plus-value, la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du même code. Enfin, l'administration a infligé à M. et Mme B... une amende de 1 500 euros en application du IV de l'article 1736 du code général des impôts et une amende de 1 500 euros en application de l'article 1766 du même code. M. B... relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après les avoir jointes, a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions à l'impôt sur le revenu, des contributions sociales auxquelles le foyer fiscal a également été assujetti au titre de ces deux années, des majorations dont ces impositions ont été assorties et de l'amende appliquée sur le fondement de l'article 1766 du code général des impôts. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) " et aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs. 3. La proposition de rectification du 6 février 2018 mentionne les impôts concernés, les années d'imposition, la catégorie d'imposition, les bases d'imposition retenues et les motifs sur lesquels s'est fondé le service pour rappeler les impositions en litige, conformément aux exigences posées par ces dispositions. S'agissant, en particulier, de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, de la plus-value réalisée par M. B... lors du rachat du contrat d'assurance-vie Swiss Life intervenu en 2014, il résulte de l'instruction que le montant retenu par l'administration, soit 12 510 euros, correspond à celui déterminé par la compagnie Swiss Life, dans un courrier du 22 mai 2014 adressé à M. B..., transmis par le conseil de ce dernier au service à l'appui de sa réponse, en date du 18 novembre 2016, à la demande d'informations et de justifications du 6 septembre 2016. Dans ces conditions, M. B..., qui a été mis à même de présenter utilement ses observations sur le principe et le montant de cette plus-value, n'est pas fondé à soutenir que la proposition de rectification est insuffisamment motivée en l'absence de précision des modalités de calcul de celle-ci. 4. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. ". Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. 5. Il ressort des termes de la proposition de rectification du 6 février 2018 que l'administration a fondé les rectifications en litige sur les renseignements et documents qu'elle a obtenus à la suite de l'exercice de son droit de communication le 5 août 2016, auprès de l'étude de Me Arnaud, notaire, le 10 août 2016, auprès du centre des services bancaires CDC Sud-Est Direction départementale des finances publiques de Saône et Loire et, le 2 mars 2017, auprès de l'étude de Me Maymaud, notaire. Si l'administration a, par ailleurs, adressé deux demandes d'assistance administrative aux autorités fiscales suisses le 12 décembre 2016, ces dernières ne lui ont répondu que le 6 février 2018, soit le jour même de l'envoi de la proposition de rectification du même jour, qui n'évoque pas les renseignements obtenus dans ce cadre. Le 7 février 2018, M. B... a demandé la communication des pièces recueillies dans le cadre de l'exercice du droit de communication. Le 14 février 2018, le service vérificateur a répondu à la demande de M. B... en lui communiquant, ainsi qu'à son conseil, la copie des documents obtenus de Me Arnaud, du centre des services bancaires CDC Sud-Est Direction départementale des finances publiques de Saône et Loire et de Me Maymaud. Si M. B... se plaint de l'absence de communication des informations transmises par les autorités suisses, sa demande de communication, eu égard à la date à laquelle elle a été présentée, ne pouvait porter que sur les renseignements obtenus de tiers mentionnés dans la proposition de rectification, qui lui ont été transmis et il ne soutient pas avoir présenté, par la suite, une nouvelle demande de communication à laquelle l'administration n'aurait pas répondu. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté. Sur le bien-fondé des impositions : 6. En premier lieu, aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " (...) Les personnes physiques, (...) domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus (...), les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. ". 7. Si la proposition de rectification du 6 février 2018 mentionne également les dispositions de l'article 1649 AA du même code, aux termes duquel : " Lorsque des contrats d'assurance-vie sont souscrits auprès d'organismes mentionnés au I de l'article 990 I qui sont établis hors de France, les souscripteurs sont tenus de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus, les références du ou des contrats, les dates d'effet et de durée de ces contrats, ainsi que les avenants et opérations de remboursement effectuées au cours de l'année civile. Les modalités d'application du présent alinéa sont fixées par décret. / Les versements faits à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de contrats non déclarés dans les conditions prévues au premier alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. ", il ressort des motifs retenus par le service vérificateur pour soumettre à l'impôt sur le revenu le transfert de fonds opéré depuis le compte bancaire Crédit Suisse détenu par M. B... vers des comptes bancaires français, que l'administration a entendu uniquement se fonder sur les dispositions, énoncées au point 6, de l'article 1649 A relatives au transfert de sommes entre la France et l'étranger par l'intermédiaire de comptes bancaires non déclarés. 8. Pour faire échec à la présomption édictée par l'article 1649 A du code général des impôts, il appartient au contribuable, quelle que soit la qualification juridique ou comptable que peut recevoir la somme qui est employée à fin d'être transférée, d'établir que les ressources ayant contribué à la constituer ont par elles-mêmes déjà été imposées, ou ne devaient, ou ne pouvaient pas l'être, non seulement au titre de l'année du transfert, mais aussi, le cas échéant, au titre d'années antérieures. 9. Il n'est pas contesté que M. B... a ouvert, en Suisse, un compte bancaire auprès de l'établissement Crédit Suisse, sans le déclarer. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification du 6 février 2018, que le compte bancaire suisse de M. B... a été crédité d'un montant de 179 904 euros le 22 septembre 2011, puis d'un montant de 365 641 euros correspondant à deux versements effectués les 22 septembre et 19 octobre 2011. Ces sommes ont été utilisées par l'intéressé pour souscrire, le 30 novembre 2011, un contrat d'assurance-vie auprès de la compagnie Swiss Life d'un montant de 545 000 euros également non déclaré. M. B... a procédé, le 28 novembre 2012, au rachat partiel de son contrat d'assurance-vie à hauteur de 300 000 euros, somme encaissée sur son compte bancaire suisse. M. B... a ensuite procédé, le 4 décembre 2012, au règlement par chèque bancaire, depuis ce même compte, d'une somme de 300 033 euros à Me Maymaud, notaire, pour financer l'achat d'un local commercial à Tignes (Savoie), par l'intermédiaire de la SCI Pro Palafour. M. B... a également procédé, le 30 mai 2014, au rachat du solde de son contrat d'assurance-vie, d'un montant de 265 500 euros, somme versée sur son compte bancaire suisse. Il a ensuite procédé, le 12 juin 2014, à partir de ce compte, au règlement d'une somme de 265 535 euros à Me Arnaud, notaire, le 12 juin 2014, en vue de l'acquisition d'un immeuble à Tignes, par l'intermédiaire de la SARL Toubkal. Les sommes de 300 033 euros et 265 535 euros respectivement transférées de l'étranger les 4 décembre 2012 et 12 juin 2014 depuis le compte bancaire non déclaré ouvert en Suisse, ont été regardées par l'administration comme des revenus d'origine indéterminée imposables en l'absence de preuve contraire, le revenu imposable de l'année 2014 ayant été ramené par le service à 253 025 euros, compte tenu de la plus-value réalisée par M. B... lors du rachat du solde de son contrat d'assurance-vie, d'un montant de 12 510 euros, imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. 10. S'agissant de la somme de 179 902 euros créditée sur son compte suisse le 22 septembre 2011, M. B... fait valoir qu'elle résulte de la cession du fonds de commerce de la SARL Fitness Club, dont son épouse et lui étaient les associés, intervenue le 13 décembre 2010 au prix de 325 000 euros. Il résulte de l'instruction, et notamment des écritures, non contestées sur ce point, du ministre, qu'une somme de 147 747,48 euros a été créditée sur le compte bancaire de la SARL Fitness Club le 22 août 2011, en paiement du solde de la vente de son fonds de commerce et qu'à cette date, le solde créditeur de ce compte bancaire s'élevait à 179 902,20 euros, compte du tenu d'un solde créditeur antérieur au 31 juillet 2011 de 15 299,33 euros et d'un remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 16 857 euros intervenu le 17 août 2011. Cette somme de 179 902,20 euros a ensuite été versée, par virement du 22 septembre 2011, sur le compte bancaire personnel de M. B... ouvert auprès du Crédit Suisse. S'il soutient qu'elle n'est pas imposable, s'agissant, à hauteur de 76 028 euros, du remboursement du compte courant d'associé ouvert à son nom dans les écritures de la SARL Fitness Club, et en l'absence de boni de liquidation dans le cadre de la cessation d'activité de cette société, il ne l'établit pas par la seule production de deux procès-verbaux d'assemblée générale de la SARL Fitness Club, datés du 2 décembre 2011, dont le premier se borne à décider la dissolution anticipée et la liquidation amiable de la société, et le second, après avoir mentionné l'existence d'une somme de 76 028 euros sur le compte courant de M. B..., à acter de l'absence de remboursement des parts sociales et de partage du fait du solde négatif du compte de liquidation, ces procès-verbaux, établis après l'encaissement de la somme en litige, ne justifiant ni de la nature de celle-ci, ni, a fortiori, de ce qu'elle aurait déjà été imposée ou ne devait ou ne pouvait l'être. 11. S'agissant de la somme de 365 641 euros, créditée sur son compte en septembre et octobre 2011, M. B... fait valoir qu'elle correspond au remboursement d'un prêt, consenti à son épouse, afin de lui permettre d'acquérir un bien immobilier à Londres, acquisition réalisée par l'intéressée le 12 juillet 2010. Les fonds lui ayant permis d'octroyer ce prêt proviennent, selon le requérant, de la cession, en 2003, de parts sociales de la SCI Lo Terrachu pour 13 000 euros, de la SARL Lo Terrachu pour 1 euro et de la SARL Evolution 2 Hôtel pour 291 898 euros. Toutefois, M. B..., qui ne produit aucun justificatif à l'exception de l'acte d'achat du 12 juillet 2010, ne démontre ni n'avoir appréhendé personnellement le produit des cessions de titres qu'il invoque, ni que ces opérations ont, lors de leur réalisation, été soumises à l'impôt. Il n'établit pas davantage l'existence du prêt allégué, qui n'a été ni enregistré, ni déclaré, par la seule production d'une déclaration signée des époux datée du 16 septembre 2011 et dépourvue de date certaine. Enfin, et en tout état de cause, aucun lien ne peut être fait, en termes de dates et de montants, entre le produit des cessions de titres invoquées et les sommes prétendument prêtées à son épouse et remboursées par cette dernière. Dans ces conditions, M. B... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que les ressources ayant contribué à constituer la somme de 365 641 euros ont déjà été imposées, ou ne devaient, ou ne pouvaient pas l'être. 12. En deuxième lieu, si M. B... conteste les modalités de calcul de la plus-value imposable réalisée en 2014 lors du rachat total de son contrat d'assurance-vie souscrit à l'étranger, il n'assortit son moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé au regard de la loi fiscale. Sur ce point, le requérant ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe n° 80 de l'instruction administrative référencée BOI-RPPM-RCM-20-10-20-50 publiée le 11 février 2014, qui traite des modalités de détermination des plus-values réalisées à l'occasion du rachat partiel de contrats d'assurance-vie souscrits en France, dans les prévisions duquel il n'entre pas. Sur l'amende infligée sur le fondement de l'article 1766 du code général des impôts au titre de l'année 2014 : 13. Aux termes de l'article 1766 du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 14 de la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 : " Les infractions aux dispositions du premier alinéa de l'article 1649 AA sont passibles d'une amende de 1 500 € par contrat non déclaré. Ce montant est porté à 10 000 € par contrat non déclaré lorsque l'obligation déclarative concerne un Etat ou territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales permettant l'accès aux renseignements bancaires. / Si le total de la valeur du ou des contrats non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 € au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l'amende est portée pour chaque contrat non déclaré à 5 % de la valeur de ce contrat, sans pouvoir être inférieure aux montants prévus au premier alinéa. ". 14. M. B..., qui a souscrit un contrat d'assurance-vie Swiss Life à l'étranger le 16 décembre 2011, ne l'a pas déclaré lors du dépôt de ses déclarations de revenus au titre des années 2012, 2013 et 2014 en méconnaissance de l'article 1649 AA du code général des impôts. L'administration lui a infligé en conséquence, eu égard à la valeur de ce contrat, une amende correspondant à 5 % de la valeur du contrat au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, sur le fondement du second alinéa de l'article 1766 du code général des impôts, alors applicable. A la suite des observations présentées par le requérant le 12 avril 2018, seule l'amende relative à l'année 2014 a été maintenue pour un montant de 13 250 euros. Par la décision du 21 décembre 2018 statuant sur la réclamation préalable de M. B..., qui s'était prévalu de la décision n° 2017-667 QPC du 27 octobre 2017p par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le second alinéa de l'article 1766 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 14 de la loi du 14 mars 2012, l'administration a prononcé un dégrèvement d'un montant de 11 750 euros, ramenant l'amende au montant forfaitaire de 1 500 euros prévu au premier alinéa du même article. 15. Le second alinéa de l'article 1766 du code général des impôts ayant été abrogé par la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016, l'administration, en ramenant le montant de l'amende infligée à M. et Mme B... au montant forfaitaire, devenu plafond, de 1 500 euros prévu au premier alinéa de cet article, qui n'a pas été abrogé, a appliqué immédiatement, comme elle y est tenue, la loi répressive nouvelle plus douce, sans procéder à une substitution de base légale, s'agissant de deux taux d'une même amende selon la valeur du contrat non déclaré, comme l'a retenu à tort le tribunal administratif. Il s'ensuit que M. B... n'est fondé à soutenir ni que l'amende en litige est dépourvue de base légale, ni que l'administration aurait procédé à une substitution de base légale en violation de la déclaration d'inconstitutionnalité du 27 octobre 2017. 16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. PruvostLa greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01620 |
CETATEXT000048424154 | J2_L_2023_11_00022LY01621 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424154.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY01621, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01621 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | WALGENWITZ AVOCATS | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 octobre 2020 par laquelle le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon a prononcé son licenciement à la date du 25 janvier 2021. Par un jugement n° 2100477 du 25 mars 2022, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 22 octobre 2020 et enjoint au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, sous réserve d'une modification de la situation de l'intéressée y faisant obstacle, de réintégrer Mme B... en qualité de fonctionnaire momentanément privée d'emploi, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 25 mai 2022 et un mémoire enregistré le 24 octobre 2023, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, représenté par la SELARL Walgenwitz Avocats, agissant par Me Walgenwitz, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 mars 2022 ; 2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon ; 3°) et de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - M. Locatelli, président du centre de gestion, est habilité à le représenter devant la cour en vertu d'une délibération de son conseil d'administration du 27 juin 2022 ; - c'est à tort que le tribunal a jugé que l'article 97 de la loi n° 84-53 dans sa rédaction alors applicable, ne permettait pas le licenciement de Mme B... au motif qu'elle n'avait pas bénéficié d'un accompagnement effectif par le centre de gestion pendant dix ans ; - le centre de gestion étant en situation de compétence liée, les moyens invoqués par Mme B... contre l'arrêté du 22 octobre 2020 sont inopérants ; - M. Locatelli était habilité à signer la décision attaquée. Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Maingot, conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle expose que : - la qualité de M. Locatelli pour agir au nom du centre de gestion n'étant pas établie, la requête est irrecevable ; - le moyen soulevé par le centre de gestion n'est pas fondé ; - l'arrêté du 22 octobre 2020 est entaché d'incompétence. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 août 2022. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général de la fonction publique ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ; - le décret n°85-643 du 26 juin 1985 ; - le code de justice administrative. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; - les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ; - les observations de Me Allala, représentant le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon ; Considérant ce qui suit : 1. Par un jugement du 19 novembre 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision par laquelle le maire de Présilly a refusé de réintégrer Mme B... dans ses fonctions de rédacteur territorial à l'échéance d'une période de mise en disponibilité, et a enjoint au maire de la réintégrer et de régulariser sa situation administrative. Dans le cadre de l'exécution de ce jugement, Mme B... a été rétroactivement réintégrée dans les effectifs de la commune de Présilly avant d'être rétroactivement prise en charge par le Centre de gestion de la fonction publique territoriale de la Haute-Savoie à compter du 25 janvier 2011 en qualité de fonctionnaire momentanément privée d'emploi, par un arrêté du 20 janvier 2014. Par un arrêté du 22 octobre 2020, le président du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, désormais compétent, a décidé de mettre fin à cette prise en charge à l'issue de la dixième année de celle-ci, soit à compter du 25 janvier 2021, et de la licencier. Le centre de gestion relève appel du jugement du 25 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a prononcé l'annulation de cet arrêté. Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme B... : 2. Aux termes de l'article 27 du décret du 26 juin 1985 visé ci-dessus, relatif aux centres de gestion institués par la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relative à la fonction publique territoriale : " Le conseil d'administration (...) décide de toute action en justice ". Aux termes de l'article 28 du même décret : " Le président du centre (...) représente le centre en justice et auprès des tiers ". 3. Il ressort de la délibération du conseil d'administration du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon du 27 juin 2022 que ce conseil est présidé par M. C... Locatelli, et qu'il a autorisé son président à relever appel du jugement rendu le 25 mars 2022 par le tribunal administratif de Lyon et à représenter le centre devant la cour. La fin de non-recevoir tirée de ce que M. Locatelli ne justifierait pas de sa qualité à représenter le centre de gestion devant la cour ne peut dès lors être accueillie. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, dans sa rédaction issue de l'article 78 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " Dès lors qu'un emploi est susceptible d'être supprimé, l'autorité territoriale recherche les possibilités de reclassement du fonctionnaire concerné. / I.- (...) Pendant la période de prise en charge, l'intéressé est placé sous l'autorité du Centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion, lesquels exercent à son égard toutes les prérogatives reconnues à l'autorité investie du pouvoir de nomination ; l'intéressé est soumis à tous les droits et obligations attachés à sa qualité de fonctionnaire ; il reçoit la rémunération correspondant à l'indice détenu dans son grade à hauteur de cent pour cent la première année de prise en charge. Cette rémunération est ensuite réduite de dix pour cent chaque année. Pendant cette période, le centre peut lui confier des missions y compris dans le cadre d'une mise à disposition réalisée dans les conditions prévues aux articles 61 et 62 et lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade ; l'intéressé est tenu informé des emplois créés ou déclarés vacants par le centre. La rémunération nette perçue par le fonctionnaire pris en charge est réduite du montant des rémunérations nettes perçues à titre de cumul d'activités. / Dans les trois mois suivant le début de la prise en charge, le fonctionnaire et le Centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion élaborent conjointement un projet personnalisé destiné à favoriser son retour à l'emploi. Ce projet fixe notamment les actions d'orientation, de formation et d'évaluation qu'il est tenu de suivre. A ce titre, le fonctionnaire bénéficie d'un accès prioritaire aux actions de formation longues nécessaires à l'exercice d'un nouveau métier dans l'un des versants de la fonction publique ou dans le secteur privé. (...) IV. - Au terme de la période de prise en charge financière prévue au deuxième alinéa du I, le fonctionnaire est licencié ou, lorsqu'il peut bénéficier de la jouissance immédiate de ses droits à pension et à taux plein, radié des cadres d'office et admis à faire valoir ses droits à la retraite. (...) ". Aux termes du XVI de l'article 94 de la loi du 6 août 2019 : " L'article 78 de la présente loi est applicable aux fonctionnaires momentanément privés d'emploi pris en charge à la date de publication de la présente loi par le Centre national de la fonction publique territoriale ou un centre de gestion selon les modalités suivantes : 1° Pour les fonctionnaires pris en charge depuis moins de deux ans, la réduction de 10 % par an de la rémunération débute deux ans après leur date de prise en charge ; 2° Pour les fonctionnaires pris en charge depuis deux ans ou plus, la réduction de 10 % par an entre en vigueur un an après la publication de la présente loi ; 3° Les fonctionnaires pris en charge à la date de publication de la présente loi, d'une part, et le centre de gestion compétent ou le Centre national de la fonction publique territoriale, d'autre part, disposent d'un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi pour élaborer conjointement le projet personnalisé destiné à favoriser le retour à l'emploi ; 4° Sans préjudice des cas de licenciement prévus à l'article 97 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction résultant de la présente loi, la prise en charge des fonctionnaires relevant depuis plus de dix ans, à la date de publication de la présente loi, du Centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion cesse dans un délai d'un an à compter de cette même date. Dans les autres cas, la durée de prise en charge constatée antérieurement à la date de publication de la présente loi est prise en compte dans le calcul du délai au terme duquel cesse cette prise en charge. La prise en charge cesse selon les modalités définies au IV dudit article 97, dans sa rédaction résultant de la présente loi ". 5. Il ressort de ces dispositions que si le législateur a entendu, par la loi de transformation de la fonction publique, renforcer l'accompagnement dont les fonctionnaires momentanément privés d'emploi bénéficient de la part du centre de gestion, il n'a pas subordonné à la condition que le fonctionnaire ait effectivement bénéficié de cet accompagnement l'application de la nouvelle limitation de la durée de la prise en charge financière. En vertu des dispositions du 4° du XVI de l'article 94 de la loi du 6 août 2019, cette prise en charge cesse dans un délai d'un an suivant l'expiration d'une durée de dix ans de prise en charge. Or, en l'espèce, Mme B... a bénéficié à titre rétroactif d'une prise en charge financière par le centre de gestion à compter du 25 janvier 2011, en vertu d'un arrêté du président du centre de gestion de la fonction publique de Haute Savoie du 20 janvier 2014. Le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré par Mme B... de ce que son accompagnement effectif n'avait commencé qu'en 2014 pour annuler l'arrêté du 22 octobre 2021 ayant prononcé son licenciement. 6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant elle. 7. Il ressort de la délibération du 29 mars 2021 produite par le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon que M. Locatelli a bien été élu président du conseil d'administration de ce centre. Mme B... ne produit aucun élément dont il ressortirait que son élection serait postérieure à la date de l'arrêté du 22 octobre 2020. Le moyen tiré de l'incompétence de ce signataire pour prendre cet arrêté ne peut dès lors être accueilli. 8. Il résulte de tout ce qui précède que le centre de gestion appelant est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 22 octobre 2020. Sur les frais liés au litige : 9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme que le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon réclame sur le fondement des mêmes dispositions. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement n° 2100477 du tribunal administratif de Lyon du 25 mars 2022 est annulé. Article 2 : Les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Lyon et devant la cour administrative d'appel de Lyon sont rejetées. Article 3 : Le surplus des conclusions du centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône et de la métropole de Lyon et à Mme A... B.... Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne à la préfète du Rhône en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01621 |
CETATEXT000048424156 | J2_L_2023_11_00022LY01636 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424156.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY01636, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01636 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | JURISOPHIA SAVOIE - BUREAU D'ANNECY | Mme Audrey COURBON | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure La SARL APC a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014 et 2015 à hauteur de la somme de 241 821 euros et, à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la majoration de 40 % pour manquement délibéré qui lui a été appliquée au titre de l'exercice clos en 2014 et de la majoration de 40 % pour défaut de déclaration qui lui a été appliquée au titre de l'exercice clos en 2015. Par un jugement n° 1900875 du 29 mars 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 mai 2022 et 5 janvier 2023, la SARL APC, représentée par Mes Eveno et Berthier, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes, ou, à défaut, de la pénalité pour manquement délibéré ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle a été privée de débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité, dès lors que l'administration a procédé à des constatations depuis l'extérieur de ses bâtiments secondaires, à l'insu de son gérant ; - c'est à tort que l'administration a refusé d'admettre en déduction les charges correspondant aux frais de location de locaux à Rillieux-la-Pape, alors qu'elle occupe ces locaux qui sont nécessaires à son activité, en présence d'une clientèle importante implantée en région lyonnaise ; il en va de même des charges afférentes aux locaux d'Oyannax, qu'elle a pris à bail en vue d'y développer son activité en 2005 ; - il ne saurait lui être reproché une discordance entre les montants payés et ceux mentionnés dans les baux et quittances, ou l'absence de régularisation des charges, qui sont imputables aux bailleurs, tout comme le caractère erroné des déclarations de ces bailleurs selon lesquelles les locaux seraient vacants ; l'absence d'enseigne sur les locaux tout comme l'absence de personnel sur place sont sans incidence ; - c'est à tort que le tribunal administratif a retenu que l'administration avait constaté, sur place, l'absence d'occupation des locaux d'Oyonnax, alors que cette visite a eu lieu hors la présence de son gérant, en violation du principe du contradictoire ; - la proposition de motivation est insuffisamment motivée s'agissant de ce chef de rectification ; - l'administration s'est immiscée irrégulièrement dans sa gestion ; - il convient de tirer les conséquences du statut d'ordre public des baux commerciaux, notamment s'agissant de la durée du bail et des modalités de rupture ; - en rejetant les charges de loyers versées à la société Anapopop, qui est une société de personnes dont elle détient 10 % du capital social, elle subit une double imposition, dès lors qu'elle est imposée au titre du bénéfice réalisé par cette société à proportion de sa participation au capital ; - les charges payées à la société Generale Elec pour l'entretien et des travaux effectués dans les locaux de Rillieux-la-Pape et Oyonnax doivent également être admises en déduction ; - les charges payées à la société APC Finances pour des prestations de services administratifs et la refacturation d'achats sont déductibles ; s'agissant des prestations de service à caractère administratif, l'administration les a admis en 2014 et aucune raison ne justifie leur rejet en 2015, alors qu'aucune preuve n'est apportée de leur caractère fictif ; quant aux achats de consommables, ils ont effectivement été utilisés par son personnel salarié ; - les charges payées à la société MT Conseil, qui concernent essentiellement des prestations de ménage, ont été rejetées en 2014 et 2015, mais admises en 2016 et 2017 dans le cadre d'un autre contrôle ; l'administration a méconnu le principe de confiance légitime, ces prestations étant, au cours des deux périodes, rendues dans des conditions et à des tarifs identiques ; - le montant des impositions et pénalités doit être réduit du montant du CICE et de la réduction d'impôt mécénat de l'exercice 2015 ; - la pénalité pour manquement délibéré n'est pas justifiée ; si l'administration s'est fondée sur la communauté d'intérêts existant entre elle et les autres sociétés qui lui ont facturé les charges en litige, qui ont le même gérant, M. A..., il convient d'apprécier globalement l'existence d'un manquement et de prendre en compte le fait que ces sociétés ont déclaré les revenus correspondants dans leurs propres déclarations si bien qu'aucune volonté d'éluder l'impôt ne peut être reprochée à M. A... ; s'agissant des facturations MT Conseil, l'administration a reconnu la réalité des prestations dans son contrôle portant sur les exercices 2016 et 2017 ; - la pénalité pour dépôt tardif des déclarations est injustifié, le retard étant imputable à son expert-comptable, dont elle a engagé la responsabilité. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés. Par ordonnance du 13 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, - les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique, - et les observations de Me Gagneux, représentant la SARL APC ; Une note en délibéré présentée par la SARL APC a été enregistrée le 31 octobre 2023. Considérant ce qui suit : 1. La SARL APC, qui exerce une activité de courtage en assurances, ayant pour associés M. A..., son gérant, détenteur de 499 parts sur 500, et sa compagne, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 à l'issue de laquelle l'administration l'a, d'une part, assujettie, selon la procédure contradictoire, à un complément d'impôt sur les sociétés, au titre de l'exercice clos en 2014, résultant du refus d'admettre en déduction de son résultat imposable des dépenses comptabilisées en charges et des amortissements somptuaires et l'a, d'autre part, taxée d'office à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015, la déclaration de résultat de cet exercice ayant été remise en mains propres après l'expiration du délai imparti par une mise en demeure de la déposer. Le complément d'impôt assigné à la SARL APC au titre de l'exercice clos en 2014 a été assorti, selon les rappels, de la majoration de 10 % prévue au a. de l'article 1728-1 du code général des impôts et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a. de l'article 1729 du même code. L'administration a appliqué à l'imposition établie d'office au titre de l'exercice clos en 2015 la majoration de 40 % prévue au b. de l'article 1728-1 de ce code. La SARL APC relève appel du jugement du 29 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et pénalités. Sur la régularité de la procédure d'imposition : 2. En premier lieu, dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, soit, comme il est de règle, dans ses propres locaux, soit, si son dirigeant ou représentant l'a expressément demandé, dans les locaux du comptable auprès duquel sont déposés les documents comptables, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que ce dernier se serait refusé à un tel débat. 3. Il résulte de l'instruction que la vérification de comptabilité de la SARL APC, dont la première intervention s'est tenue le 10 janvier 2017, a eu lieu au siège de la société et a donné lieu à plusieurs rencontres entre le vérificateur et M. A..., gérant, notamment le 14 février 2017, le 3 mars 2017 et le 5 mai 2017, date de la réunion de synthèse. La société requérante n'établit pas, ni même n'allègue, que le vérificateur se serait, à ces occasions, soustrait à tout débat. Si elle soutient que le vérificateur a procédé, depuis la voie publique, à des constatations concernant les locaux qu'elle loue à Oyonnax et Rillieux-la-Pape, tenant à l'absence de signalisation de la société et de boîte aux lettres à son nom, hors la présence de son gérant, cette circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à caractériser une violation du débat oral et contradictoire, ni même du principe du contradictoire, et ce alors que le vérificateur n'est pas entré dans les locaux pris à bail et qu'il n'était pas tenu, avant de faire ces constatations, d'en informer la société. Par suite, la SARL APC n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur. 4. En second lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, d'une part : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs. 5. La proposition de rectification du 15 mai 2018 adressée à la SARL APC mentionne, pour l'exercice clos en 2014, l'impôt concerné, l'exercice d'imposition, la base d'imposition retenue ainsi que le fondement légal des différents chefs de rectification. S'agissant de la remise en cause du caractère déductible des loyers versés aux SCI Ut Babar et Anapopop pour des locaux situés à Rillieux-la-Pape et à la SCI Kabobol pour des locaux situés à Oyonnax, le service vérificateur a détaillé, pour chacun des locaux et des bailleurs, les éléments de fait qui l'ont amené à considérer que la SARL APC n'utilisait pas ces locaux pour les besoins de son exploitation, de telle sorte que le paiement de ces charges était constitutif d'un acte anormal de gestion. Elle est ainsi suffisamment motivée au sens des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales, applicable au complément d'impôt sur les sociétés afférent à l'exercice clos en 2014, établi selon la procédure contradictoire. Si la SARL APC fait valoir que certains des éléments retenus par l'administration sont erronés, cette critique a trait au bien-fondé des impositions en litige et est, en elle-même, sans incidence sur la motivation de la proposition de rectification. 6. S'agissant de la cotisation d'impôt sur les sociétés établie d'office au titre de l'exercice clos en 2015, la proposition de rectification du 15 mai 2018 précise les bases ou éléments ayant servi à son calcul et leurs modalités de détermination, conformément à l'article L. 76 du livre des procédures fiscales, aux termes duquel : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions. (...) ". Sur le bien-fondé des impositions : En ce qui concerne l'exercice clos en 2014 : 7. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive. 8. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration. 9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la SARL APC a conclu, le 30 mars 2007, avec la SCI Ut Babar, dont le capital est détenu par M. A..., qui en est le gérant, et la compagne de celui-ci, un bail commercial portant sur des locaux à usage de bureaux et d'archives à Rillieux-la-Pape, d'une superficie de 110 m2, au prix de 11 000 euros par an. La SARL APC a comptabilisé en charges, à ce titre, une somme de 29 001,60 euros au titre de l'exercice 2014. La SARL APC a également signé, le 15 mars 2015, avec la SCI Anapopop, dont le capital est détenu majoritairement par M. A..., qui en est le gérant, et sa compagne, un bail commercial portant sur des locaux de 346 m2 situés à Rillieux-la-Pape, pour un loyer annuel de 34 335 euros. Les charges de location comptabilisées au titre de ce bail par la SARL APC se sont élevées à 44 698,96 euros au titre de l'exercice 2014. La SARL APC a enfin conclu avec la SCI Kabobol, dont le capital est détenu par M. A..., qui en est le gérant, et sa compagne, le 1er décembre 2008, un bail commercial portant sur des locaux à usage de bureau, d'une superficie de 150 m2, situés à Oyonnax, pour un loyer annuel de 18 000 euros et a comptabilisé en charges, à ce titre, une somme de 24 832,76 euros en 2014. Le service a remis en cause le caractère déductible de ces charges des résultats imposables de la SARL APC, estimant qu'elles n'avaient pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. 10. Si la SARL APC a justifié des charges ainsi comptabilisées en produisant les baux et les factures émises par les trois SCI, l'administration a relevé que les montants comptabilisés par la SARL APC ne correspondaient pas à ceux mentionnés dans les différents contrats de bail. Elle a également relevé que ces montants ne correspondaient pas davantage, tant dans leurs dates que dans leurs montants, aux factures établies par les bailleurs, sans que ces discordances soient justifiées. L'administration a par ailleurs constaté que les salariés de la SARL APC ne travaillaient pas dans ces locaux, mais dans ceux de son siège à Sevrier, que la société n'avait souscrit aucun contrat d'abonnement pour l'eau, l'électricité et le téléphone, que le montant des charges locatives était identique pour les deux exercices en litige, sans qu'aucune régularisation soit intervenue, et qu'à l'occasion de visites sur place, il a été constaté l'absence de toute signalisation de la société dans les différents locaux loués. Enfin, l'administration a relevé que les SCI bailleresses ont toutes déclaré, en 2015, que les locaux concernés étaient vacants et non loués. La société requérante, qui soutient que les locaux de Rillieux-la-Pape sont utilisés à usage d'archives et pour y recevoir ses clients établis dans la région lyonnaise, n'en justifie pas par la seule production d'attestations, rédigées en termes peu circonstanciés, établies par trois salariés et trois clients, par la production de relevés de péages d'autoroute, sans lien direct avec les locaux et par la production de papiers à en-tête à l'adresse de ces locaux. Elle n'apporte par ailleurs aucun élément de nature à démontrer que l'un des locaux de Rillieux-la-Pape serait utilisé pour y stocker des archives, et ce alors qu'elle dispose déjà d'un local loué à cette fin à proximité de son siège social, et dont l'administration n'a pas remis en cause les frais de location comptabilisées à ce titre. S'agissant des locaux d'Oyonnax, la SARL APC se borne à faire valoir qu'elle les a pris à bail en vue d'y développer une clientèle, sans produire aucun justificatif à l'appui de cette allégation. Enfin, si la SARL APC indique qu'elle était tenue au paiement des loyers du fait de la signature des contrats de bail, cette circonstance ne fait pas, en elle-même obstacle à la remise en cause du caractère déductible des charges en litige, d'autant qu'ainsi qu'il a été dit, elle a versé aux trois SCI des sommes bien supérieures à celles mentionnés sur les baux. Dans ces conditions, l'administration, qui fait par ailleurs état de la communauté d'intérêts existant entre la SARL APC et les SCI Ut Babar, Anapopop et Kabobol, qui ont les mêmes associés et le même gérant, et qui ne s'est pas immiscée dans la gestion de la société, mais a contrôlé, ainsi qu'il lui appartient, les justificatifs produits par la SARL APC à l'appui des charges qu'elles a déduites de ses résultats imposables, établit que les sommes versées à ces SCI au titre des baux en litige sont dépourvues de toute contrepartie, qu'elles n'ont, dès lors, pas été engagées dans l'intérêt de la SARL APC et que leur prise en charge est constitutive d'un acte anormal de gestion. Par suite, c'est à bon droit que ces sommes ont été réintégrées dans ses résultats imposables de l'exercices 2014. 11. En deuxième lieu, la circonstance que la SARL APC détient une partie du capital de la SCI Anapopop, et qu'elle est, à ce titre, imposable, au prorata de ses droits dans cette société, sur une part du bénéfice réalisé par celle-ci, lequel est notamment constitué des loyers qui lui sont facturés, n'est pas de nature à caractériser une double imposition, les résultats des deux sociétés, qui sont des contribuables distincts, étant indépendants l'un de l'autre. 12. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que la SARL APC a comptabilisé en charges une somme de 45 985, 20 euros en 2014 correspondant à des travaux d'entretien et de réparation réalisés par la SARL Generale Elec, dont M. A... est l'associé et le gérant, dans les locaux pris à bail à Rillieux-la-Pape et Oyonnax. Dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point ci-dessus, les frais de location de ces locaux n'ont pas été engagés dans l'intérêt de l'entreprise, les frais de travaux et de réparation y afférents ne le sont pas davantage. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les sommes en cause dans le résultat imposable de la SARL APC. 13. En quatrième lieu, la SARL APC a comptabilisé en charges, au titre de l'exercice 2014, une somme de 24 500 euros correspondant à la refacturation d'achats divers par la SARL APC Finances, dont M. A... est le gérant et détient 94 % du capital social. Ainsi que le relève l'administration, ces refacturations, qui correspondent à la fourniture de petit matériel, à des cadeaux, des achats de gâteaux et boissons et des frais de restaurant, ne sont organisées par aucune convention liant les deux sociétés, sont toutes datées du 29 décembre 2014 et présentent un caractère forfaitaire. Elle ajoute que la SARL APC n'a produit, au cours du contrôle, aucune valorisation détaillée de ces frais, ni aucun justificatif. Dans ces conditions, l'administration, qui rappelle les relations d'intérêts existant entre les deux sociétés qui ont le même dirigeant, les mêmes associés et le même siège social, établit que les dépenses en cause n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'entreprise et qu'elles sont constitutives d'un acte anormal de gestion. Par suite, c'est à bon droit que la somme de 24 500 euros a été réintégrée dans le résultat imposable de la SARL APC. 14. En cinquième lieu, la SARL APC a comptabilisé en charges, à hauteur de 24 095 euros en 2014, des prestations facturées par Mme B..., compagne de M. A..., qui exerce une activité individuelle de prestations de ménage sous le nom commercial MT Conseil. Pour remettre en cause le caractère déductible de ces charges, présentées comme correspondant au ménage des locaux de Rillieux-la-Pape et Doussard, l'administration a d'abord relevé l'absence de convention liant la SARL APC et Mme B..., l'existence d'anomalies dans la facturation, qu'il s'agisse de la présentation formelle des factures, de la mention de périodes de réalisation postérieures à leur établissement et de l'absence d'indication du lieu de réalisation des prestations ainsi que la circonstance que les factures étaient réglées avant leur établissement. Elle a également relevé que la SARL APC emploie une salariée comme agent d'entretien pour les locaux de Sevrier et que cette dernière réalisait, au vu des déclarations de salaires établies par la société, en moyenne 14 heures par semaine, alors que, selon les informations données par M. A... lors du contrôle, le ménage des locaux de Sevrier ne l'occupait que 4 à 5 heures par semaine. L'administration a également noté, d'une part, que les locaux de Rillieux-la-Pape n'étaient pas utilisés pour les besoins de l'exploitation de la SARL APC et que celle-ci a également payé à la SARL Generale Elec des prestations d'entretien du bâtiment de Doussard. Elle a, enfin, relevé le prix très élevé des prestations facturées par Mme B... au regard de leur nature et l'absence de justificatif du détail de celles-ci. Par ces éléments, et eu égard à la relation d'intérêt liant les deux sociétés, l'administration établit que les dépenses en cause n'ont pas été engagées dans l'intérêt de l'exploitation de la SARL APC et qu'elles sont constitutives d'un acte anormal de gestion. Par suite, c'est à bon droit qu'elle a remis en cause leur caractère déductible des résultats imposables de l'intéressée. En ce qui concerne l'exercice clos en 2015 : 15. La SARL APC, ainsi qu'il a été dit au point 1, a été taxée d'office au titre de l'exercice clos en 2015 sur le fondement du 2° de l'article L. 66 et de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, sa déclaration de résultat ayant été déposée plus de trente jours après la mise en demeure qui lui a été notifiée le 20 août 2016. Par suite, il lui appartient, en application de l'article L. 193 du même livre, d'établir le caractère exagéré des impositions mises à sa charge. 16. En premier lieu, eu égard à ce qui a été dit aux points 9 à 14 ci-dessus, la SARL APC, qui ne produit aucun justificatif en ce sens, n'établit pas que les charges comptabilisées au cours de l'exercice clos en 2015, correspondant à la location des locaux de Rillieux-la-Pape et d'Oyonnax (soit 20 001, 60 euros, 44 698, 96 euros et 24 832,76 euros), aux frais d'entretien de ces locaux (33 16,46 euros), aux prestations facturées par Mme B... (34 500 euros) et aux refacturations d'achats divers par la SARL APC Finances (36 500 euros) ont été engagées dans l'intérêt de son exploitation. 17. En deuxième lieu, s'agissant des prestations administratives facturées par cette même société, à hauteur de 75 600 euros en 2015, la SARL APC fait valoir que l'administration n'a pas remis en cause le montant comptabilisé à ce titre au cours de l'exercice 2014. Il résulte toutefois de l'instruction que l'administration s'est fondée sur le changement d'effectifs intervenu au sein de la SARL APC Finances, qui employait, en 2014, quatre salariés (une agent d'entretien et une directrice administrative et financière sur l'ensemble de l'année ainsi qu'un responsable de projet et une assistante administrative sur les six premiers mois de l'année) et n'employait plus, en 2015, qu'une agent d'entretien, sa directrice administrative et financière travaillant désormais pour la SARL APC, pour en déduire que la SARL APC Finances ne disposait plus, en 2015, des moyens humains nécessaires à la réalisation de prestations de gestion administrative. Dans ces conditions, la société requérante, qui ne conteste pas le constat opéré par l'administration et se borne à faire état d'une volonté de recentrage de son activité sur le courtage en assurances, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que ces dépenses ont été engagées dans l'intérêt de son exploitation. 18. En troisième lieu, si la SARL APC indique que l'administration n'a pas pris en compte, dans l'établissement de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à sa charge au titre de l'exercice 2015, un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi de 14 265 euros et une réduction d'impôt mécénat de 1 200 euros, elle ne justifie pas de l'existence et du montant de ce crédit et de cette réduction d'impôt. Sur les pénalités : 19. En premier lieu, s'agissant de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré appliquée par l'administration, sur le fondement du a. de l'article 1729 du code général des impôts, au titre de l'exercice clos en 2014, la contestation de la SARL APC, énoncée dans les mêmes termes qu'en première instance, doit être écartée par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif au point 19 du jugement attaqué. 20. En second lieu, aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...) / b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ". 21. Il est constant que la SARL APC a remis en mains propres au vérificateur sa déclaration de résultat de l'exercice clos en 2015, le 3 mars 2017, soit postérieurement à l'expiration du délai de trente jours qui lui était imparti par la mise en demeure du 18 août 2016, réceptionnée le 20 août 2016. Il s'ensuit que l'administration était en droit de lui infliger la pénalité de 40 % prévue par les dispositions précitées, la SARL APC ne pouvant utilement se prévaloir de la circonstance, au demeurant non établie, que ce dépôt tardif serait uniquement imputable à son expert-comptable. 22. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre en défense, que la SARL APC n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SARL APC est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL APC et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01636 |
CETATEXT000048424159 | J2_L_2023_11_00022LY01710 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424159.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 22LY01710, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01710 | 2ème chambre | fiscal | C | M. PRUVOST | BERGER, THIRY Associés (BTA) | Mme Audrey COURBON | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure La société Gasti a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016 à 2018. Par un jugement n° 2100504 du 5 avril 2022, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, la SAS Gasti, représenté par Me Thiry, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision de rejet de sa réclamation préalable a été prise par une autorité incompétente, l'administration ayant contrevenu aux termes de sa doctrine référencée BOI-CTX-PREA-10-90 ; - c'est à tort que l'administration a inclus la rémunération versée à M. B..., son seul salarié, dans l'assiette de la taxe sur les salaires, alors que les pièces produites démontrent que ce dernier n'intervenait pas dans le secteur financier, c'est-à-dire dans la gestion patrimoniale de celle-ci ; - les rapports de gérance des années 2016 à 2018 confirment que M. B... n'intervient pas dans la gestion de l'entreprise, qui relève de la seule gérance ; les termes de son contrat de travail confirment cette absence d'intervention ; il ne dispose en tout état de cause d'aucun pouvoir décisionnaire dans le secteur financier. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés. Par ordonnance du 13 juillet 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 septembre 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ; - le code de justice administrative ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, - et les conclusions de Mme Lesieux, rapporteure publique ; Considérant ce qui suit : 1. La société civile Gasti, créée en 2013, transformée en SARL le 24 janvier 2020 puis en SAS le 27 septembre 2021, exerce une activité de holding pour le groupe Andali. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de taxe sur les salaires qui a porté sur les années 2016 à 2018, à l'issue de laquelle l'administration, après avoir constaté qu'elle était une holding mixte percevant les produits de ses participations et réalisant des prestations de services au bénéfice des autres sociétés du groupe Andali, l'a assujettie, au titre de ces trois années, à la taxe sur les salaires à raison des rémunérations versées à son unique salarié. La SAS Gasti relève appel du jugement du 5 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes. 2. Aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations aux salariés, à l'exception de celles correspondant aux prestations de sécurité sociale versées par l'entremise de l'employeur, sont soumises à une taxe égale à 4,25 % de leur montant évalué selon les règles prévues à l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, sans qu'il soit toutefois fait application du deuxième alinéa du I et du 6° du II du même article. Cette taxe est à la charge des entreprises et organismes qui emploient ces salariés, (...) lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. (...) ". 3. Lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, réparties en plusieurs secteurs distincts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. 4. L'administration a estimé que la rémunération de M. B..., directeur administratif et financier de la société Gasti, et seul salarié de celle-ci, devait être incluse dans l'assiette de la taxe sur les salaires au titre des années 2016 à 2018, dès lors que les fonctions résultant de son contrat de travail l'amenaient à intervenir concurremment dans le secteur financier et patrimonial de celle-ci, non soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, et dans celui des prestations de services délivrées aux filiales, soumis à la taxe sur la valeur ajoutée. 5. La société requérante soutient que M. B... était exclusivement affecté au secteur non financier et s'appuie, à cet égard, sur la mention portée sur le rapport de gérance, soumis à l'assemblée générale ordinaire, selon laquelle " la gestion patrimoniale des participations est effectuée exclusivement par la gérance de la société " et sur celle figurant sur le contrat de travail de l'intéressé selon laquelle " la gestion patrimoniale des participations est effectuée par la gérance de la SC Gasti, Monsieur A... B... ne pourra s'immiscer dans cette gestion ". Il résulte toutefois de l'instruction que M. B... avait, aux termes de son contrat de travail, signé le 1er décembre 2005, pour fonctions d'assurer, notamment, le suivi de la comptabilité de l'ensemble des sociétés du groupe Andali, l'établissement de leurs comptes annuels, la préparation des dossiers de révision pour le commissaire aux comptes, la tenue du secrétariat juridique annuel de ces sociétés, l'établissement des situations comptables et des tableaux de bord de ces sociétés, le suivi de la trésorerie du groupe et l'établissement des dossiers d'investissement. Il n'est par ailleurs pas contesté qu'en pratique, il élaborait les dossiers prévisionnels d'activité du groupe, dans lesquels il mentionnait les investissements envisagés, dont les prises de participations et leurs modes de financement et qu'il était, au même titre que le gérant, l'interlocuteur des banques pour faire établir les propositions de financement lors d'opérations de rachat de sociétés. Ces missions, alors même qu'il n'était pas, comme le fait valoir la société, décisionnaire en matière de gestion financière et patrimoniale, relèvent à la fois du secteur financier et du secteur des prestations de services aux filiales. Au demeurant, les fonctions de directeur administratif et financier sont susceptibles de conférer à leur titulaire des pouvoirs qui s'étendent au secteur financier d'une société holding. Ainsi, M. B... doit être regardé comme ayant été concurremment affecté aux deux secteurs d'activité de la société requérante. Par suite, c'est à bon droit que ses rémunérations ont été incluses, par l'administration, dans l'assiette de la taxe sur les salaires de la société Gasti au titre des années 2016 à 2018. 6. Les vices susceptibles d'entacher la décision par laquelle l'administration rejette la réclamation préalable présentée par le contribuable en application de l'article L. 190-1 du livre des procédures fiscales sont sans incidence sur la régularité de la procédure et le bien-fondé de l'imposition. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision du 22 décembre 2012 aurait été signée par une autorité incompétente doit être écarté comme inopérant. Sur ce point, la SAS Gasti ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations de l'instruction administrative référencée BOI-CTX-PREA-10-90, qui traitent des modalités selon lesquelles il est statué sur les réclamations contentieuses et ne contiennent, dès lors, aucune interprétation de la loi fiscale au sens de cet article. 7. Il résulte de ce qui précède que la SAS Gasti n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de la SAS Gasti est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Gasti et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01710 |
CETATEXT000048424166 | J2_L_2023_11_00022LY01990 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424166.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY01990, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY01990 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | ABOUDAHAB | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite de rejet née du silence conservé sur sa demande de titre de séjour, puis l'arrêté du 21 février 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement nos 2102326-2201392 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur la demande dirigée contre la décision implicite et rejeté la demande dirigée contre l'arrêté du 21 février 2022. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 30 juin 2022, M. A..., représenté par la SELARL d'avocats Aboudahab, agissant par Me Aboudahab, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 31 mai 2022 du tribunal administratif de Grenoble en ce qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 21 février 2022 ; 2°) d'annuler cet arrêté du 21 février 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de le munir dans un délai d'un mois d'une carte de résident valable 10 ans, à titre subsidiaire, de lui délivrer dans le même délai une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et à titre infiniment subsidiaire de le munir sans délai d'une autorisation provisoire de séjour et de travail valable trois mois ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - le tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de fait et une erreur de droit dans l'application de l'article 10 c) de l'accord franco-tunisien, en jugeant qu'à la date de l'arrêté attaqué, il n'était pas en situation régulière, puisqu'il avait été muni d'un récépissé de demande de carte de séjour qui était en cours de validité ; - le refus de lui délivrer une carte de résident est entaché d'erreur de fait, d'une erreur d'appréciation et viole l'article 10 c) de l'accord franco-tunisien ; - le préfet de l'Isère n'a pas examiné sa demande fondée sur le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable, et ainsi entaché son refus de délivrance d'une carte de séjour d'une erreur de droit ; - ce refus viole le 6° de l'ancien l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'obligation de quitter le territoire français, qui n'est pas conforme à l'intérêt supérieur de son enfant, viole l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 12 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant tunisien né en 1989, a sollicité le 14 juin 2019 auprès de la préfecture de l'Isère la délivrance d'un titre de séjour en invoquant sa qualité de père d'un enfant français. Par un arrêté du 21 février 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de de trente jours, et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... relève appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, notamment, rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. 2. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 visé ci-dessus : " 1. Un titre de séjour d'une durée de 10 ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / (...) c) Au ressortissant tunisien qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins ; (...) ". Aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui reprend les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du même code : " 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Enfin, aux termes de l'article 372 du code civil : " Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale. L'autorité parentale est exercée conjointement dans le cas prévu à l'article 342-11. / Toutefois, lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale. (...) L'autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou sur décision du juge aux affaires familiales ". 3. En premier lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer d'une part sur la régularité de la décision des premiers juges et d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés par M. A... de ce que le jugement du tribunal administratif de Grenoble, en ce qu'il retient qu'il ne séjournait pas régulièrement en France, serait entaché d'une erreur de droit et d'une erreur de fait, doivent être écartés comme inopérants. 4. En deuxième lieu, d'une part, M. A... ne conteste pas qu'il n'exerce pas, même partiellement, l'autorité parentale sur l'enfant qu'il a reconnu le 29 octobre 2018, plus d'un an après sa naissance. D'autre part, le requérant admet qu'il ne vit pas avec la mère de l'enfant, qu'il présente comme sa compagne, et qui réside à Roanne, dans le département de la Loire, alors qu'il vit lui-même à Vienne, dans le département de l'Isère. Si la mère de l'enfant atteste que M. A... lui verse pour celui-ci une pension alimentaire de 150 euros, et que le requérant produit les justificatifs d'un virement de 1 248 euros, intervenu le 6 août 2019, et d'autres virements dont les montants varient entre 55 et 283 euros, intervenus entre décembre 2018 et janvier 2022, il a déclaré, lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, ne pas exercer d'activité professionnelle et dépendre alors des ressources de sa concubine. Dans ces circonstances, et alors même que le requérant justifie avoir ultérieurement exercé des emplois salariés, il n'est pas établi qu'il subvient effectivement aux besoins de son fils de nationalité française. C'est dès lors sans commettre d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation, et sans méconnaître l'article 10-1 c) de l'accord franco-tunisien que le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer une carte de résident. 5. En troisième lieu, il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué, qui vise l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet de l'Isère n'aurait pas examiné la possibilité de délivrer une carte de séjour à M. A... sur le fondement de ces dispositions. Le moyen tiré de ce que l'arrêté serait entaché à cet égard d'une erreur de droit ne peut par suite être accueilli. 6. En quatrième lieu, M. A..., pour justifier de sa contribution à l'éducation de son enfant français, avec lequel il ne vit pas, produit seulement quelques photographies et des attestations non circonstanciées de la mère. Ainsi que cela a été exposé ci-dessus, sa contribution à l'entretien de l'enfant ne peut par ailleurs être regardée comme établie. Dès lors, il ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. 7. En cinquième et dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. 8. M. A... ne justifie par les pièces qu'il produit, ni de liens étroits tissés avec l'enfant français qu'il a reconnu, avec lequel il ne vit pas, ni de sa contribution effective à son entretien. Dans ces circonstances, son éloignement du territoire français ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de cet enfant. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit dès lors être écarté. 9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. 10. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY01990 |
CETATEXT000048424174 | J2_L_2023_11_00022LY02285 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424174.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY02285, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY02285 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | GUERAULT | M. Joël ARNOULD | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 juin 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2203509 du 24 juin 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble l'a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, a réservé les moyens et conclusions dirigées contre le refus de délivrance d'un titre de séjour et au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 jusqu'à ce qu'il soit statué par jugement en formation collégiale, et rejeté le surplus de la demande. Par un jugement n° 2203509 du 30 septembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre le refus de délivrance d'un titre de séjour et ses conclusions au titre des frais de l'instance. Procédure devant la cour I- Par une requête enregistrée le 21 juillet 2022 sous le n° 22LY02285 et des mémoires enregistrés les 28 décembre 2022 et 4 avril 2023, M. A..., représenté par Me Guérault, avocat, demande à la cour : 1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) d'annuler le jugement du 24 juin 2022 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Grenoble, en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ; 3°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 3 juin 2022 en ce qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; 4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, jusqu'au réexamen de sa situation administrative, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de saisir le service compétent en vue de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, dans un délai de trente jours, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 500 euros hors taxes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, s'il n'obtenait pas l'aide juridictionnelle, le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre intérêt au taux légal. Il soutient que : - l'obligation de quitter le territoire français viole le 3° et le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français violent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - ces mesures sont illégales en ce qu'elles sont fondées sur le refus de délivrance d'un titre de séjour, qui viole également les mêmes stipulations ; - elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; - sa présence en France ne menace pas l'ordre public ; - la commission du titre de séjour n'a pas été consultée. Par des mémoires enregistrés le 3 février 2023 et le 9 juin 2023 (ce dernier n'ayant pas été communiqué) le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à M. A... par une décision du 19 octobre 2022. Par ordonnance du 12 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 juillet 2023. II- Par une requête enregistrée le 3 avril 2023 sous le n° 23LY01192 et un mémoire enregistré le 4 avril 2023, M. A..., représenté par Me Guérault, avocat, demande à la cour : 1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ; 2°) d'annuler le jugement du 30 septembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ; 3°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 3 juin 2022 en ce qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; 4°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et dans l'attente, de le munir d'un récépissé l'autorisant à séjourner et travailler en France dans un délai de huit jours à compter de la même date une autorisation provisoire de séjour dans un délai de 15 jours, jusqu'au réexamen de sa situation administrative, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 500 euros hors taxes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou, s'il n'obtenait pas l'aide juridictionnelle, le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre intérêt au taux légal. Il soutient que : - la commission du titre de séjour n'a pas été consultée. - sa présence en France ne menaçant pas l'ordre public, le refus de lui délivrer un titre de séjour viole l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; - le refus de lui délivrer un titre de séjour viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire en défense. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle a été refusé à M. A... par une décision du 1er février 2023. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ; - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Joël Arnould, premier conseiller ; Considérant ce qui suit : 1. M. A..., ressortissant marocain né en 1983, alors incarcéré au centre pénitentiaire de Varce, a saisi le préfet de l'Isère le 1er juillet 2019 d'une demande tendant au renouvellement de son titre de séjour, en faisant valoir sa qualité de parent d'enfants français. Par un arrêté du 3 juin 2022, le préfet de l'Isère lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. A... relève appel des jugements des 24 juin et 30 septembre 2022 par lesquels le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. 2. Les deux requêtes de M. A... sont dirigées contre des jugements rendus sur la même demande dont il avait saisi le tribunal administratif de Grenoble, tendant à l'annulation du même arrêté du 3 juin 2022. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt. Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle : 3. Par des décisions du 19 octobre 2022 et du 1er février 2023, le bureau de l'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Lyon a refusé à M. A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, ses conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de cette aide ne peuvent être que rejetées. Sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 30 septembre 2022 et du refus de délivrance d'un titre de séjour : 4. Par le jugement du 30 septembre 2022 contesté, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de la demande de M. A... dirigées contre le refus de renouvellement de son titre de séjour, au motif que celles-ci n'étaient assorties d'aucun moyen. Dans son appel, M. A... ne conteste pas cette irrecevabilité. Dans ces circonstances, les moyens par lesquels il conteste la légalité du refus de renouvellement de son titre de séjour doivent être écartés comme inopérants. Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai : 5. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents (...) ". 6. Pour prendre la mesure d'éloignement litigieuse, le préfet de l'Isère s'est fondé sur le motif tiré de ce que le renouvellement du titre de séjour de M. A... lui avait été refusé. En ce qui concerne l'exception d'illégalité du refus de renouvellement du titre de séjour : 7. En premier lieu, M. A... a été condamné le 8 avril 2015 par le tribunal correctionnel de Grenoble à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pour des faits de dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, vol et violence n'ayant pas entraîné d'incapacité sur son ex conjointe. Le 2 mai 2017, il a été condamné par la même juridiction à une peine d'emprisonnement de six mois et à une peine de confiscation pour des faits de dégradation ou détérioration du bien d'autrui en récidive, et violation de domicile. Le 23 mars 2020, la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Grenoble l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont un an et six mois avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pour des violences aggravées ayant entraîné une incapacité n'excédant pas huit jours à l'égard de son ex conjointe. Le 1er mars 2022, il a été provisoirement incarcéré et par un jugement du 7 mars suivant, le juge d'application des peines a révoqué ce sursis à hauteur de six mois, pour violation des conditions qui lui étaient associées, à savoir les interdictions d'entrer en contact avec la victime et de l'approcher, les justifications invoquées par l'intéressé n'ayant pas été considérées légitimes. Si le requérant fait valoir que les faits délictueux les plus récents pour lesquels il a été condamné étaient anciens de deux ans et demi à la date de l'arrêté attaqué, le juge d'application des peines a relevé l'ouverture d'une enquête pour une altercation entre l'intéressé et la mère de ses enfants survenue le 24 décembre 2021. Compte tenu de la gravité des faits reprochés, de leur caractère répété, et de ce que le requérant avait été incarcéré pour violation des conditions de son sursis avec mise à l'épreuve, c'est à bon droit que le préfet de l'Isère s'est fondé sur le motif tiré de ce que la présence du requérant en France menaçait l'ordre public, pour refuser le renouvellement de son titre de séjour. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 9. M. A... fait valoir qu'il est père de trois enfants de nationalité française qui résident en France, où vit également l'un de ses frères, et il invoque la durée de son séjour en France, ainsi que les problèmes de santé pour lesquels il y est pris en charge. Toutefois, eu égard à la menace qu'il représente pour l'ordre public, le refus de renouveler son titre de séjour ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts motivant ce refus, et le moyen tiré de ce qu'il violerait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut dès lors être accueilli. 10. En troisième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". 11. M. A... a été condamné à plusieurs reprises pour des délits commis au détriment de la mère des trois enfants de nationalité française dont il se prévaut de la présence en France. Dans ces circonstances, et en dépit des déclarations au demeurant peu circonstanciées de la mère de ces enfants, le refus de renouveler le titre de séjour du requérant ne méconnaît pas leur intérêt supérieur, et le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 432-13 du même code : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles (...) L. 423-7 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues notamment à l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de cet article. 13. M. A... ne justifie pas des conditions dans lesquelles il a reconnu sa fille née postérieurement à son divorce, et par suite n'établit pas exercer sur elle l'autorité parentale. S'agissant des deux autres enfants, s'il produit des permis de visite délivrés à l'un d'entre eux et à sa jeune sœur pour la période durant laquelle il était incarcéré, ainsi que des attestations aux termes desquelles il lui aurait effectivement rendu visite, et contribuerait financièrement à l'entretien de ses enfants, ces pièces, rédigées dans des termes non circonstanciés, n'établissent pas qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de ces enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans. Ainsi, le requérant n'établit pas qu'il remplissait les conditions pour la délivrance d'une carte de séjour sur le fondement de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère devait saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande de renouvellement de son titre de séjour, doit être écarté. 14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité du refus de renouvellement de son titre de séjour à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de lui accorder un délai de départ volontaire. En ce qui concerne les autres moyens : 15. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; (...) 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ". 16. D'une part, si M. A... soutient avoir résidé régulièrement en France depuis 2005, il ne produit pas la copie de ses titres de séjour justifiant le caractère continu de ce séjour, et n'allègue pas qu'à la date de l'arrêté attaqué, il restait titulaire d'un titre ou d'un récépissé en cours de validité. Il ne remplit par suite pas les conditions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 17. D'autre part, comme cela a été exposé au point 13 ci-dessus, M. A... ne justifie pas exercer l'autorité parentale sur la fille née postérieurement à son divorce, ni contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux autres enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans. Dès lors, il ne remplit pas davantage les conditions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 18. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés ci-dessus, l'obligation faite à M. A... de quitter le territoire français sans délai ne porte pas au droit du requérant à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de ses enfants. Les moyens tirés de ce que ces mesures méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent dès lors être accueillis. Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français durant deux ans : 19. En premier lieu, M. A... a résidé régulièrement en France à compter de l'année 2005, au cours de laquelle il a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de conjoint d'une Française. Toutefois, il a divorcé et a interdiction d'entrer en contact ou d'approcher la mère de ses trois enfants, qui peuvent lui rendre visite dans son pays d'origine. Sa présence en France constitue en outre une menace pour l'ordre public. Dans ces circonstance, l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre pour une durée de deux ans ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise. Le moyen tiré de ce que cette interdiction de retour sur le territoire français méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut part suite être accueilli. 20. En deuxième lieu, M. A... justifie entretenir des liens avec ses enfants, les deux plus jeunes lui ayant notamment rendu visite au cours de sa détention. Toutefois, il a été condamné à plusieurs reprises pour des délits commis au détriment de leur mère, qu'il a interdiction d'approcher. Dans ces circonstances, l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre ne méconnaît pas l'intérêt supérieur de ses enfants, et le moyen tiré de ce que cette mesure violerait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté. 21. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 3 juin 2022. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 22. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution de la part de l'administration. Les conclusions de la requête aux fins d'injonction et d'astreinte doivent dès lors être rejetées. Sur les frais liés au litige : 23. M. A... n'ayant pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat ne peut pas se prévaloir de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la cour mette à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés pour l'instance par M. A.... DÉCIDE : Article 1er : Les requête n° 22LY02285 et n° 23LY01192 de M. A... sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. Le rapporteur, Joël ArnouldLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 Nos 22LY02285 et 23LY01192 |
CETATEXT000048424177 | J2_L_2023_11_00022LY02301 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424177.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY02301, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY02301 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | REMEDEM | Mme Emilie FELMY | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 20 juin 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement n° 2204713 du 24 juin 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2022, M. B..., représenté par Me Remedem, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 24 juin 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2022 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office, et lui a opposé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans ; 3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : l'obligation de quitter le territoire français : - est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour dès lors que le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour de sa situation, que ce refus méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et que le préfet, en n'exerçant pas son pouvoir de régularisation, a méconnu l'étendue de sa compétence ; - méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et familiale ; - méconnaît les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du même code ; la décision fixant le pays de destination : - est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ; - méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision de refus de délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de fait dès lors que l'autorité administrative a estimé à tort qu'il ne présentait aucune garantie de représentation suffisante ; la décision d'interdiction de retour : - est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant éloignement ; - est insuffisamment motivée ; - a été prise en violation des articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - est entachée d'une erreur d'appréciation. Le préfet du Puy-de-Dôme, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ; - l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, en matière de séjour et de travail ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., né le 21 février 1978, de nationalité tunisienne, est entré en France le 30 août 2004 muni d'un visa de court séjour " Schengen " délivré par les autorités françaises à Tunis. A l'expiration de son visa, l'intéressé s'est maintenu en France de manière irrégulière et a fait l'objet de trois arrêtés portant refus de séjour avec éloignement, le 3 septembre 2013 du préfet de la Seine-Saint-Denis, et les 11 juin 2015 et 21 août 2016 du préfet du Puy-de-Dôme. Le 21 décembre 2021, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié auprès des services de la préfecture du Puy-de-Dôme. Interpellé le 20 juin 2022, il a été placé en garde à vue pour usage de faux documents administratifs, ayant utilisé une carte d'identité italienne factice pour occuper un emploi de menuisier. Par un arrêté du 20 juin 2022, le préfet du Puy-de-Dôme a refusé à M. B... le titre de séjour sollicité en qualité de salarié, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit, et lui a en outre opposé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. M. B... interjette appel du jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 24 juin 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2022 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de destination de cette mesure et interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 2. En premier lieu, d'une part, ainsi que le magistrat désigné l'a retenu, si M. B... soutient que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence et une erreur d'appréciation en refusant de mettre en œuvre son pouvoir de régularisation, il ressort des pièces du dossier que le requérant n'a demandé son admission au séjour qu'en qualité de salarié, et qu'un tel titre, dont la délivrance est entièrement régie par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé, n'est pas ouverte aux ressortissants tunisiens pour des motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il ressort des termes de la décision attaquée que le préfet, qui a examiné la situation de M. B... au regard de sa situation familiale et de l'existence de circonstances particulières, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en considérant que ce dernier ne justifiait ni de motifs humanitaires, ni de circonstances exceptionnelles, au regard tant de l'ancienneté de son séjour, dont la continuité n'est, contrairement à ce qu'il soutient, pas démontrée depuis 2006, de sa situation personnelle et familiale et notamment des attaches dont il dispose en Tunisie, que de l'activité professionnelle dont il justifie, le requérant se bornant à soutenir avoir occupé des emplois sur une longue période. D'autre part, il y a lieu par adoption des motifs retenus par le premier juge, en l'absence de tout nouvel élément produit par le requérant en appel, d'écarter les moyens tirés du défaut de saisine de la commission du titre de séjour, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation que le préfet aurait commise, les termes de l'arrêté en litige révélant que le préfet a pris en compte la situation du requérant avant de l'édicter. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté en toutes ses branches. 3. En deuxième lieu, si M. B... soutient que les dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auraient été méconnues, il ne conteste pas relever du 2° de cet article. Dès lors, quand bien même le préfet n'est pas, sur ce point, en situation de compétence liée pour obliger un étranger à quitter le territoire français, et alors qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que cette autorité a pris en compte sa situation tant familiale que professionnelle, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait méconnu ces dispositions. 4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; / 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de vingt ans ; / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; / 6° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; / 7° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui est marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant étranger relevant du 2°, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessée depuis le mariage ; / (...). ". 5. En se bornant à soutenir qu'il est présent en France depuis plus de dix ans, M. B... n'établit pas entrer dans le champ d'application des dispositions précitées. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination de l'obligation de quitter le territoire français : 6. Si M. B... invoque nouvellement en appel les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle au regard des craintes qu'il invoque en cas de retour dans son pays d'origine, il ressort des pièces du dossier qu'il n'a pas fait part, lors de l'examen de sa situation par l'administration, de telles craintes. En outre, en se bornant à faire état d'une " situation difficile " en Tunisie sans autre précision, il ne met pas la cour à même d'apprécier la portée et le bien-fondé de ces moyens. En ce qui concerne la décision lui refusant un délai de départ volontaire : 7. M. B... réitère en appel son moyen tiré de l'erreur de fait présenté en première instance contre la décision lui refusant tout délai de départ, sans toutefois l'assortir d'éléments nouveaux. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, d'écarter ce moyen. En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : 8. Il y a également lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge et dès lors que M. B... n'apporte aucun élément nouveau en appel à ce titre, d'écarter les moyens qu'il invoque à l'encontre de la décision susvisée, tirés de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'absence de motivation de cette décision et de la disproportion qui l'entacherait. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être également rejetées. Sur les frais liés au litige : 10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. B... demande au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY02301 |
CETATEXT000048424193 | J2_L_2023_11_00022LY03032 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/41/CETATEXT000048424193.xml | Texte | CAA de LYON, 3ème chambre, 15/11/2023, 22LY03032, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de LYON | 22LY03032 | 3ème chambre | excès de pouvoir | C | M. TALLEC | CENTAURE AVOCATS | Mme Emilie FELMY | M. DELIANCOURT | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence. Par un jugement n° 2201123 du 5 mai 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2022, M. A..., représenté par Me Nourani, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon du 5 mai 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 29 avril 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de son éloignement et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant un an ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : L'obligation de quitter le territoire français : - est insuffisamment motivée ; - méconnaît les stipulations des articles 8, 12 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; La décision le privant d'un délai de départ volontaire : - est insuffisamment motivée ; - est irrégulière dès lors qu'il n'a pas été mis à même de présenter ses observations ; - est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ; - est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; - méconnaît le droit fondamental au mariage ; - est entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'existence d'un risque de fuite ; - est entachée d'un défaut de base légale dès lors que les dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent l'article 1er et l'article 3 de la directive 2008/115/CE ; - est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; La décision fixant le pays de destination : - est entachée d'un défaut de motivation ; - est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ; - est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porte atteinte à son droit à mener une vie familiale normale ; La décision d'interdiction de retour sur le territoire français : - est insuffisamment motivée ; - est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ; - est entachée d'un défaut d'examen sérieux ; - est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mars 2023, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés. Par une décision du 21 septembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ; - la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 2 octobre 1987, est entré en France le 26 février 2018 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 20 avril 2022, il a été entendu par les services de la police aux frontières dans le cadre d'une enquête, diligentée par le procureur de la République, relative à son projet de mariage avec une ressortissante française. Par un arrêté du 29 avril 2022, le préfet de la Côte-d'Or l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé la Tunisie comme pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une année. Par un second arrêté du même jour, le préfet a assigné M. A... à résidence dans le département de la Côte-d'Or pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... interjette appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2022 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de destination de cette mesure et lui interdisant de revenir sur ce territoire. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les moyens communs aux décisions en litige : 2. En premier lieu, en vertu du premier alinéa de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus (...) du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ". 3. Ainsi que la magistrate désignée l'a retenu, la décision portant obligation de quitter le territoire français vise le 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que M. A... est entré en France sous couvert d'un visa de court séjour de type C valable pour les Etats de l'espace Schengen du 16 février 2018 au 14 août 2018, qu'il s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité du visa sans être en possession des documents et visas exigés par l'article L. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour ni n'en a sollicité la délivrance. Elle reprend les principaux éléments de la situation personnelle et familiale du requérant ainsi que les stipulations conventionnelles dont elle fait application et notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, la décision, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée. Le refus par l'autorité administrative d'accorder au requérant un délai de départ volontaire est motivé par le risque qu'il se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre, eu égard notamment à l'absence de présentation de documents d'identité et de voyage, à son maintien irrégulier sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour, et à la circonstance qu'il a déclaré lors de son audition par les services de police le 20 avril 2022 qu'il ne voulait pas regagner la Tunisie et l'absence de garanties de représentation suffisantes. En outre, cette décision de refus vise le 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les 2°, 4° et 8° de l'article L. 612-3 du même code. La décision fixant le pays de destination mentionne la nationalité du requérant et l'absence de risque de traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour de M. A... dans son pays d'origine, elle est ainsi également suffisamment motivée. Enfin, la décision portant interdiction de retour pour une durée d'un an, reprenant une partie des motifs déjà énoncés relatifs à l'irrégularité de son séjour et à son concubinage avec une ressortissante française, retient que M. A... n'a pas d'enfant, est dépourvu de toute attache familiale sur le territoire français, a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine où résident ses parents et ses quatre frères et sœurs, n'a pas entrepris de démarches visant à renouveler son titre de séjour, et ne justifie pas disposer de moyens d'existence légaux. La décision présente ainsi une motivation spécifique concernant l'interdiction de retour sur le territoire et sa durée évoquées par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ces énoncés permettent au requérant de comprendre le sens et la portée des décisions attaquées à leur seule lecture, le mettent en mesure de les discuter utilement et permettent au juge d'en contrôler les motifs. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des décisions attaquées doit être écarté. 4. En deuxième lieu, eu égard notamment à la motivation de l'arrêté telle que rappelée au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Côte-d'Or n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A..., la circonstance qu'il fasse état d'une part du séjour irrégulier du requérant et de la vérification de son droit au séjour à la suite de la demande de mariage qu'il a formulée en mairie, d'autre part, du risque de fuite le caractérisant n'étant pas de nature, contrairement à ce que celui-ci soutient, à caractériser l'absence de prise en compte de sa situation particulière. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire : 5. En premier lieu, le requérant réitère en appel, à l'encontre de la décision d'éloignement, sans les assortir d'éléments nouveaux, ses moyens tirés de l'erreur de droit que le préfet aurait commise du fait de la méconnaissance des articles 9 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation et de l'erreur du préfet à n'avoir pas mis en œuvre son pouvoir de régularisation en raison de considérations exceptionnelles ou de motifs humanitaires. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée, d'écarter l'ensemble de ces moyens, le requérant disposant de la faculté de revenir sur le territoire français pour y célébrer son union avec son épouse, et l'état de grossesse de cette dernière constituant une circonstance postérieure à l'arrêté attaqué sans influence sur la légalité de cet acte. 6. En deuxième lieu, et dès lors que le requérant ne développe en appel aucun autre argument également sur ces points, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par la magistrate désignée, les moyens dirigés contre la décision refusant à M. A... un délai de départ volontaire, tirés du non-respect du principe du contradictoire préalablement à l'édiction de la décision, de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, de l'erreur d'appréciation quant à l'existence d'un risque de fuite et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'exception d'illégalité de ce dernier article au regard des articles 1er et 3 de la directive 2008/115/CE susvisée. En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination : 7. Il y a également lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge et dès lors que M. A... n'apporte aucun élément nouveau en appel à ce titre, d'écarter les moyens qu'il invoque à l'encontre de la décision susvisée, tirés de l'exception d'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français, de l'erreur manifeste d'appréciation et de l'atteinte disproportionnée à son droit à mener une vie familiale normale. En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français : 8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Selon l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". Selon l'article L. 613-5 de ce code : " L'étranger auquel est notifiée une interdiction de retour sur le territoire français est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (UE) n° 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n° 1987/2006. ". 9. En premier lieu, compte tenu des motifs retenus aux points 3 à 5 du présent arrêt, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté. 10. En deuxième lieu, si M. A... fait valoir qu'il participe à des activités associatives et bénéficie d'une promesse d'embauche, qu'il s'est ainsi inséré socialement en France où il entretient des liens personnels forts et où il a établi le centre de ses intérêts amicaux et familiaux, et qu'il s'est marié le 21 mai 2022 avec sa compagne de nationalité française, il ressort des pièces du dossier qu'il ne justifiait, à la date de la décision attaquée, que d'une présence en France depuis trois ans, où il s'est maintenu en situation irrégulière. Le mariage dont il fait état est postérieur à la décision attaquée, tout comme la circonstance que son épouse est enceinte de leur premier enfant commun, et que celui-ci est né en mai 2023. Ces éléments ne permettent pas d'établir que le préfet de la Côte-d'Or aurait méconnu les dispositions citées au point 8 ou qu'il aurait commis une erreur d'appréciation ou entaché sa décision de disproportion en interdisant à M. A..., le 29 avril 2022, de revenir sur le territoire français pendant une durée d'un an, alors même que sa présence sur le territoire français ne constitue pas une menace à l'ordre public et qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français. 11. En troisième lieu, la décision par laquelle le préfet de la Côte-d'Or a interdit à M. A... de revenir sur le territoire français avant un an n'a ni pour objet ni pour effet d'interdire à l'intéressé de se marier. La décision contestée n'a, par conséquent, et eu égard notamment au caractère récent de la relation alléguée avec son épouse, pas méconnu les articles 9 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence, être également rejetées. Sur les frais liés au litige : 13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que M. A... demande au titre de ces dispositions et de celles de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative D E C I D E : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or. Délibéré après l'audience du 31 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Jean-Yves Tallec, président de chambre, Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure, M. Joël Arnould, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 novembre 2023. La rapporteure, Emilie FelmyLe président, Jean-Yves Tallec La greffière, Sandra Bertrand La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 22LY03032 |
CETATEXT000048424219 | J2_L_2023_11_00023LY00097 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424219.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00097, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 23LY00097 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | M. PRUVOST | FRERY | M. Arnaud POREE | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. A... et Mme D... C... ont, chacun en ce qui le concerne, demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les arrêtés du 2 juin 2020 par lesquels le préfet de l'Ain a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par un jugement nos 2202419 - 2202420 du 9 août 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2023, M A... et Mme E..., représentés par Me Frery, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Ain ; 3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut, de réexaminer leur situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et de les munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ; 4°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de procéder sans délai à l'effacement de leur signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros à verser à leur conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et ce, à charge pour le conseil, de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Ils soutiennent que : - les décisions de refus de titre de séjour méconnaissent le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ; - les obligations de quitter le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des décisions de refus de séjour qui les fondent ; - ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ; - les décisions fixant le pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français qui les fondent ; - ces décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur leur situation personnelle ; - les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français sont illégales du fait de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français qui les fondent ; - elles méconnaissent le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sont entachées d'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions ; - elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction. M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 décembre 2022. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Porée, premier conseiller, - et les observations de Me Tronquet, substituant Me Frery, représentant M. et Mme C... ; Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme C..., de nationalité kosovienne, nés respectivement les 3 septembre 1956 et 29 mars 1962, sont entrés sur le territoire français respectivement, selon leurs déclarations, en mars et décembre de l'année 2011. Leurs demandes d'asile ont été rejetées. M. et Mme C... ont demandé auprès de la préfecture de l'Ain la délivrance d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale. Par deux arrêtés du 2 juin 2020, le préfet de l'Ain a refusé de faire droit à leurs demandes, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. Par un jugement du 10 décembre 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes en annulation de ces arrêtés. Par un arrêt du 30 mars 2022, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et a renvoyé l'affaire au tribunal administratif. M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 9 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a, à nouveau, rejeté leurs demandes. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Si M. et Mme C... font valoir que les premiers juges ont retenu à tort l'existence d'obligations de quitter le territoire antérieures et anciennes dans le cadre de l'examen de leur vie privée et familiale, et ont ainsi commis une erreur de droit, qu'une partie de la motivation du jugement du tribunal administratif est erronée, et que les premiers juges n'ont pas motivé leur jugement de manière sérieuse relativement aux interdictions de retour sur le territoire français en ne tirant pas toutes les conséquences juridiques de l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces moyens, qui ont trait au bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité. Sur les décisions de refus de titre de séjour : 3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " 4. M. et Mme C... ont vécu respectivement cinquante-quatre ans et quarante-neuf ans au Kosovo, où ils ne peuvent être dépourvus de toute attache personnelle. S'ils séjournent en France depuis l'année 2011, ils ne justifient pas d'une insertion particulière dans la société française en se limitant à se prévaloir de leur durée de séjour. En outre, si M. et Mme C... soutiennent qu'ils vivent en France chez leur fils et leur belle-fille avec leurs deux petits-enfants, tous de nationalité française, ils ont un autre fils et une fille qui vivent au Kosovo et qui ont des enfants. La circonstance, à la supposer établie, que la présence de M. et Mme C... serait indispensable pour leurs petits-enfants lors de l'absence de leur fils et de leur belle-fille, ne leur donne, en soi, aucun droit au séjour en France. Enfin, M. et Mme C... ne démontrent pas avoir des états de santé fragiles en se limitant à produire des certificats d'un médecin généraliste indiquant seulement que leur suivi médical régulier est fait auprès de celui-ci. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de M. et Mme C... doivent être écartés. Sur les obligations de quitter le territoire français : 5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les obligations de quitter le territoire français. 6. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4 du présent arrêt, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de M. et Mme C..., doivent être écartés. Sur les décisions désignant le pays de destination : 7. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. et Mme C... ne sont pas fondés à se prévaloir contre les décisions fixant le pays de destination, de l'illégalité des décisions les obligeant à quitter le territoire français. 8. En second lieu, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir des éléments précités de leur vie privée et familiale à l'encontre des décisions fixant le pays de destination. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de M. et Mme C..., doivent être écartés. Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois : 9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les interdictions de retour sur le territoire français. 10. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". 11. M. et Mme C... ont fait chacun l'objet antérieurement aux décisions en litige de trois mesures d'éloignement qui n'ont pas été exécutées. En outre, ainsi qu'il a été énoncé au point 4 du présent arrêt, M. et Mme C... ne démontrent pas l'intensité de leur insertion dans la société française, ni leur dépendance à l'égard de leur fils B... et de leur belle-fille en raison de leur état de santé. De plus, un autre fils et leur fille vivent au Kosovo. Dans ces conditions, et eu égard également à la durée des interdictions de retour, limitée à six mois, les moyens tirés de la méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions, et de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés. 12. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme D... C.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète de l'Ain. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, A. Porée Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00097 |
CETATEXT000048424222 | J2_L_2023_11_00023LY00116 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424222.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00116, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 23LY00116 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | M. PRUVOST | DELBES | M. Jean-Simon LAVAL | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. et Mme C... ont demandé, l'un et l'autre, l'annulation des arrêtés du 23 mai 2022 par lesquels le préfet du Rhône a refusé de renouveler leur titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2204517- 2204518 du 16 septembre 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Procédure devant la cour Par une requête, enregistré le 12 janvier 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Delbès, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler les arrêtés du préfet du Rhône du 23 mai 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, de leur délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. M. et Mme C... soutiennent que : - les décisions ne sont pas motivées ; - elles sont entachées d'erreur de fait ; - elles sont entachées d'un défaut d'examen ; - elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; - elles méconnaissent l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elles méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales tant à l'égard de l'intensité de leur insertion en France qu'à l'égard de leur situation dans leur pays d'origine. En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction. M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 novembre 2022. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ; Considérant ce qui suit : 1. Selon leurs déclarations, M. et Mme C..., ressortissants arméniens nés respectivement les 12 février et 3 avril 1955, sont entrés sur le territoire français le 8 juin 2017. A la suite du rejet de leurs demandes d'asile, ils ont obtenu des titres de séjour délivrés en qualité d'étranger malade pour elle et au titre de la vie privée et familiale pour lui, valables du 24 avril 2020 au 23 avril 2021. Par deux arrêtés du 23 mai 2022, le préfet du Rhône leur en a refusé le renouvellement, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés d'office. Ils relèvent appel du jugement du 16 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon, après avoir joint leurs demandes d'annulation de ces décisions, les a rejetées. Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. M. et Mme C... reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance et tirés de l'insuffisance de motivation des arrêtés. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon au point 4 de son jugement. 3. En retenant que les époux C... vivaient depuis plusieurs années séparés de leurs enfants alors qu'ils ont continué de résider en Russie quand leur fils et son épouse sont entrés sur le territoire français à une date non précisée et que leur fille entrée antérieurement sur le territoire a obtenu une carte de résident, qui est délivrée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire qu'à l'issue de quatre années de présence régulière, le préfet du Rhône ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts. Ainsi les requérants qui, au demeurant, n'établissent pas vivre habituellement avec leurs enfants ne sont pas fondés à invoquer, pour ces motifs, une erreur de fait ou un défaut d'examen et pas davantage une erreur manifeste d'appréciation de leur situation personnelle. 4. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. / La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". 5. Lorsque le défaut de prise en charge invoqué par le demandeur risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire et que si ce dernier y a effectivement accès. Toutefois, la partie qui justifie de l'avis d'un collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié et effectivement accessible dans le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office. 6. Par un avis du 21 juin 2021, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... souffre d'une leucémie lymphoïde chronique et qu'elle est régulièrement suivie au sein du service d'hématologie du centre hospitalier privé Médipôle Lyon-Villeurbanne compliquée par un syndrome de Steven Johnson et une affectation diabétique. Ces éléments ne sont pas de nature, toutefois, à eux seuls, à infirmer l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur la possibilité pour Mme C... de bénéficier effectivement d'un traitement de suivi approprié en Arménie alors que cette dernière n'apporte pas d'autres éléments particuliers au soutien de sa contestation sur ce point. L'évolution des comorbidités ne permet pas de démontrer que l'évolution de l'état de santé de Mme C... entre les mois de juin 2021 et mai 2022, serait de nature à faire regarder cet avis comme obsolète. Dans ces conditions, le préfet du Rhône n'a pas fait une inexacte application de l'article L. 425-9 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à Mme C... le renouvellement du titre de séjour dont elle bénéficiait en qualité d'étranger malade. 7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 8. Ainsi qu'il vient d'être dit le refus de titre de séjour opposé à Mme C... en tant qu'étranger malade est fondé. De ce fait, le motif invoqué par son époux à l'appui de sa demande de renouvellement de titre de séjour en tant qu'accompagnant d'étranger malade est dépourvu de portée utile. Si les requérants soutiennent résider depuis juin 2017 en France où vivent leurs deux enfants en situation régulière sur le territoire français, ainsi que leurs petits-enfants et être intégrés au regard des attestations qu'ils communiquent, ni la durée de présence en France de M. et Mme C..., ni le fait qu'ils ont bénéficié de titres de séjour pendant un an, du 24 avril 2020 au 23 avril 2021, ni le fait que leurs enfants majeurs sont en situation régulière et qu'ils ont créé des liens avec leurs petits-enfants en France ne suffisent, en soi, à leur ouvrir un droit au séjour en France au titre des liens familiaux en l'absence d'éléments témoignant d'une intégration particulière de leur part, les attestations étant insuffisantes à cet égard. Les intéressés n'établissent pas être dépourvus d'attaches personnelles et familiales dans leur pays d'origine où ils ont vécu l'essentiel de leur existence et où résident, selon les termes non contestés des arrêtés attaqués, les sept sœurs de Mme C... ainsi que le frère et la sœur de M. C.... En outre, les intéressés n'établissent pas qu'il existerait un quelconque obstacle à ce qu'ils puissent poursuivre en Arménie leur vie privée et familiale, la protection subsidiaire d'un an accordée à leur fille ne s'y opposant pas alors qu'il se sont vus, quant à eux, refuser une telle protection. Au demeurant, la mesure d'éloignement dont ils sont l'objet ne fait pas obstacle, par elle-même, en l'absence d'interdiction de retour sur le territoire français, à ce qu'ils se rendent en France sous couvert de documents autorisant le séjour, pour rendre visite à leur famille. Par ailleurs, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir d'une violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'obligation de quitter le territoire français prise à leur encontre, qui ne désigne pas, par elle-même, le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office. Enfin, comme l'ont relevé les premiers juges, Mme C... pourra bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine où les intéressés ne peuvent être regardés comme étant en situation d'isolement. Ainsi, compte tenu de la durée et des conditions de leur séjour en France, le préfet du Rhône n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. et Mme C... en édictant les décisions contestées. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit par suite, être écarté, de même que les moyens tirés de l'erreur de fait, du défaut d'examen et de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions attaquées sur la situation personnelle et familiale des intéressés. 9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et Mme B... C.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Rhône. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, J.-S. Laval Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00116 |
CETATEXT000048424227 | J2_L_2023_11_00023LY00298 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424227.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00298, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 23LY00298 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | M. PRUVOST | SHVEDA | M. Jean-Simon LAVAL | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure M. et Mme C... ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 29 mars 2022 par lesquels le préfet du Puy-de-Dôme les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, les a assignés à résidence et a prononcé à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français. Par un jugement nos 2201135 - 2201137 du 28 octobre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de leurs demandes. Procédure devant la cour Par une requête enregistrée le 24 janvier 2023, M. et Mme C..., représentés par Me Shveda, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à leur demande. 2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme d'examiner la situation personnelle des requérant et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. M. et Mme C... soutiennent que : S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français : - le signataire de l'obligation de quitter le territoire français n'était pas compétent ; - l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de leur situation personnelle ; - elle méconnait l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle méconnaît l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; - ils ont été privés de leur droit à un recours effectif sur un refus d'asile opposé à un ressortissant d'un pays sûr selon des dispositions qui méconnaissent l'article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ainsi que de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation à l'égard de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; S'agissant de l'assignation à résidence : - la décision ordonnant son assignation à résidence est insuffisamment motivée ; - elle se fonde sur les dispositions abrogées de l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; S'agissant du pays de renvoi : - la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ; - elle méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 19-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, la requête a été dispensée d'instruction. Par une décision du 11 janvier 2023, M. et Mme C... ont a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu : - les autres pièces du dossier ; Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ; - la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le rapport de M. Laval, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ; Considérant ce qui suit : 1. M. et Mme C..., ressortissants albanais, sont entrés en France à la date alléguée du 25 août 2021. Ils ont chacun présenté des demandes d'asile auprès des autorités françaises le 1er octobre 2021, lesquelles ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 19 janvier 2022. Par deux arrêtés du 29 mars 2022, le préfet du Puy-de-Dôme les a obligés à quitter le territoire français, a fixé l'Albanie comme pays de renvoi, a pris des assignations à résidence pour vérifier le respect des décisions prises à leur encontre et a prononcé à leur encontre des interdictions de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Ils ont contesté, le 11 avril 2022, les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour national du droit d'asile. Par un jugement du 28 octobre 2022, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de la demande des intéressés. Ils relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à leur demande d'annulation des arrêtés. Sur les conclusions aux fins d'annulation : En ce qui concerne la légalité des obligations de quitter le territoire français : 2. M. et Mme C... reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance et tirés de l'incompétence du signataire des arrêtés. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand au point 2 de son jugement. 3. Les décisions d'éloignement litigieuses visent le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionnent les décisions de rejet relatives aux demandes d'asile des intéressées ainsi que les éléments de fait portés alors à la connaissance du préfet relatifs à la situation des requérants dont ne fait pas partie le droit autonome au séjour de la fille des requérants, demandeurs d'asile. Par suite, les décisions d'obligation de quitter le territoire français attaquées énoncent les éléments de fait et de droit qui sur lesquelles elles reposent et ne sont pas insuffisamment motivées. 4. Il ressort des dispositions de l'article L. 614-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu des articles L. 211-2 et suivants du même code, ne sauraient être utilement invoqués à l'encontre de décisions portant obligation de quitter le territoire français ne peuvent qu'être écartés. 5. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte précitée : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en œuvre le droit de l'Union. (...) ". 6. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Il n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement. 7. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français non prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. 8. Une violation des droits de la défense, en particulier du droit d'être entendu, n'entraîne l'annulation de la décision prise au terme de la procédure administrative en cause que si, en l'absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent. 9. M. et Mme C... qui se bornent à citer les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne font valoir, à ce titre, aucune circonstance quelconque de leur situation faisant obstacle à l'éloignement. 10. Aux termes de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 et au 5° de l'article L. 531-27 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 ; (...) ". 11. D'une part, il résulte des dispositions précitées qu'un ressortissant étranger issu d'un pays sûr dont la demande d'asile a été rejetée selon la procédure accélérée ne bénéficie pas du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur son recours. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a procédé à l'examen de la demande d'asile présentée par M. et Mme C... selon la procédure accélérée en application du d) du 1° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 12. D'autre part aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. ". 13. L'étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement qui forme un recours contre celle-ci peut, en application des articles précités, saisir le tribunal administratif de conclusions aux fins de suspension de cette mesure. A l'appui de ses conclusions, il peut se prévaloir d'éléments apparus et de faits intervenus postérieurement à la décision de rejet ou d'irrecevabilité de sa demande de protection ou à l'obligation de quitter le territoire français, ou connus de lui postérieurement. La mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution pendant l'examen par le juge de la demande de suspension. 14. Ainsi, le demandeur d'asile dispose-t-il d'un recours juridictionnel effectif, conformément aux exigences du paragraphe 6 de l'article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative aux procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale, qui permet aux États membres, dans une série d'hypothèses qui correspondent à celles qui sont prévues par les dispositions précitées, de déroger au principe du caractère suspensif du recours, à condition qu'une juridiction, saisie d'office ou par le demandeur, puisse se prononcer sur le droit au maintien sur le territoire de ce dernier jusqu'à la décision de la juridiction compétente pour se prononcer sur la demande d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile serait incompatible avec les objectifs et dispositions de la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ne peut qu'être écarté. 15. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a procédé à l'examen de la demande d'asile présentée par M. et Mme C... selon la procédure accélérée en application du d) du 1° de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le droit à un recours effectif n'implique pas que l'étranger, dont la demande d'asile a fait l'objet d'un examen en procédure accélérée puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile et ce alors qu'il peut solliciter la suspension de l'exécution de son éloignement et se faire représenter devant cette juridiction. M. et Mme C... qui n'ont pas, en tout état de cause, sollicité la suspension de la décision d'éloignement jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue sur leur recours n'établissent pas avoir été privés de la possibilité de le faire. Il suit delà qu'ils ne disposaient plus du droit de se maintenir sur le territoire français à la date de notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 9 février 2022, rejetant leurs demandes et pouvaient faire l'objet d'une mesure d'éloignement sans que le préfet soit tenu d'attendre que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur le recours introduit par les intéressés. 16. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de ce que le préfet du Puy-de-Dôme aurait privé M. et Mme C... d'un droit au recours effectif protégé par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne et l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. 17. Dans le cas où le préfet se borne à rejeter une demande d'autorisation de séjour présentée uniquement au titre de l'asile, sans examiner d'office d'autres motifs d'accorder un titre de séjour à l'intéressé, ce dernier ne peut utilement soulever, devant le juge de l'excès de pouvoir saisi de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus du préfet, des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur de la décision contestée. M. et Mme C... ne peuvent utilement exciper de l'illégalité d'un refus d'examiner le droit au séjour de M. C... au titre de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il ne s'était pas prévalu. 18. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " 19. M. C... est entré en France avec son épouse et sa fille le 25 août 2021, moins d'un an avant les décisions contestées. L'intéressé et sa compagne sont en situation irrégulière du fait du rejet de leurs demandes d'asile pour lesquelles ils n'ont pas été privé de l'exercice d'un recours. Ils ne peuvent utilement invoquer les risques encourus dans leur pays d'origine à l'égard d'une obligation de quitter le territoire français qui n'emporte pas fixation du pays de destination. M. C... ne saurait invoquer à ce titre son état de santé par des allégations insuffisamment étayées. M. et Mme C... soutiennent que leur fille est scolarisée et souhaite terminer sa scolarité en France Toutefois rien ne s'oppose à ce que l'enfant des requérants reparte avec ses parents dans son pays d'origine, où sa scolarité pourra être poursuivie. Eu égard à la brièveté du séjour de la famille en France, où elle n'a pas été créée de liens d'une portée significative, au fait que M. C... n'est pas dépourvu d'attaches familiales effectives en Albanie et au fait que la mesure d'éloignement n'a pas pour conséquence de séparer les membres de sa cellule familiale, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaqués ont porté une atteinte disproportionnée à leur vie privée et familiale ou à l'intérêt supérieur de leur enfant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être également écarté. En ce qui concerne la légalité des mesures de contraintes : 20. Aux termes de l'article L. 721-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être contraint de résider dans le lieu qui lui est désigné par l'autorité administrative. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. ". Aux termes de l'article L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. " 21. Si les décisions fondées sur les articles L. 721-6 et L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont le caractère de décisions distinctes de l'obligation de quitter le territoire français, elles tendent à assurer que l'étranger accomplit les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui est imparti et concourent à la mise en œuvre de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, si l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration impose que ces décisions soient motivées au titre des mesures de police, cette motivation peut, outre la référence aux articles L. 721-6 et L. 721-7, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire. 22. Les décisions se fondent sur les articles précités et non sur l'article L. 722-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que sur les motifs des obligations de quitter le territoire français. Elles sont, par suite, suffisamment motivées. 23. Contrairement à ce que prétendent les requérants, les mesures de contraintes susvisées ne relèvent pas les mesures d'assignations à résidence prises en vertu de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elles ne sont pas subordonnées à l'existence d'un risque de fuite. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit, par suite, être écarté. En ce qui concerne la légalité des décisions fixant le pays de destination : 24. Les décisions par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a désigné le pays à destination duquel M. et Mme C... pourraient être éloignés d'office visent l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que le préfet a examiné. Elles rappellent également la nationalité albanaise de ces derniers et la reconduite dans le pays de leur nationalité. Le moyen tiré d'une insuffisante motivation des décisions fixant le pays de destination doit être écarté. 25. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du 2° de l'article 19 de la charte sur les droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 26. Les requérants soutiennent qu'ils craignent que la vie de M. C... ne soit en danger en cas de retour en Albanie du fait de menaces prononcées par son frère. Toutefois, les requérants ne produisent aucune pièce probante, autre que celles de la demande d'asile qui a été rejetée, ni n'apportent aucune précision au soutien de ces allégations. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 19-2 de la Charte sur les droits fondamentaux de l'Union européenne doivent être écartés. 27. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M.et Mme C... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et Mme A... C.... Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet du Puy-de-Dôme. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost , président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Laval, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, J.-S. Laval Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00298 |
CETATEXT000048424229 | J2_L_2023_11_00023LY00347 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424229.xml | Texte | CAA de LYON, 2ème chambre, 16/11/2023, 23LY00347, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de LYON | 23LY00347 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | M. PRUVOST | GILLIOEN | Mme Audrey COURBON | Mme LESIEUX | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure Mme B... F... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement n° 2205760 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à sa demande d'annulation (article 1er) et a enjoint au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de sa situation sous trois mois (article 2). Procédure devant la cour Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2023, le préfet de l'Isère demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) de rejeter la demande de Mme F... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2022 ; Il soutient que : - le tribunal administratif devait apprécier la légalité de l'arrêté du 21 juillet 2022 à la date de son édiction, et en fonction des documents présentés à l'appui de la demande de titre de séjour dont disposait la préfecture pour prendre sa décision ; - c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à la demande de substitution de motif qu'il a formulée, tiré de l'absence de participation du père, de nationalité française, à l'entretien et l'éducation de l'enfant de Mme F... C..., dès lors que les justificatifs produit en première instance ne permettent pas d'établir la réalité de sa participation financière à l'entretien de cet enfant ; - en tout état de cause, il n'est pas justifié de la participation du père à l'éducation de l'enfant ; - l'arrêté du 21 juillet 2022 a été signé par une autorité compétente ; - cet arrêté est suffisamment motivé ; - il fait suite à un examen particulier de la situation de Mme F... C... ; - la décision de refus de titre de séjour ne méconnaît pas les articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'est pas démontré que le père de l'enfant contribue à son entretien et son éducation, motif qui doit être substitué à celui tiré de l'absence de résidence en France de l'enfant ; - cette décision ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - elle ne méconnaît pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; - elle n'est entachée d'aucune erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mme F... C... ; - Mme F... C... ayant, à bon droit, fait l'objet d'un refus de séjour, elle pouvait légalement faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; - l'obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaît pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire, enregistré le 30 mars 2023, Mme F... C..., représentée par Me Gillioen, conclut : 1°) au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 2 de ce jugement, par lequel le tribunal a enjoint au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de sa situation ; 2°) d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de l'Isère ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier ; Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code de justice administrative ; Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Le rapport de Mme Courbon, présidente-assesseure, ayant été entendu au cours de l'audience publique ; Considérant ce qui suit : 1. Mme B... F... C..., ressortissante brésilienne, née le 3 août 1996, est entrée en France métropolitaine le 24 décembre 2020 selon ses déclarations, après avoir vécu en Guyane. Le 28 juillet 2021, elle a demandé la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté du 21 juillet 2022, le préfet de l'Isère a refusé de faire droit à sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. Par un jugement du 30 décembre 2022, dont le préfet de l'Isère relève appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté. Par la voie de l'appel incident, Mme F... C... demande l'annulation de l'article 2 de ce jugement enjoignant au préfet de procéder au réexamen de sa situation. Sur l'appel principal du préfet de l'Isère : 2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Aux termes de l'article L. 423-8 de ce code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant./ Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant. ". 3. Il ressort des pièces du dossier que Mme F... C... est mère d'un enfant de nationalité française, Lucca A... H..., né le 22 avril 2021 à Villeurbanne, reconnu le 28 août 2020 par M. D... A..., ressortissant français résidant en Guyane. Cet enfant réside avec elle sur le territoire métropolitain depuis sa naissance. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif au point 3 de sa décision, le préfet de l'Isère, qui ne le conteste d'ailleurs pas, ne pouvait fonder le refus de séjour en litige sur l'absence de résidence en France du fils de Mme F... C.... 4. Les premiers juges ont refusé de faire droit à la demande de substitution de motif présentée par le préfet en première instance, tirée de l'absence de justification de la contribution du père de cet enfant, M. A..., à son entretien et à son éducation. 5. Il ressort des pièces du dossier de première instance, et notamment des relevés bancaires de Mme G... E..., mère de Mme F... C..., et chez qui cette dernière réside, qu'à compter du mois de juin 2021, des virements mensuels de 200 euros ont été effectués par M. A... sur le compte bancaire de Mme E.... Mme F... C... a fait valoir, à cet égard, que ces virements étaient effectués sur le compte de sa mère parce qu'elle ne disposait pas encore de compte bancaire personnel. Contrairement à ce que soutient le préfet de l'Isère, ces sommes, versées par le père de l'enfant à la grand-mère de celui-ci, chez laquelle il réside avec sa mère, ont nécessairement pour objet de participer à son entretien. Il ressort par ailleurs des relevés du compte bancaire de M. A..., produits pour la première fois en appel, et qui corroborent les copies d'écran du téléphone de Mme H..., produites devant les premiers juges, qu'à compter du mois de novembre 2021, M. A... a versé directement à la mère de son fils une somme de 200 euros chaque mois. Figurent également au dossier des copies de billets d'avion Cayenne-Paris au nom de M. A..., ou de M. A... et de son fils, pour des voyages effectués entre avril 2021 et août 2022, ainsi que des photos de M. A... et de son enfant. Dans ces conditions, Mme H... doit être regardée comme ayant justifié de la participation de M. A... à l'entretien et l'éducation de son fils de nationalité française. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges, qui devaient apprécier la légalité de la décision de refus de séjour à la date à laquelle elle a été prise, ont refusé de faire droit à la demande de substitution de motif présentée par le préfet en première instance. Sur l'appel incident de Mme F... C... : 6. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2022 prononcée par le tribunal administratif impliquait que l'autorité administrative délivre le titre sollicité, et non, comme l'a décidé le tribunal, qu'elle procède au réexamen de la situation de Mme H.... 7. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de Mme F... C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 juillet 2022, par lequel il a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination et, d'autre part, que Mme F... C... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont enjoint au préfet de l'Isère de réexaminer sa situation administrative sous trois mois. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 8. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, il y a lieu, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de l'Isère de délivrer à Mme H... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Mme F... C.... DÉCIDE: Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée. Article 2 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 30 décembre 2022 est annulé. Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à Mme F... C... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 4 : L'Etat versera à Mme F... C... une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Pruvost, président de chambre, Mme Courbon, présidente-assesseure, M. Porée, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. La rapporteure, A. Courbon Le président, D. Pruvost La greffière, N. Lecouey La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, La greffière, 2 N° 23LY00347 |
CETATEXT000048424257 | J3_L_2023_11_00020BX02414 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424257.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 20BX02414, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 20BX02414 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme MEYER | SARL LE PRADO - GILBERT;SARL LE PRADO - GILBERT;CABINET MOR (SELARL) | Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... et l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de Maine-et-Loire, agissant en sa qualité de tutrice de Mme B... D..., ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à les indemniser des préjudices subis du fait des séquelles présentées par Mme B... D... depuis sa naissance au sein de cet établissement le 11 juillet 1998. La caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de Loire-Atlantique, agissant pour le compte de la CPAM de Maine-et-Loire, a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes à lui verser la somme de 3 573 028,45 euros au titre de ses débours ainsi qu'une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Par un jugement n° 1500061 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes : - à verser à l'UDAF de Maine-et-Loire, en sa qualité de tutrice légale de Mme D..., une somme de 1 269 310,35 euros, une " rente " de 25 873,92 euros du 3 juin au 31 décembre 2020 et une rente annuelle de 28 247,04 euros ; - à verser à Mme A... une somme de 164 226,46 euros, sous déduction de la provision de 100 000 euros déjà versée ; - à rembourser les dépenses de santé futures de Mme D... dans la limite de 30 % du montant total réglé, hors prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie, ainsi que les dépenses futures de logement adapté de Mme A... ; - à verser à la CPAM de Maine-et-Loire les sommes de 100 494,03 euros au titre des débours échus et de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et à lui rembourser les dépenses de santé futures sur présentation de justificatifs, dans la limite du taux de 30 % ; - à prendre en charge les sommes de 4 400 euros au titre des frais d'expertise et de 3 000 euros au titre des frais exposés par l'UDAF de Maine-et-Loire et Mme A... et non compris dans les dépens. La CPAM de Loire-Atlantique d'une part et le CHU de Pointe-à-Pitre d'autre part ont relevé appel de ce jugement. Par un arrêt n° 20BX02135, 20BX02414 du 30 juin 2022, la cour, après avoir joint les deux affaires, a rejeté les conclusions de la CPAM de Loire-Atlantique présentées dans l'affaire n° 20BX02135 et les conclusions d'appel incident qu'elle a présentées dans l'affaire n° 20BX02414, et ordonné une expertise avant dire droit sur les conclusions du CHU de Pointe-à-Pitre et les conclusions d'appel incident de l'UDAF de Maine-et-Loire présentées dans l'affaire n° 20BX02414. Le rapport d'expertise a été déposé le 6 mars 2023. Procédure devant la cour : Par un mémoire enregistré le 20 mars 2023, la CPAM de Loire-Atlantique, représentée par Me Meunier, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 2 juin 2020 en tant qu'il a fixé le taux de perte de chance à 30 % et condamné le centre hospitalier à l'indemniser des débours échus et des dépenses de santé futures ; 2°) de condamner le centre hospitalier de Pointe-à-Pitre à lui verser la somme de 200 988,05 euros au titre des débours échus, ainsi qu'une somme au titre des dépenses de santé futures sous forme de capital ou à défaut de rente, calculée sur la base d'un taux de perte de chance de 60 % et sur un montant de prestations de 3 573 028,45 euros ; 3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - sa requête d'appel est recevable ; elle est intervenue, dès la première instance, pour le compte de la CPAM de Maine et Loire, ainsi que le permettent les dispositions de l'article L. 221-3-1 du code de la sécurité sociale ; - elle avait sollicité devant le tribunal la condamnation du centre hospitalier à l'indemniser de ses débours futurs par le versement d'un capital ; le tribunal n'a pas répondu à cette demande ; - en l'absence de contestation de l'établissement de santé sur sa demande de versement d'un capital, il convient d'y faire droit ; à titre subsidiaire, les remboursements auront lieu sur présentation des justificatifs ; - eu égard aux conclusions de l'expertise, il y a lieu de retenir un taux de perte de chance de 60 %. Par deux mémoires enregistrés les 21 avril et 23 mai 2023, l'UDAF de Maine-et-Loire et Mme A..., représentées par la SELARL Altilex avocats, demandent à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 2 juin 2020 en tant qu'il a retenu un taux de perte de chance de 30 % et limité le montant de leur indemnisation ; 2°) de condamner le centre hospitalier de la Guadeloupe, sur la base d'un taux de perte de chance de 60 %, à verser à l'UDAF de Maine et Loire, représentante légale de Mme D..., la somme de 8 370 820,71 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 août 2012 et capitalisation des intérêts ; 3°) de condamner le centre hospitalier de la Guadeloupe, sur la base d'un taux de perte de chance de 60 %, à verser à Mme A... la somme de 305 387,40 euros, avec intérêts de retard à compter du 27 août 2012 et capitalisation des intérêts ; 4°) d'ordonner une expertise avant de statuer sur les frais de logement adapté et le besoin d'assistance par une tierce personne, confiée à un architecte spécialiste du handicap et un ergothérapeute ; 5°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Pointe-à-Pitre la somme de 5 000 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens comprenant les frais et honoraires d'expertise. Elles font valoir que : - la fin de non-recevoir, soulevée en première instance par le CHU et tirée du défaut de capacité à agir de B... D... doit être écartée, l'UDAF de Maine-et-Loire ayant été désignée tutrice par la cour d'appel d'Angers le 25 septembre 2017 ; - l'expertise retient un usage non conforme aux recommandations de l'ocytocine et un retard dans la décision de pratiquer la césarienne, ce qui avait déjà pu être retenu par le tribunal ; ces deux manquements sont de nature à engager la responsabilité du CHU et sont à l'origine d'un taux de perte de chance de 60 % ; il n'y a pas lieu de réduire ce taux global, dès lors que les deux manquements ont été commis par le même auteur, ce qui conduit à additionner les taux de perte de chance respectifs de 30 % ; - une expertise complémentaire est nécessaire pour évaluer les besoins qui ne l'ont pas été jusqu'à présent et qui portent sur les équipements, matériels et consommables, la tierce personne et le logement ; - le barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2022 doit être utilisé de préférence à celui des assureurs ; l'indemnisation sous forme de capital doit être privilégiée dans l'intérêt de B... et d'une meilleure gestion de son patrimoine ; à défaut, la rente devrait être fixée pour des périodes à échoir et être indexée sur l'indice de la consommation des ménages pour les dépenses de santé et les frais de véhicule, et sur l'indice du coût horaire du travail pour les pertes de gains et la tierce personne ; - le montant des prestations perçues au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé et de la prestation de compensation du handicap ne peuvent être déduites de chacun des postes de préjudice pertinents que si celles-ci excèdent le montant des sommes laissées à la charge de la victime, dès lors que la faute du CHU n'est à l'origine que d'une fraction du dommage ; - les dépenses de santé restées à charge avant consolidation représentent un montant de 3 368,40 euros avant application du taux de perte de chance, incluant le matériel éducatif ; s'agissant des dépenses de santé futures, le renouvellement du matériel représente un coût annuel de 12 013,80 euros, soit une rente capitalisée de 809 459,89 euros ; la dépense annuelle en consommables s'élève à 1 165,76 euros, soit un préjudice de 78 492,62 euros pour l'ensemble de la période ; - les frais divers comprennent les dépenses liées à la prise en charge en établissement d'éducation spécialisée (10 576,08 euros), le forfait journalier (491 855,80 euros) dès lors que B... n'a pas de mutuelle, et les frais de médecin conseil et d'ergothérapeute (6 594 euros), pour lesquels il n'y a pas lieu d'appliquer le taux de perte de chance ; devra être déduit le montant de la prestation de compensation du handicap pour la période postérieure à la consolidation ; - le jugement peut être confirmé s'agissant du préjudice lié à la nécessité de recourir à un véhicule adapté, qu'il a calculé en tenant compte du surcoût lié à l'achat d'un modèle supérieur, du coût des équipements et d'un besoin de renouvellement tous les sept ans ; à ce préjudice qui s'élève à 455 490,42 euros s'ajoutent les frais de déplacement de la maison d'accueil spécialisée au domicile des parents en véhicule sanitaire léger (VSL), qui ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale, soit 421,50 euros pour la période passée et 52 536,33 euros pour la période à venir ; - le logement de Mme A... étant inadapté, un projet de nouvelle construction a été envisagé ; une expertise complémentaire serait nécessaire afin de décrire les caractéristiques du logement adapté, de tenir compte de la nécessité d'une tierce personne permanente et d'en évaluer le coût ; à défaut, le montant alloué pour l'aménagement du seul domicile de Mme A... devra être augmenté afin de permettre l'aménagement du logement de son père ; - eu égard à son déficit fonctionnel, évalué à 95 %, B... nécessite une aide humaine permanente, peu important qu'un enfant soit totalement dépendant durant les trois premières années de sa vie ; ce besoin est confirmé par les rapports d'expertise ; selon l'ergothérapeute, deux personnes sont nécessaires pour la manutention physique, ce qui porte le besoin à 28 heures par jour ; si la cour estime qu'une expertise complémentaire n'est pas nécessaire, le besoin avant consolidation peut être évalué en tenant compte des prises en charge dans des établissements médico-éducatifs et sur la base d'une année de 412 jours et d'un coût horaire de 13 euros pour la période 1999-2003, 15 euros pour la période 2004-2008 et 18,85 euros à compter de 2009, ce qui correspond au tarif de la prestation à laquelle Mme A... a recouru ; le préjudice s'élève ainsi à 1 798 049 euros ; après consolidation, en estimant le temps passé à la maison à 4 300 heures et en retenant un coût horaire de 22,60 euros, le préjudice s'élève à 3 928 647,67 euros ; la prestation de compensation du handicap ne devra être déduite que si son montant excède la part du dommage laissée à la charge de la victime ; - le jugement sera confirmé en ce qu'il a calculé la perte de gains professionnels futurs sur la base du montant du revenu moyen, soit 27 000 euros par an ; - l'incidence professionnelle, résultant de l'impossibilité de travailler un jour, représente un préjudice de 200 000 euros ; - l'indemnité allouée au titre du préjudice scolaire et de formation peut être confirmée ; il s'agit d'un préjudice distinct du déficit fonctionnel ou des troubles dans les conditions d'existence, qui existe même si le dommage est survenu avant toute scolarité, et il convient de l'évaluer indépendamment des pertes de gains professionnels ; - s'agissant des préjudices extrapatrimoniaux, le déficit fonctionnel temporaire, évalué sur une base de 35 euros par jour, représente une somme de 247 824 euros avant application du taux de perte de chance ; - eu égard à leur durée, les souffrances endurées, évaluées à 6,5 sur 7, représentent un préjudice de 90 000 euros ; - le déficit fonctionnel permanent évalué à 95 % peut être évalué à 900 000 euros ; - le préjudice esthétique temporaire peut être évalué à 15 000 euros, comme l'a jugé le tribunal, et le préjudice esthétique permanent à 40 000 euros ; - les montants retenus par le tribunal avant application du taux de perte de chance pour le préjudice d'agrément, le préjudice sexuel, le préjudice d'établissement peuvent être confirmés ; le principe de réparation intégrale suppose une appréciation au cas par cas et s'oppose à l'application d'un barème d'indemnisation ; - s'agissant des préjudices subis par Mme A..., le handicap de B... a occasionné des pertes de gains professionnels pendant dix-huit ans ; compte tenu de la situation transitoire de l'intéressée au moment de l'accident, l'indemnisation doit être calculée sur la base du revenu moyen et s'élève à 308 979 euros avant application du taux de perte de chance; - l'évaluation par le tribunal du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence peut être confirmée ; contrairement à ce que soutient le CHU, les montants sont justifiés par la situation particulière de l'espèce et il ne peut être reproché une double indemnisation, les deux préjudices étant distincts. Par deux mémoires, enregistrés les 9 mai et 12 juin 2023, le CHU de Pointe-à-Pitre/Les Abymes, représenté par le cabinet Le Prado, Gilbert, doit être regardé comme demandant à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 2 juin 2020 en réduisant les sommes allouées à Mme A..., à l'UDAF de Maine-et-Loire et à la CPAM de Loire-Atlantique. Il soutient que : - le jugement peut être confirmé en tant qu'il retient une perte de chance de 30 % en raison d'un retard dans la réalisation de la césarienne ; - il n'est pas établi que le Syntocinon aurait été administré à un dosage excessif ; celui-ci a été administré à 11 heures, alors que la bradycardie du fœtus est survenue à 12h30 ; l'existence d'un lien de causalité entre l'usage du Syntocinon et la bradycardie a été expressément écarté par l'expertise du 18 mars 2009 et la nouvelle expertise ne permet pas d'affirmer que la totalité de l'ocytocine de synthèse aurait été administrée, d'autant qu'elle l'a sans doute été à l'aide d'une pompe électrique, ce qui permet de contrôler le débit de façon très précise ; à titre subsidiaire, si une faute devait être retenue, le taux de perte de chance de 30 % devrait être appliqué sur la chance restante compte tenu de l'autre manquement, de sorte que le taux global ne saurait dépasser 51 % ; - seuls les besoins d'assistance par une tierce personne excédant ceux d'un jeune enfant peuvent être indemnisés ; c'est donc à tort et en entachant son jugement d'une contradiction de motifs que le tribunal a retenu un besoin de 24 heures sur 24, y compris jusqu'aux trois ans de B... ; ces besoins doivent ensuite être évalués de façon progressive ; le taux horaire est de 14 euros au jour de l'arrêt et doit être minoré pour la période passée ; la nécessité d'une assistance conjointe de deux personnes n'est pas établie ; le préjudice ne saurait être calculé sur la base de 412 jours par an dès lors que la tarif journalier est majoré et doit tenir compte des prestations perçues ; la rente est indexée, non pas sur l'évolution du SMIC horaire, mais en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ; - s'agissant de l'assistance par une tierce personne pour la période après consolidation, le nombre de jours passés au domicile familial est de 113 ou, tout au plus, de 144, et non de 220 comme l'a retenu le tribunal ; - les frais de renouvellement de véhicule, correspondant à la différence entre l'achat et l'adaptation d'une part, et le prix moyen d'un minibus d'autre part, représentent 27 890 euros ; c'est sur ce montant que doit être calculée la capitalisation, et non sur le prix d'achat ; une telle indemnisation ne saurait se cumuler avec des frais de transport supplémentaires ; en outre, dès lors que B... disposera de son propre logement, les frais de déplacement entre la maison d'accueil spécialisée et le domicile de ses parents ne présentent qu'un caractère purement éventuel ; - il ne peut être fait droit à la demande présentée au titre du forfait journalier, alors qu'il n'est pas établi que cette somme n'aurait pas été prise en charge par une mutuelle de santé ; - seul le surcoût de loyer en lien avec le handicap de B... peut être mis à sa charge, et non les frais d'acquisition d'un logement, Mme A... ayant la possibilité de louer un logement adapté pour sa fille ; il convient donc de chiffrer le nombre de mètres carrés supplémentaires justifiés par l'état de santé de B... ; - la demande au titre du préjudice scolaire doit être rejetée, dès lors que ce préjudice est réparé au titre de la perte de revenus professionnels et des troubles dans les conditions d'existence ; à titre subsidiaire, ce préjudice ne saurait excéder 40 000 euros ; - l'évaluation de la perte de gains professionnels futurs ne peut se faire que sur la base du salaire médian à la date de consolidation, et non sur celle du salaire moyen ; la réparation sous forme de rente doit être privilégiée et il y a lieu de déduire les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés ; - le manquement qui est reproché à l'établissement ayant eu lieu à la naissance, B... D... n'est pas fondée à demander la réparation d'un préjudice d'agrément ; - l'expert n'ayant pas identifié un tel poste de préjudice, il n'y a pas lieu d'indemniser un préjudice esthétique temporaire ; - s'agissant des préjudices de Mme A..., celle-ci ne peut obtenir à la fois une indemnisation pour la perte de salaires en raison du temps requis pour s'occuper de sa fille et une indemnisation pour l'assistance par une tierce personne ; en outre, l'intéressée n'exerçait aucune activité professionnelle antérieurement à la naissance de sa fille ; - l'évaluation du préjudice d'affection par le tribunal est excessive ; - alors que le tribunal a indemnisé le préjudice d'affection et l'assistance par une tierce personne, l'indemnisation en sus des troubles dans les conditions d'existence constitue une double indemnisation ; à titre subsidiaire, cette indemnisation est excessive ; - s'agissant de l'appel incident, la capitalisation ne peut être faite selon le barème de la Gazette du Palais, mais plutôt selon celui de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ou celui de l'indemnisation des victimes par les assureurs ; - il n'est pas établi que l'acquisition du matériel éducatif soit en lien direct, certain et exclusif avec le handicap ; - la rente avec production de justificatifs doit être privilégiée pour les dépenses de santé futures, par rapport à la capitalisation ; - le taux de perte de chance s'applique aussi aux honoraires de médecin conseil, ainsi que l'a jugé le tribunal ; - la demande au titre de l'incidence professionnelle ne peut qu'être rejetée dès lors que B... D... est dans l'impossibilité d'exercer une activité professionnelle ; - le jugement peut être confirmé sur l'indemnisation des déficits fonctionnels temporaire et permanent, des souffrances endurées, ainsi que du préjudice esthétique permanent ; - il convient de tenir compte de la provision de 100 000 euros déjà versée et d'appliquer le taux de perte de chance à l'ensemble des préjudices ; - les conclusions de la CPAM de Loire-Atlantique ont déjà été rejetées par l'arrêt avant dire droit ; le CHU s'oppose à la capitalisation des frais futurs. Par une ordonnance du 24 mai 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 13 juin 2023. Par courrier du 14 septembre 2023, il a été demandé à Mme A... et à l'UDAF de Maine-et-Loire, sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire tout justificatif relatif aux sommes perçues au titre de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, de la prestation de compensation du handicap et de l'allocation aux adultes handicapés. Des pièces, produites par Mme A... et l'UDAF de Maine-et-Loire en réponse à cette demande, ont été enregistrées les 21 et 22 septembre, et 12 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Le Prado, représentant le CHU de Pointe-à-Pitre et celles de Me Grenon, représentant Mme A..., Mme D... et l'UDAF de Maine-et-Loire. Considérant ce qui suit : 1. Mme A... a été admise au CHU de Pointe-à-Pitre le 10 juillet 1998 à 22 h 35 en vue de son accouchement. Le lendemain à partir de 11 h, de l'ocytocine de synthèse (Syntocinon(r)) lui a été administrée en cours de travail afin d'augmenter les contractions utérines. Un premier ralentissement du rythme cardiaque fœtal est survenu à 11 h 50, suivi d'une récupération, puis une bradycardie profonde sans variabilité s'est installée à partir de 12 h 35. La décision de réaliser une césarienne d'urgence a été prise à 13 h, et l'enfant B... D... est née à 13 h 23, avec un score d'Apgar de 4 à une minute et un poids de 2 440 g. Après intubation, elle a recouvré une autonomie respiratoire au bout de 30 minutes et a pu sortir de la maternité le 28 juillet, mais l'évolution ultérieure a révélé qu'elle était atteinte d'une tétraplégie spastique et dystonique en lien avec une asphyxie fœtale. 2. Au vu du rapport de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, remis le 18 mars 2009, ayant conclu que des fautes de l'hôpital étaient à l'origine d'une perte de chance de 30 % d'échapper à l'asphyxie fœtale, Mme A... a demandé la condamnation du CHU de Pointe-à-Pitre à réparer les préjudices subis. Sa fille étant devenue majeure le 11 juillet 2016, elle a sollicité une nouvelle expertise afin de fixer une date de consolidation et d'évaluer les préjudices définitifs, ce qui a donné lieu à un rapport déposé le 30 juin 2018. Par un jugement n° 1500061 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de Maine-et-Loire, désignée le 25 septembre 2017 tutrice légale de Mme B... D..., une somme de 1 269 310,35 euros, une " rente " de 25 873,92 euros du 3 juin au 31 décembre 2020, et une rente annuelle de 28 247,04 euros à compter du 1er janvier 2021. Il a également condamné l'établissement hospitalier à verser à Mme A... une somme de 164 226,46 euros en réparation de ses préjudices propres et de frais d'assistance par une tierce personne durant l'enfance de sa fille,sous déduction de la provision de 100 000 euros déjà versée, à rembourser les dépenses de santé futures de Mme D... dans la limite de 30 % du montant total réglé, hors prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), ainsi que les dépenses futures de logement adapté de Mme A..., sur présentation de justificatifs. Il a, par ailleurs, condamné le CHU à verser à la CPAM de Maine-et-Loire les sommes de 100 494,03 euros au titre des débours échus, et à lui rembourser les dépenses de santé futures sur présentation de justificatifs, dans la limite du taux de 30 %, et a enfin mis à la charge de l'hôpital la somme de 4 400 euros au titre des frais d'expertise. Par un arrêt du 30 juin 2022, la cour, saisie d'appels principaux du CHU de Pointe-à-Pitre et de la CPAM de Loire-Atlantique, et d'appels incidents de Mme A... et de l'UDAF de Maine-et-Loire, a rejeté les conclusions de la caisse et ordonné une expertise avant de statuer sur les conclusions des autres parties. Le rapport d'expertise, réalisé par un gynécologue-obstétricien assisté par un sapiteur pédiatre-réanimateur, a été déposé le 6 mars 2023. Sur la responsabilité : 3. La responsabilité administrative à raison d'actes médicaux accomplis dans des établissements hospitaliers publics est engagée en cas de faute simple. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter ce dommage. 4. Il résulte du rapport d'expertise déposé le 6 mars 2023 que, pour régulariser les contractions utérines et accélérer le travail, la décision a été prise, le 11 juillet 1998 à 11 h, d'administrer à Mme A... de l'ocytocine de synthèse, sous forme de cinq unités de Syntocinon(r) diluées dans une seringue de 20 ml placée en dérivation, alors qu'il est recommandé d'utiliser ce produit en perfusion intraveineuse lente, les cinq unités étant diluées dans 500 ml de sérum glucosé. L'injection en dérivation n'a pas permis, selon l'expert, de contrôler finement le débit de ce produit qui a provoqué, très rapidement, des contractions rapprochées et de forte intensité, avec d'abord un ralentissement transitoire du rythme cardiaque fœtal puis, à 12 h 35, un décrochage brutal, signe d'une hypoxie fœtale, les battements du cœur passant de 160 à 80 par minute. Pour remettre en cause ces conclusions, le centre hospitalier ne peut sérieusement se fonder sur les conclusions de la première expertise du 18 mars 2009, selon lesquelles un excès d'administration du Syntocinon(r) ne pouvait être retenu " bien qu'il puisse aussi induire un excès de fréquence des contractions utérines ", dès lors qu'elles ont été remises en cause, comme l'a relevé l'arrêt avant dire droit, par les éléments produits par Mme A..., constitués par une note technique établie par un médecin-conseil spécialisé en pharmacovigilance, la notice Vidal du Syntocinon(r) et un mémoire de fin d'études de sage-femme relatif à l'utilisation du Syntocinon(r) au cours du travail spontané, lequel comporte des références de littérature médicale, ce qui a conduit la cour à ordonner une nouvelle expertise. En outre, si l'établissement soutient qu'il ne serait pas établi que la totalité du produit aurait été utilisée, les experts indiquent qu'il a été demandé aux parties, lors de l'accédit, si la seringue de 20 ml était placée dans une pompe électrique afin de contrôler le débit de l'injection, et l'hôpital n'a pas pu apporter de précision sur ce point. Par conséquent, l'injection d'ocytocine de manière inadaptée constitue un premier manquement du CHU de Pointe-à-Pitre. 5. Il est en outre constant qu'alors que l'enfant a présenté une bradycardie à 12 h 35, nécessitant une intervention rapide, le médecin de garde n'a été appelé qu'à 12 h 56, et les experts relèvent que la césarienne en " code rouge ", qui aurait dû être réalisée en 15 à 20 minutes, l'a été en 27 minutes. Ce double retard, évalué à un total de 20 minutes, constitue un autre manquement fautif de nature à engager la responsabilité de l'hôpital. 6. Dans le cas où la faute commise, lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier, a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation ou à un accident médical ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement, et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel lui-même ou celui constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation, qui incombe à l'hôpital, doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue. 7. Selon le rapport d'expertise, lequel s'appuie sur la littérature médicale, le risque de séquelles devient majeur pour un nouveau-né à compter de 20 minutes d'anoxie. En l'espèce, B... a subi une hypoxie de 48 minutes, dont 20 minutes dues à un retard de prise en charge. Les experts relèvent cependant un état antérieur caractérisé par une légère restriction de croissance, avec un poids à terme de 2 440 g, dont l'absence de diagnostic avant la naissance n'était pas fautive. Ils estiment que cette hypotrophie tardive a contribué à la survenue de l'asphyxie per natale, et que la perfusion d'ocytocine dans des proportions excessives n'a fait que précipiter l'ischémie per natale. Ils en concluent que la chance perdue d'éviter la survenue du dommage, du fait de la double faute du centre hospitalier, doit être évaluée à 30 % pour le mésusage du Syntocinon(r) et 30 % pour le retard de prise en charge, soit 60 %. Toutefois, le faible poids du fœtus dans les derniers temps de la grossesse n'est pas à l'origine de l'asphyxie, et ne saurait conduire à une réduction du montant de l'indemnisation. Il ressort en outre du déroulé de l'accouchement, tel que rappelé par les experts, que la bradycardie profonde du fœtus est survenue très peu de temps après la perfusion surdosée de Syntocinon(r), qui a par ailleurs provoqué des vomissements de la parturiente, et les experts n'ont identifié aucune autre cause d'asphyxie fœtale. Dans ces conditions, la seconde faute, liée au retard dans la réalisation de la césarienne alors que le fœtus était en état de bradycardie, est absorbée par la première, résultant du mésusage du Syntocinon(r). La responsabilité du CHU de Pointe-à-Pitre est donc entière dans la survenue du dommage, et il n'y a pas lieu d'appliquer un taux de perte de chance. Sur les préjudices de Mme B... D... : 8. Selon le rapport d'expertise du 30 juin 2018, la date de consolidation de l'état de santé de Mme D... peut être fixée au 15 mai 2017, date de son entrée dans une maison d'accueil spécialisée, ce qu'aucune des parties ne conteste. En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux : S'agissant des préjudices temporaires : Quant aux frais divers : 9. Mme A... a exposé en juin 2012 des frais de médecin conseil pour un montant de 1 794 euros, qu'il y a lieu d'admettre. Quant aux frais liés au handicap : 10. Il résulte de l'instruction que les frais nécessités par le handicap de B... D..., soit une poussette adaptée et ses accessoires, des équipements de bain, une selle et ses accessoires et une orthèse de poignet, se sont élevées à 3 368,40 euros et n'ont été que partiellement pris en charge par la couverture maladie universelle pour un montant de 2 098,31 euros. Si le CHU soutient que l'achat de matériel éducatif, inclus pour un montant de 90,60 euros, serait sans lien avec le handicap, cet achat a été effectué auprès d'une société commercialisant des jeux adaptés à l'apprentissage et la rééducation d'enfants porteurs de handicap et troubles autistiques. Mme A... a également supporté des frais, pour un montant de 10 576,08 euros, en vue de la prise en charge de B... par le jardin d'enfants éducatif " Les Galopins " géré par l'association à vocation d'éducation et de réadaptation thérapeutiques des enfants infirmes moteurs cérébraux (AVERTI), entre 2001 et 2004. Dans ces conditions, le préjudice resté à la charge de Mme A... s'est élevé à 11 846,17 euros. Quant au besoin d'assistance par une tierce personne : 11. D'une part, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime. 12. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune. 13. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que l'état de santé de Mme D..., qui est totalement dépendante depuis sa naissance pour tous les actes de la vie courante, requiert l'assistance d'une tierce personne de manière permanente. Si un jeune enfant est également dépendant de ses parents durant les premières années, la prise en charge de la jeune B... durant les trois premières années de sa vie a, ainsi que l'a relevé le tribunal sans entacher son jugement de contradiction de motifs, impliqué davantage de soins, en raison notamment de sa tétraparésie affectant l'axe, les membres et la sphère bucco-faciale, associée à une encélopathie spastique. B... a été admise en jardin d'enfants éducatif spécialisé pendant trois ans, de 2001 à 2004, pour des prises en charge variant de deux à quatre demi-journées par semaine, puis dans un institut médico-éducatif entre septembre 2004 et le 15 mai 2017 avec une intégration progressive, d'abord en externat, puis en internat à temps partiel. Le centre hospitalier ne conteste pas les volumes horaires du temps passé à domicile et en structure d'accueil pour la période avant consolidation. En retenant un besoin de 24 heures par jour entier passé au domicile, un coût correspondant au SMIC horaire brut augmenté des charges sociales, soit 9 euros pour la période antérieure à septembre 2001, 10 euros pour la période 2001-2004, 11,50 euros pour la période 2004-2008, 12,70 euros pour la période 2009-2012 et 13,35 à compter de 2012, et un calcul basé sur une année de 412 jours pour tenir compte des majorations dues les dimanches et jours fériés, ainsi que des congés payés, le besoin peut être fixé à 1 432 652 euros. 14. Mme D... a perçu durant cette période l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, ainsi que la prestation de compensation du handicap. Malgré la demande qui leur a été adressée le 14 septembre 2023, Mme A... et l'UDAF de Maine-et-Loire n'ont produit que des justificatifs partiels qui ne couvrent pas l'intégralité de la période, ce qui ne permet pas de reconstituer les montants des prestations sociales perçues. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à Mme A..., en qualité de représentant légale, la somme de 1 432 652 euros sous réserve de la déduction des sommes perçues au titre de ces prestations sociales. Quant au préjudice scolaire et de formation : 15. Lorsque la victime se trouve privée de toute possibilité d'accéder à une scolarité, la seule circonstance qu'il soit impossible de déterminer le parcours scolaire qu'elle aurait suivi ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice ayant résulté pour elle de l'impossibilité de bénéficier de l'apport d'une scolarisation. La part patrimoniale de ce préjudice, tenant à l'incidence de l'absence de scolarisation sur les revenus professionnels, est réparée par l'allocation d'une rente fixée sur la base du salaire médian net mensuel. La part personnelle de ce préjudice ouvre à la victime le droit à une réparation. 16. Il résulte de l'instruction que Mme D..., atteinte d'une déficience intellectuelle importante avec lenteur d'idéation, capacités d'apprentissage réduites et absence de langage, n'a pas pu acquérir les apprentissages scolaires de base au cours de sa prise en charge dans des établissements médico-éducatifs. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la part patrimoniale de ce préjudice scolaire est réparée par l'allocation d'une rente au titre de la perte de gains professionnels, examinée dans le cadre des préjudices permanents. S'agissant des préjudices permanents : Quant aux frais divers : 17. En premier lieu, Mme D... a exposé des frais de médecin conseil qui se sont élevés à 4 800 euros afin d'être assistée lors des deux expertises des 29 juin 2018 et 16 novembre 2022. 18. En second lieu, Mme D... justifie avoir exposé des frais de déplacement pour effectuer les trajets entre la maison d'accueil spécialisé et les domiciles de ses parents, pour un montant de 421,50 euros en 2018 et 547,91 euros en 2019, soit un total de 969,41 euros non pris en charge par la sécurité sociale. Quant aux frais liés au handicap, à l'hébergement et à l'assistance par une tierce personne : Pour la période passée : 19. D'une part, Mme D..., qui soutient ne bénéficier que de la couverture médicale universelle et non d'une mutuelle, établit avoir supporté un forfait journalier de 20 euros dans le cadre de sa prise en charge, depuis le 15 mai 2017, en maison d'accueil spécialisée. Pour la période courant jusqu'à la date du présent arrêt, le 16 novembre 2023, soit 2 376 jours, et en tenant compte des jours passés à domicile, qui peuvent être évalués à 151 jours par an, le préjudice liés aux frais d'hébergement dans une institution s'élève à 27 600 euros. 20. D'autre part, bien que prise en charge durant la semaine dans une maison d'accueil spécialisée, Mme D... revient au domicile de sa mère les week-ends, les jours fériés et durant les congés. Durant ces périodes qui représentent 151 jours par an, elle nécessite, ainsi que cela a été dit, une assistance permanente. Si l'UDAF de Maine-et-Loire et Mme A... font valoir que ce besoin doit être porté à 28 heures par jour compte tenu de la nécessité, pour certains actes, d'être à deux, une telle configuration a expressément été écartée par le rapport d'expertise qui estime que le recours au lève-personne permet de se dispenser de recourir à deux aides simultanées. Dans ces conditions, la circonstance que tel est le cas dans la maison d'accueil spécialisée ne permet pas de caractériser une telle nécessité. Pour la période passée, en se fondant, à défaut d'autres éléments justificatifs, sur le coût moyen du SMIC horaire augmenté des charges sociales et une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des majorations pour dimanche et jours fériés, le préjudice peut être évalué à 385 347 euros. 21. Enfin, il résulte de l'instruction que Mme D... doit exposer des frais d'appareillage, constitués notamment par un fauteuil roulant, un lève-personne, un lit médicalisé, un matelas de prévention d'escarres, un fauteuil de toilette, un verticalisateur, un corset-siège et un ordinateur à commande oculaire qui représentent chaque année un montant non contesté de 12 013,80 euros. S'y ajoutent des frais de consommables (couches, alèses, gants et produits de toilette, compléments alimentaires épaississants) pour un montant annuel, évalué par la maison d'accueil spécialisée et non contesté, de 1 165,76 euros. Il ressort en outre de l'instruction que ces frais sont exposés y compris durant les périodes où B... séjourne dans cet hébergement spécialisé. Pour la période passée, courant du 15 mai 2016 au 16 novembre 2023, le montant des frais s'élève à 85 793 euros. Il y a lieu de déduire les prises en charge de la sécurité sociale s'agissant de la location d'un lève-malade, le lit médical, un fauteuil roulant manuel, un corset-siège et une gouttière de nuit qui représentent un montant annuel de 4 955,89 euros, soit 32 260 euros sur la période. Le préjudice peut ainsi être fixé à 53 533 euros. 22. Il résulte des trois points précédents que les frais liés au handicap, à l'hébergement et à l'assistance pour une tierce personne représentent une somme de 466 480 euros. Mme D... a perçu, d'une part, la prestation de compensation du handicap à compter du 15 mai 2017, date de la consolidation, pour un montant total de 12 002 euros, et d'autre part l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé pour la période du 15 mai 2017, au 31 juillet 2018, après qu'elle a atteint ses 20 ans, pour un montant non précisé malgré une mesure d'instruction en ce sens. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le CHU à lui verser la somme de 454 478 euros sous réserve de la déduction de l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé. Pour la période à venir : 23. Si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime résidera à son domicile, ou sera hébergée dans une institution spécialisée, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à son domicile au cours du trimestre, ainsi qu'une rente distincte, dont les modalités de calcul sont définies selon les mêmes modalités, ayant pour objet de l'indemniser des frais liés à son hébergement dans l'institution spécialisée. Il y a également lieu de prévoir l'actualisation régulière des montants respectifs des deux rentes, sous le contrôle du juge de l'exécution, au vu des justificatifs produits par la victime se rapportant au nombre de jours du trimestre au cours desquels celle-ci est prise en charge en institution spécialisée, de l'évolution du coût de cette prise en charge et également, le cas échéant, des prestations versées à ce titre ainsi qu'au titre de l'assistance par une tierce personne. Cette actualisation du montant des rentes ne peut cependant avoir pour effet ni de différer leur versement ni de conduire la victime à avancer les frais correspondants à l'indemnisation qui lui est due. 24. En premier lieu, il y a lieu de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à Mme D... une rente trimestrielle de 1 260 euros, par période à échoir, correspondant au forfait journalier de 20 euros qu'elle supporte au titre de sa prise en charge en maison d'accueil spécialisée, à hauteur de 63 jours par trimestre. Le montant de cette rente sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, sur la base notamment des justificatifs des frais exposés au cours de l'année passée, que Mme D... devra adresser au centre hospitalier, et sera revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. 25. En deuxième lieu, sur la base des éléments énoncés au point 20 et en retenant un nombre de 38 jours passés à domicile, il y a lieu de condamner le CHU de Pointe-à-Pitre à verser à Mme D... une rente trimestrielle d'un montant de 14 927 euros au titre de l'assistance par une tierce personne, par période à échoir, sous déduction du montant de la prestation de compensation du handicap au titre des aides humaines, dont il appartiendra à Mme D... de justifier. Ce montant sera actualisé chaque année au regard des éléments mentionnés ci-dessus, en fonction notamment du temps de présence de Mme D... au domicile de ses proches. Il sera, en outre, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. 26. En troisième lieu, le préjudice relatif aux frais de matériel lié au handicap peut être réparé sous forme de rente annuelle, calculée à partir du reste à charge après remboursements de la sécurité sociale, soit un montant de 8 223,67 euros, à verser par période à échoir, sous déduction des aides techniques et spécifiques de la prestation de compensation du handicap, dont il appartiendra à Mme D... de justifier. Ce montant sera revalorisé annuellement en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Quant aux frais de logement : 27. Il résulte de l'instruction que si Mme D... est prise en charge la plupart du temps dans une maison d'accueil spécialisée, elle séjourne régulièrement, durant les weekends et les congés, chez sa mère, locataire d'un logement de 56 m², qui n'est pas adapté au handicap, ainsi que l'a relevé un ergothérapeute dans son rapport du 28 février 2017, en raison notamment de la dimension de la salle de bains et de l'absence de possibilité d'accueillir une tierce personne. Il ressort également de ce document que Mme D... souhaite faire construire une maison adaptée, et sollicite, pour ce faire, une indemnisation couvrant les frais de construction de ce nouveau logement. Toutefois, le préjudice dont Mme D... peut prétendre obtenir réparation correspond au seul surcoût représenté par la nécessité d'avoir un logement plus spacieux, doté des équipements adaptés et permettant d'accueillir une tierce personne. En l'absence d'éléments suffisants au dossier pour chiffrer ce préjudice, il y a lieu d'ordonner un supplément d'instruction. Quant aux frais de véhicule adapté : 28. L'état de santé de Mme D... qui effectue plusieurs déplacements par mois entre la maison d'accueil spécialisée et les domiciles de chacun de ses deux parents, requiert un véhicule adapté, suffisamment grand pour pouvoir accueillir son fauteuil. Il résulte de l'instruction que le surcoût engendré par l'acquisition d'un véhicule de type van avec ses équipements d'accessibilité par rapport à un véhicule plus classique a été évalué à 27 890 euros. Par conséquent, pour la période passée, le préjudice s'élève à 27 890 euros. Pour la période à venir, en tenant compte de la nécessité d'un renouvellement tous les dix ans et du taux de capitalisation de 60,458 issu du barème de la Gazette du Palais 2022 pour une femme âgée de 25 ans à la date du présent arrêt, le préjudice peut être fixé à 169 161 euros. En revanche, ainsi que le soutient le CHU, cette indemnisation fait obstacle à ce que soit également indemnisé, pour l'avenir, d'éventuels frais de déplacements en véhicule sanitaire léger (VSL). Quant aux pertes de gains professionnels et à l'incidence scolaire et professionnelle : 29. Lorsque la victime se trouve, du fait d'un accident corporel survenu dans son jeune âge, privée de toute possibilité d'accéder dans les conditions usuelles à la scolarité et à une activité professionnelle, la circonstance qu'il n'est pas possible, eu égard à la précocité de l'accident, de déterminer le parcours scolaire et professionnel qui aurait été le sien ne fait pas obstacle à ce que soit réparé le préjudice, qui doit être regardé comme certain, résultant pour elle de la perte des revenus qu'une activité professionnelle lui aurait procurés et de la pension de retraite consécutive, ainsi que ses préjudices d'incidence scolaire et professionnelle. 30. Dans un tel cas, il y a lieu de réparer tant le préjudice professionnel que la part patrimoniale des préjudices d'incidence scolaire et professionnelle par l'octroi à la victime d'une rente de nature à lui procurer, à compter de sa majorité et sa vie durant, un revenu équivalent au salaire médian. Cette rente mensuelle doit être fixée sur la base du salaire médian net mensuel de l'année de la majorité de la victime, revalorisé chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. 31. Doivent en être déduits les éventuels revenus d'activité ainsi que, le cas échéant, les sommes perçues au titre de l'allocation aux adultes handicapés, ou au titre de pensions ou de prestations ayant pour objet de compenser la perte de revenus professionnels. 32. Le salaire mensuel médian net s'établissait en 2016, année de la majorité de Mme D..., à 1 710 euros. Par suite, le préjudice subi pour la période allant d'août 2016 à la présente décision calculée en nombre de mois, s'élève à une somme égale à 88 fois ce montant, revalorisé chaque année par application des coefficients annuels prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Il y a lieu de renvoyer Mme D... devant le CHU de Pointe-à-Pitre pour qu'il soit procédé à la liquidation de cette indemnité, en déduction de laquelle viendront les sommes perçues par la victime au titre de l'allocation aux adultes handicapés. 33. Pour l'avenir, il y a lieu d'allouer à Mme D..., en réparation de sa perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, préjudice incluant la part patrimoniale de son préjudice scolaire, une rente dont le montant sera calculé sur la base du salaire médian net de 2016, soit 5 130 euros par trimestre, actualisé pour l'année 2023 en fonction des coefficients annuels de revalorisation fixés en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale depuis l'année 2016 et revalorisé annuellement à l'avenir par application des mêmes coefficients. Les sommes perçues par Mme D... au titre de l'allocation aux adultes handicapés viendront, le cas échéant, en déduction de cette rente. En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux : S'agissant des préjudices temporaires : 34. Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué par l'expertise du 30 juin 2018 à 100 % pour l'ensemble de la période de sa naissance jusqu'au 15 mai 2017, soit 226 mois. Le préjudice peut ainsi être fixé à 135 600 euros. 35. L'expert a évalué les souffrances endurées à 6,5 sur une échelle de 7 en raison des périodes d'hospitalisation, du nombre de consultations spécialisées, des actes chirurgicaux, des injections de toxine botulique et des prises en charge thérapeutiques. Dans ces conditions, le préjudice peut être fixé à 31 000 euros. 36. Si le centre hospitalier soutient que l'expert n'a pas retenu de préjudice esthétique temporaire, la tétraplégie spastique, la déformation des quatre membres et l'usage d'un fauteuil roulant manuel que l'expert a retenus pour caractériser un préjudice esthétique, qu'il a évalué à cinq sur une échelle de sept, existait déjà lorsque Mme D... était mineure. Eu égard à la durée de plus de dix-neuf ans de la période avant consolidation, le préjudice esthétique temporaire peut être fixé à 15 000 euros. 37. Dans les circonstances de l'espèce, la part personnelle du préjudice scolaire et de formation peut être fixée à 40 000 euros. S'agissant des préjudices permanents : 38. L'importance des séquelles conservées par Mme D... qui souffre d'une quadriplégie spastique, d'une hypotonie axiale, d'une déformation des membres, d'une ostéopénie, de déficience intellectuelle, d'absence de langage, de troubles de la déglutition et d'incontinence a justifié d'évaluer son incapacité à 95 %. Eu égard à son âge à la date de la consolidation, soit 19 ans, le déficit fonctionnel permanent peut être réparé en allouant la somme de 558 911 euros. 39. La part personnelle de l'incidence professionnelle, liée à l'impossibilité d'exercer une quelconque activité professionnelle, peut être évaluée à 20 000 euros. 40. Ainsi qu'il a été dit, le préjudice esthétique permanent a été évalué à cinq sur une échelle de sept. Il peut donner lieu à une indemnité de 27 000 euros. 41. Si l'expert a estimé qu'il n'existait aucun préjudice d'agrément, compte tenu des séquelles, il n'en demeure pas moins que Mme D... est privée de toute activité de loisirs ou sportive. Dans ces conditions, le préjudice peut être évalué à 15 000 euros. 42. Les préjudices sexuel et d'établissement, évalués par les premiers juges à, respectivement 90 000 euros et 100 000 euros, ne sont pas contestés en appel. 43. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de Pointe-à-Pitre doit être condamné à verser, d'une part, à Mme A... la somme de 1 432 652 euros indiquée au point 14 pour l'assistance par une tierce personne au titre de la période antérieure à la consolidation, sous déduction de la provision de 100 000 euros qu'elle a perçue en qualité de représentante légale de sa fille et, d'autre part, à Mme D... la somme de 1 248 971,58 euros l'indemnité prévue au point 22 pour les frais liés au handicap, aux frais d'hébergement et à l'assistance par une tierce personne pour la période comprise entre la date de consolidation et le présent arrêt, ainsi que les rentes prévues aux points 24 à 26 pour la période à venir, et l'indemnité et la rente prévues aux point 32 et 33 pour les pertes de gains professionnels et la part patrimoniale de l'incidence professionnelle. Il y a en outre lieu d'ordonner un supplément d'instruction sur le préjudice lié aux frais de logement. Sur les préjudices de Mme A... : 44. Il résulte de l'instruction que Mme A..., âgée de 36 ans à la naissance de sa fille en juillet 1998, n'exerçait pas d'activité professionnelle et avait seulement bénéficié de contrats d'insertion de novembre 1996 à mai 1997 et de juillet 1997 à octobre 1997. Si elle fait valoir que la nécessité de s'occuper de sa fille lui a fait perdre des revenus professionnels, elle ne l'établit pas. Le CHU de Pointe-à-Pitre est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamné à indemniser un tel préjudice. 45. Mme A... a subi un préjudice lié à la douleur ressentie à la vue de la situation vécue par son enfant et qui perdure bien que sa fille soit devenue adulte. Elle a également dû réorganiser sa vie pendant plus de vingt ans pour assurer le suivi et la prise en charge de B..., notamment avec un déménagement en métropole et une séparation d'avec le père de ses enfants. Dans ces conditions, il peut être fait une juste appréciation du préjudice d'affection et des troubles dans les conditions d'existence à la somme globale de 50 000 euros, et le CHU de Pointe-à-Pitre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal les a évalués à un total de 200 000 euros. Sur les conclusions de la caisse : 46. Par l'arrêt avant dire droit du 30 juin 2022, la cour a rejeté expressément les conclusions présentées par la CPAM de Loire-Atlantique. Par suite, comme le fait valoir le CHU, cette dernière ne peut utilement les réitérer postérieurement au dépôt du rapport d'expertise. Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts : 47. Mme D... et Mme A... ont droit aux intérêts au taux légal à compter du 30 août 2012, date de réception de leur demande préalable par le CHU de Pointe-à-Pitre. La capitalisation des intérêts a été demandée le 2 février 2015. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande. Les intérêts sur les indemnités dues pour la période postérieure au 30 août 2012 courront à compter du 31 décembre de l'année à laquelle ces indemnités se rapportent, et seront capitalisés au 31 décembre de l'année suivante et à chaque échéance annuelle ultérieure. Sur les frais liés au litige : 48. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". Aux termes de l'article R. 761-1 de ce code : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ". 49. D'une part, il résulte des énonciations du jugement attaqué que les frais et honoraires de l'expertise du 18 mars 2009 et ceux de l'expertise du 30 juin 2018, liquidés et taxés respectivement par des ordonnances des 31 mars 2009 et 7 septembre 2018 pour des montants de 3 300 euros et de 1 100 euros, ont été mis à la charge définitive du CHU de Pointe-à-Pitre. Il y a lieu, en outre, de mettre à la charge de ce dernier les frais et honoraires de l'expertise du 6 mars 2023, liquidés et taxés par une ordonnance du 14 mars 2023 pour un montant de 4 400 euros. 50. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHU de Pointe-à-Pitre une somme de 2 500 euros, à verser à Mme A... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La somme que le CHU de Pointe-à-Pitre a été condamné à verser à l'UDAF de Maine-et-Loire, en qualité de tutrice légale de Mme D..., est ramenée à 1 248 971,58 euros. Article 2 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme A... la somme de 1 432 652 euros au titre du besoin d'assistance par une tierce personne pour la période antérieure à la consolidation, sous réserve de déduire les sommes perçues par Mme A... au titre de l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé et la prestation de compensation du handicap, ainsi que la provision de 100 000 euros déjà perçue. Article 3 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une somme de 454 478 euros au titre des frais liés au handicap, des frais d'hébergement et de l'assistance par une tierce personne pour la période comprise entre la date de consolidation et le présent arrêt, sous réserve de déduire l'allocation à l'éducation de l'enfant handicapé perçue au titre de cette période. Article 4 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D..., en réparation de la part patrimoniale de son préjudice scolaire, de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, pour la période allant d'août 2016 au présent arrêt, une somme correspondant à 88 fois le salaire médian net de 1 710 euros en 2016 revalorisé chaque année par application des coefficients annuels prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, sous réserve de déduire l'allocation aux adultes handicapés perçue au titre de cette période. Article 5 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D..., en réparation de la part patrimoniale de son préjudice scolaire, de la perte de revenus professionnels et de la perte consécutive de droits à pension, pour la période future, une rente calculée sur la base de 5 130 euros par trimestre en 2016 actualisés pour l'année 2023 par application des coefficients annuels de revalorisation fixés en application de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale depuis l'année 2016, et revalorisée ultérieurement par application des mêmes coefficients, sous réserve de déduire l'allocation aux adultes handicapés perçue. Article 6 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une rente trimestrielle de 1 260 euros au titre des frais futurs d'hébergement en maison d'accueil spécialisée, dont le montant sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, sur la base des justificatifs qui seront présentés par Mme D..., des frais exposés au cours de l'année passée et des prestations sociales versées à ce titre. Cette rente sera revalorisée chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Article 7 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une rente trimestrielle de 14 927 euros au titre des frais futurs d'assistance par une tierce personne, dont le montant sera actualisé à la fin de chaque année, pour l'année suivante, en fonction du temps de présence de Mme D... au domicile de ses proches et des prestations sociales versées à ce titre. Cette rente sera en outre revalorisée chaque année par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Article 8 : Le CHU de Pointe-à-Pitre est condamné à verser à Mme D... une rente annuelle de 8 223,67 euros à verser par période à échoir, sous déduction des aides techniques et spécifiques dont il appartiendra à cette dernière de justifier. Ce montant sera revalorisé annuellement en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Article 9 : La somme que le CHU de Pointe-à-Pitre a été condamné à verser à Mme A... en réparation de ses préjudices propres est ramenée à 50 000 euros. Article 10 : Les condamnations prononcées aux articles 1er à 9 seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 août 2012, ainsi que de la capitalisation des intérêts à compter du 2 février 2015 et à chaque échéance annuelle ultérieure. Les intérêts sur les indemnités dues pour la période postérieure au 30 août 2012 courront à compter du 31 décembre de l'année à laquelle ces indemnités se rapportent, et seront capitalisés au 31 décembre de l'année suivante et à chaque échéance annuelle ultérieure. Article 11 : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt, en ce qu'il a statué sur les préjudices autres que les frais de logement adapté. Article 12 : Les frais et honoraires de l'expertise déposée le 6 mars 2023, liquidés et taxés à la somme de 4 400 euros par une ordonnance du président de la cour du 14 mars 2023, sont mis à la charge définitive du CHU de Pointe-à-Pitre. Article 13 : Le CHU de Pointe-à-Pitre versera à Mme A... une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 14 : Avant de statuer sur la demande relative au préjudice relatif aux frais de logement adapté, il sera procédé à un supplément d'instruction tendant à la production, par Mme D..., de tout document permettant d'évaluer le surcoût lié à l'adaptation au handicap d'un nouveau logement, qui permettrait en outre d'accueillir une tierce personne, ainsi qu'il a été précisé au point 27. Ces documents devront parvenir au greffe de la cour administrative d'appel avant le 1er mars 2024. Article 15 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance. Article 16 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre/Les Abymes, à l'Union départementale des associations familiales de Maine-et-Loire en qualité de tutrice de Mme B... D..., à Mme C... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente assesseure, Mme E... F..., première assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 20BX02414 |
CETATEXT000048424258 | J3_L_2023_11_00021BX01001 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424258.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX01001, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX01001 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | DIROU | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Par un premier recours, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 par lequel le maire de la commune de Néac l'a autorisée à reprendre ses fonctions à temps partiel thérapeutique à compter du 1er février 2019 pour une durée de trois mois, en tant qu'il a fixé le montant de ses primes et indemnités au prorata de la durée effective du service à 50 % et, d'autre part, de condamner la commune de Néac à lui verser le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) de 658, 95 euros à compter du mois de février 2019. Par un second recours, Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté modifié du 31 janvier 2019 par lequel le maire de la commune de Néac l'a autorisée à reprendre ses fonctions à temps partiel thérapeutique à compter du 1er février 2019 pour une durée de trois mois, en tant qu'il a fixé le montant de ses primes et indemnités au prorata de la durée effective du service à 50 %. Après avoir joint ces deux recours, le tribunal administratif de Bordeaux a, par un jugement nos 1901340-1902059 du 5 janvier 2021, rejeté les demandes de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 4 mars 2021, Mme A..., représentée par Me Dirou, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 5 janvier 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler l'arrêté du 31 janvier 2019 en tant qu'il a réduit à 50 % ses primes et indemnités calculées au prorata de la durée du service pendant son mi-temps thérapeutique ; 3°) de condamner la commune de Néac à lui verser le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) de 658, 95 euros à compter du mois de février 2019 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Néac la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le tribunal a statué au-delà de ses conclusions, dès lors qu'elle demandait l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2019 uniquement en tant qu'il a réduit le versement de ses primes et indemnités ; en revanche, il a omis de statuer sur la seconde version de cet arrêté, prise postérieurement à la délibération du conseil municipal du 15 février 2019 qui rend exécutoire la mise en œuvre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), mais toujours datée du 31 janvier 2019 ; - le tribunal ne pouvait utiliser la " substitution de motifs " pour substituer un " motif " qui n'existait pas au moment de l'édiction de l'arrêté, à savoir la délibération du 15 février 2019 ; - la délibération du 12 octobre 2017, qui avait pour objet la mise en place du RIFSEEP, énonçait en son article 5 que celui-ci pourra être suspendu en cas de congé maladie ; par suite, les primes et indemnités ne pouvaient être réduites de 50 % en raison de son mi-temps thérapeutique. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général des collectivités territoriales ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ; - le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Bressolles, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme C... A..., attachée territoriale de la commune de Néac (Gironde), a été victime le 22 novembre 2016 d'un accident reconnu imputable au service et a été placée en arrêt de travail jusqu'au 1er février 2019. A compter de cette date, elle a repris ses fonctions dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique pour une durée de trois mois jusqu'au 30 avril 2019. Par un arrêté du 31 janvier 2019 et un arrêté modifié daté du même jour, dont les dispositifs sont identiques, le maire l'a autorisée à reprendre ses fonctions à mi-temps thérapeutique du 1er février au 30 avril 2019, tout en précisant, par l'article 2 de ces arrêtés, qu'elle percevrait l'intégralité de son traitement, ainsi que, le cas échéant, du supplément familial et de la NBI (nouvelle bonification indiciaire), mais que le montant des primes et indemnités serait calculé au prorata de la durée effective du service, soit à 50 %. Par deux recours distincts, Mme A... a demandé, d'une part, l'annulation de ces deux arrêtés en tant qu'ils prévoient que ses primes et indemnités ne lui seront versées qu'à hauteur de 50 % pendant son mi-temps thérapeutique et, d'autre part, la condamnation de la commune à lui verser le différentiel perdu. Par un jugement du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint ces recours, les a rejetés. Mme A... relève appel de ce jugement en réitérant les mêmes conclusions indemnitaires. Sur la régularité du jugement : 2. En premier lieu, Mme A... soutient que le tribunal a statué au-delà de ses conclusions, dès lors qu'elle n'avait demandé l'annulation de l'arrêté du 31 janvier 2019 qu'en tant qu'il prévoit que le montant de ses primes et indemnités sera calculé au prorata de la durée effective du service, soit 50 %. Cependant, alors au demeurant que le jugement attaqué n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'annulation, il ressort des motifs retenus par les premiers juges que ceux-ci ont bien considéré qu'elle ne demandait l'annulation de cet arrêté que dans cette mesure. 3. En deuxième lieu, contrairement à ce que fait valoir la requérante, par le point 4 de leur jugement, les premiers juges ont statué sur la version modifiée de l'arrêté du 31 janvier 2019, qu'ils ont d'ailleurs estimée illégale, dès lors qu'elle se fondait sur une délibération prise postérieurement, raison pour laquelle ils ont procédé à une substitution de base légale. 4. En dernier lieu, cette substitution de base légale, laquelle relève de l'office du juge, a été soumise au débat contradictoire, comme l'indiquent les visas du jugement. Elle n'a ainsi pas eu pour effet de priver Mme A... des garanties de procédure qui lui sont offertes par la loi, alors au demeurant que cette dernière ne la conteste pas sur le fond. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait irrégulièrement procédé à une substitution de base légale doit être écarté. 5. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées. Sur les conclusions à fin d'annulation : 6. Il y a lieu de regarder les conclusions de Mme A... comme dirigées contre l'arrêté modifié du 31 janvier 2019, lequel s'est substitué à l'arrêté initial du même jour, dont il ne diffère que par les visas de son fondement légal. 7. Aux termes de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d'exercice des fonctions et de l'engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l'Etat servant de référence bénéficient d'une indemnité servie en deux parts, l'organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application de ces dispositions : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes ". 8. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " (...) / 4° bis. Après un congé de maladie, un congé de longue maladie ou un congé de longue durée, les fonctionnaires peuvent être autorisés à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique, accordé pour une période de trois mois renouvelable dans la limite d'un an pour une même affection. Après un congé pour accident de service ou maladie contractée dans l'exercice des fonctions, le travail à temps partiel thérapeutique peut être accordé pour une période d'une durée maximale de six mois renouvelable une fois. / (...) /. Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel pour raison thérapeutique perçoivent l'intégralité de leur traitement ; (...) ". 9. Enfin, l'article 4 du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat (RIFSEEP) dispose que les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 " peuvent bénéficier d'un complément indemnitaire annuel qui tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir, appréciée dans les conditions fixées en application de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / Il est compris entre 0 et 100 % d'un montant maximal par groupe de fonctions fixé par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé. / Le complément indemnitaire fait l'objet d'un versement annuel, en une ou deux fractions, non reconductible automatiquement d'une année sur l'autre ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " L'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel sont exclusifs de toutes autres primes et indemnités liées aux fonctions et à la manière de servir, à l'exception de celles énumérées par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget. ". A la date de l'arrêté attaqué, le RIFSEEP mis en place pour les agents de la commune de Néac était fixé par une délibération du conseil municipal du 12 octobre 2017, et prévoyait notamment une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE). 10. Contrairement à ce que soutient Mme A..., les premiers juges n'ont pas procédé à une substitution de motif, mais, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, à une substitution de base légale, en constatant que l'arrêté modifié du 31 janvier 2019 était illégal en ce qu'il avait été pris sur le fondement d'une délibération du 12 février 2019 relative au régime indemnitaire qui n'était pas en vigueur, et en examinant le litige relatif au calcul des primes au prorata du temps travaillé au regard de la délibération du 12 octobre 2017 mentionnée au point précédent. Il résulte des dispositions citées aux points 7 à 9 qu'un fonctionnaire territorial autorisé à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique peut prétendre au maintien de son traitement à taux plein. En revanche, aucune disposition législative ou réglementaire ne lui permet de prétendre au maintien de son régime indemnitaire à taux plein si celui-ci est lié à l'exercice effectif des fonctions. Il ne résulte ni des dispositions précitées du décret du 20 mai 2014, ni de la délibération du conseil municipal de la commune de Néac du 12 octobre 2017 que les indemnités servies au titre du RIFSEEP, dont l'IFSE, auraient un caractère forfaitaire. Les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, prévoyant le maintien du plein traitement du fonctionnaire placé en congé de maladie imputable au service, n'impliquent pas davantage le maintien des indemnités liées à l'exercice effectif des fonctions. Par suite, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que le temps partiel thérapeutique était consécutif à un accident reconnu imputable au service, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a jugé que le maire de Néac avait pu légalement estimer que l'IFSE était liée à l'exercice effectif des fonctions, et décider qu'elle serait calculée au prorata de la durée effective du service, soit à 50 %, pendant la durée du mi-temps thérapeutique de l'intéressée. Sur les conclusions indemnitaires : 11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par Mme A..., tendant à la condamnation de la commune à lui verser la part de 50 % de l'IFSE non perçue durant son mi-temps thérapeutique, ne peuvent qu'être rejetées. 12. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Sur les frais liés à l'instance : 13. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par Mme A... soit mise à la charge de la commune de Néac, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et à la commune de Néac. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 La rapporteure, Florence B... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX01001 |
CETATEXT000048424259 | J3_L_2023_11_00021BX02058 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424259.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX02058, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02058 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme MEYER | SHBK AVOCATS | M. Olivier COTTE | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély à lui verser la somme globale de 51 500 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'acceptation fautive de sa démission. Par un jugement n° 1900071 du 16 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le centre hospitalier à lui verser la somme de 10 000 euros et rejeté le surplus de sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 mai 2021 et 12 octobre 2022, le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély, représenté par SHBK avocats, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 mars 2021 en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme B... ; 2°) de rejeter la demande de Mme B... ; 3°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, l'acceptation de la démission n'est pas fautive ; il n'est pas établi que la démission était nécessairement liée pour l'intéressée à l'obtention de l'indemnité de départ, la nouvelle répartition des tâches au sein de l'établissement ne lui convenant manifestement pas ; Mme B... n'a d'ailleurs pas tenté de retirer sa décision, ni n'a contesté l'acceptation de celle-ci par l'établissement ; elle était impatiente de commencer sa nouvelle activité libérale et a d'ailleurs demandé un raccourcissement de la durée de son préavis ; la demande d'indemnité n'a été adressée à l'Agence régionale de santé (ARS) que postérieurement à la réception de la lettre de démission et celle-ci a été acceptée le 8 février 2018, alors que Mme B... n'était plus à son poste depuis le 1er février ; l'intéressée n'a pas attendu l'expiration d'un délai de deux mois pour avoir une réponse à sa demande d'information sur l'indemnité de départ ; - Mme B... ne peut se prévaloir d'aucun préjudice ; elle ne remplissait pas les conditions pour obtenir l'indemnité de départ et n'a d'ailleurs pas contesté la décision de l'ARS ; elle n'a pas été victime d'une mesure d'éviction puisqu'elle est à l'origine de son départ ; elle a bénéficié d'une indemnisation par Pôle emploi, le temps de réorienter sa carrière ; - il n'est pas démontré que l'établissement aurait tardé à adresser un document nécessaire à l'obtention des droits à prestations sociales ; - à supposer que la responsabilité de l'établissement soit engagée, l'évaluation du préjudice devrait être minorée. Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2022, Mme B..., représentée par Me Lopes, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de condamner le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de la rupture fautive de son contrat, ainsi qu'une indemnité de 1 500 euros en réparation du préjudice lié au retard dans la transmission à Pôle emploi de la fiche de liaison pour l'étude de ses droits à prestations sociales. Elle demande en outre que soient mis à la charge du centre hospitalier la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, les entiers dépens, ainsi qu'un droit de plaidoirie de 13 euros. Elle fait valoir que : - il ne peut lui être reproché de ne pas avoir retiré sa démission alors qu'elle n'en avait aucune possibilité, et il ne peut être soutenu qu'elle a abandonné son poste de travail le 1er février 2018, alors qu'elle était en arrêt de travail du 29 janvier au 17 février 2018 ; - sa démission était conditionnée au versement de l'indemnité de départ volontaire, ainsi que le démontrent ses demandes de renseignements des 27 décembre 2017 et 11 janvier 2018 qui n'ont été transmises à l'ARS par le centre hospitalier que le 24 janvier suivant ; - elle remplissait les conditions pour obtenir une indemnité exceptionnelle de mobilité prévue à l'article 2 du décret du 20 avril 2001 ; - le centre hospitalier a accepté sa démission sans réserve et sans attendre la réponse de l'ARS, et a ainsi commis une faute ; - elle a subi des troubles dans les conditions d'existence dès lors qu'elle n'a perçu aucune indemnisation de Pôle emploi, la démission l'excluant ; elle s'est retrouvée sans ressources, avec un enfant handicapé à charge ; cette situation a perduré jusqu'au début du mois de mai 2018 en raison du retard avec lequel a été adressé la fiche de liaison nécessaire au versement du revenu de solidarité active ; ce retard a causé des troubles dans ses conditions d'existence au titre desquels elle sollicité la somme de 1 500 euros ; - le préjudice lié à la rupture abusive de son contrat est constitué a minima par le non versement de l'indemnité de licenciement, alors que son ancienneté était de 8 ans et trois mois, soit 5 années à temps complet ; s'y ajoutent l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés ; la perte brutale et inexpliquée de son emploi a également occasionné un préjudice moral, d'autant que les revenus qu'elle a perçus par la suite du fait de son activité libérale étaient bien moindres que ceux provenant de son activité salariée ; elle sollicite une somme de 50 000 euros au titre de ces préjudices. Mme B... a obtenu, par décision du 8 juillet 2021, le maintien de l'aide juridictionnelle totale qui lui avait été accordé par décision du 13 juillet 2018. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B... a été recrutée en qualité de psychologue contractuelle à temps partiel par le centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély le 8 février 2010. La relation de travail, débutée sous un contrat à durée déterminée, s'est poursuivie, à compter du 1er janvier 2012, par un contrat à durée indéterminée. Par courrier du 18 décembre 2017, le centre hospitalier a informé l'intéressée d'une modification de son affectation à compter du 1er janvier 2018 et d'une répartition de son temps de travail entre l'éducation thérapeutique du patient obèse (20 %), l'établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes (30 %) et la médecine du travail (10 %). Par un courrier reçu le 17 janvier 2017, Mme B... a informé son employeur de sa démission des fonctions de psychologue au sein de l'établissement, en indiquant qu'elle souhaitait " pour ce faire " bénéficier de l'indemnité de départ volontaire. Le centre hospitalier a accepté sa démission le 8 février 2018, avec effet au 1er février précédent, sans répondre sur l'indemnité de départ. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande de condamnation du centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély à lui verser une indemnité d'un montant total de 51 500 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'une rupture fautive de son contrat et d'un retard de transmission à Pôle emploi de la fiche de liaison pour l'étude de ses droits à prestations sociales. Par un jugement du 16 mars 2021, le tribunal a condamné le centre hospitalier à verser à Mme B... la somme de 10 000 euros et rejeté le surplus de sa demande. Par la présente requête, le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de Mme B.... Cette dernière demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement afin de rehausser le montant de l'indemnité allouée. Sur la responsabilité : 2. En premier lieu, aux termes de l'article 45-1 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière : " Les agents contractuels informent l'autorité signataire du contrat de leur intention de démissionner par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) ". 3. Si, par son courrier reçu le 17 janvier 2018, Mme B... a informé le centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély de sa démission à compter du 1er février 2018 et sollicité la possibilité de ne pas effectuer son préavis, elle a demandé également par ce courrier le versement de l'indemnité de départ volontaire. Il n'est par ailleurs pas contesté que l'intéressée avait demandé à son employeur, par des courriels des 27 décembre 2017 et 11 janvier 2018, des informations sur cette indemnité. Le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély ne pouvait dès lors regarder Mme B... comme ayant exprimé de manière non équivoque sa volonté de démissionner, alors que sa décision était conditionnée par une réponse sur l'indemnité de départ volontaire. Il a en outre accepté sa démission par courrier du 8 février 2018 sans attendre la réponse de l'Agence régionale de santé à laquelle il avait transmis, le 24 janvier précédent, la demande de Mme B... afin de savoir si elle remplissait les conditions pour en bénéficier. Le requérant ne peut utilement se prévaloir de ce que Mme B... n'a pas contesté l'acceptation de sa démission. Il ne peut non plus sérieusement soutenir qu'elle aurait quitté son poste dès le 1er février, alors qu'elle était en arrêt de travail du 29 janvier au 17 février 2018, ni qu'elle aurait été impatiente de débuter son activité libérale, celle-ci n'ayant été créée que deux mois plus tard. Dans ces conditions, en acceptant la démission de Mme B... sans avoir répondu à sa demande concernant l'indemnité de départ volontaire et en donnant effet à la démission à compter du 1er février 2018 par son courrier du 8 février 2018, le centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. 4. En second lieu, il résulte de l'instruction que le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély a transmis à Mme B..., avec son courrier du 8 février 2018, les documents nécessaires à son inscription en tant que demandeur d'emploi, lui a précisé qu'il était son propre assureur pour le chômage et avait confié la gestion des dossiers d'allocations à la société Info Décision, et lui a communiqué un livret d'accompagnement élaboré par cette société. Dans ces conditions, Mme B..., qui a saisi Pôle emploi au lieu de la société Info Décision et a été renvoyée auprès de son ancien employeur, n'est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier aurait commis une faute en lui communiquant tardivement les documents nécessaires à son indemnisation pour perte d'emploi. Sur les préjudices : 5. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre, y compris au titre de la perte des rémunérations auxquelles il aurait pu prétendre s'il était resté en fonctions. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises. 6. Il appartient au juge du plein contentieux de la responsabilité, dès lors que Mme B... n'a pas demandé l'annulation de sa mesure d'éviction, d'évaluer le montant de l'indemnité due au titre des pertes de rémunération, conformément aux principes énoncés au point précédent. Il résulte de l'instruction que Mme B... a travaillé, pendant près de huit ans au centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély, pour des quotités variant entre 40 % et 80 % d'un temps complet de travail, et bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er janvier 2012. Elle percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle nette de 1 127 euros et était âgée, à la date de son éviction fautive, de 43 ans. Compte tenu de ces circonstances, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'évaluant à 8 000 euros, cette somme réparant intégralement le préjudice subi du fait de son éviction illégale. 7. Il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité que le centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély a été condamné à verser à Mme B... doit être ramenée de 10 000 euros à 8 000 euros. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, ou du droit de plaidoirie. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par le centre hospitalier au même titre. DECIDE : Article 1er : L'indemnité que le centre hospitalier de Saint-Jean d'Angély a été condamné à verser à Mme B... est ramenée de 10 000 euros à 8 000 euros. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 mars 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Saint-Jean-d'Angély et à Mme A... B.... Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02058 |
CETATEXT000048424260 | J3_L_2023_11_00021BX02362 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424260.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 21BX02362, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02362 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme GIRAULT | SCP CGCB & ASSOCIES BORDEAUX | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le directeur général des services du département de la Haute-Vienne a partiellement rejeté sa réclamation préalable, et de condamner le département de la Haute-Vienne à lui verser les sommes de 5 095 euros au titre des rémunérations restant dues et de 5 000 euros au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un retard de transmission des documents destinés à Pôle Emploi. Par un jugement n° 1900176 du 1er avril 2021, le tribunal a condamné le département de la Haute-Vienne à verser une indemnité de 1 500 euros à Mme C... et a rejeté le surplus de la demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 1er juin 2021, Mme C..., représentée par Me Dounies, demande à la cour : 1°) de réformer ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande ; 2°) d'annuler la décision du directeur général des services du département de la Haute-Vienne du 28 novembre 2018 en ce qu'elle a partiellement rejeté sa réclamation préalable ; 3°) de condamner le département de la Haute-Vienne à lui verser les sommes de 5 095 euros au titre des rémunérations restant dues et de 5 000 euros au titre des préjudices subis du fait du retard de transmission des documents destinés à Pôle Emploi 4°) de mettre à la charge du département de la Haute-Vienne une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la compétence du signataire de la décision du 28 novembre 2018 n'est pas démontrée ; - la décision du 28 novembre 2018 n'est pas motivée ; - la somme versée pour la période du 18 au 31 décembre 2017 a été de 31,74 euros, et non de 916,62 euros comme l'a retenu le département ; contrairement à ce qu'indique le département dans son courrier du 9 mai 2018, les sommes qui lui ont été versées depuis le 18 décembre 2017 " ne correspondent pas à ce qui est inscrit " ; ce courrier tient compte de sommes à récupérer du 18 décembre 2017 au 28 février 2018, alors que l'inaptitude a été reconnue le 23 février, et la période du 23 au 28 février est omise dans les " sommes à récupérer et à repayer correctement " ; le département ne lui était pas redevable de 4 317,46 euros à la fin du mois de mai 2018, mais de 9 143 euros ; elle a ainsi droit à 5 095,86 euros (916,62 + 2 089,62 + 2 089,62) ; - c'est à tort que le tribunal a tenu compte de la somme de 2 494,20 euros admise par le département dans la décision du 28 novembre 2018, dès lors que cette somme ne lui a jamais été versée ; - alors qu'elle a " signé " sa lettre de licenciement le 19 avril 2018, elle n'a reçu les documents lui permettant de s'inscrire à Pôle Emploi que le 16 mai suivant, après avoir été contrainte de les réclamer par courriel ; ce retard lui a causé un préjudice financier important, et elle n'a toujours pas pu reprendre une activité du fait du retentissement psychologique de cette situation ; elle est ainsi fondée à solliciter une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice financier et moral. Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2022, le département de la Haute-Vienne, représenté par la SCP CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - il ne conteste pas être redevable de la somme de 2 494,50 euros proposée par la décision d'admission partielle de la réclamation préalable, mais ne l'a pas encore versée, car ce montant a été contesté par Mme C... en première instance et en appel ; c'est ainsi à bon droit que le tribunal a tenu compte de ce qu'il avait " octroyé " cette somme à l'intéressée ; le versement interviendra suivant l'arrêt qui sera rendu par la cour ; - Mme C... ne critique pas le jugement en ce qu'il lui a alloué une somme de 1 500 euros, laquelle a été versée ; - il reprend ses moyens de première instance pour le surplus. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code du travail ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Navarro, représentant le département de la Haute-Vienne. Considérant ce qui suit : 1. Mme C..., assistante familiale recrutée sous contrat à durée indéterminée par le département de la Haute-Vienne à compter du 21 mars 2011, a été placée en arrêt de travail à compter du 29 mai 2015. Le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Vienne ayant estimé que cet arrêt n'était plus médicalement, les indemnités journalières ont cessé de lui être versées à compter du 18 décembre 2017, et le 23 février 2018, le médecin du travail a déclaré l'intéressée définitivement inapte à ses fonctions. Mme C..., licenciée par une décision du 16 avril 2018, a demandé au président du département de la Haute-Vienne de lui verser les sommes de 5 095 euros au titre des rémunérations restant dues et de 5 000 euros au titre des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un retard de transmission des documents destinés à Pôle Emploi. Par une décision du 28 novembre 2018, le directeur général des services du département a seulement accepté de lui accorder à titre gracieux un complément de rémunération de 2 494,20 euros. Mme C... a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande d'annulation de cette décision en ce qu'elle avait partiellement rejeté sa réclamation, et de condamnation du département de la Haute-Vienne à lui verser les sommes de 5 095 euros au titre de la rémunération restant due et de 5 000 euros au titre de son préjudice financier et moral. Elle relève appel du jugement du 1er avril 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. La réclamation préalable présentée par Mme C... n'a eu pour effet que de lier le contentieux à l'égard de sa demande indemnitaire. La requête présentant le caractère d'un recours de plein contentieux, les conclusions à fin d'annulation de la décision de rejet du 28 novembre 2018 ne peuvent qu'être rejetées. Sur les conclusions indemnitaires : En ce qui concerne la rémunération restant due : 3. En premier lieu, par lettre du 9 mai 2018, l'administration a transmis à Mme C... le détail du calcul de la somme brute de 4 317,46 euros qu'elle allait percevoir à la fin de ce mois au titre des salaires et indemnités restant dus, dont le versement n'est pas contesté. Ce calcul tient compte de sommes versées à tort et à récupérer, de sommes à " repayer correctement ", d'une prime de licenciement, de deux mois de préavis, d'une indemnité de congés payés et de primes d'ancienneté. Dans sa réclamation préalable, Mme C... s'est prévalue de 5 095 euros de salaires restant dus entre décembre 2017 et février 2018. Dans sa décision d'admission partielle, le département de la Haute-Vienne a accepté de lui accorder à titre gracieux une somme de 2 494,20 nets, sur la base de 41,57 euros par jour durant 60 jours, calculée par référence au montant de l'allocation de retour à l'emploi, afin de tenir compte de la particularité de sa situation entre la fin de l'arrêt de travail le 18 décembre 2017 et la reconnaissance de l'inaptitude définitive à l'emploi le 22 février 2018. Si Mme C... fait valoir qu'elle n'a pas perçu cette somme, le département n'est pas revenu sur son engagement de la verser, et dans cette mesure, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la demande devenue de ce fait sans objet. C'est ainsi à bon droit que le tribunal a tenu compte de cet engagement pour évaluer les sommes restant dues. 4. En second lieu, Mme C... reprend intégralement ses écritures de première instance relatives à la contestation du calcul de la somme brute de 4 317,46 euros, sans aucune critique du jugement dont le point 7 répond de manière circonstanciée à son argumentation. Par suite, et alors que toutes les sommes ont été mentionnées en brut, de sorte que Mme C... ne peut utilement se plaindre de ce que les versements perçus en net soient inférieurs, il y a lieu d'écarter cette argumentation par adoption des motifs retenus par les premiers juges. En ce qui concerne le préjudice financier et le préjudice moral : 5. Le tribunal a retenu un retard fautif dans la communication de l'attestation destinée à Pôle Emploi et du certificat de travail, reçus par l'intéressée le 16 mai 2018, alors que le département s'était engagé à transmettre ces documents dès la réception de la décision de licenciement du 16 avril 2018, notifiée le 18 avril. Le jugement a alloué à Mme C... une somme globale de 1 500 euros au titre du préjudice financier et moral subi du fait de ce retard. Alors que le préjudice financier, à l'appui duquel aucun justificatif n'est produit, correspond à des difficultés de trésorerie durant un mois, et que le retentissement psychologique de cette situation ne saurait être à l'origine de l'impossibilité alléguée de reprendre une activité professionnelle, Mme C... n'est pas fondée à demander le rehaussement de cette somme, non contestée par le département de la Haute-Vienne. 6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C..., à laquelle le département devra, comme il s'y est engagé, verser la somme de 2 494,20 euros nets qu'il a reconnue justifiée pour compenser le retard avec lequel l'inaptitude définitive a été prononcée, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande en ce qu'elle excède les 1 500 euros alloués au titre du préjudice financier et moral. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 7. Mme C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le département de la Haute-Vienne à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Haute-Vienne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au département de la Haute-Vienne. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02362 |
CETATEXT000048424261 | J3_L_2023_11_00021BX02560 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424261.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 21BX02560, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02560 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme GIRAULT | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 7 mai 2019 par laquelle la ministre des armées a refusé de renouveler son indemnité de soins à compter du 1er février 2017 et d'enjoindre à la ministre de réexaminer sa demande. Par un jugement n° 1905582 du 13 avril 2021, le tribunal a annulé la décision du 7 mai 2019 et a enjoint à la ministre des armées de réexaminer la demande de M. B.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 juin 2021, la ministre des armées demande à la cour d'annuler ce jugement. Elle soutient que : - la demande introductive d'instance présentée par M. B..., qui ne comportait ni conclusions, ni moyens, était irrecevable, et n'a pas pu être régularisée par le mémoire déposé tardivement, le 16 octobre 2020, par l'avocat désigné au titre de l'aide juridictionnelle ; - si la cour estimait que la demande introductive d'instance comportait un moyen de légalité interne, le moyen de légalité externe auquel le tribunal a fait droit était irrecevable dès lors qu'il relevait d'une cause juridique distincte et qu'il a été invoqué après l'expiration du délai de recours contentieux ; le tribunal aurait dû soulever d'office cette irrecevabilité ; - si la cour estimait que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision du 7 mai 2019 était recevable, c'est à tort que le tribunal y a fait droit dès lors que les dispositions de l'article L. 151-6 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, applicables à la date de cette décision, prévoyaient seulement la motivation des décisions comportant attribution de pension ; ainsi, le législateur a entendu exclure les autres décisions du champ de l'obligation de motivation, notamment celles rejetant les demandes de pension et l'indemnité de soins aux tuberculeux, et eu égard à ces dispositions spéciales, celles du code des relations entre le public et l'administration relatives à la motivation des décisions administratives n'étaient pas applicables ; le moyen était ainsi inopérant. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ; - le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., engagé volontaire le 1er avril 1948 et radié des contrôles pour infirmités graves et incurables le 1er avril 1957, était titulaire d'une pension militaire d'invalidité définitive, concédée au taux de 100 % par arrêté du 18 février 2013, avec jouissance à compter du 12 mai 2011, assortie de l'indemnité de soins prévue pour les pensionnés à 100 % pour tuberculose. Le 14 septembre 2017, il a sollicité le renouvellement de cette indemnité. Par une décision du 7 mai 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. M. B... a contesté cette décision devant le tribunal des pensions militaires de Bordeaux. L'affaire a été transmise au tribunal administratif de Bordeaux en application du décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018. Par un jugement du 13 avril 2021 dont la ministre des armées relève appel, ce tribunal a annulé la décision du 7 mai 2019 pour défaut de motivation, et a enjoint à l'administration de réexaminer la demande. M. B... est décédé en cours d'instance, l'affaire étant en état d'être jugée. 2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " Dans sa requête sommaire intitulée " recours contre la décision portant suspension d'une indemnité de soins ", enregistrée au greffe du tribunal des pensions militaires de Bordeaux le 12 août 2019, dans le délai de recours contentieux, M. B... a fait valoir qu'il souffrait " jusqu'à ce jour d'une maladie chronique ", la tuberculose, et que son taux d'invalidité était de 100 %. Il doit ainsi être regardé comme s'étant prévalu d'un droit au renouvellement de l'indemnité de soins. Par suite, la demande de première instance n'était pas irrecevable. 3. Toutefois, l'unique moyen de légalité interne invoqué dans la demande introductive d'instance ne relève pas de la même cause juridique que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, invoqué pour la première fois dans le mémoire enregistré le 16 octobre 2020, postérieurement à l'expiration du délai de recours contentieux. Si le fait que le tribunal n'a pas relevé d'office cette irrecevabilité n'entache pas la régularité du jugement, le ministre des armées est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal a fait droit à ce moyen de légalité externe irrecevable. 4. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner le moyen de légalité interne présenté par M. B... devant le tribunal. 5. Aux termes de l'article L. 41 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Sous réserve qu'il remplisse les conditions définies par décret, tout pensionné à 100 % pour tuberculose a droit à une indemnité de soins. / (...). " Aux termes de l'article D. 8 du même code : " Tout invalide titulaire d'un titre de pension ou d'un titre d'allocation provisoire d'attente de 100 % pour tuberculose a droit, s'il remplit les conditions spécifiées aux articles D. 9 à D. 19, à une indemnité de soins dont le montant annuel est déterminé par l'indice de pension 916. / (...). " Aux termes de l'article D. 9 de ce code : " L'indemnité prévue à l'article D. 8 est servie à l'intéressé jusqu'à sa guérison (...). / Pour l'application du présent chapitre, il y a lieu d'entendre par guérison, non la disparition des lésions, mais la disparition durable des signes et des symptômes d'activité et d'évolution lésionnelles. " 6. M. B... était titulaire d'une pension au taux de 100 % pour l'infirmité de tuberculose pulmonaire bilatérale excavée largement à gauche, maladie contractée en service et constatée le 22 mai 1954. Toutefois, les pièces du dossier, y compris le certificat du médecin pneumologue produit à l'appui de la demande, ne font pas état de symptômes d'activité ou d'évolution lésionnelles de cette maladie, mais seulement de lésions séquellaires. Par suite, M. B... ne pouvait pas prétendre au renouvellement de l'indemnité de soins. 7. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées est fondé à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 avril 2021, et que la demande présentée par M. B... devant le tribunal doit être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1905582 du 13 avril 2021 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à la succession de M. C... B.... Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02560 |
|
CETATEXT000048424262 | J3_L_2023_11_00021BX02681 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424262.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX02681, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02681 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | DUCOURAU | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... et Mme C... B... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux, d'une part, d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel la préfète de la Gironde a déclaré cessibles au profit de la commune de Lormont les lots de copropriété nos 2 et 8 des parcelles cadastrées section AZ nos 636 et 807 situées 10 quai Numa Sensine à Lormont et, d'autre part, d'enjoindre au maire de Lormont, sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de cesser toute action en appropriation unilatérale des lots de copropriété nos 2 et 8. Par un jugement n° 1903857 du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. et Mme D.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 22 juin 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Ducourau, demandent à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 22 avril 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler l'arrêté du 24 avril 2019 par lequel la préfète de la Gironde a déclaré cessibles au profit de la commune de Lormont les lots de copropriété nos 2 et 8, des parcelles cadastrées section AZ nos 636 et 807 situées 10 quai Numa Sensine à Lormont ; 3°) d'enjoindre au maire de Lormont, sur le fondement des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de cesser toute action en appropriation unilatérale des lots de copropriété nos 2 et 8 ; 4°) de mettre à la charge de la commune de Lormont la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - c'est à bon droit que le tribunal a admis qu'ils sont recevables à exciper de l'illégalité de la délibération du conseil municipal de la commune de Lormont du 17 mars 2016 qui a arrêté le programme des travaux à réaliser, mais c'est à tort qu'il n'a pas retenu les illégalités invoquées ; En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération du 17 mars 2016 : - le lot n° 2 n'avait pas perdu son usage d'habitation ; comme le montre l'attestation d'EDF du 8 juillet 2016, il s'agissait bien d'un logement occupé jusqu'au 8 juillet 2011, et non d'un " local vacant dégradé sans aucun élément de confort d'environ 19 m2 " comme l'indique le programme des travaux ; ce logement a une superficie de 29 m2 et comporte un séjour, une cuisine (désormais chambre), une salle de bains, des radiateurs et deux fenêtres ; - ils n'ont nullement " transformé " ce local en logement, mais se sont bornés à restaurer le logement existant tel qu'il figurait dans leur titre de propriété de 1989 ; la circonstance que les mentions cadastrales identifient le lot n° 2 comme " dépendance " est sans incidence, l'article R. 151-29 du code de l'urbanisme posant le principe selon lequel les locaux accessoires sont réputés avoir la même destination que le local principal, à savoir en l'espèce, un usage d'habitation ; c'est ainsi en se fondant sur des faits inexacts et sur une qualification juridique erronée que la délibération a proscrit toute transformation des locaux du rez-de-chaussée en logement ; - les dispositions de l'article R. 313-24 du code de l'urbanisme ne permettent pas d'imposer, dans le cadre d'une opération de restauration immobilière (ORI), la suppression d'équipements en parfait état pour leur en substituer d'autres ; la délibération est donc entachée d'illégalité en ce qu'elle approuve un programme de travaux excédant l'objectif de " rendre habitable le lot n° 2 " ; le " remplacement des menuiseries extérieures conformément aux prescriptions de l'ABF " ne pouvait légalement leur être imposé, alors qu'ils avaient posé de nouvelles menuiseries PVC en 2005, antérieurement à la création de la ZPPAUP en 2013 ; En ce qui concerne le détournement de pouvoir : - l'arrêté préfectoral vise à les sanctionner pour s'être opposés à l'abus de pouvoir consistant à leur imposer de changer les deux fenêtres en PVC du lot n° 2 installées en 2005. Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2021, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ; - le code du patrimoine ; - le code de l'urbanisme ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Ducourau, représentant M. et Mme D.... Considérant ce qui suit : 1. En 2011, en raison de la déqualification d'une partie du parc de logements privés dans son centre ancien, la commune de Lormont a lancé une étude en vue d'une opération programmée d'amélioration de l'habitat et de renouvellement urbain (OPAH-RU). Par une délibération du 15 juin 2012, le conseil municipal a approuvé une opération de restauration immobilière (ORI). Après enquête publique, le préfet de la Gironde a, par arrêté du 22 février 2016, déclaré d'utilité publique, au profit de la commune de Lormont, les travaux de restauration immobilière de 13 immeubles et 44 logements situés dans les quartiers du Vieux Bourg, de Lissandre et des Quais, et a autorisé la commune à arrêter le programme des travaux à réaliser, ainsi qu'à procéder aux acquisitions des immeubles pour lesquels les travaux n'auraient pas été exécutés par les propriétaires dans le délai prescrit. Par délibération du 17 mars 2016, le conseil municipal de Lormont a arrêté le programme de travaux pour chaque immeuble à restaurer et a fixé à 24 mois le délai de réalisation des travaux à partir de la date de notification du programme de travaux obligatoires et de l'ouverture de l'enquête parcellaire. Par arrêté du 24 août 2016, le préfet a prescrit l'ouverture de cette enquête, qui s'est déroulée du 10 octobre au 26 octobre 2016. Enfin, par arrêté du 24 avril 2019, la préfète de la Gironde a déclaré cessibles au profit de la commune de Lormont les lots de copropriété nos 2 et 8 de l'immeuble sis 10 quai Numa Sensine à Lormont, sur les parcelles cadastrées section AZ nos 636 et 807. M. et Mme D..., propriétaires de cet immeuble, relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 22 avril 2021, qui a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ce dernier arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de cessibilité du 24 avril 2019 : En ce qui concerne l'exception d'illégalité de la délibération du 17 mars 2016 arrêtant le programme des travaux : 2. Aux termes de l'article L. 313-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : " Les opérations de restauration immobilière consistent en des travaux de remise en état, de modernisation ou de démolition ayant pour objet ou pour effet la transformation des conditions d'habitabilité d'un immeuble ou d'un ensemble d'immeubles. Elles sont engagées à l'initiative (...) des collectivités publiques, (...), et sont menées dans les conditions définies par la section 3 du présent chapitre. / Lorsqu'elles ne sont pas prévues par un plan de sauvegarde et de mise en valeur approuvé, elles doivent être déclarées d'utilité publique. ". Aux termes de l'article L. 313-4-1 du même code : " Lorsque l'opération nécessite une déclaration d'utilité publique, celle-ci est prise, dans les conditions fixées par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, à l'initiative de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour réaliser les opérations de restauration immobilière, ou de l'État avec l'accord de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme. ". Aux termes de l'article L. 313-4-2 du même code : " Après le prononcé de la déclaration d'utilité publique, la personne qui en a pris l'initiative arrête, pour chaque immeuble à restaurer, le programme des travaux à réaliser dans un délai qu'elle fixe. Lors de l'enquête parcellaire, elle notifie à chaque propriétaire le programme des travaux qui lui incombent. Si un propriétaire ou copropriétaire fait connaître son intention de réaliser les travaux dont le détail lui a été notifié pour information, ou d'en confier la réalisation à l'organisme chargé de la restauration, son immeuble n'est pas compris dans l'arrêté de cessibilité. ". Il résulte ainsi des articles L. 313-4, L. 313-4-1 et L. 313-4-2 du code de l'urbanisme qu'une opération de restauration immobilière a pour objet la transformation des conditions d'habitabilité d'un immeuble ou d'un ensemble d'immeubles. 3. Il est constant que M. et Mme D... sont propriétaires de l'ensemble de l'immeuble sis au 10, quai Numa Sensine à Lormont. La délibération du 17 mars 2016 par laquelle le conseil municipal de Lormont a arrêté le programme des travaux à réaliser au titre de l'ORI comporte en annexe une fiche détaillant ce programme pour chaque immeuble concerné. Le lot n° 2 du 10, quai Numa Sensine, occupant le rez-de-chaussée droit, y est décrit comme un local vacant, dégradé, sans aucun élément de confort, pour lequel il faudra procéder à une mise aux normes de l'ensemble des réseaux, ainsi qu'à une amélioration énergétique et acoustique avec une isolation des murs, le remplacement des menuiseries extérieures PVC " conformément aux prescriptions de l'ABF ", et l'installation d'un mode de chauffage économe en énergie. 4. En premier lieu, les requérants se prévalent de l'état descriptif de division de l'immeuble et du règlement de copropriété établi par un cabinet de géomètres le 9 mai 2016, selon lesquels le lot n° 2, d'une superficie de 29 m², correspond à " un appartement en rez-de-chaussée, constitué d'un séjour, d'une cuisine et d'une salle de bains avec WC ". Ils font valoir que ce logement, en bon état, était mentionné comme loué par l'acte d'achat de l'immeuble du 17 avril 1989, et qu'il a été occupé jusqu'au 8 juillet 2011, date de résiliation du contrat d'électricité. Il ressort toutefois du compte-rendu des deux visites des lieux effectuées par la société InCité missionnée par la commune, en présence d'un représentant du service d'hygiène et de santé de la commune le 5 janvier 2016 et d'un huissier mandaté par M. et Mme D... le 2 février suivant, ainsi que de l'état des lieux annexé à ce compte-rendu, illustré de photographies, que le local du rez-de-chaussée droit a été cloisonné, ce qui laisse une seule pièce de 19 m² et une partie arrière inaccessible. Cette pièce, éclairée par deux fenêtres donnant sur le quai Numa Sensine, est dépourvue de confort, dans un mauvais état d'entretien, présente des problèmes de sécurité et de salubrité du fait notamment d'une humidité importante, et sert désormais de débarras. L'huissier mandaté par M. et Mme D... la qualifie d'ailleurs de " local à usage de réserve " dans son constat du 2 février 2016. Le programme des travaux prévoit d'aménager cette pièce de 19 m² avec des sanitaires, et de créer, sur l'emprise inutilisée située de l'autre côté de la cloison, un local à poubelles clos et un local à vélos. Ni le courrier de " réclamation " des époux D... à la société InCité du 21 février 2016, ni aucune des pièces qu'ils produisent, ne comporte aucun élément de nature à remettre en cause les constatations faites lors des visites des 5 janvier et 2 février 2016. Par suite, les moyens tirés de ce que la commune de Lormont aurait arrêté le programme des travaux du lot n° 2 en se fondant sur une description erronée de son état et en se méprenant sur son usage doivent être écartés. 5. En second lieu, aux termes de l'article R. 313-27 du code de l'urbanisme : " L'autorité expropriante qui a pris l'initiative de la déclaration d'utilité publique de l'opération notifie à chaque propriétaire, ou copropriétaire, le programme détaillé des travaux à réaliser sur le bâtiment et son terrain d'assiette. La notification prévue à l'alinéa précédent est effectuée à l'occasion de la notification individuelle du dépôt en mairie du dossier de l'enquête parcellaire prévue par l'article R. 131-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Elle comporte l'indication du délai dans lequel doivent être réalisés les travaux. ". Aux termes de l'article L. 642-1 du code du patrimoine : " Sur proposition du conseil municipal des communes intéressées ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme, des zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager peuvent être instituées autour des monuments historiques et dans les quartiers, sites et espaces à protéger ou à mettre en valeur pour des motifs d'ordre esthétique, historique ou culturel. ". Aux termes de l'article L. 642-2 du même code : " Des prescriptions particulières en matière d'architecture et de paysages sont instituées à l'intérieur de ces zones ou parties de zone pour les travaux mentionnés à l'article L. 642-3. (...) ". 6. Les requérants font grief à la délibération d'approuver un programme de travaux excédant l'objectif de " rendre habitable le lot n° 2 ", en ce qu'elle prescrit " le remplacement des menuiseries extérieures PVC conformément aux prescriptions de l'ABF ". Cependant, le programme des travaux a pour finalité de répondre aux objectifs de la déclaration d'utilité publique, parmi lesquels figure celui de répondre aux exigences du règlement de la zone de protection patrimoniale, architecturale et paysagère (ZPPAUP) alors en vigueur, lequel n'autorise pas les menuiseries en PVC. La mise en conformité avec ce règlement des immeubles remis en état dans le cadre de l'ORI pouvait être légalement prévue par le programme des travaux, et la circonstance que les huisseries en PVC ont été posées antérieurement à la création de la ZPPAUP ne saurait faire regarder la prescription de les changer comme excédant les objectifs de l'ORI. En ce qui concerne le détournement de pouvoir : 7. Aux termes de l'article L. 132-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " L'autorité compétente déclare cessibles les parcelles ou les droits réels immobiliers dont l'expropriation est nécessaire à la réalisation de l'opération d'utilité publique. Elle en établit la liste, si celle-ci ne résulte pas de la déclaration d'utilité publique. ". 8. Alors que le délai de réalisation des travaux de 24 mois fixé par la commune de Lormont expirait fin septembre 2018, M. et Mme D... ont exprimé, par lettre au maire du 26 septembre 2018, leur refus de respecter le programme des travaux du lot n° 2, en alléguant notamment avoir aménagé des locaux à poubelles et à vélos dans les parties communes, et n'ont pas donné suite à la proposition par la commune de trois dates en décembre 2018 en vue du contrôle des travaux qu'ils affirmaient avoir réalisés, prétextant " des activités professionnelles chargées pour une durée allant jusqu'à plusieurs mois ". En conséquence, la commune a sollicité un arrêté de cessibilité, comme elle en avait la possibilité en l'absence de réalisation des travaux dans le délai imparti, et il a été fait droit à sa demande par l'arrêté contesté du 24 avril 2019 de la préfète de la Gironde. Eu égard à ce qui a été exposé précédemment, le détournement de pouvoir allégué, tiré de ce que cet arrêté aurait pour objet de sanctionner M. et Mme D... pour avoir refusé de changer les deux fenêtres en PVC du lot n° 2, ne peut être regardé comme établi. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande. Sur les conclusions à fin d'injonction : 10. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. et Mme D.... Par suite, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies. Sur les frais liés à l'instance : 11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. et Mme D... soit mise à la charge de la commune de Lormont, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et Mme C... B... épouse D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et à la commune de Lormont. Copie en sera communiquée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, Florence E... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02681 |
CETATEXT000048424263 | J3_L_2023_11_00021BX02745 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424263.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX02745, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02745 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme MEYER | C3LEX | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la communauté de communes du Val d'Albret, devenue Albret Communauté, à lui verser les sommes de 49 454 euros au titre de ses pertes de revenus du 20 janvier 2012 au 30 novembre 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2012 et capitalisation, et de 25 000 euros au titre de son préjudice moral. Par un jugement n° 1902230 du 27 avril 2021, le tribunal a condamné la communauté de communes à verser à M. C... une somme de 52 454 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2019 et capitalisation. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 24 juin 2021 et des mémoires enregistrés le 6 octobre 2021 et le 26 janvier 2022, la communauté de communes Albret Communauté, représentée par la SELARL MCM Avocat, demande à la cour : 1°) à titre principal d'annuler ce jugement et de rejeter la demande indemnitaire présentée par M. C... devant le tribunal ; 2°) à titre subsidiaire, de ramener l'indemnisation de M. C... à la somme de 14 519,34 euros au titre des pertes de revenus et de rejeter la demande présentée au titre du préjudice moral ; 3°) dans tous les cas, de mettre à la charge de M. C... une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - dès lors que les demandes indemnitaires de M. C... ont été rejetées par l'arrêt de la cour n° 18BX00845 du 25 octobre 2018 revêtu de l'autorité de chose jugée, c'est à tort que le tribunal y a fait droit ; - à titre subsidiaire, les courriers adressés par M. C... à la communauté de communes le 24 mai 2016 et le 30 décembre 2018 pour " protester " contre les arrêts de la cour du 23 mai 2016 et du 25 octobre 2018 ne constituent pas des actes interruptifs de prescription ; seul le courrier du 30 janvier 2019, intitulé " recours gracieux ", constitue une demande indemnitaire préalable, et il est postérieur à l'expiration de la prescription quadriennale, dont le délai a couru du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2017 ; A titre très subsidiaire : - l'arrêt de la cour n° 18BX00845 lui a enjoint de réintégrer M. C... du 20 janvier 2012 au 1er décembre 2014, soit durant 34 mois et 11 jours, ce qui constitue la période de référence du droit à indemnisation ; l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) et l'indemnité d'exercice de missions des préfectures (IEMP), octroyées à M. C... en novembre 2003 au titre de ses fonctions de directeur général des services, étaient prévues pour les seuls mois de novembre et décembre 2003, sans que la preuve soit apportée qu'elles auraient été servies en février 2008 ; en outre, elles étaient liées à l'emploi de directeur général des services, sur lequel M. C... n'aurait pas pu être réintégré dès lors qu'il avait publiquement critiqué les président et les élus de la communauté de communes, qu'il n'hésitait pas à présenter comme des adversaires politiques ; eu égard au contexte très conflictuel de la démission de M. C... de ses fonctions de président de la communauté de communes, il se serait vu proposer, en cas de réintégration, un emploi ne justifiant pas l'octroi de l'IFTS et de l'IEMP ; les pertes de revenus doivent ainsi être calculées en déduisant ces indemnités servies avant sa mise en disponibilité, soit un montant net de 14 519,34 euros du 21 janvier 2013 au 30 novembre 2014, en tenant compte de l'avancement de M. C... au 6ème échelon du grade de directeur territorial ; - alors que M. C... a tenu des propos très polémiques et violé le devoir de réserve auquel sont astreints les fonctionnaires territoriaux, ce qui rendait impossible sa réintégration dans les fonctions de directeur général des services, il ne démontre pas en quoi sa dignité et sa réputation auraient été atteintes par les décisions prises dans l'intérêt du service par la communauté de communes ; c'est à tort que le tribunal lui a alloué une somme de 3 000 euros au titre d'un préjudice moral ; - comme l'a retenu le tribunal, les intérêts sur l'indemnité allouée à M. C... ne peuvent courir qu'à compter de la demande ayant lié le contentieux, reçue le 4 février 2019. Par des mémoires en défense enregistrés les 8 septembre et 29 décembre 2021, M. C..., représenté par le cabinet d'avocats C3LEX, conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de retenir les intérêts au taux légal sur la somme de 49 454 euros à compter du 20 janvier 2012 et leur capitalisation à chaque échéance annuelle, soit une somme totale à parfaire de 61 120,86 euros au 27 août 2021, et de porter à 22 960,38 euros l'indemnité allouée au titre de son préjudice moral. Il demande en outre que soient mis à la charge de la communauté de communesAlbret Communauté une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens. Il fait valoir que : - le rejet de sa demande indemnitaire par l'arrêt n° 18BX00845 du 25 octobre 2018 est fondé sur l'absence de liaison préalable du contentieux, ce qui ne fait pas obstacle à l'examen d'une nouvelle demande ; - c'est à bon droit que le tribunal a jugé que sa créance n'était pas prescrite ; - l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2012 qui l'a maintenu en position de disponibilité implique sa réintégration juridique à la date de sa demande de réintégration, le 23 novembre 2012, et non à la date de cet arrêté ; sa perte de salaire, compte tenu d'un passage au 6ème échelon à compter du 21 janvier 2013, s'élève à 49 454 euros après déduction de la somme de 92 652 euros perçue au titre de l'allocation chômage ; dès lors que l'arrêté annulé est réputé n'avoir jamais existé, il n'y a pas lieu d'apprécier ses chances de percevoir les indemnités acquises, lesquelles auraient été maintenues s'il n'avait pas été évincé ; les propos qui lui sont reprochés, tenus en qualité d'élu, ne sont pas de nature à caractériser une rupture du lien de confiance en qualité de fonctionnaire ; - son préjudice de perte de revenus a commencé le 20 janvier 2012, date à laquelle le président de la communauté de communes l'a maintenu en position de disponibilité ; il est ainsi fondé à demander que les intérêts prennent effet à compter de cette date, avec une capitalisation à chaque échéance annuelle ; - il a toujours été qualifié de très bon collaborateur, et même d'excellent directeur ; eu égard à ses états de services, à l'illégalité de la décision du 20 janvier 2012, aux accusations injustes dont il a fait l'objet avant et au cours de la procédure ayant conduit à l'arrêt définitif de la cour du 25 octobre 2018, et à la durée de cette procédure il a subi un préjudice moral ; il est ainsi fondé à demander en réparation de son préjudice moral une indemnité représentant au moins six mois de salaire, par référence au droit du travail, soit 22 960,38 euros. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ; - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Feix, représentant la communauté de communes du Val d'Albret, et de Me Lagarde, représentant M. C.... Considérant ce qui suit : 1. M. C..., attaché territorial principal nommé à compter du 19 mai 1999 secrétaire général de la communauté de communes du Val d'Albret, à laquelle la communauté de communes Albret Communauté a succédé à compter du 1er janvier 2017 , a été promu sur place au grade de directeur territorial à compter du 1er janvier 2001 et affecté sur l'emploi nouvellement créé de directeur général des services. En mai 2008, il a été élu conseiller municipal de la commune de Nérac, puis président de la communauté de communes du Val d'Albret, et par un arrêté du 19 mai 2008, il a été placé à sa demande en disponibilité pour convenances personnelles à compter du 1er juin 2008 " pour la durée de son mandat local ". Après avoir démissionné de son mandat de président de la communauté de communes le 9 octobre 2011, il a sollicité sa réintégration dans son précédent emploi ou dans un emploi analogue par lettre du 22 novembre 2011, reçue le 23 novembre suivant. Par un arrêté du 20 janvier 2012, implicitement confirmé après un recours gracieux du 14 mars 2012, le nouveau président de la communauté de communes du Val d'Albret a maintenu M. C... en position de disponibilité à compter du 23 novembre 2011, au motif que l'intérêt du service, en particulier l'organisation des équipes de direction et d'encadrement, ne permettait pas de procéder à sa réintégration. M. C... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Bordeaux, lequel a rejeté sa demande par un jugement n° 1202110 du 30 septembre 2014, et son appel a été rejeté par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 14BX03341 du 23 mai 2016. M. C... s'étant pourvu en cassation, le Conseil d'Etat, par une décision n° 401731 du 20 février 2018, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour. Par un arrêt n° 18BX00845 du 25 octobre 2018, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1202110 du 30 septembre 2014 et a enjoint à la communauté de communes de réintégrer juridiquement M. C... dans l'emploi qu'il occupait avant sa mise en disponibilité au titre de la période du 20 janvier 2012 au 1er décembre 2014, date à laquelle l'intéressé avait été admis à faire valoir ses droits à la retraite, ainsi que de procéder à la reconstitution subséquente de sa carrière et de ses droits sociaux. 2. Par un arrêté du 26 novembre 2018, le président de la communauté de communes a réintégré M. C... à compter du 20 janvier 2012 en qualité de directeur territorial, lui a accordé un avancement d'échelon à compter du 18 mars 2013, l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er décembre 2014, et a décidé que l'intéressé bénéficierait des rappels de traitement correspondant à cette nouvelle situation. Par une réclamation reçue le 4 février 2019, M. C... a sollicité le versement des sommes de 49 454 euros au titre de ses pertes de revenus et de 25 000 euros au titre de son préjudice moral. En l'absence de réponse, il a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de condamnation de la communauté de communes à lui verser ces sommes, assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation. Par un jugement du 27 avril 2021, le tribunal a condamné cette collectivité à lui verser une indemnité de 52 454 euros, avec intérêts à compter du 4 février 2019 et capitalisation à compter du 4 février 2020, et a rejeté le surplus de la demande. La communauté de communes Albret Communauté relève appel de ce jugement. Par son appel incident, M. C... conteste la somme allouée au titre de son préjudice moral, ainsi que la date de départ des intérêts et de leur capitalisation sur ses pertes de revenus. Sur l'exception d'autorité de chose jugée : 3. L'arrêt de la cour n° 18BX00845 du 25 octobre 2018 qui a annulé le refus de réintégration de M. C... a rejeté les conclusions indemnitaires de l'intéressé pour irrecevabilité en l'absence de liaison du contentieux par une réclamation indemnitaire préalable, ce qui ne faisait pas obstacle à une nouvelle saisine du juge après la présentation d'une telle réclamation. C'est ainsi à bon droit que les premiers juges ont écarté l'exception d'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 25 octobre 2018 sur les conclusions indemnitaires de M. C..., opposée par la communauté de communes Albret Communauté. Sur l'exception de prescription quadriennale : 4. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / (...). " Aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...). / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. " 5. Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit et que le fait générateur de la créance se trouve ainsi dans les services accomplis par l'intéressé, la prescription est acquise au début de la quatrième année suivant chacune de celles au titre desquelles ses services auraient dû être rémunérés. Il en va cependant différemment lorsque la créance de l'agent porte sur la réparation d'une mesure illégalement prise à son encontre et qui a eu pour effet de le priver de fonctions. En pareille hypothèse, comme dans tous les autres cas où est demandée l'indemnisation du préjudice résultant de l'illégalité d'une décision administrative, le fait générateur de la créance doit être rattaché, non à l'exercice au cours duquel la décision a été prise, mais à celui au cours duquel elle a été régulièrement notifiée. 6. Comme l'ont relevé les premiers juges, la créance dont se prévaut M. C... est née de l'illégalité de l'arrêté du 20 janvier 2012 le maintenant en position de disponibilité, et le délai de prescription, interrompu par la saisine du tribunal administratif de Bordeaux le 16 juin 2012 aux fins de voir reconnaître l'illégalité de cet arrêté, n'a recommencé à courir qu'à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 25 octobre 2018 qui a annulé l'arrêté du 20 janvier 2012 est devenu définitif. Par suite, la communauté de communes Albret Communauté n'est pas fondée à soutenir que la prescription quadriennale aurait été acquise le 4 février 2019, date de réception de la réclamation préalable de M. C.... Sur le droit à indemnisation de M. C... : En ce qui concerne les pertes de revenus : 7. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ainsi que ses revenus de remplacement le cas échéant. 8. Le tribunal a fixé à 49 454 euros les pertes de revenus de M. C... entre le 23 novembre 2011 et le 1er décembre 2014, en déduisant les indemnités de chômage de 92 652 euros versées par la communauté de communes au cours de cette période de la rémunération nette de 142 106 euros que l'intéressé aurait dû percevoir s'il avait été réintégré. Le calcul de cette rémunération inclut, outre le traitement tenant compte de la reconstitution de carrière, une bonification indiciaire, une indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires (IFTS) et une indemnité d'exercice des missions de préfecture (IEMP), de montants respectifs de 136,02 euros, 935,88 euros et 186,79 euros par mois, dont les premiers juges ont estimé que M. C... avait perdu une chance sérieuse de les percevoir. 9. D'une part, l'annulation par le juge administratif d'une décision d'éviction du service d'un agent public implique nécessairement, en principe, la réintégration juridique de l'agent à la date de l'éviction, soit en l'espèce le 20 janvier 2012, date à partir de laquelle la cour avait enjoint à la communauté de communes de réintégrer M. C.... La collectivité est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à indemniser des pertes de revenus à compter du 23 novembre 2011, date de réception de la demande de réintégration. 10. D'autre part, la communauté de communes Albret Communauté conteste l'existence d'une chance sérieuse de percevoir l'IFTS et l'IEMP au cours de la période d'éviction, en faisant valoir que ces indemnités auraient été liées à l'emploi de directeur général des services, sur lequel elle n'aurait pas pu réintégrer M. C... en raison d'une rupture du lien de confiance. 11. Aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement (...) ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que de la performance collective des services (...) ". L'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit que l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale fixe les régimes indemnitaires de agents de cette collectivité dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat. Aux termes de l'article 2 du décret du 6 septembre 1991 pris pour l'application de ces dernières dispositions, dans sa rédaction applicable : " L'assemblée délibérante de la collectivité (...) fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. / (...)." Par une délibération du 6 novembre 2002, la communauté de communes du Val d'Albret a institué l'IFTS pour les fonctionnaires de la filière administrative des catégories A et B et l'IEMP pour les agents titulaires et stagiaires de la filière administrative, en fixant leurs montants dans la limite de ceux fixés pour les agents de l'Etat. 12. Par deux arrêtés du 14 novembre 2003, le président de la communauté de communes du Val d'Albret a attribué l'IFTS et l'IEMP à M. C..., en sa qualité de directeur au 4ème échelon de son grade, en prévoyant que le versement de ces " primes ", dont les montants seraient indexés sur la valeur du point de la fonction publique territoriale, interviendrait mensuellement à compter du 1er novembre 2003. Ainsi, contrairement à ce que soutient la communauté de communes, ces indemnités étaient liées au grade de M. C..., et non à l'emploi de directeur général des services sur lequel il était affecté antérieurement à sa mise en disponibilité, de sorte que l'impossibilité invoquée d'une réintégration sur cet emploi ne pouvait faire obstacle à leur versement. La circonstance que les arrêtés du 14 novembre 2003 mentionnent les montants mensuels de chacune des indemnités pour les mois de novembre et décembre 2003 ne saurait les faire regarder comme attribuant l'IFTS et l'IEMP pour ces deux mois seulement. C'est ainsi à bon droit que le tribunal a inclus ces indemnités dans le calcul des pertes de revenus durant la période d'éviction. 13. Il résulte de ce qui précède que les pertes de revenus de M. C... doivent être calculées sur la période du 20 janvier 2012, date du refus de réintégration, au 30 novembre 2014, veille de l'admission à la retraite, sur la base de la rémunération nette qu'il aurait perçue à son grade de directeur, avec un passage du 5ème au 6ème échelon le 20 janvier 2013, incluant l'IFTS, l'IEMP et la bonification indiciaire, l'existence d'une perte de chance sérieuse de percevoir cette dernière n'étant pas contestée par la communauté de communes. Au regard des éléments chiffrés non contestés qu'il invoque, M. C... aurait dû percevoir 134 617,55 euros au cours de la période d'éviction illégale, et ses indemnités de chômage se sont élevées à 87 780 euros. Ses pertes de revenus doivent ainsi être fixées à 46 837,55 euros. En ce qui concerne le préjudice moral : 14. Si M. C... soutient avoir fait l'objet d'accusations injustes avant et au cours de la longue procédure juridictionnelle ayant conduit à l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2012 lui ayant refusé sa réintégration, il ne le démontre pas en produisant des articles de presse relatifs aux circonstances de sa démission de ses fonctions de président de la communauté de communes du Val d'Albret, lesquels ne comportent aucune référence à sa qualité de fonctionnaire de cette collectivité. L'unique pièce relative à sa demande de réintégration en cette qualité est un extrait du site internet Ma Gazette faisant état de l'avis défavorable émis le 20 janvier 2010 par la commission administrative paritaire et de l'embarras des syndicats comme des élus de la communauté de communes, sans rapporter aucun propos susceptible de porter atteinte à la dignité ou à la réputation de M. C.... Toutefois, la procédure juridictionnelle d'une durée de six ans engagée par l'intéressé afin de faire valoir ses droits lui a nécessairement causé un préjudice moral, dont il sera fait une juste appréciation en l'évaluant à 3 000 euros. Sur les intérêts et leur capitalisation : 15. D'une part, lorsqu'ils sont demandés, les intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité allouée sont dus, quelle que soit la date de la demande préalable, à compter du jour où cette demande est parvenue à l'autorité compétente ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière, sans qu'il soit besoin d'une nouvelle demande à l'expiration de ce délai. De même, la capitalisation s'accomplit à nouveau, le cas échéant, à chaque échéance annuelle ultérieure, sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande. 16. Il résulte de ce qui précède que comme l'a jugé le tribunal, la condamnation relative aux pertes de revenus de M. C... ne peut prendre effet qu'à compter du 4 février 2019, date de réception de sa réclamation préalable, et non à compter du 20 janvier 2012 comme il le demande. Par suite, les intérêts sur la somme de 46 837,55 euros sont dus à compter du 4 février 2019 et doivent être capitalisés à compter du 4 février 2020 et à chaque échéance annuelle ultérieure. 17. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes Albret Communauté est seulement fondée à demander que la somme qu'elle a été condamnée à verser à M. C... soit ramenée de 52 454 euros à 49 837,55 euros, et que l'appel incident de M. C... doit être rejeté. Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige : 18. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à une somme à la charge de M. C... au titre des frais exposés par la communauté de communes Albret Communauté à l'occasion du présent litige. M C..., qui est la partie perdante, n'est pas fondé à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et sa demande relative à des dépens inexistants ne peut qu'être rejetée. DÉCIDE : Article 1er : La somme que la communauté de communes Albret Communauté a été condamnée à verser à M. C... est ramenée de 52 454 euros à 49 837,55 euros, avec intérêts au taux légal sur la somme de 46 837,55 euros à compter du 4 février 2019 et capitalisation de ces intérêts à compter du 4 février 2020 et à chaque échéance annuelle ultérieure. Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 1902230 du 27 avril 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Albret Communauté et à M. B... C.... Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La première assesseure, Florence Rey-Gabriac La présidente, rapporteure, Anne A...La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02745 |
CETATEXT000048424264 | J3_L_2023_11_00021BX02780 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424264.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX02780, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX02780 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | DE FROMENT | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler la décision en date du 18 janvier 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Vienne lui a indiqué qu'il ne renouvellerait pas son contrat à durée déterminée à son terme le 31 mai 2019 et lui a retiré, à compter du 1er février 2019, ses fonctions de directeur du laboratoire départemental d'analyses et de recherches de la Haute-Vienne. Par un jugement n° 1900408 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la demande de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 juin 2021, M. A..., représenté par Me de Froment, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 avril 2021 du tribunal administratif de Limoges ; 2°) d'annuler la décision en date du 18 janvier 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Vienne lui a indiqué qu'il ne renouvellerait pas son contrat à durée déterminée à son terme le 31 mai 2019 et lui a retiré, à compter du 1er février 2019, ses fonctions de directeur du laboratoire départemental d'analyses et de recherches de la Haute-Vienne ; 3°) de mettre à la charge du département de la Haute-Vienne la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : A titre principal : - la décision du 18 janvier 2019 doit être regardée comme un licenciement déguisé pour insuffisance professionnelle, et non comme une décision de non-renouvellement de son contrat ; - ce licenciement est irrégulier, puisque la procédure du licenciement n'a pas été respectée ; en effet, ses droits n'ont pas été respectés, en l'absence d'information quant à la possibilité de demander communication de son dossier individuel comme l'impose l'article 39-2 du décret du 15 février 1988, et en raison du déroulement irrégulier de l'entretien préalable qui n'a pas été conforme à l'article 42 du même décret puisqu'il n'a pas pu se faire assister par son avocat ; le licenciement est également irrégulier en raison du non-respect du préavis et de l'absence de motivation de la décision de licenciement, en violation de l'article 40 du décret du 15 février 1988, et en raison de l'absence de consultation de la commission administrative paritaire ; en outre, ce licenciement est entaché d'inexactitude matérielle des faits, qu'il a contestés dans sa demande de révision de l'entretien professionnel ; il est également entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que ses évaluations des années précédentes sont très satisfaisantes, de même que son évaluation par le département de la Creuse ; A titre subsidiaire : - à supposer qu'il s'agisse d'une décision de non-renouvellement de son contrat, elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors que la présence de son avocat lui a été refusée lors de l'entretien préalable, la collectivité étant tenue de respecter les règles de la procédure choisie ; il s'agit d'une irrégularité substantielle ; par ailleurs, les faits reprochés ne sont pas établis, dès lors qu'il a subi beaucoup de contraintes qui l'ont empêché d'exercer pleinement ses missions ; la décision est donc entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2022, le département de la Haute-Vienne, représenté par Me de Soto, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la décision n'est pas une décision de licenciement, mais de non-renouvellement du contrat ; - tous les moyens, tant de légalité externe que de légalité interne soulevés par M. A... doivent être écartés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ; - le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme C..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me de Soto, représentant le département de la Haute-Vienne. Considérant ce qui suit : 1. Les départements de la Haute-Vienne et de la Creuse ont décidé de s'engager dans un rapprochement progressif de leurs laboratoires départementaux vétérinaires d'analyses et de recherches, afin d'en assurer la pérennité et d'améliorer le service rendu dans le cadre d'une meilleure maîtrise des coûts. A cette fin, ils ont conclu, le 27 septembre 2016, une convention d'entente interdépartementale d'une durée d'un an reconductible, relative à la direction partagée de leurs deux laboratoires, visant à la mise en commun de moyens et à la mise en place de prestations mutualisées et de sous-traitances entre les deux laboratoires. Sur le fondement de cette convention, qui prévoyait l'emploi du directeur partagé par l'une des deux collectivités et sa mise à disposition de l'autre à temps partiel, M. B... A... a été recruté par le département de la Haute-Vienne par un contrat à durée déterminée à temps plein d'une durée de trois ans à compter du 1er juin 2016 pour exercer, à raison de 50 % de sa quotité de travail, les fonctions de directeur du laboratoire départemental d'analyses et de recherches de la Haute-Vienne, et pour les 50 % restants, les fonctions de directeur du laboratoire départemental de la Creuse. De nombreux dysfonctionnements sont apparus dans le cadre de cette tentative de mutualisation, et par une décision du 18 janvier 2019, le président du conseil départemental de la Haute-Vienne a indiqué à M. A... que son contrat à durée déterminée ne serait pas renouvelé à son terme prévu le 31 mai 2019, et qu'à compter du 1er février 2019, il devrait effectuer l'intégralité de ses missions et de son temps de travail au seul laboratoire départemental de la Creuse, avec maintien jusqu'au terme du contrat des conditions de prise en charge de sa rémunération prévues par la convention conclue par les deux départements. Cette convention n'ayant pas été reconduite, le département de la Creuse a recruté M. A... à compter du 1er juin 2019 en qualité de directeur de son laboratoire. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Limoges du 29 avril 2021 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental de la Haute-Vienne du 18 janvier 2019. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne l'existence d'une décision de licenciement déguisée : 2. Un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de son contrat. Sauf circonstance particulière, la décision par laquelle l'autorité administrative compétente met fin aux relations contractuelles doit être regardée comme un refus de renouvellement de contrat si elle intervient à l'échéance du contrat, et comme un licenciement si elle intervient au cours de ce contrat. 3. La décision du président du conseil départemental de la Haute-Vienne du 18 janvier 2019 porte sur le non-renouvellement du contrat à durée déterminée au-delà de son terme. Si elle modifie le périmètre des missions de M. A... en lui retirant ses fonctions de directeur du laboratoire départemental de la Haute-Vienne à partir du 1er février 2019 et en l'affectant à plein temps, à compter de la même date, exclusivement sur ses fonctions de directeur du laboratoire départemental de la Creuse, qu'il occupait jusqu'alors à 50 %, cette modification substantielle, que l'intéressé a acceptée, n'a pas eu pour objet ou pour effet de rompre le contrat, lequel a été exécuté jusqu'à son terme initialement prévu, le 31 mai 2019. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du 18 janvier 2019 constituerait un licenciement déguisé en cours de contrat, et les moyens qu'il soulève pour contester la régularité et le bien-fondé d'un tel licenciement ne peuvent qu'être écartés comme inopérants. En ce qui concerne la légalité du non-renouvellement du contrat : 4. En premier lieu, aux termes de l'article 38-1 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Lorsqu'un agent contractuel a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être renouvelée en application des dispositions législatives ou réglementaires qui lui sont applicables, l'autorité territoriale lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : (...) / - deux mois avant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée égale ou supérieure à deux ans ; (...) / La notification de la décision finale doit être précédée d'un entretien lorsque le contrat est susceptible d'être reconduit pour une durée indéterminée ou lorsque la durée du contrat ou de l'ensemble des contrats conclus sur emploi permanent conformément à l'article 3-3 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée est supérieure ou égale à trois ans. / (...). " 5. Une irrégularité affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'elle a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'elle a privé les intéressés d'une garantie. 6. Par un courrier du 2 janvier 2019, le président du conseil départemental de la Haute-Vienne a convoqué M. A... à un entretien préalable au non-renouvellement de son contrat qui a eu lieu le 16 janvier 2019. M. A... fait valoir que l'assistance de son conseil lui a été refusée, ce qui n'est pas contesté. Toutefois, hormis le cas où la décision de non-renouvellement du contrat aurait un caractère disciplinaire, la tenue d'un entretien est seulement l'occasion pour l'agent d'interroger son employeur sur les raisons justifiant la décision de ne pas renouveler son contrat et, le cas échéant, de lui exposer celles qui pourraient justifier une décision contraire. L'accomplissement de cette formalité ne constitue pas pour l'intéressé, eu égard à la situation juridique de fin de contrat sans droit au renouvellement de celui-ci, et alors même que la décision peut être prise en considération de sa personne, une garantie dont la privation serait de nature par elle-même à entraîner l'annulation de la décision de non renouvellement, sans que le juge ait à rechercher si l'absence d'entretien a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que les droits de la défense de M. A... auraient été méconnus ne peut qu'être écarté. 7. En second lieu, comme cela a été dit au point 2, un agent public qui a été recruté par un contrat à durée déterminée ne bénéficie d'aucun droit au renouvellement de celui-ci. Toutefois, l'administration ne peut légalement décider, au terme de son contrat, de ne pas le renouveler que pour un motif tiré de l'intérêt du service. Un tel motif s'apprécie au regard des besoins du service ou de considérations tenant à la personne de l'agent. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. 8. Ainsi qu'il a été dit au point 1, M. A... a été chargé de la direction simultanée de deux laboratoires vétérinaires d'analyses et de recherches départementaux, dans le cadre d'une expérimentation de mutualisation des ressources et des moyens de ces deux structures. Les comptes-rendus d'entretien professionnel des années 2017 et 2018 reflètent les difficultés importantes qu'il a rencontrées dans l'exercice des fonctions de double direction qui lui avaient été dévolues par deux collectivités ayant chacune ses intérêts propres, notamment des difficultés de management, de mutualisation de l'expertise et de travail en transversalité. Le compte rendu de l'entretien établi au titre de l'année 2017 relève ainsi que " [l']action managériale [de M. A...] doit être plus forte dans le cadre de l'entente avec le laboratoire de la Creuse ", et celui établi au titre de l'année 2018 que " M. A... n'a pas mis en œuvre la plupart de la convention d'entente avec la laboratoire de la Creuse ". Il ressort en effet des pièces du dossier que l'expérimentation de double pilotage des deux laboratoires vétérinaires s'est avérée complexe à mettre en œuvre, ce qui a finalement conduit les deux départements à renoncer à poursuivre cette expérience de mutualisation, génératrice de dysfonctionnements des services, et à revenir à la gestion séparée des laboratoires antérieure à la convention. Dans ces conditions, le président du conseil départemental de la Haute-Vienne n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant, pour des motifs liés à l'intérêt du service, de ne pas renouveler le contrat de M. A..., lequel a au demeurant, jusqu'à la fin de son contrat, bénéficié d'appréciations favorables au titre de ses fonctions de directeur du laboratoire départemental de la Creuse, sur lesquelles il a d'ailleurs été recruté à plein temps à compter du 1er juin 2019 par le département de la Creuse. 9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Sur les frais liés à l'instance : 10. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. A... soit mise à la charge du département de la Haute-Vienne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme que demande le département sur le même fondement. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Haute-Vienne sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département de la Haute-Vienne. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 La rapporteure, Florence C... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Vienne en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX02780 |
CETATEXT000048424266 | J3_L_2023_11_00021BX03453 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424266.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX03453, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX03453 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | BACH | M. Olivier COTTE | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, la décision du 27 novembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Libourne a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son accident du 20 novembre 2018, ensemble la décision du 21 février 2019 rejetant son recours gracieux, et, d'autre part, la décision du 29 novembre 2019 par laquelle la même autorité a réitéré son refus de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident, et d'enjoindre sous astreinte au centre hospitalier de reconnaître cette imputabilité. Par un jugement nos 1901760, 2000490 du 3 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a, après avoir joint les deux demandes, annulé les décisions des 27 novembre 2018 et 21 février 2019 et rejeté le surplus des conclusions. Procédure devant la cour : Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 août 2021, 10 mars 2023 et 31 mars 2023, Mme B..., représentée par Bach, demande à la cour : 1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juin 2021 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 29 novembre 2019 ; 2°) d'annuler cette décision ; 3°) d'enjoindre au centre hospitalier de Libourne de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Libourne, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les sommes de 1 500 euros au titre de la première instance et de 2 000 euros au titre de l'instance d'appel, ainsi que les dépens, comprenant les frais et honoraires de l'expertise du 11 avril 2020, liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros. Elle soutient que : - la décision du 29 novembre 2019 est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a jamais reçu le courrier l'informant de la tenue de la séance de la commission de réforme du 17 octobre 2019 ; au demeurant, le courrier du 30 septembre 2019 produit par le centre hospitalier n'a pas pu lui être remis dix jours avant la réunion de la commission, en méconnaissance de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 ; - les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 étaient en vigueur à la date de l'accident ; en tout état de cause, la présomption d'imputabilité qu'elles comportent n'est qu'une codification de la jurisprudence existante ; - ses douleurs scapulo-dorsales ont été constatées par son médecin traitant, par le médecin de prévention et par l'expert judiciaire ; la blessure est intervenue sur son lieu de travail, durant ses heures de travail, et l'absence de témoins de l'accident est compensée par les témoignages de sa collègue et la saisine de la cadre supérieure de santé ; dans ces conditions, elle bénéficie d'une présomption d'imputabilité au service ; il n'est pas établi qu'une pathologie sous-jacente aurait existé et expliquerait à elle seule son incapacité professionnelle ; au demeurant, le lien entre sa pathologie et le service est direct et suffisamment probable pour retenir l'imputabilité au service. Par des mémoires en défense enregistrés le 15 décembre 2022 et 12 avril 2023, le centre hospitalier de Libourne, représenté par la SELARL Brocheton, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - le vice de procédure n'est pas constitué : le courrier du 30 septembre 2019 l'informant de la tenue de la réunion de la commission de réforme lui a été adressé par lettre simple, le jour même, soit plus de dix jours avant le 17 octobre 2019, date de la commission ; les dispositions de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2014 ne prévoient pas de formalisme particulier, et notamment pas de convocation de l'intéressée ; - les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 n'étaient pas applicables à la date du litige, celles-ci n'étant entrées en vigueur que le 16 mai 2020 ; Mme B... ne peut se prévaloir d'une présomption d'imputabilité ; - les éléments produits concordent pour établir l'inexistence de l'accident déclaré le 22 novembre 2018 ; - Mme B... ne conteste pas l'expertise médicale qui a conclu que la douleur de l'épaule droite résultait d'une maladie et non d'un accident. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ; - l'arrêté interministériel du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Olivier Cotte, - les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., agent des services hospitaliers qualifié, est employée au sein du centre hospitalier de Libourne en qualité d'agent de stérilisation. Le 22 novembre 2018, elle a déclaré à son employeur s'être blessée à l'épaule droite lors du déchargement d'un autoclave deux jours auparavant. Par trois décisions des 28 novembre 2018, 21 février 2019 et 29 novembre 2019, cette dernière ayant été prise après consultation de la commission de réforme, le directeur du centre hospitalier a refusé de reconnaître imputable au service ce traumatisme. Saisi par Mme B... d'une demande d'annulation de ces décisions et d'injonction de reconnaissance de l'imputabilité au service de l'accident, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les deux premières décisions, pour insuffisance de motivation et vice de procédure en l'absence de saisine de la commission de réforme, et a rejeté le surplus des conclusions. Par la présente requête, Mme B... demande la réformation du jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du 29 novembre 2019 et sa demande d'injonction. Sur la légalité de la décision du 29 novembre 2019 : 2. Aux termes de l'article 14 de l'arrêté interministériel du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. (...) ". Aux termes de l'article 16 de cet arrêté : " (...) Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". 3. Alors que Mme B... soutient ne pas avoir été informée de la date de la réunion de la commission de réforme et de son droit à prendre connaissance de son dossier au préalable, le centre hospitalier de Libourne produit un courrier du 30 septembre 2019 convoquant l'intéressée à la séance de la commission de réforme du 17 octobre suivant et comportant ces informations. Si les dispositions précitées de l'article 16 de l'arrêté du 4 août 2004 n'imposent pas de modalités particulières de communication avec l'agent, il appartient au centre hospitalier de Libourne de justifier de la réception de ce courrier dans les délais réglementaires, ce qu'il ne fait pas en produisant un courriel du secrétariat de la commission de réforme indiquant : " nous avons bien envoyé le courrier à Mme B... et nous n'avons pas eu de retour de la poste ". L'absence d'information qu'il y a donc lieu de retenir était de nature à priver l'agent d'une garantie. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la séance du 17 octobre 2019, que Mme B... aurait été entendue par la commission de réforme, ni qu'elle aurait été représentée. Dans ces conditions, la décision du 29 novembre 2019 est entachée d'un vice de procédure et est illégale, sans que l'hôpital puisse utilement se prévaloir de la circonstance que cette irrégularité n'aurait pas été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise, dès lors que les représentants du personnel se sont exprimés en faveur de Mme B.... 4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 29 novembre 2019. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 5. Le motif d'annulation retenu au point 3 n'implique pas qu'il soit enjoint à l'administration de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 20 novembre 2018, mais seulement de réexaminer la situation de Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre au centre hospitalier de Libourne d'y procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais et honoraires d'expertise : 6. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " (...) Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) ". 7. Le centre hospitalier de Libourne étant la partie perdante dans le cadre de la présente instance, il y a lieu de mettre les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés, par ordonnance du 26 janvier 2021 pour un montant de 1 200 euros, à la charge définitive de celui-ci. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de Libourne demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Libourne la somme que Mme B... demande au même titre pour la première instance ou pour l'instance d'appel. DECIDE : Article 1er : La décision du directeur du centre hospitalier de Libourne du 29 novembre 2019 est annulée. Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier de Libourne de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 juin 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt. Article 4 : Les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés le 26 janvier 2021 pour un montant de 1 200 euros, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Libourne. Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier de Libourne. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX03453 |
CETATEXT000048424267 | J3_L_2023_11_00021BX03542 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424267.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 21BX03542, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX03542 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme MEYER | DANIEL LAMAZIERE | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux : - d'annuler la décision du 30 août 2019 par laquelle le maire de la commune de Bordeaux l'a maintenu en disponibilité pour convenances personnelles jusqu'à sa réintégration, et d'enjoindre à la commune de Bordeaux de justifier des postes occupés et vacants correspondant à son grade de professeur d'enseignement artistique et de saisir le centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion local ; - de condamner la commune de Bordeaux à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation de ses différents préjudices. Par un jugement n° 2003280 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. C.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 27 août 2021 et un mémoire enregistré le 17 mars 2022, M. C..., représenté par Me Daniel Lamazière, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler la décision du 30 août 2019 par laquelle le maire de la commune de Bordeaux l'a maintenu en disponibilité pour convenances personnelles jusqu'à sa réintégration ; 3°) d'enjoindre à la commune de Bordeaux de justifier des postes occupés et vacants correspondant à son grade de professeur d'enseignement artistique et de saisir le centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion local ; 4°) de condamner la commune de Bordeaux à lui verser la somme de 150 000 euros en réparation de ses différents préjudices ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la commune était tenue de le réintégrer ; elle ne justifie pas que des nécessités de service n'auraient pas permis son réemploi ; - en outre, la commune n'a pas cherché à procéder à la vérification de son aptitude physique à reprendre ses fonctions comme l'imposent les dispositions de l'article 33 de ce dernier décret ; elle a en outre également méconnu le principe d'égalité dès lors qu'il devait bénéficier de la même protection sociale que les agents titulaires, soit la vérification de son aptitude physique et la saisine du centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion locale ; - la commune a commis une faute en le laissant sans traitement et sans prise en charge sociale durant 18 mois, et en lui communiquant des informations erronées sur ses droits, ce qui l'empêche d'être pris en charge par Pôle emploi ; - il demande la somme de 150 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier ; son préjudice financier consiste notamment en la perte de ses rémunérations depuis le 1er septembre 2019, soit 42 357 euros au 1er septembre 2022, à laquelle s'ajoute la perte du droit à obtenir une indemnisation pour avoir été involontairement privé d'emploi depuis cette date. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2022, la commune de Bordeaux, représenté par Me Bach, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B... la somme de 3 013 euros, incluant le droit de plaidoirie, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - les conclusions indemnitaires présentées par M. C... sont irrecevables, faute de liaison du contentieux en ce qui concerne un " préjudice de carrière " ; - à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés. Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2023, M. C... déclare se désister de l'instance et de l'action. Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2023, la commune de Bordeaux dit accepter le désistement d'instance et d'action de M. C... et renoncer à solliciter les frais de justice. Vu les autres pièces du dossier. Vu le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. M. A... C... exerçait, en dernier lieu dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu en 2006, les fonctions de professeur d'enseignement artistique auprès du Conservatoire national de région, qui relève de la direction générale des affaires culturelles de la commune de Bordeaux, où il intervenait auprès des comédiens, musiciens, danseurs, chefs de chœur et chefs d'orchestre pour enseigner les pratiques corporelles et les arts martiaux. A sa demande, il a été placé en congé pour convenances personnelles pour une durée de trois ans, du 1er septembre 2016 au 31 août 2019. Par courrier du 14 mai 2019, il a demandé sa réintégration à compter du 1er septembre 2019 sur le poste à temps non complet à 12/16èmes qu'il occupait avant sa mise en disponibilité. Par décision du 30 août 2019, le maire de la commune de Bordeaux a rejeté sa demande au motif qu'aucun poste à 12/16èmes correspondant à son grade n'était vacant, l'a maintenu en disponibilité d'office jusqu'à ce qu'il soit possible de le réintégrer, et l'a invité à prendre contact avec Pôle Emploi dans la perspective d'une étude de son droit à l'allocation d'aide au retour à l'emploi. M. C... a, par lettre du 26 mars 2020, sollicité de la commune de Bordeaux l'indemnisation à hauteur de 150 000 euros des différents préjudices résultant selon lui de l'illégalité de la décision du 30 août 2019. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 juin 2021, qui a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 30 août 2019 ainsi que ses conclusions indemnitaires. 2. Cependant, par un mémoire enregistré le 9 octobre 2023, M. C... déclare se désister de l'instance et de l'action, désistement accepté par la commune de Bordeaux par un mémoire enregistré le 13 octobre 2023, celle-ci déclarant également renoncer à ses conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans ces conditions, le désistement de M. C... étant pur et simple et ayant été accepté par la commune de Bordeaux, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte. DÉCIDE : Article 1er : Il est donné acte du désistement de M. C... ainsi que de la renonciation de la commune de Bordeaux à ses conclusions sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune de Bordeaux. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023 La rapporteure, Florence D... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX03542 |
CETATEXT000048424268 | J3_L_2023_11_00021BX03552 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424268.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 21BX03552, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX03552 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme GIRAULT | POUDAMPA | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux : - sous le n° 1903726, de condamner le département de la Gironde à lui verser une indemnité de 50 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait d'un harcèlement moral et d'enjoindre au président du conseil départemental de la Gironde de la réintégrer dans ses fonctions, ou à défaut de lui proposer une formation en vue d'une reconversion, - sous le n° 1906235, d'annuler la décision du 15 juillet 2019 par laquelle le président du conseil départemental de la Gironde a mis fin à son contrat à durée indéterminée en qualité d'assistante familiale et de condamner le département à lui verser une indemnité de licenciement équivalant à dix mois de salaire brut, - sous le n° 2001748, d'annuler la décision par laquelle le président du conseil départemental de la Gironde a refusé de lui communiquer l'intégralité du procès-verbal de la commission administrative paritaire du 20 juin 2019, et d'enjoindre à cette autorité de lui communiquer ce document. Par un jugement nos 1903726, 1906235, 2001748 du 29 juin 2021, le tribunal a rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 août 2021, Mme B..., représentée par Me Poudampa, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 15 juillet 2019 mettant fin à son contrat à durée indéterminée ; 2°) de mettre à la charge du département de la Gironde une somme de 2 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens. Elle soutient que : - la décision prise sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles relatives au licenciement fondé sur l'absence d'enfant à confier à un assistant familial est entachée d'erreur de droit, dès lors que le motif retenu est un refus de " repositionnement professionnel " ; l'employeur refusait de lui confier des enfants, et ne pouvait ainsi se prévaloir de l'absence d'enfants à confier ; - si la cour requalifiait la décision comme fondée sur les dispositions de l'article L. 423-10, les accusations du département concernant le cas du jeune D... sont diffamatoires et mensongères, et une plainte pénale est en cours. Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2022, le département de la Gironde, représenté par Me Fillieux, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il fait valoir que : - la requête, qui ne comporte aucune critique du jugement, est insuffisamment motivée, donc irrecevable ; A titre subsidiaire : - le licenciement pouvait être prononcé sur le fondement de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles, et c'est à bon droit que le tribunal a jugé que les conditions en étaient remplies ; - le moyen tiré de l'erreur de fait n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'action sociale et des familles ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique, - et les observations de Me Anger-Bourez, représentant le département de la Gironde. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., assistante familiale dans le département de la Dordogne où deux enfants lui étaient confiés au titre de l'aide sociale à l'enfance, dont le jeune D... depuis le 24 mars 2014, a déménagé en Gironde en décembre 2016, en conservant l'accueil de D... avec l'accord de ses parents et du juge des enfants. Le département de la Gironde l'a recrutée à compter du 1er juillet 2017. Ses relations avec le service départemental de l'accueil familial ont été d'emblée difficiles, en particulier au sujet de l'organisation des week-ends et des congés. Les dates de congé choisies par Mme B... en août 2018 coïncidant avec celles de l'assistante familiale relais, il lui a été demandé de les modifier, ce qu'elle a refusé. Le 2 juillet 2018, après avoir mis fin à l'entretien que lui avait proposé l'administration afin de rechercher une solution, Mme B... a été placée en arrêt de travail pour maladie. Alors que cet arrêt avait été prolongé, le président du conseil départemental de la Gironde lui a indiqué, par lettre du 14 septembre 2018, que sa posture professionnelle ne permettait plus d'envisager qu'elle poursuive l'accueil de D.... Les discussions avec l'administration en vue de la recherche de nouvelles perspectives professionnelles n'ayant pas abouti, Mme B... a été licenciée par une décision du 15 juillet 2019. Elle a saisi le tribunal administratif de Bordeaux de trois demandes tendant respectivement à l'annulation de cette décision et au versement d'une indemnité de licenciement, à la condamnation du département de la Gironde à l'indemniser des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait d'un harcèlement moral, et à l'annulation d'un refus implicite de communication de l'intégralité du procès-verbal de la commission administrative paritaire du 20 juin 2019. Mme B... relève appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal, après avoir joint ces demandes, les a rejetées, en tant seulement qu'il n'a pas fait droit à ses conclusions à fin d'annulation de la décision de licenciement du 15 juillet 2019. 2. Aux termes de l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles : " L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel ou un assistant familial qu'il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié. / L'employeur qui décide de licencier un assistant maternel ou un assistant familial relevant de la présente section doit notifier et motiver sa décision dans les conditions prévues à l'article L. 1232-6 du code du travail. La date de présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du préavis éventuellement dû en vertu de l'article L. 773-21. L'inobservation du préavis donne lieu au versement d'une indemnité compensatrice. " Aux termes de l'article L. 423-32 du même code : " L'employeur qui n'a pas d'enfant à confier à un assistant familial pendant une durée de quatre mois consécutifs est tenu de recommencer à verser la totalité du salaire à l'issue de cette période s'il ne procède pas au licenciement de l'assistant familial fondé sur cette absence d'enfants à lui confier. " 3. La décision de licenciement du 15 juillet 2019 est fondée sur des difficultés de collaboration avec les différents professionnels de la direction générale adjointe chargée de la solidarité, ainsi que sur un positionnement professionnel inadapté, ne permettant plus au département de proposer de nouveaux accueils à domicile à l'intéressée. Le licenciement est ainsi fondé sur un motif autre qu'une absence d'enfant à confier, de sorte que Mme B... est fondée à soutenir que la décision est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle est fait application des dispositions de l'article L. 423-32 du code de l'action sociale et des familles. 4. Toutefois, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a bénéficié des garanties prévues par les dispositions de l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles, avec notamment un entretien préalable, et elle évoque elle-même la possibilité d'une substitution de base légale. 5. Il ressort des pièces produites en première instance par le département de la Gironde que Mme B..., lors de discussions avec son époux, a évoqué de manière régulière et inadaptée, devant D..., un conflit avec le département de la Dordogne pour " récupérer " le second enfant qu'ils accueillaient avant le déménagement en Gironde, qu'elle a refusé le calendrier établi par le service pour permettre à la mère de D... d'exercer son droit d'hébergement les 25 et 26 décembre 2017, ce qui a nécessité une nouvelle organisation, qu'elle a sollicité à plusieurs reprises l'interruption des calendriers mis en place dans le cadre de l'accueil de l'enfant certains week-ends par une assistante familiale relais chargée de la remplacer durant ses congés, et qu'elle a sollicité ses congés d'été aux dates retenues par cette dernière. Devant le refus de Mme B... d'envisager un aménagement de ses congés dans l'intérêt de D..., âgé de quatre ans et demi, le service départemental d'accueil familial a élaboré un projet d'organisation devant lui être proposé lors d'un entretien le 2 juillet 2018, auquel elle a mis fin précipitamment en claquant la porte. L'attitude vindicative et irrespectueuse de Mme B..., qui ressort notamment du ton et du contenu de son courrier du 9 juillet 2018 à la directrice du pôle solidarité vie sociale, s'est également traduite par des insultes et des menaces à l'encontre d'une assistante sociale qui avait pris contact téléphoniquement avec elle le 23 mai 2018 au sujet de sa demande de congés. Eu égard à ces éléments précis et concordants, Mme B... n'est pas fondée à contester la matérialité des faits, constituant un motif réel et sérieux, ayant conduit à son licenciement, et il y a lieu de substituer l'article L. 423-10 du code de l'action sociale et des familles à l'article L. 423-32, retenu à tort par le département, comme fondement légal de la décision de licenciement. 6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 15 juillet 2019. 7. Mme B..., qui est la partie perdante, n'est pas fondée à demander qu'une somme soit mise à la charge du département de la Gironde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à sa charge au titre des frais exposés par le département de la Gironde à l'occasion du présent litige. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Gironde au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au département de la Gironde. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX03552 |
CETATEXT000048424269 | J3_L_2023_11_00021BX04237 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424269.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 21BX04237, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 21BX04237 | 2ème chambre | plein contentieux | C | Mme GIRAULT | CABINET COUBRIS ET ASSOCIÉS | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... K..., agissant en qualité de représentant légal de ses filles mineures H... et G..., Mme J... L..., sa mère, Mme C... D..., son ex-compagne, et M. F... D... et Mme I... A... épouse D..., parents de cette dernière, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux à leur verser des indemnités d'un montant total de 22 400 euros avec intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait d'une infection nosocomiale contractée par M. K... dans les suites d'une intervention réalisée le 20 février 2013. Dans la même instance, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Garonne a demandé la condamnation du CHU de Bordeaux à lui rembourser la somme de 509 588,16 euros. Par un jugement n° 1903869 du 21 septembre 2021, le tribunal a condamné le CHU de Bordeaux à verser les sommes de 11 200 euros à M. K..., de 2 800 euros à Mme L... et de 2 800 euros à Mme C... D..., le tout assorti des intérêts au taux légal à compter du 1er août 2019, et a rejeté le surplus des demandes. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 17 novembre 2021 et des mémoires enregistrés les 16 février et 26 octobre 2022, M. F... D... et Mme I... A... épouse D..., représentés par la SELARL Coubris, Courtois et Associés, demandent à la cour : 1°) de réformer ce jugement en ce qu'il a rejeté leurs demandes ; 2°) de condamner le CHU de Bordeaux à leur verser une indemnité de 1 400 euros chacun en réparation de leur préjudice moral, avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de leur demande devant le tribunal ; 3°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - ils ont été très affectés par les complications infectieuses présentées par le compagnon de leur fille et ont été présents à ses côtés pour lui apporter leur soutien ; ils se sont déplacés chaque week-end à l'hôpital pour conduire les filles de M. K... auprès de leur père ; ils ont également pris des jours de congé pour conduire leur fille à l'hôpital et ont réalisé des aménagements dans leur maison pour l'adapter au handicap de M. K... ; ce dernier atteste de la réalité de leurs liens d'affection ; la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) avait d'ailleurs proposé d'indemniser leur préjudice moral à hauteur de 700 euros chacun, ce qu'ils ont estimé insuffisant ; c'est à tort que le tribunal, qui n'a pas tenu compte des attestations produites, a jugé qu'ils n'établissaient pas l'existence d'un lien d'affection envers la victime ; - après application du taux de perte de chance de 70 % retenu par le tribunal, ils sollicitent une somme de 1 400 euros chacun en réparation de leur préjudice moral. Par des mémoires en défense enregistrés les 26 septembre et 4 novembre 2022, le CHU de Bordeaux, représenté par le cabinet Le Prado, Gilbert, conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que l'existence des liens d'affection allégués n'est pas établie. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme E..., - les conclusions de Mme Isoard, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Le 20 février 2013, M. K..., qui présentait des pieds bots bilatéraux, a subi une double arthrodèse du pied droit au CHU de Bordeaux. Dans les suites de cette intervention, il a présenté une infection, à l'origine d'une ostéite chronique nécessitant une amputation transtibiale de la jambe droite réalisée le 2 mai 2013, suivie de la mise en place d'une prothèse. Le 14 octobre 2013, M. K... a saisi la commission d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI), laquelle, après avoir organisé une expertise dont le rapport a conclu au caractère nosocomial de l'infection et à un déficit fonctionnel permanent de 20 %, a émis un avis selon lequel l'indemnisation des préjudices incombait à la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur du CHU de Bordeaux, à hauteur de 70 % du dommage. Les proches de M. K... n'ayant pas, contrairement à lui, accepté les offres de la SHAM, ils ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande de condamnation du CHU à les indemniser de leurs préjudices propres. Par un jugement du 21 septembre 2021, le tribunal a condamné cet établissement à verser les sommes de 11 200 euros à M. K... en sa qualité de représentant légal de ses deux filles mineures, de 2 800 euros à Mme L..., mère de M. K..., de 2 800 euros à Mme C... D..., son ex-compagne, et a rejeté les demandes de M. F... D... et Mme I... A... épouse D..., parents de cette dernière. M. et Mme D... relèvent appel de ce jugement et demandent l'indemnisation de leur préjudice moral à hauteur de 1 400 euros chacun après application du taux de perte de chance. 2. Le CHU de Bordeaux ne conteste ni sa responsabilité, ni le taux de perte de chance retenu par le tribunal. 3. Si M. et Mme D... font valoir qu'ils ont effectué de nombreux déplacements à l'hôpital pour conduire auprès de M. K... ses filles issues d'une première union ainsi que leur propre fille, et qu'ils ont réalisé des aménagements dans leur maison pour l'adapter au handicap de M. K..., leur demande indemnitaire ne porte ni sur des frais de déplacement, ni sur le coût des aménagements, mais sur un préjudice moral. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise réalisée le 22 avril 2016 dont le rapport indique que M. K... et Mme C... D... vivaient alors ensemble depuis quatre ans, que la durée de cette vie commune n'était que d'un an au moment des faits. Dans ces circonstances, et même si M. et Mme D..., qui attestent essentiellement de leur inquiétude pour leur fille alors âgée seulement de 21 ans, ont fait preuve de bienveillance envers le compagnon de celle-ci et l'ont soutenu dans son épreuve, l'intensité de leur affection pour M. K... ne peut être regardée comme telle qu'elle leur ouvre droit à une indemnisation au titre d'un préjudice moral. Par suite M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté leur demande. 4. M. et Mme D..., qui sont la partie perdante, ne sont pas fondés à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D... et Mme I... A... épouse D..., et au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne E... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 21BX04237 |
CETATEXT000048424270 | J3_L_2023_11_00023BX01166 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424270.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01166, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01166 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | HUGON | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Par un jugement n° 2204581 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. A.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 avril 2023, M. A..., représenté par Me Hugon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; 3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder, dans les mêmes conditions d'astreinte et de délai, au réexamen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement : - le tribunal administratif, en lui opposant une clôture d'instruction au 6 octobre 2022, a violé les dispositions de l'article R. 776-26 du code de justice administrative, dès lors qu'en vertu de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ne pouvait être close qu'après la formulation de ses observations orales ; - les premiers juges ont commis des omissions à statuer, dès lors qu'ils n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que la préfète se serait estimée en situation de compétence liée pour lui refuser le séjour, ni au moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ; En ce qui concerne la décision portant refus de séjour : -la préfète s'est estimée en situation de compétence liée par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; -cette décision viole l'article L. 435-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il est gravement handicapé et que son état de santé ne s'est pas amélioré alors qu'il avait déjà eu un premier titre de séjour en raison de cet état de santé ; en outre, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il avait bien fait valoir dans ses écritures qu'il ne pourrait accéder à un traitement approprié en Albanie ; - elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation, dès lors que les personnes handicapées rencontrent de grandes difficultés de vie quotidienne et d'accès à l'emploi en Albanie, où elles sont discriminées ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; - pour les mêmes raisons que celles exposées à l'encontre du refus de séjour, elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - elle viole l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la préfète s'est crue en situation de compétence liée parce que l'asile lui a été refusé ; il a déjà été victime d'une vendetta en Albanie et sa vie est menacée en cas de retour dans ce pays, où le code de l'honneur par le sang (kanoun) est toujours pratiqué. Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'en l'absence de nouveaux éléments produits en appel, il s'en rapporte à son mémoire en défense de première instance, qu'il produit. Par une décision du 26 janvier 2023, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. A.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - et les observations de Me Hugon, représentant M. A.... Considérant ce qui suit : 1. M. B... A..., ressortissant albanais né en 1981, est entré en France le 2 juillet 2018 selon ses déclarations, accompagné de son épouse de même nationalité, Mme E... A.... A la suite du rejet de leurs deux demandes d'asile par une décision du 19 avril 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui a statué en procédure accélérée, M. A... et son épouse ont fait l'objet, par deux arrêtés de la préfète de la Gironde du 21 juin 2019, de décisions de refus de séjour, assorties d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Les recours présentés à l'encontre de ces arrêtés ont été rejetés par deux jugements du tribunal administratif de Bordeaux du 6 septembre 2019, et les appels de M. et Mme A... ont été également rejetés, par deux ordonnances de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 avril 2020. M. A... s'est par la suite vu délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, valable du 6 novembre 2020 au 6 juin 2021, dont il a sollicité le renouvellement le 9 avril 2021, son épouse ayant de son côté sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 4 août 2022, la préfète de la Gironde a rejeté leurs demandes, a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 décembre 2022 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2022 le concernant. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". 3. Si le juge a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de tenir compte d'un mémoire dont il est saisi postérieurement à la clôture de l'instruction, après avoir rouvert celle-ci et soumis ce mémoire au débat contradictoire, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. S'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser, et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité. 4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture d'instruction avait été fixée au 6 octobre 2022. Le mémoire et les pièces complémentaires produits par M. A..., enregistrés les 8 octobre et 21 novembre 2022, soit après la clôture d'instruction, sont visés par le jugement. Ce mémoire et ces pièces ne contenant pas l'exposé de circonstances de fait ou de droit nouvelles que M. A... n'était pas en mesure d'invoquer avant la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement a pu régulièrement décider de ne pas rouvrir l'instruction, et donc de ne pas les communiquer. Le requérant ne saurait invoquer utilement les dispositions de l'article R. 776-26 du code de justice administrative relatives à la clôture de l'instruction à l'audience, dès lors qu'elles ne sont applicables qu'en cas de placement en rétention ou d'assignation à résidence, ce qui n'était pas son cas. 5. En second lieu, les moyens tirés de ce que la préfète de la Gironde se serait crue en situation de compétence liée pour rejeter la demande de titre de séjour de M. A... et de ce que la décision fixant le pays de renvoi contreviendrait aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été invoqués pour la première fois par le requérant dans son mémoire du 8 octobre 2022, enregistré après la clôture de l'instruction. Pour les raisons exposées au point précédent, le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à ces nouveaux moyens, et n'a donc ainsi pas commis d'omission à statuer. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne le refus de séjour : 6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu (...) d'un rapport médical établi par un médecin de l'office (...) ". 7. Il ressort des pièces du dossier que, par un avis en date du 5 avril 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'intégration et de de l'immigration (OFII) a estimé que l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine. 8. D'une part, la préfète de la Gironde s'est notamment appuyée sur cet avis du collège de médecins de l'OFII pour refuser à M. A... le titre de séjour sollicité. En citant la teneur de cet avis, elle doit être regardée comme se l'étant approprié et, dès lors qu'elle s'est par ailleurs fondée sur d'autres éléments de la situation particulière du requérant, elle a exercé son pouvoir d'appréciation. Dans ces conditions, le moyen tenant à ce qu'elle se serait crue liée par l'avis du collège de médecins de l'OFII doit être écarté. 9. D'autre part, la circonstance que la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) a donné son accord pour que l'allocation adultes handicapés (AAH) soit attribuée à M. A... du 1er août 2019 au 31 juillet 2024, au vu d'un taux d'incapacité compris " entre 50 % et moins de 80 % ", est sans incidence sur l'appréciation de son droit à un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour justifier de son état de santé, le requérant produit un certificat médical d'un médecin neurologue, en date du 26 janvier 2022, attestant d'une " stabilité de la lésion médullaire initiale ", bien qu'avec des " complications neuro-urologiques et neuro-orthopédiques " nécessitant un suivi et des soins de rééducation, sans précision sur les conséquences éventuelles d'une absence de suivi et de soins. Ni ce certificat, ni l'allégation de M. A... selon laquelle son état ne se serait pas amélioré depuis le premier titre de séjour qui lui a été délivré, ne suffisent à remettre en cause l'avis émis par les médecins de l'OFII le 5 avril 2022, selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, de sorte que M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'un traitement effectif en Albanie. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté. 10. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 11. Pour contester le refus de séjour qui lui a été opposé sur le fondement de ces stipulations, M. A... se borne en appel à rappeler qu'il est handicapé et que tant la prise en charge de son handicap que la vie quotidienne lui seraient très difficiles en Albanie. Dans ces conditions, et faute de tout élément nouveau à l'appui de son moyen, il y a lieu d'adopter les motifs retenus par les premiers juges au point 8 de leur jugement, qui les a conduits à considérer à bon droit que la préfète de la Gironde n'avait ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : 12. En premier lieu, le refus de séjour contesté n'étant pas entaché des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté. 13. En second lieu, pour les motifs exposés au point 11, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle du requérant doivent être écartés. En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi : 14. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". 15. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision, selon laquelle M. A... ne démontre pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la préfète se serait estimée liée par la décision de l'OFPRA ayant rejeté la demande d'asile de l'intéressé. 16. En second lieu, M. A... fait valoir que le handicap dont il souffre provient d'une blessure par arme à feu reçue en 1998 dans l'enceinte de son établissement scolaire, alors que le tireur, un policier, visait un autre élève, et que l'auteur des faits, condamné à trois ans d'emprisonnement, aurait cherché à se venger en exerçant des pressions sur lui-même et sur sa famille, et aurait été à l'origine d'un grave accident de la circulation dont il a été victime en mai 2010. Si les circonstances de la blessure ayant causé sa paraplégie peuvent être regardées comme établies, M. A... n'apporte aucun élément relatif à celles de l'accident dont il a été victime en mai 2010, et ne démontre pas l'existence de risques personnels, réels et actuels à son encontre en cas de retour en Albanie. L'OFPRA a d'ailleurs estimé que ses propos relatifs aux menaces alléguées étaient " lacunaires et peu circonstanciés ". Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli. 17. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 18. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A.... Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 19. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de M. A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, Florence D... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01166 |
CETATEXT000048424271 | J3_L_2023_11_00023BX01167 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424271.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01167, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01167 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | HUGON | Mme Florence REY-GABRIAC | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour. Par un jugement n° 2204580 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de Mme A.... Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 29 avril 2023, Mme A..., représentée par Me Hugon, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) d'annuler l'arrêté du 4 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ; 3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder, dans les mêmes conditions d'astreinte et de délai, au réexamen de sa situation et, dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement : - le tribunal administratif, en lui opposant une clôture d'instruction au 6 octobre 2022, a violé les dispositions de l'article R. 776-26 du code de justice administrative, dès lors qu'en vertu de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instruction ne pouvait être close qu'après la formulation de ses observations orales ; - les premiers juges ont commis une omission à statuer, dès lors qu'ils n'ont pas répondu au moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soulevé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ; En ce qui concerne la décision portant refus de séjour : - la préfète ne s'est pas livrée à un examen particulier de sa demande de titre de séjour dès lors que la décision ne mentionne pas le lourd handicap de son époux ; bien qu'ayant déposé une demande de titre par courrier recommandé, elle n'a jamais été mise en possession d'un récépissé de demande de titre, en violation de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; alors qu'elle sollicitait un " regroupement familial " avec son époux, sa demande n'a pas été examinée sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 ; - cette décision viole l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le titre de séjour de son époux aurait dû être renouvelé car son état de santé ne s'est pas amélioré, et les soins médicaux dont il a besoin ne sont pas accessibles en Albanie ; son époux a besoin de sa présence, ils vivent en France depuis quatre ans et ont noué de nombreux liens, et elle dispose d'une promesse d'embauche ; - En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; - pour les mêmes raisons que celles exposées à l'encontre du refus de séjour, elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - elle viole l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la préfète s'est crue en situation de compétence liée du fait du refus d'asile opposé à son époux ; ce dernier a déjà été victime d'une vendetta en Albanie et sa vie est menacée en cas de retour dans ce pays, où le code de l'honneur par le sang (kanoun) est toujours pratiqué ; En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français : - elle est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation, notamment au regard de son insertion sur le territoire français et de la situation médicale de son époux, et d'erreur d'appréciation ; Par un mémoire en défense enregistré le 16 juin 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'en l'absence de nouveaux éléments produits en appel, il s'en rapporte à son mémoire en défense de première instance, qu'il produit. Par une décision du 26 janvier 2023, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme A.... Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme D..., - et les observations de Me Hugon, représentant Mme A.... Considérant ce qui suit : 1. Mme B... A..., ressortissante albanaise née en 1988, est entrée en France le 2 juillet 2018 selon ses déclarations, accompagnée de son époux de même nationalité, M. E... A.... A la suite du rejet de leurs deux demandes d'asile par une décision du 19 avril 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) qui a statué en procédure accélérée, Mme A... et son époux ont fait l'objet, par deux arrêtés de la préfète de la Gironde du 21 juin 2019, de décisions de refus de séjour, assorties d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Les recours présentés à l'encontre de ces arrêtés ont été rejetés par deux jugements du tribunal administratif de Bordeaux du 6 septembre 2019, et les appels de M. et Mme A... ont également été rejetés, par deux ordonnances de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 16 avril 2020. M. A... s'est par la suite vu délivrer un titre de séjour en raison de son état de santé, valable du 6 novembre 2020 au 6 juin 2021. Il a sollicité le renouvellement de ce titre le 9 avril 2021, Mme A... ayant quant à elle sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par deux arrêtés du 4 août 2022, la préfète de la Gironde a rejeté leurs demandes, a assorti ces refus d'obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans à l'encontre de Mme A.... Cette dernière relève appel du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 décembre 2022 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 août 2022 la concernant. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. ". Aux termes de l'article R. 613-1 du même code : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction. ". 3. Si le juge a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de tenir compte d'un mémoire dont il est saisi postérieurement à la clôture de l'instruction, après avoir rouvert celle-ci et soumis ce mémoire au débat contradictoire, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si ce mémoire contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. S'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité. 4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une ordonnance du 6 septembre 2022, la clôture d'instruction avait été fixée au 6 octobre 2022. Le mémoire et les pièces complémentaires produits par Mme A..., enregistrés les 8 octobre et 21 novembre 2022, soit après la clôture d'instruction, sont visés par le jugement. Ce mémoire et ces pièces ne contenant pas l'exposé de circonstances de fait ou de droit nouvelles que Mme A... n'était pas en mesure d'invoquer avant la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement a pu régulièrement décider de ne pas rouvrir l'instruction, et donc de ne pas les communiquer. La requérante ne saurait invoquer utilement les dispositions de l'article R. 776-26 du code de justice administrative relatives à la clôture de l'instruction à l'audience, dès lors qu'elles ne sont applicables qu'en cas de placement en rétention ou d'assignation à résidence, ce qui n'était pas son cas. 5. En second lieu, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi contreviendrait aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été invoqué pour la première fois par la requérante dans son mémoire du 8 octobre 2022, enregistré après la clôture de l'instruction. Pour les raisons exposées au point précédent, ce mémoire n'ayant pas été communiqué, le tribunal administratif n'était pas tenu de répondre à ce nouveau moyen, et n'a donc ainsi pas commis d'omission à statuer. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne le refus de séjour : 6. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. /(...). " aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. " 7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 435-1, et du 7° de l'article L. 313-11, devenu l'article L. 423-23, en invoquant la présence de son conjoint handicapé et de son enfant. Pour rejeter sa demande, la préfète a relevé, notamment, qu'elle ne justifiait pas d'une ancienneté de présence significative, qu'elle n'était pas isolée dans son pays d'origine où elle avait vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et où résident ses parents et son frère, que son enfant âgé de 3 ans n'avait pu, du fait de son jeune âge, établir de liens particuliers sur le territoire français, que son époux avait également fait l'objet d'un arrêté de refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français, et enfin qu'elle était démunie de ressources personnelles et ne justifiait d'aucune situation professionnelle. Il ressort de cette motivation, pertinente au regard des dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23, que la préfète a procédé à l'examen de la situation particulière de la requérante. 8. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". 9. Mme A... fait valoir que son époux est gravement handicapé, qu'il a besoin en permanence de son assistance et qu'il ne pourrait recevoir des soins adaptés à son état de santé en Albanie. Elle fait également valoir qu'elle est insérée dans la société française où elle a noué des contacts, et qu'elle dispose d'une promesse d'embauche. Cependant, d'une part, le même jour que le présent arrêt, la cour a rejeté l'appel de M. A... à l'encontre du jugement ayant rejeté sa demande d'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé 4 août 2022 par la préfète de la Gironde, au motif qu'un défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. D'autre part, Mme A... et son époux ne résidaient en France que depuis quatre ans à la date de l'arrêté attaqué la promesse d'embauche qu'elle produit en appel est postérieure à cet arrêté, et les quelques attestations de voisins ou de connaissances, ainsi que celle du responsable du Secours catholique de Villenave d'Ornon, qu'elle verse aux débats, ne démontrent pas l'existence de liens intenses. Ainsi, rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale, soit les deux époux avec leur jeune fils né à Talence le 31 juillet 2019, puisse se reconstituer en Albanie, pays dans lequel Mme A... a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et où elle ne démontre pas être dépourvue d'attaches familiales. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde, en édictant la décision de refus de séjour en litige, n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés, et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : 10. En premier lieu, le refus de séjour contesté n'étant pas entaché des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté. 11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, et la préfète de la Gironde n'a pas entaché la mesure en litige d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante. En ce qui concerne la fixation du pays de renvoi : 12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". 13. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation de la décision, selon laquelle Mme A... ne démontre pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la préfète se serait estimée liée par la décision de l'OFPRA ayant rejeté la demande d'asile de son époux. 14. Mme A... fait valoir que le handicap dont souffre son époux provient d'une blessure par arme à feu reçue en 1998 dans l'enceinte de son établissement scolaire, alors que le tireur, un policier, visait un autre élève, et que l'auteur des faits, condamné à trois ans d'emprisonnement, aurait cherché à se venger en exerçant des pressions sur son époux et sur sa famille, et aurait été à l'origine d'un grave accident de la circulation dont son époux a été victime en mai 2010. Si les circonstances de la blessure ayant causé la paraplégie de M. A... peuvent être regardées comme établies, aucun élément relatif à celles de l'accident dont il a été victime en mai 2010 n'est apporté, et l'existence de risques personnels, réels et actuels à son encontre en cas de retour en Albanie n'est pas démontrée. Au demeurant, les demandes d'asile du couple ont été rejetées par l'OFPRA, qui a estimé que les propos de M. A... relatifs aux menaces dont il ferait l'objet étaient " lacunaires et peu circonstanciés ". Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut être accueilli. En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans : 15. En premier lieu, l'obligation de quitter le territoire français n'étant pas entachée des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, soulevé à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, doit être écarté. 16. En deuxième lieu, comme cela a été dit au point 7 ci-dessus, la préfète a mentionné, dans l'arrêté attaqué, de nombreuses considérations de fait relatives à la situation personnelle de l'intéressée. S'agissant plus particulièrement de l'interdiction de retour sur le territoire français, elle a visé les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en relevant que, bien que ne représentant pas de menace pour l'ordre public, Mme A... avait déjà fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français non exécutée, qu'elle n'était pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans, et qu'elle ne justifiait pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde se serait abstenue de se livrer à un examen attentif de la situation particulière de Mme A... doit être écarté. 17. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du CESEDA : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". 18. La préfète a fondé l'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans faite à Mme A... sur les considérations de droit et de fait exposées au point 16. Il ressort des pièces du dossier que les quatre années que Mme A... a passées sur le territoire national correspondent, d'une part, au temps nécessaire à l'instruction de sa demande d'asile et de celle de son époux et, d'autre part, et jusqu'à ce qu'elle sollicite, le 23 avril 2021, la délivrance d'un titre de séjour, à son maintien irrégulier sur le territoire. Par ailleurs, comme cela a été dit au point 9, elle ne démontre pas l'existence de liens ancrés dans la durée sur le territoire français. Par suite, même si elle ne représente pas une menace pour l'ordre public, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en édictant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. 19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 20. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A.... Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés à l'instance : 21. Il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. DÉCIDE : Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La rapporteure, Florence D... La présidente, Anne MeyerLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01167 |
CETATEXT000048424272 | J3_L_2023_11_00023BX01268 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424272.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01268, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01268 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | BLAL-ZENASNI | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation. Par un jugement n° 2202361 du 13 octobre 2022, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 10 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Blal-Zenasni, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 février 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 152,45 euros par jour de retard, et de procéder à un nouvel examen de sa situation ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Elle soutient que : - elle a validé ses années d'études de français langue étrangère, elle a ensuite rencontré des difficultés préjudiciables au bon déroulement de son master en aménagement et urbanisme, et ayant réalisé que " le métier de l'urbanisme en France ne peut être appliqué en Chine ", elle s'est réorientée vers la traduction, en lien avec ses études de français initiales ; elle prépare un master qui s'inscrit dans le prolongement de ses études en urbanisme ; ainsi, la décision de refus de titre de séjour est entachée d'une erreur dans l'appréciation du sérieux de ses études ; en outre, elle justifie d'une vie privée et familiale en France où elle vit avec son compagnon, lui-même étudiant, depuis près de deux ans ; - l'obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale dès lors qu'elle est fondée sur une décision de refus de séjour elle-même illégale. Par un mémoire en défense enregistré le 4 septembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme A..., ressortissante chinoise, est entrée en France le 5 septembre 2017 munie d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité d'étudiante, valable jusqu'au 2 septembre 2018, et renouvelé jusqu'au 17 décembre 2021. Par un arrêté du 9 février 2022, la préfète de la Gironde lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme A... relève appel du jugement du 13 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté. 2. Aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an. / (...) ". Aux termes de l'article R. 433-1 du même code : " L'étranger qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande les pièces prévues pour une première délivrance et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci ainsi, le cas échéant, que les pièces particulières requises à l'occasion du renouvellement du titre conformément à la liste fixée par arrêté annexé au présent code. ". Il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de renouvellement d'une carte de séjour présentée en qualité d'étudiant de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement des études et d'apprécier, sous le contrôle du juge, la réalité et le sérieux des études poursuivies en tenant compte de l'assiduité, de la progression et de la cohérence du cursus suivi. 3. Il ressort des pièces du dossier qu'après avoir obtenu des diplômes universitaires d'études françaises de niveau 2 avec mention bien en 2017-2018, puis de niveau 3 avec mention assez bien au titre de l'année 2018-2019, Mme A... a été ajournée à deux reprises aux examens de première année de master d'urbanisme et aménagement, en 2019-2020 et 2020-2021. Elle s'est ensuite réorientée en master 1 d'études chinoises à l'université de Bordeaux pour l'année universitaire 2021-2022. A l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, elle a précisé qu'elle s'était rendu compte que ses études d'urbanisme en France ne lui seraient pas utiles en Chine, et que compte tenu de son intérêt pour la langue française et pour la promotion de la culture chinoise, elle s'était réorientée en master de recherches et études chinoises dans la perspective de devenir traductrice. Il ressort des pièces du dossier que le master d'études chinoises comporte des épreuves de traduction littéraire, de version et de thème, ce qui n'est pas incohérent avec les études initiales de langue française suivies avec succès. Dans ces circonstances, la réorientation en master d'études chinoises, qui n'avait pas à être cohérente avec les études d'urbanisme précédemment suivies, ne suffit pas à mettre en cause le caractère réel et sérieux des études. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que la décision de refus de renouvellement de son titre de séjour est entachée d'erreur d'appréciation. 4. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 9 février 2022 et, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, prises sur son fondement. Par suite, l'arrêté du 9 février 2022 doit être annulé. 5. Eu égard à l'annulation prononcée au point précédent, il y a lieu de faire droit aux conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la demande de Mme A... et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de prévoir ce réexamen dans un délai de trois mois et de rejeter la demande d'astreinte. 6. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à Me Blal-Zenasni. DÉCIDE : Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 février 2022 et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2202361 du 13 octobre 2022 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Article 3 : L'Etat versera à Me Blal-Zenasni une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., au préfet de la Gironde, à Me Blal-Zenasni et au ministre de l'intérieur. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La première assesseure, Florence Rey-Gabriac La présidente, rapporteure, Anne B...La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01268 |
CETATEXT000048424273 | J3_L_2023_11_00023BX01270 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424273.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 23BX01270, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01270 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme GIRAULT | HAAS | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. F... G... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prolongé l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre le 31 décembre 2018 pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2205526 du 30 décembre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 10 mai 2023, M. G..., représenté par Me Haas, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 décembre 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 de la préfète de la Gironde ; 3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, et de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué : - il n'a pas été destinataire de l'avis d'audience, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 711-2 du code de justice administrative, et de l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ce qui l'a empêché d'être présent ou représenté à l'audience ; le jugement doit ainsi être annulé, et il sollicite le renvoi de l'affaire devant le tribunal ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français : - elle est entachée d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ; - elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il réside en France depuis 2011, qu'il est en couple depuis trois ans avec une ressortissante française, et qu'il n'a plus aucune attache dans son pays d'origine depuis le décès de sa mère en 2014 ; En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : - elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de l' obligation de quitter le territoire français ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il établit être exposé à des peines et traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, où il a été agressé peu de temps avant son départ par un cousin, lequel est devenu policier à Libreville, dans son quartier d'origine ; En ce qui concerne la décision prolongeant l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans : - elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, qu'il justifie d'une durée de présence significative sur le territoire, et qu'il peut se prévaloir d'une vie privée et familiale en France ; - elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête et demande à la cour de statuer au fond. Il s'en rapporte à ses écritures de première instance, qu'il produit. Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux, par une décision n° 2023/001727 du 16 mars 2023, a admis M. G... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. F... G..., ressortissant gabonais né le 2 mars 1989, est entré en France le 30 septembre 2011 sous couvert d'un visa long séjour et y a résidé sous couvert de titres de séjour en qualité d'étudiant, dont le dernier renouvellement lui a été refusé par une décision du 26 juin 2017 du préfet de la Gironde, assortie d'une obligation de quitter le territoire français. Par un arrêté du 31 décembre 2018, le préfet de la Gironde lui fait obligation de quitter le territoire français pour la deuxième fois, en lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée d'un an, et le recours présenté par l'intéressé à l'encontre de cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 janvier 2020. Le 5 novembre 2020, M. G... a sollicité l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 17 septembre 2021, puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 1er septembre 2022. Par un arrêté du 28 septembre 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prolongé l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. G... relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur la régularité du jugement : 2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. L'avis d'audience reproduit les dispositions des articles R. 731-3 et R. 732-1-1. Il mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application du premier alinéa de l'article R. 711-3 ou, si l'affaire relève des dispositions de l'article R. 732-1-1, de la décision prise sur la dispense de conclusions du rapporteur public, en application du second alinéa de l'article R. 711-3. L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. Toutefois, en cas d'urgence, ce délai peut être réduit à deux jours par une décision expresse du président de la formation de jugement qui est mentionnée sur l'avis d'audience ". Aux termes de l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ". 3. Il ressort des pièces du dossier de première instance qu'un avis de radiation du rôle a été adressé le 29 novembre 2022 au conseil de M. G..., sans mentionner de nouvelle date d'audience. Ni le requérant, ni son conseil n'ont été convoqués à l'audience qui s'est tenue le 19 décembre 2022, à laquelle l'intéressé n'était ni présent, ni représenté. Par suite, M. G... est fondé à invoquer l'irrégularité du jugement, et à en demander l'annulation. 4. Au regard des conclusions en défense du préfet, il y lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Bordeaux. Sur la légalité de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 28 septembre 2022 : En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble : 5. Par un arrêté du 21 juin 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 33-2022-104 du même jour, la préfète de la Gironde a donné délégation de signature à Mme D... A..., cheffe du bureau de l'asile et du guichet unique, et en cas d'absence ou d'empêchement de Mme A..., à Mme C... E..., son adjointe, à l'effet de signer toutes les décisions prises en application des livres II, IV, V, VI, VII et VIII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, parmi lesquelles figurent les décisions prises par l'arrêté du 28 septembre 2022. Le requérant n'établit ni n'allègue que Mme A... n'aurait pas été absente ou empêchée le 28 septembre 2022. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de Mme E... doit être écarté. En ce qui concerne le refus de titre de séjour : 6. La décision vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'OFPRA puis la CNDA ont rejeté la demande d'asile, ce qui suffit à motiver le rejet de la demande présentée au titre de l'asile. Elle comporte en outre des éléments de fait relatifs à la situation personnelle et familiale de M. G..., dont il est déduit, pour refuser de prendre une mesure de régularisation exceptionnelle, qu'un refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Si ces éléments, selon lesquels M. G... est célibataire et sans charge de famille en France, ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine, ne démontre pas qu'il serait dans l'impossibilité de s'y réinsérer socialement et professionnellement, et ne fait valoir aucun élément justifiant son intégration dans la société française, figurent dans une liste d'items avec des cases à cocher, il n'en résulte aucune contradiction de motifs, et la motivation est personnalisée en ce qu'elle indique que M. G... a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 22 ans. Elle est ainsi suffisante, et il en ressort que la préfète a procédé à un examen sérieux de la situation de M. G.... En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français 7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, une illégalité de la décision de refus de titre de séjour. 8. En deuxième lieu, la décision vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont l'absence de méconnaissance est motivée en fait par les éléments mentionnés au point 6. Elle relève en outre que M. G... n'entre ni dans la catégorie des personnes pouvant bénéficier de plein droit d'un titre de séjour, ni dans celle des personnes ne pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, elle est suffisamment motivée, et il en ressort que la préfète a procédé à un examen sérieux de la situation. 9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". L'article R. 532-37 du même code prévoit quant à lui que " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ". 10. Il ressort du relevé des informations de la base de données " Telemofpra ", tenue par l'OFPRA et relative à l'état des procédures de demandes d'asile, que la décision de la CNDA rejetant le recours de M. G... a été lue en audience publique le 1er septembre 2022. A compter de cette date, l'intéressé ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français et pouvait donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement, sans que la préfète soit tenue d'attendre que la décision de la CNDA soit notifiée au requérant. Par suite, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement aurait été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. 12. M. G... justifie d'un séjour régulier durant près de de six ans, du 30 septembre 2011 au 26 juin 2017, en qualité d'étudiant engagé dans un cursus d'administration économique et sociale, qu'il n'a d'ailleurs pas validé. Il s'est ensuite maintenu irrégulièrement en France malgré deux mesures d'éloignement, et ni les titres de séjour dont il a bénéficié en qualité d'étudiant, ni l'autorisation provisoire de séjour qui lui a été délivrée pour la durée de l'examen de sa demande d'asile, n'avaient vocation à lui permettre de s'y installer durablement. S'il soutient " être en couple depuis plusieurs années " avec une ressortissante française, cette dernière s'est bornée à attester le 12 octobre 2022 qu'ils étaient " en couple depuis trois ans ", et aucune preuve de l'existence d'une vie commune n'est produite. Quand bien même M. G... aurait rompu toute relation avec son père, ses demi-frère et sœur et les autres membres de sa famille depuis le décès de sa mère en 2014, il ne démontre pas être dépourvu d'attaches au Gabon, où il a vécu jusqu'à l'âge de 22 ans. Enfin, le dépôt d'une nouvelle demande de titre de séjour le 6 octobre 2022, postérieurement à la mesure d'éloignement du 28 septembre 2022, ne peut être utilement invoqué pour en contester la légalité. Dans ces circonstances, M. G... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 13. En premier lieu, en indiquant que M. G..., dont la demande d'asile a été rejetée par la CNDA, ne démontre pas être exposé à des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la préfète a suffisamment motivé l'absence de méconnaissance de ces stipulations. 14. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants. " L'article L. 612-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " " La décision portant obligation de quitter le territoire français mentionne le pays, fixé en application de l'article L. 721-3, à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / (...) / / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". 15. M. G... soutient avoir été victime au Gabon d'une grave agression par un cousin, lequel serait désormais policier à Libreville, et avoir " reçu des mises en garde " en 2016, alors qu'il se trouvait en France, en raison de son engagement politique sur les réseaux sociaux en faveur du candidat Jean Pin lors des élections présidentielles au Gabon. Ces allégations, au demeurant peu circonstanciées, ne sont pas de nature à le faire regarder comme exposé à un risque réel en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. En ce qui concerne la décision prononçant une interdiction complémentaire de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans : 16. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : (...) /2° L'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français au-delà du délai de départ volontaire qui lui avait été accordé ; (...) " Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français./ Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. " Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit, par ailleurs, faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de chacun de ces critères, cette autorité ne retient pas certains éléments correspondant à l'un ou certains d'entre eux au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément. 17. Si la motivation en fait de la décision est constituée de deux cases cochées indiquant que l'intéressé a déjà fait l'objet de deux mesures d'éloignement et qu'il ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, ces éléments de fait, ainsi que la durée de présence en France, ont été précisés dans l'exposé précédant la décision de refus de titre de séjour prise par le même arrêté, et la préfète n'avait pas à faire état d'une absence de menace à l'ordre public. Le moyen tiré d'une insuffisance de motivation ne peut donc être accueilli. 18. En second lieu, si M. G... réside en France depuis 2011, il s'y est maintenu irrégulièrement malgré deux mesures d'éloignement en 2017 et 2018, la seconde ayant été assortie d'une interdiction de retour d'une durée d'un an, et il n'y justifie pas d'autres liens qu'une " relation de couple " dont le caractère sérieux n'est pas démontré. Dans ces circonstances, alors même qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, la prolongation d'une durée de deux ans de l'interdiction de retour ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention précitée, ni comme entachée d'erreur manifeste d'appréciation. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. G... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté de la préfète de la Gironde du 28 septembre 2022. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées. DÉCIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2205526 du 30 décembre 2022 est annulé. Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de Bordeaux et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. F... G.... Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne B... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N°23BX01270 |
CETATEXT000048424274 | J3_L_2023_11_00023BX01307 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424274.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 09/11/2023, 23BX01307, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-09 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01307 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme GIRAULT | HAAS | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2206119 du 1er février 2023, le tribunal a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 15 mai 2023, M. B..., représenté par Me Haas, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement ; 2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 septembre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa demande dans le même délai et sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il soutient que : - la préfète de la Gironde a commis des erreurs de fait en indiquant à tort que le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) avait estimé que si le défaut du traitement médical nécessaire à son état de santé pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait cependant effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, alors que le collège de médecins, qui ne s'est pas prononcé sur cette disponibilité, a indiqué que le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; cette erreur révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation, et que la préfète n'a pas procédé à sa propre appréciation de sa situation médicale ; - les certificats médicaux qu'il produit, dont un nouvellement en appel, démontrent que contrairement à ce qu'ont estimé les médecins de l'OFII, l'absence de traitement et de suivi peuvent entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur le plan auto-agressif au vu de deux comorbidités psychiatriques ; il souffre de stress post-traumatique à la suite de mauvais traitements subis en Lybie et d'un naufrage en Méditerranée au cours duquel il a été témoin de plusieurs décès ; de plus, son psychiatre atteste d'une schizophrénie et indique que les trois neuroleptiques qui lui sont prescrits, ou tout du moins leurs principes actifs, ne sont pas disponibles au Nigéria selon le dernier référentiel des médicaments disponibles pour ce pays publié en 2020 ; à supposer même que ces médicaments y soient disponibles, il ne dispose pas des moyens financiers pour pouvoir le cas échéant effectivement en bénéficier ; - l'arrêté en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation dès lors qu'il établit que la prise du médicament qui lui est prescrit est nécessaire et que l'arrêt de son traitement, qui n'est d'ailleurs pas constitué de cette seule médication, aurait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; - le refus de titre de séjour porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation dès lors que ses parents sont décédés et qu'il n'a plus d'attache familiale au Nigéria, au contraire de la France où est né son enfant qui vit avec sa mère à Bordeaux ; - l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; - pour les motifs indiqués ci-dessus, la mesure d'éloignement méconnaît l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation, notamment médicale ; - l'annulation de la mesure d'éloignement entraînera celle de la décision fixant le pays de renvoi ; - la décision fixant le pays de renvoi contrevient à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'un arrêt des soins qui lui sont prodigués constituerait un traitement inhumain au sens de cet article. Par un mémoire en défense enregistré le 29 août 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés et s'en rapporte à ses écritures de première instance, qu'il produit. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 mars 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., de nationalité nigériane, a déclaré être entré en France en juillet 2020. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 21 juin 2021, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 18 novembre 2021. Par un arrêté du 11 janvier 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le 14 mars 2022, M. B... a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 9 septembre 2022, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 1er février 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de ce dernier arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / (...). " 3. La décision de refus de titre de séjour oppose à M. B... un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 9 août 2022 dont il résulterait que son état de santé nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel il peut voyager sans risque. Cette appréciation des conséquences d'un défaut de prise en charge est corroborée par le certificat médical du 21 septembre 2022 produit par M. B..., émanant d'un praticien hospitalier de l'équipe mobile de psychiatrie et précarité du centre hospitalier Charles Perrens, où il est suivi régulièrement depuis mars 2021. Selon ce document, qui décrit des troubles antérieurs à la décision de refus de titre de séjour du 9 septembre 2022, le patient est atteint de deux pathologies psychiatriques, et l'interruption du suivi et du traitement en cours peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur le plan autoagressif. Toutefois, contrairement à ce qu'indique la décision, l'avis des médecins de l'OFII du 9 août 2022 a retenu qu'un défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce qui est contredit par les pièces du dossier, et les médecins ne se sont pas prononcés sur l'existence d'un traitement approprié dans le pays d'origine. Dans ces circonstances, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, et que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de l'annuler. 4. L'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 9 septembre 2022 entraîne, par voie de conséquence, celle des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, prises sur son fondement. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 5. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, il y a seulement lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais exposés à l'occasion du litige : 6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros, à verser à Me Haas. DÉCIDE : Article 1er : L'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 septembre 2022 et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2206119 du 1er février 2023 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la demande de M. B... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Me Haas une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à Me Haas, au préfet de la Gironde et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Catherine Girault, présidente, Mme Anne Meyer, présidente-assesseure, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 novembre 2023. La rapporteure, Anne A... La présidente, Catherine GiraultLa greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01307 |
CETATEXT000048424275 | J3_L_2023_11_00023BX01524 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424275.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01524, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01524 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | HAAS | Mme Anne MEYER | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'enjoindre sous astreinte à la préfète de lui délivrer un titre de séjour. Par un jugement n° 2300071 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 5 juin 2023, M. D..., représenté par Me Haas, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif du 16 mars 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 9 novembre 2022 de la préfète de la Gironde ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 80 euros par jours de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : En ce qui concerne le refus de titre de séjour - cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il renverse, par les pièces produites, l'appréciation portée par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur la disponibilité du traitement et l'accès au suivi médical nécessaire à sa survie dans son pays d'origine ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa situation médicale extrêmement complexe nécessite une prise en charge médicale en France et qu'il est parfaitement intégré dans la société française ; En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français - cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; - elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il a démontré ne pas pouvoir bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi - cette décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ; - compte-tenu de son état de santé, elle constitue un traitement inhumain et dégradant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il s'en rapporte à ses écritures de première instance, qu'il produit. Par une décision n° 2023/004718 du 25 avril 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme A..., - et les observations de Me Haas, représentant M. D.... Considérant ce qui suit : 1. M. D..., ressortissant géorgien né le 23 février 1987, est entré sur le territoire français le 8 juillet 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français des réfugiés et des apatrides le 22 octobre 2019, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 17 janvier 2020. Le 23 mars 2020, il s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en raison de son état de santé, renouvelée jusqu'au 4 février 2022. Par un arrêté du 9 novembre 2022, la préfète de la Gironde a refusé de renouveler ce titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. D... relève appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ". 3. Il résulte des dispositions précitées qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque ce défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'intéressé fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou en l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine dans des conditions permettant d'y avoir accès, sans qu'il y ait lieu de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France. 4. Par un avis du 21 septembre 2022, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que si l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Géorgie, et qu'à la date de cet avis, il peut voyager sans risque vers ce pays. Il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux établis le 13 janvier 2021 par le docteur B..., praticien hospitalier du service d'hématologie biologique du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, que M. D... souffre d'une hémophilie sévère de type A, ayant entraîné une arthropathie hémophilique avec destruction des articulations des épaules, des coudes, des genoux et des chevilles, et qu'il bénéficie en France de deux injections par semaine de facteur VIII ayant permis d'éviter de nouvelles complications hémorragiques. M. D... produit deux autres certificats médicaux établis le 29 novembre 2022 et le 5 juin 2023 par le même médecin, postérieurs à l'arrêté attaqué mais révélant une situation antérieure à celui-ci, dont il ressort que l'hémophilie A sévère, pathologie congénitale caractérisée par l'absence de facteur VIII, se complique, en l'absence de traitement adéquat de prévention des risques hémorragiques, d'hémarthrose, d'hématomes musculaires, d'hématurie, et d'hémorragies digestives et cérébrales, que la faible quantité de facteur VIII disponible en Géorgie, quelle que soit son origine, conduit à réserver ce produit à la prise en charge d'évènements hémorragiques, sans qu'il soit possible de l'utiliser comme traitement de prophylaxie, et que M. D..., qui n'a reçu de facteur VIII en Géorgie qu'après la survenue d'un saignement, présentait à son arrivée en France, à l'âge de 32 ans, une destruction majeure des articulations des genoux et des chevilles, nécessitant son déplacement en fauteuil roulant. Cette indisponibilité d'un traitement continu permettant de prévenir les complications graves de l'hémophilie de type A est corroborée par une attestation de l'association de l'hémophilie et de la donation en Géorgie du 24 novembre 2022, selon laquelle les traitements de prévention anti-hémophiliques ne sont pas encore disponibles en Géorgie parce qu'il n'y a " pas assez de facteurs concentrés ", et par un certificat médical du médecin hématologue qui a suivi M. D... depuis son enfance, indiquant que ce dernier a présenté une arthropathie hémophilique en raison d'hémarthroses répétitives, et que le traitement de prévention dont il a besoin n'est pas accessible en Géorgie du fait de l'insuffisante quantité disponible de facteurs concentrés anti-hémophiliques. Ces éléments concordants, qui remettent en cause l'appréciation des médecins de l'OFII selon laquelle un traitement approprié serait disponible en Géorgie, ne sont pas utilement contredits par le préfet de la Gironde, lequel se borne à affirmer que les acteurs du système médical en Géorgie détiennent les molécules permettant de traiter " 90 % des pathologiques les plus communes ". Ainsi, contrairement à ce qu'ont estimé les médecins de l'OFII, le requérant ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces circonstances, M. D... est fondé à soutenir que le refus de renouvellement de son titre de séjour méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 9 novembre 2022 et, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour, prises sur son fondement. Par suite, l'arrêté du 9 novembre 2022 doit être annulé. Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte : 6. Eu égard au motif retenu, l'annulation de l'arrêté du 9 novembre 2022 implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé. Il y a lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à M. D... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte. Sur les frais liés au litige : 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à Me Haas, conseil de M. D... sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. DÉCIDE : Article 1er : L'arrêté du 9 novembre 2022 de la préfète de la Gironde et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux n° 2300071 du 16 mars 2023 sont annulés. Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Article 3 : L'Etat versera à Me Haas une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de la Gironde et à Me Haas. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 novembre 2023. La première assesseure, Florence Rey-Gabriac La présidente, rapporteure, Anne A...La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01524 |
CETATEXT000048424276 | J3_L_2023_11_00023BX01526 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424276.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01526, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01526 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | MERCIER | M. Olivier COTTE | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler, d'une part, l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel le préfet de la Corrèze lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, et, d'autre part, l'arrêté en date du même jour par lequel le préfet de la Corrèze a prononcé son assignation à résidence. Par un jugement nos 2300755, 2300756 du 4 mai 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a, après avoir joint les deux affaires, rejeté ses demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 5 juin 2023, M. B..., représenté par Me Mercier, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mai 2023 ; 2°) d'annuler les deux arrêtés préfectoraux du 27 avril 2023 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze, d'une part, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et d'autre part, de procéder au retrait de son inscription dans le système d'information Schengen ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas visé les mémoires communiqués dans chaque instance le 30 avril 2023 et n'a pas répondu aux moyens tirés de la méconnaissance des dispositions combinées du 4° de l'article L. 611-1 et de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 731-1 et R. 733-1 de ce code, et de l'erreur de fait à l'avoir assigné dans un périmètre duquel est exclu son lieu de résidence ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier, dès lors qu'elle ne tient pas compte de son état de santé ou de la présence sur le territoire en situation régulière de sa sœur ; - elle est entachée d'un vice de procédure en ce qu'il n'a pas été entendu préalablement à son édiction ; - elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de la présence en France de sa compagne et de sa sœur ; - elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; - elle méconnaît les dispositions du 4° de l'article L. 611-1 et celles de l'article L. 542-2 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il n'a pas reçu notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) sur sa demande de réexamen ; - la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de la situation ; - elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ; - elle méconnaît les dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code, dès lors qu'il dispose de garanties de représentation suffisantes, propres à prévenir tout risque de fuite, et qu'il ne représente pas un risque pour l'ordre public ; - l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation faute de faire apparaître les quatre critères énoncés par l'article L. 612-6 et en l'absence de précisions s'agissant de sa durée ; le tribunal n'a pas répondu à ce dernier moyen ; - elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ; - elle méconnaît l'article L. 612-6 du code précité faute de préciser sa durée ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas un risque pour l'ordre public et qu'il dispose d'attaches sur le territoire ; - la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen particulier de la situation ; - elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ; - la décision d'assignation à résidence est entachée d'un défaut de motivation en ce que, d'une part, elle ne fait état d'aucune démonstration du caractère raisonnable de la perspective de mise à exécution de la décision d'éloignement et, d'autre part, elle retient un périmètre qui exclut son lieu de résidence ; - elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision d'éloignement ; - elle méconnaît l'article L. 731-1 du code faute de démonstration sur le caractère raisonnable de la perspective de mise à exécution de la décision d'éloignement, ainsi que l'article R. 733-1 en fixant un périmètre n'incluant pas son lieu de résidence à Toulouse, comme le préfet a pu s'en rendre compte avec la consultation de TelemOfpra ; le tribunal n'a pas répondu à ce moyen ; - elle est également entachée d'une erreur de fait s'agissant de la détermination de ce périmètre. La requête a été communiquée au préfet de la Corrèze qui n'a pas produit de mémoire en défense. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant algérien né en janvier 1984, est entré en France le 30 septembre 2020. Il a fait l'objet, le 29 décembre 2021, d'un arrêté du préfet de la Haute-Vienne portant obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un arrêté du 19 juillet 2022, le préfet de la Haute-Vienne a prolongé cette interdiction de retour pour deux ans. M. B... a déposé le 22 septembre 2022 auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), une demande d'asile qui a été rejetée par décision du 6 décembre 2022, puis une demande de réexamen qui a été déclarée irrecevable par décision du 5 avril 2023. A la suite de son interpellation, le 26 avril 2023, pour vol en réunion, le préfet de la Corrèze a pris à son encontre, le 27 avril 2023, deux arrêtés, l'un portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour d'une durée de trois ans, l'autre l'assignant à résidence dans le département de la Corrèze. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 4 mai 2023, par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes d'annulation de ces deux arrêtés. Sur la régularité du jugement attaqué : 2. Il ressort des pièces des deux dossiers de première instance que M. B... a produit, dans chacun d'eux, un mémoire enregistré le 30 avril 2023 que le premier juge n'a pas visé. Dans ses écritures, M. B... soutenait notamment que, d'une part, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français méconnaissait les dispositions combinées du 4° de l'article L. 611-1 et de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, d'autre part, l'arrêté portant assignation à résidence méconnaissait les dispositions combinées des articles L. 731-1 et R. 733-1 de ce code et était entaché d'une erreur de fait quant au périmètre de l'assignation. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ces moyens, qui n'étaient pas inopérants. Par suite, son jugement doit être annulé. 3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif de Limoges. Sur la légalité de l'arrêté du 27 avril 2023 portant obligation de quitter le territoire français, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour : 4. M. Jean-Luc Tarrega, secrétaire général de la préfecture, a reçu délégation du préfet de la Corrèze, par arrêté du 8 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 19-2022-084 du même jour, à l'effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté. En ce qui concerne la mesure d'éloignement : 5. L'arrêté vise notamment l'article L. 611-1, ainsi que les articles L. 542-1 et L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatifs aux conditions dans lesquelles prend fin le droit, pour les demandeurs d'asile, de se maintenir sur le territoire français. Il rappelle le parcours de M. B... depuis son entrée en France, le rejet de sa demande de réexamen par l'OFPRA et les trois condamnations pénales dont il a fait l'objet. Il précise que la mesure d'éloignement ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. La circonstance que cet arrêté ne mentionne ni la présence de la sœur de M. B... sur le territoire, ni la pathologie oculaire pour laquelle le requérant allègue bénéficier d'un suivi médical, est sans incidence sur la régularité de la motivation de la décision, laquelle énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. 6. Au vu de ces éléments, et contrairement à ce qui est soutenu, le préfet de la Corrèze a procédé à un examen particulier de la situation de M. B.... 7. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, notamment de son arrêt C-383/13 M. A..., N. R./Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 10 septembre 2013, que toute irrégularité dans l'exercice des droits de la défense lors d'une procédure administrative concernant un ressortissant d'un pays tiers en vue de son éloignement ne saurait constituer une violation de ces droits et, en conséquence, que tout manquement, notamment, au droit d'être entendu n'est pas de nature à entacher systématiquement d'illégalité la décision prise. Il revient à l'intéressé d'établir devant le juge chargé d'apprécier la légalité de cette décision que les éléments qu'il n'a pas pu présenter à l'administration auraient pu influer sur le sens de cette décision, et il appartient au juge saisi d'une telle demande de vérifier, lorsqu'il estime être en présence d'une irrégularité affectant le droit d'être entendu, si, eu égard à l'ensemble des circonstances de fait et de droit spécifiques de l'espèce, cette violation a effectivement privé celui qui l'invoque de la possibilité de mieux faire valoir sa défense dans une mesure telle que cette procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent. 8. M. B... n'apporte aucune précision sur les éléments qu'il n'aurait pas été en mesure de présenter au préfet de la Corrèze et qui auraient pu influer sur le sens de la décision, ni ne produit, dans le cadre de la présente instance, de pièces pouvant démontrer que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu ne peut qu'être écarté. 9. Aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 542-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : a) une décision d'irrecevabilité prise en application des 1° ou 2° de l'article L. 531-32 ; b) une décision d'irrecevabilité en application du 3° de l'article L. 531-32, en dehors du cas prévu au b du 2° du présent article ; (...) ". Aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ". 10. Après le rejet de sa demande d'asile par une décision de l'OFPRA du 6 décembre 2022, M. B... a déposé une demande de réexamen qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité du 5 avril 2023, ainsi qu'il a été dit au point 1. En application des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit de M. B... de se maintenir sur le territoire français a pris fin à compter de cette dernière date, et la circonstance, à la supposer établie, qu'il n'aurait pas reçu notification de la décision de l'OFPRA à la date de l'arrêté préfectoral en litige, est sans incidence sur la légalité de ce dernier. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit et de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 et de l'article L. 542-2 doit être écarté. 11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 12. Il ressort des pièces du dossier que M. B... était, à la date de l'arrêté en litige, présent sur le territoire français depuis moins de trois ans. S'il soutient avoir une relation amoureuse avec une compatriote en situation régulière et fait état de la présence de sa sœur également en situation régulière sur le territoire, il n'apporte aucune pièce au soutien de ses allégations, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où vivent ses frères et sœurs et où il a vécu jusqu'à l'âge de 36 ans. Il ne conteste pas avoir fait l'objet de trois condamnations pénales, le 27 avril 2021 à un an et trois mois d'emprisonnement pour transport, détention, acquisition et importation non autorisés de stupéfiants, le 10 mars 2022 à six mois d'emprisonnement pour récidive d'escroquerie, et le 24 octobre 2022 à cinq mois d'emprisonnement pour dégradation ou détérioration du bien d'autrui commise en réunion. La circonstance que sa dernière interpellation, le 26 avril 2023, pour des faits de vol en réunion, n'aurait donné lieu à aucune condamnation pénale, est sans incidence sur la menace pour l'ordre public que son comportement représente. Dans ces conditions, en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Corrèze n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 13. Au vu des éléments factuels énoncés au point précédent, le préfet de la Corrèze n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B.... En ce qui concerne la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire : 14. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper d'une illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. 15. L'arrêté vise les dispositions des 1° et 3° de l'article L. 612-2 et des 5° et 8° de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il énonce, après avoir rappelé les trois condamnations pénales dont M. B... a fait l'objet, que son comportement constitue un risque de trouble pour l'ordre public, et qu'il existe un risque qu'il se soustraie à l'exécution de la mesure d'éloignement dès lors qu'il s'est déjà soustrait à une telle mesure en décembre 2021 et qu'il ne justifie ni de documents d'identité et de voyage, ni de domicile pérenne. La décision comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, et elle est suffisamment motivée. 16. Il ressort des énonciations de la décision en litige que le préfet de la Corrèze a procédé à un examen particulier de la situation de M. B.... L'erreur de plume du préfet selon laquelle il agissait en dérogation aux dispositions visées, et non en application de celles-ci, est sans incidence sur la légalité de la décision. 17. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. " 18. D'une part, eu égard aux trois condamnations pénales dont M. B... a fait l'objet sur une période relativement courte, son comportement représente une menace pour l'ordre public, sans qu'il puisse utilement faire valoir que sa dernière interpellation, le 26 avril 2023, pour vol en réunion, n'aurait donné lieu à aucune condamnation. D'autre part, M. B... ne conteste pas ne pas être en possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité. S'il produit une attestation de domiciliation dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile, il n'est pas établi que cette structure serait sa résidence effective et permanente depuis le rejet pour irrecevabilité, le 5 avril 2023, de sa demande de réexamen. Par suite et alors même que M. B... a fait l'objet, par arrêté préfectoral du même jour, d'une assignation à résidence, le préfet de la Corrèze n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire. En ce qui concerne l'interdiction de retour : 19. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. 20. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ". 21. L'arrêté vise les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il rappelle l'entrée irrégulière et récente de M. B..., l'absence de régularisation de sa situation administrative, l'absence de liens personnels et familiaux en France, la soustraction à une précédente mesure d'éloignement et la gravité et le caractère récurrent des faits délictuels commis, avant de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. La décision portant interdiction de retour est ainsi suffisamment motivée. 22. Si le dispositif de l'arrêté est entaché d'une ambiguïté s'agissant de la durée de l'interdiction de retour, dès lors qu'il mentionne " pendant une durée d'un trois à compter de l'exécution " de la mesure d'éloignement, celle-ci est levée par les motifs de la décision qui précisent expressément que la durée de l'interdiction prononcée à l'encontre de M. B... est de trois ans. 23. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, que M. B... n'établit pas avoir des attaches personnelles et familiales sur le territoire. Il a été reconnu coupable de plusieurs infractions pénales, dont l'une d'entre elles en état de récidive et s'est déjà soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le préfet de la Corrèze n'a pas méconnu les dispositions précitées en assortissant la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 24. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper d'une illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi. 25. L'arrêté vise les articles L. 612-12 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelle que M. B... est de nationalité algérienne, et énonce qu'il n'est pas établi qu'il serait exposé à des peines ou traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La décision est ainsi suffisamment motivée, et il en ressort que le préfet de la Corrèze a procédé à un examen particulier de la situation de M. B.... Sur la légalité de l'arrêté du 27 avril 2023 portant assignation à résidence : 26. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". Aux termes de l'article R. 733-1 de ce code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; (...) ". 27. Il ressort des énonciations de l'arrêté en litige que M. B... a indiqué " résider habituellement à Toulouse sans en justifier " et qu'il " présentait ainsi des garanties propres à prévenir le risque " qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français. Alors que M. B... soutient, dans le cadre de la présente instance, résider à Toulouse et produit une attestation de domiciliation dans une structure de premier accueil des demandeurs d'asile située dans cette ville, le préfet de la Corrèze qui n'a produit ni en première instance ni en appel, n'apporte aucun élément pour établir que M. B... aurait sa résidence dans ce département. Dans ces conditions, en fixant comme périmètre de l'assignation à résidence le département de la Corrèze, le préfet a méconnu les dispositions de l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et M. B... est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, à demander l'annulation de cet arrêté. 28. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 27 avril 2023 l'assignant à résidence dans le département de la Corrèze. Sur les conclusions à fin d'injonction : 29. L'annulation par le présent arrêt de l'arrêté préfectoral assignant M. B... à résidence n'implique aucune mesure d'exécution. Sur les frais liés au litige : 30. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. B... et son conseil demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges du 4 mai 2023 est annulé. Article 2 : L'arrêté préfectoral du 27 avril 2023 assignant M. B... à résidence dans le département de la Corrèze est annulé. Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de M. B... et de ses conclusions d'appel est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme D... E..., première assesseure, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01526 |
CETATEXT000048424277 | J3_L_2023_11_00023BX01549 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424277.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01549, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01549 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON | M. Olivier COTTE | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement n° 2203130 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 7 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Masson, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mai 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Elle soutient que : - l'arrêté est signé par une autorité incompétente car la délégation de signature dont elle bénéficie n'est pas suffisamment précise ; - la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier, le préfet s'étant borné à reprendre l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sans porter d'appréciation personnelle ; - elle méconnaît les articles L. 425-9 et L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; alors que le tribunal et la cour ont déjà reconnu la nécessité de la poursuite des soins que requiert l'état de santé de sa fille en France, le préfet ne justifie sa décision par une amélioration de son état ou par une évolution favorable du système de santé géorgien ; la disponibilité du traitement en Géorgie doit s'apprécier, ainsi que le précise l'arrêté du 5 janvier 2017, au regard des lourdes pathologies dont son enfant est atteinte, du suivi pluridisciplinaire qu'elle requiert et de la qualité d'enfant handicapée qui lui a été reconnue par la maison départementale des personnes handicapées ; le suivi médical dont son enfant a bénéficié avant leur départ pour la France était insuffisant ; l'un des médicament dont elle a besoin est à base de Levetiracetam, substance qui n'est pas disponible en Géorgie, pas plus que ne l'est le suivi pluridisciplinaire, comme en atteste le rapport de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés, faute de prise en charge financière complète ; le document produit par le préfet pour établir le contraire n'est pas probant ; l'état de santé de sa fille s'oppose à un transport aérien ; - elle méconnaît l'article L. 423-23 du code précité et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle est insérée, qu'elle vit sur le territoire avec sa fille et qu'elle s'est séparée du père de sa fille en raison de violences ; il ne peut lui être reproché de ne pas travailler alors que son récépissé ne le lui permet pas et qu'elle est reconnue handicapée avec un taux d'incapacité supérieur ou égal à 80 %, en raison d'une maladie respiratoire chronique nécessitant un suivi régulier et d'une surdité ; - elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, dès lors que son enfant a eu un traitement médical inadapté avant leur départ et qu'elle ne pourrait bénéficier des médicaments et du suivi nécessaires à son état de santé ; il n'existe en Géorgie aucune structure spécialisée pour polyhandicapés, seul endroit où sa fille peut suivre un accompagnement éducatif ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour ; - elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne car elle est de nature à priver sa fille des soins indispensables à son état de santé ; - elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ; - la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ; - elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne en raison des risques encourus du point de vue de l'état de santé de sa fille. Par une ordonnance du 30 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2023. Un mémoire, présenté par le préfet de la Vienne a été enregistré le 10 octobre 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 27 juillet 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la convention internationale des droits de l'enfant ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. Mme B..., ressortissante géorgienne née le 13 avril 1978, est entrée en France le 16 août 2018 avec sa fille alors âgée de 19 mois, sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 12 juin 2019. Par un arrêté du 2 juillet 2019, le préfet des Deux-Sèvres lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Après l'annulation de cet arrêté par le tribunal administratif de Poitiers le 26 août 2019, le préfet des Deux-Sèvres a édicté un nouvel arrêté le 19 février 2020 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 26 juin 2020, confirmé par la cour le 12 janvier 2021, le tribunal a annulé ce nouvel arrêté et enjoint au préfet de délivrer à Mme B... un titre de séjour en qualité d'accompagnant d'enfant malade. En exécution de cet arrêt, Mme B... a été munie d'autorisations provisoires de séjour couvrant la période du 22 juillet 2020 au 22 janvier 2022. Le 25 janvier 2022, elle a sollicité son admission au séjour en raison de l'état de santé de sa fille, puis a complété sa demande, le 9 août 2022, en sollicitant une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 20 octobre 2022, le préfet de la Vienne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un jugement du 11 mai 2023 dont Mme B... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral. Sur la légalité de l'arrêté du 20 octobre 2022 : En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble : 2. Mme Pascale Pin, secrétaire générale de la préfecture, a reçu délégation du préfet de la Vienne, par arrêté n° 2022-SG-DCPPAT-020 du 12 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 13 juillet, à l'effet de signer tous actes, arrêtés ou décisions relevant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Contrairement à ce qui est soutenu, cette délégation est suffisamment précise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté doit être écarté. En ce qui concerne la décision de refus de séjour : 3. En premier lieu, l'arrêté vise les dispositions applicables, notamment les articles L. 425-10, L. 425-9 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, objet de la demande. Après avoir rappelé le parcours de Mme B... depuis son entrée en France, il précise que, selon l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 12 avril 2022, le traitement que requiert l'état de santé de la fille de Mme B... est disponible en Géorgie, que l'intéressée n'établit pas l'impossibilité d'accès effectif à des soins pour son enfant dans son pays d'origine, qu'eu égard aux attaches, notamment familiales, de l'intéressée dans son pays d'origine, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et qu'en l'absence de séparation d'avec sa fille, il n'y a pas d'atteinte aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. La décision de refus de séjour comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquels il se fonde. Il ressort de cette motivation suffisante que le préfet de la Vienne a procédé à un examen particulier de la situation de Mme B... et ne s'est pas estimé lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'OFII sur l'état de santé de sa fille. 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de ce dernier article : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ". 5. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif saisi de l'affaire, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi et de la possibilité d'y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile. 6. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe. 7. Pour rejeter la demande de Mme B... de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour de six mois en raison de l'état de santé de sa fille, le préfet de la Vienne s'est prononcé au vu d'un avis, rendu par le collège de médecins de l'OFII le 12 avril 2022, selon lequel un traitement médical est nécessaire sous peine de conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais est disponible en Géorgie. La fille de Mme B..., âgée de cinq ans et neuf mois à la date de l'arrêté, est atteinte d'une hydrocéphalie congénitale avec épilepsie séquellaire, avec un retard sévère de développement psychomoteur et des troubles graves du neuro-développement. Le certificat médical d'un praticien hospitalier en pédiatrie, daté du 4 janvier 2021, attestant de la nécessité de poursuivre un suivi neuropédiatrique en France pour une durée indéterminée, les comptes rendus d'hospitalisations les 3 mai et 30 septembre 2021 pour des IRM cérébrales de surveillance et pour la révision d'une dérivation kystopéritonéale droite et de consultation du 17 mai 2022 de l'unité de neurochirurgie pédiatrique du centre hospitalier régional universitaire de Tours évoquant un prochain contrôle en consultation en juin 2023 puis en janvier 2025, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins sur la disponibilité des soins en Géorgie. Il en va de même des deux éléments postérieurs à l'avis du collège de médecins, un certificat médical d'un pédiatre établi le 17 novembre 2022 faisant état des progrès accomplis depuis la prise en charge dans un centre d'accueil pour enfants polyhandicapés, et un certificat du médecin traitant de Mme B... du 8 novembre 2022, indiquant, de manière peu circonstanciée, que les soins requis par l'état de santé de l'enfant ne pourraient être obtenus dans le pays d'origine. Il ressort à cet égard des pièces du dossier que le traitement de l'enfant Nini, associant deux antiépileptiques (Keppra dont la substance active est le Levetiracetam, et Depakine), est disponible en Géorgie. Par ailleurs, Mme B... ne peut utilement soutenir, en renvoyant à un précédent jugement du tribunal administratif de Poitiers du 26 juin 2020 ayant annulé le refus de titre qui lui avait alors été opposé, que le préfet ne démontrerait ni l'amélioration de l'état de santé de son enfant, ni l'évolution favorable du système de santé géorgien. Elle ne peut davantage utilement se prévaloir du fait que le traitement prescrit à son enfant avant son départ pour la France, cinq ans auparavant, n'aurait pas été satisfaisant. Quant aux éléments issus d'un rapport de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR), dont se prévaut la requérante, ils ne permettent pas d'établir, du fait de leur généralité, que sa fille ne pourrait pas bénéficier en Géorgie, où une couverture universelle a été mise en place, d'un accès aux soins, lesquels n'ont pas à être équivalents à ceux dont l'enfant bénéficie en France, ainsi qu'il a été exposé au point précédent. De même, le courrier du ministère des personnes déplacées internes venues des territoires occupés, du travail, de la santé et des affaires sociales de Géorgie, daté du 8 juin 2023, indiquant que, compte tenu de son âge, l'enfant de Mme B... ne serait pas éligible au service " sous-programme d'aide au développement précoce de la petite enfance ", ni au sous-programme de réhabilitation/habilitation de l'enfant, mais que la mise à disposition de fauteuils roulants est possible dans le cadre du " sous-programme sur la prestation d'aides médicales, tout comme la mise à disposition d'un lit électrique orthopédique, d'un verticalisateur et de meubles adaptés, mais que les programmes de l'Etat ne couvrent pas les séances de kinésithérapie ", ne permet pas d'établir l'absence d'accès effectif au traitement que requiert l'état de santé de la fille de Mme B.... Enfin, le certificat médical d'un médecin du service de la protection maternelle et infantile établi le 11 juin 2020, indiquant que l'état de santé de l'enfant est incompatible avec un transport par avion n'est, compte tenu de son ancienneté et de son caractère peu circonstancié, pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins sur la possibilité de voyager sans risque vers le pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à Mme B... une autorisation provisoire de séjour de six mois en raison de l'état de santé de sa fille, le préfet de la Vienne n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 425-10 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. 8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". 9. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... était présente en France depuis un peu plus de quatre ans à la date de l'arrêté en litige. Si elle vit avec sa fille mineure handicapée, dont l'état de santé requiert, ainsi qu'il a été dit, un traitement et un suivi médical, elle n'a aucune autre attache sur le territoire français, alors qu'elle n'en est pas dépourvue en Géorgie où résident sa fille majeure, sa mère et ses trois sœurs, et où elle-même a vécu jusqu'à l'âge de 40 ans. Si elle invoque d'une part ses propres problèmes de santé, une hypoacousie bilatérale, une infection tuberculeuse latente et des séquelles pulmonaires d'une pneumopathie qui lui ont valu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé et l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés, ainsi que son accompagnement social par la maison départementale des solidarités, et d'autre part l'apprentissage de la langue française depuis janvier 2022 à raison d'une heure et demie par semaine, ces circonstances ne caractérisent pas des liens privés de nature à faire regarder le refus de titre de séjour comme portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée. Dans ces conditions, le préfet de la Vienne n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 10. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". 11. La décision de refus de séjour n'a ni pour objet, ni pour effet de séparer Mme B... de son enfant, et cette dernière peut bénéficier, ainsi qu'il a été dit au point 8, d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Si Mme B... fait valoir que sa fille bénéficie en France d'un accompagnement spécialisé dans un centre d'accueil pour enfants polyhandicapés, il ne ressort pas des pièces produites que cet accompagnement aurait une incidence déterminante sur les perspectives d'évolution, notamment de scolarisation, de sa fille. Dans ces circonstances, elle ne méconnaît pas les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant. En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français : 12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à exciper d'une illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français. 13. Eu égard à ce qui a été dit précédemment, notamment à la disponibilité des soins en Géorgie, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés. En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi : 14. L'arrêté attaqué vise les articles L. 612-12 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise la nationalité géorgienne de Mme B.... Il ajoute qu'il n'est pas établi qu'en cas de retour dans son pays, Mme B... serait exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision fixant le pays de renvoi est ainsi suffisamment motivée. 15. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". 16. Ainsi qu'il a été dit au point 8, il n'est pas établi que le traitement et le suivi que requiert l'état de santé de la fille de Mme B... ne serait pas effectivement accessible en Géorgie. Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Vienne aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 18. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Vienne Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01549 |
CETATEXT000048424278 | J3_L_2023_11_00023BX01563 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424278.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 16/11/2023, 23BX01563, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-16 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX01563 | 2ème chambre | excès de pouvoir | C | Mme MEYER | ZOUNGRANA | M. Olivier COTTE | Mme ISOARD | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2022 par lequel le préfet de la Corrèze lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour pendant une durée de deux ans. Par un jugement n° 2201841 du 23 février 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 8 juin 2023, M. B..., représenté par Me Zoungrana, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 février 2023 ; 2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 20 décembre 2022 ; 3°) d'enjoindre au préfet de la Corrèze de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ; 4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il soutient que : - le préfet a méconnu les articles L. 433-1 et L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui opposant l'absence d'attestation de Pôle emploi, alors que cette pièce n'est exigée que s'agissant d'un second renouvellement de titre, ce qui n'est pas son cas ; il a été privé involontairement d'emploi le 16 août 2019, ce qui permet, selon les dispositions en cause, le renouvellement de son titre ; son dernier contrat de travail à durée déterminée a été interrompu en raison de son hospitalisation pour soins le 7 septembre 2021 ; - la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour. La requête a été communiquée au préfet de la Corrèze qui n'a pas produit de mémoire en défense. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; - le code de justice administrative. La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le rapport de M. Olivier Cotte a été entendu au cours de l'audience publique. Considérant ce qui suit : 1. M. B..., ressortissant russe né le 24 janvier 1983, est entré en France le 6 octobre 2015. Il a été muni d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " valable du 4 août 2016 au 3 août 2017, puis d'une carte de séjour pluriannuelle portant la même mention, valable jusqu'au 3 août 2021. Le 12 juillet 2021, il a sollicité le renouvellement de ce titre. Par un arrêté du 18 novembre 2021, le préfet de la Corrèze a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Saisi par M. B..., le tribunal administratif de Limoges a, par un jugement du 13 avril 2022, annulé cet arrêté et enjoint au préfet de la Corrèze de réexaminer la demande dans un délai de quatre mois. Par un arrêté du 20 décembre 2022, le préfet de la Corrèze a édicté un nouvel arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant à l'encontre de l'intéressé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement du 23 février 2023 dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté préfectoral. Sur la légalité de l'arrêté du 20 décembre 2022 : 2. D'une part, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. / Par dérogation aux dispositions de l'article L. 433-1, elle est prolongée d'un an si l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi. Lors du renouvellement suivant, s'il est toujours privé d'emploi, il est statué sur son droit au séjour pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail. ". Aux termes de l'article L. 433-1 de ce code : " (...) le renouvellement de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle est subordonné à la preuve par le ressortissant étranger qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. / L'autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s'assurer du maintien du droit au séjour de l'intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci à un ou plusieurs entretiens. / Par dérogation au présent article la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " prévue à l'article L. 421-1, ainsi que la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent " prévue aux articles L. 421-9, L. 421-10, L. 421-11 ou L. 421-14, sont renouvelées dans les conditions prévues à ces mêmes articles. ". 3. D'autre part, aux termes de l'article L. 412-5 du même code : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " ". 4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'une carte de séjour en qualité de salarié après avoir conclu un contrat à durée indéterminée avec les sociétés Wangwu puis Le Living en tant que commis de cuisine. Il est constant que cette dernière relation de travail a cessé en 2019. S'il a bénéficié durant l'été 2021 de contrats à durée déterminée successifs avec la société A Dom Limousin Brive pour un emploi d'agent à domicile, le dernier a pris fin le 5 septembre 2021, avant l'édiction de la décision en litige. M. B... ne peut utilement se prévaloir de la rupture, à l'initiative de son employeur, de son contrat de travail à durée indéterminée avec la société Gagliarda le 16 août 2019, après deux mois d'essai, pour invoquer les dispositions précitées du 3e alinéa de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ouvrant droit à une prolongation d'un an de la carte de séjour lorsque l'étranger se trouve involontairement privé d'emploi, dès lors qu'il avait ultérieurement retrouvé du travail, avant l'expiration de sa carte de séjour. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 421-1 et L. 433-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. 5. Au surplus, M. B... ne conteste pas, dans sa requête d'appel, le second motif pour lequel le renouvellement de son droit de séjour lui a été refusé par le préfet de la Corrèze, tenant à la menace à l'ordre public que son comportement représente, en raison de quatre condamnations pénales depuis 2019. 6. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas entachée d'illégalité, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation par voie conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français. 7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 20 décembre 2022. Sur les frais liés au litige : 8. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient : Mme Anne Meyer, présidente, Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère, M. Olivier Cotte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023. Le rapporteur, Olivier Cotte La présidente, Anne Meyer La greffière, Virginie Guillout La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 23BX01563 |
CETATEXT000048424279 | J3_L_2023_11_00023BX02082 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424279.xml | Texte | CAA de BORDEAUX, , 15/11/2023, 23BX02082, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-15 00:00:00 | CAA de BORDEAUX | 23BX02082 | plein contentieux | C | TOSI | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. D... E... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner solidairement l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), assureur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, à lui verser une provision d'un montant de 30 000 euros à valoir sur la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de sa prise en charge à la suite d'un accident du 9 août 2004 au CHU de Bordeaux. Par une ordonnance n° 2206632 du 6 juillet 2023, la juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a condamné la SHAM à lui verser une provision de 10 000 euros. Procédure devant la cour : Par une requête sommaire, enregistrée le 24 juillet 2023, un mémoire complémentaire enregistré le 28 août 2023, et un mémoire enregistré le 9 novembre 2023, la société Relyens Mutual Insurance, venant aux droits de la SHAM, représentée par le cabinet Le Prado, Gilbert, demande au juge des référés de la cour : 1°) d'annuler l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ; 2°) de réduire la provision à une somme très inférieure. Elle soutient que : -l'ordonnance est insuffisamment motivée au regard des moyens dont le premier juge était saisi ; -c'est à tort que le juge des référés du tribunal de Bordeaux a considéré que les préjudices en lien avec l'infection nosocomiale contractée le 30 octobre 2013, qu'il ne conteste pas, étaient un déficit fonctionnel temporaire total du 14 novembre au 5 décembre 2013, puis de classe 3 du 6 au 31 décembre 2013 et de classe 2 du 1er janvier au 28 février 2014, des souffrances évaluées à 3,5 sur une échelle de 7 et un préjudice esthétique temporaire de 4 sur 7 ; l'expertise judiciaire, qui a mis en lumière un lourd état antérieur avec une pathologie lombaire dégénérative, a conclu que les soins étaient conformes aux données de la science et que les douleurs persistantes étaient en lien avec un échec de la chirurgie ; pour retenir une aggravation de l'état du requérant en lien avec l'infection nosocomiale, les experts n'ont pas expliqué en quoi ses douleurs résulteraient de cette infection et non de l'amputation nécessitée par la pathologie préexistante ; le lien n'est pas établi pour le déficit fonctionnel permanent de 30 %, pas plus que pour les autres préjudices. Par un mémoire, enregistré le 18 août 2023, l'ONIAM conclut à la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté les conclusions dirigées contre lui et souligne qu'aucune condamnation solidaire avec la SHAM n'était possible ; il soutient que l'appel de la SHAM ne porte que sur le montant de la provision, que l'état lombaire de M. E... est sans lien avec l'infection nosocomiale, qui a guéri, et que si l'amputation initiale a pu révéler un état antérieur latent, rien ne démontre, en l'absence d'explications de l'expert, qu'il en aille de même de la reprise du moignon ; les conclusions de l'expert quant à un déficit de 30 % ne sont pas davantage argumentées. Par un mémoire, enregistré le 16 octobre 2023, M. E..., représenté par Me Tosi, conclut, à titre principal par la voie de l'appel incident, à ce que la provision que la société Relyens Mutual Insurance a été condamnée à lui verser soit portée à 30 000 euros, et à titre subsidiaire au rejet de la requête, et en tout état de cause à ce que la société Relyens soit condamnée au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés. Il soutient que : - l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) du 16 juin 2022 est très clair sur l'obligation du CHU au titre des préjudices causés par la réamputation avec raccourcissement du tibia due à l'infection nosocomiale, et reprend les conclusions des expertises concluant au rôle délétère de cette chirurgie sur l'évolution de l'état lombaire préexistant ; - peu importe que l'ONIAM, qu'il avait également mis en cause, puisse être reconnu obligé de l'indemniser au titre de la solidarité nationale du fait d'un déficit fonctionnel permanent supérieur à 30 %, il a droit en tout état de cause à l'indemnisation des préjudices en lien avec l'infection, dont certains peuvent déjà être calculés : le déficit fonctionnel temporaire du 14 novembre 2013 au 20 août 2018 peut être évalué à 28 000 euros, les souffrances endurées cotées à 3,5 sur 7 à 6 000 euros, et le préjudice esthétique temporaire à 5 000 euros ; sa demande de provision pour 30 000 euros n'était donc pas excessive. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Le président de la cour a désigné Mme G... C... pour statuer comme juge des référés en application du livre V du code de justice administrative. Considérant ce qui suit : 1. M. E... a été victime d'un accident le 9 août 2004 en chutant du marchepied d'un camion. Il a été transporté au centre hospitalier de Bergerac, qui n'a identifié qu'une entorse, puis transféré au centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, où il a été diagnostiqué une fracture de la cheville gauche. Entre 2005 et 2013, M. E... a été opéré dix-huit fois du pied gauche avant d'être amputé, sur sa demande, d'une partie de la jambe le 30 octobre 2013 au sein du CHU de Bordeaux. Les suites ont été marquées par l'apparition d'un écoulement et d'une collection purulente au niveau du moignon conduisant, le 15 novembre 2013, à une reprise chirurgicale pour lavage, avec recoupe osseuse de sept centimètres du tibia, et à la mise en place d'une antibiothérapie. Une nouvelle reprise chirurgicale a été réalisée le 30 novembre 2013 pour évacuation d'un hématome postopératoire. Souffrant à compter de 2014 de lombalgies et d'une discopathie inflammatoire invalidante, M. E... a subi une première arthrodèse par voie antérieure L5-S1 le 29 mars 2016 au CHU de Bordeaux. Après une période d'amélioration de deux mois, il a de nouveau souffert d'importantes lombalgies et de troubles sensitifs du membre inférieur droit, et une nouvelle arthrodèse a été réalisée le 4 octobre 2016, cette fois par voie postérieure avec mise en place de vis pédiculaires réunies par des tiges. En dépit de cette intervention et d'une amélioration de deux à trois mois, les douleurs lombaires ont persisté, conduisant M. E... à consulter un chirurgien orthopédiste exerçant à titre libéral au sein de la polyclinique de Bordeaux-Tondu qui a procédé, le 6 juillet 2018, à l'ablation du matériel postérieur et à une laminectomie étendue de L3 à S1. Lors des consultations qui ont suivi, il a cependant été constaté l'absence d'amélioration de la symptomatologie lombaire et de l'état de santé de M. E..., évoluant vers des symptômes s'apparentant à un syndrome de la queue de cheval avec troubles génito-urinaires. 2. M. E... a saisi une première fois, le 20 novembre 2017, la commission de conciliation et d'indemnisation (CCI) de la région Aquitaine d'une demande de réparation du préjudice qu'il imputait à l'intervention d'arthrodèse du 29 mars 2016 réalisée au CHU de Bordeaux. La CCI a diligenté une expertise confiée au professeur H..., neurochirurgien, et au docteur B..., orthopédiste, qui ont conclu dans leur rapport du 22 février 2018, que l'état de santé de M. E... n'était pas consolidé. M. E... a, le 1er février 2019, à nouveau saisi la CCI, laquelle a diligenté une nouvelle expertise confiée aux mêmes experts. Ces derniers ont conclu, dans un rapport du 16 octobre 2019, que l'intervention du 29 mars 2016 pratiquée au CHU de Bordeaux n'était pas " conforme aux données de la science au moment des faits dans sa réalisation puisque la vis gauche d'ostéosynthèse supérieure ne pénètre pas le corps vertébral de L5 ce qui a entraîné un défaut de stabilité du montage et généré la ré intervention du 4 octobre 2016 ", mais que cette prise en charge n'avait pas engendré de déficit fonctionnel permanent. La CCI, dans un avis du 5 novembre 2019, s'est alors estimée incompétente considérant que les seuils n'étaient pas atteints. 3. Par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Bordeaux sous le n° 2000983, M. E... a sollicité du juge des référés une expertise. Par une ordonnance du 4 septembre 2020, le professeur J... A..., neurochirurgien, et le docteur I... F..., spécialisé en orthopédie et traumatologie, ont été désignés en qualité d'experts. Ils ont respectivement remis leurs rapports les 14 novembre 2020 et 5 février 2022, dont M. E... s'est ensuite prévalu à l'appui d'une nouvelle demande d'indemnisation formulée auprès de la CCI, mettant en cause cette fois l'intervention d'amputation pratiquée le 30 octobre 2013 au CHU de Bordeaux et ses complications infectieuses, à l'origine d'une reprise du moignon et d'une majoration de ses lombalgies. L'intéressé étant, selon l'expert Pr A..., inapte à reprendre son activité professionnelle antérieure de menuisier-ébéniste, la commission s'est alors déclarée compétente par un nouvel avis du 16 juin 2022, et a estimé que la réparation du dommage subi par M. E... du fait de la survenue d'une infection nosocomiale au décours de la chirurgie du 30 octobre 2013 incombait à la société hospitalière d'assurance mutuelles (SHAM) en sa qualité d'assureur du CHU de Bordeaux. Elle a retenu que l'état de santé de l'intéressé était consolidé à la date du 20 août 2018 et a listé les préjudices temporaires qu'il convenait d'indemniser au titre de l'infection nosocomiale. En outre, la CCI a ordonné une expertise complémentaire confiée à un spécialiste en médecine physique et de réadaptation afin de déterminer les préjudices permanents strictement imputables à l'infection nosocomiale dont a été victime M. E.... La SHAM a refusé de présenter une offre. M. E... a saisi le juge des référés d'une demande de condamnation solidaire de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et de la SHAM à lui verser, à titre de provision, la somme de 30 000 euros à valoir sur l'indemnisation à venir de l'ensemble de ses préjudices. La société Relyens Mutual Insurance, venant aux droits de la SHAM, relève appel de l'ordonnance du 6 juillet 2023 du juge des référés qui l'a condamnée à verser à M. E... une provision de 10 000 euros. Sur la régularité de l'ordonnance : 4. En se bornant à indiquer dans sa requête sommaire que la première juge aurait insuffisamment motivé son ordonnance " au regard des moyens dont elle était saisie ", la société requérante, qui n'a pas repris ce moyen dans son mémoire complémentaire, ne met pas le juge d'appel en mesure de se prononcer sur sa critique, alors au demeurant que l'ordonnance attaquée, qui vise les textes applicables, détaille la situation médicale du requérant, se réfère aux conclusions des experts et identifie les préjudices qu'elle estime en lien avec l'infection nosocomiale en litige, est suffisamment motivée. Sur le bien-fondé de la provision : 5. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui paraît revêtir un caractère de certitude suffisant. 6. Aux termes du second alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, les professionnels de santé et les établissement, services ou organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins " sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales (...) ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. 7. En premier lieu, la nature nosocomiale de l'infection à staphylococcus lugdunensis et staphylococcus epidermidis présentée par M. E... dans les suites de l'intervention d'amputation de son membre inférieur gauche réalisée le 30 octobre 2013 au CHU de Bordeaux, n'est pas discutable, ni d'ailleurs discutée. 8. En second lieu, la survenue de cette infection a nécessité une reprise de cette amputation, opération réalisée le 15 novembre 2013 dans le même établissement, qui a conduit à un raccourcissement osseux du moignon, et, le 30 novembre suivant, à une nouvelle reprise pour évacuation d'un hématome postopératoire. La possibilité qu'elle ait également conduit à l'accélération du développement d'une pathologie lombaire préexistante est débattue lors des expertises, ainsi qu'il sera détaillé ci-après. 9. En troisième lieu, la détermination de la personne qui devra prendre en charge les préjudices en lien avec l'infection nosocomiale, seule en litige dans la présente instance, dépend de la question du taux d'incapacité permanente qu'elle a généré. L'expertise du Dr F..., si elle évalue le déficit fonctionnel permanent lié à la ré-amputation à 30 %, semble entachée d'une incohérence vis-à-vis du barème du concours médical, lequel affecte déjà l'amputation de jambe au tiers moyen, genou intact et bien appareillée, d'un déficit fonctionnel de 30 %. Dans ces conditions, la seule aggravation due à l'infection nosocomiale apparaît pouvoir raisonnablement être estimée en-deçà de 25 %, ce qui permet de considérer, comme la CCI l'a admis, qu'il appartient au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, et donc à son assureur, de prendre en charge les conséquences de cette infection. Sur l'évaluation des préjudices : 10. M. E... demande une provision pour les préjudices temporaires subis avant la consolidation de son état fixée par les deux experts au 20 décembre 2018, dès lors que les préjudices permanents font l'objet d'une nouvelle expertise ordonnée par la CCI. Toutefois, il inclut dans ses préjudices l'ensemble de ceux qui résultent des douleurs lombaires, des opérations pour les traiter et de leurs conséquences génito-sexuelles. Or si le Dr F..., spécialisé en chirurgie orthopédique et traumatologique, a estimé que l'amputation transtibiale avait pu accélérer le développement d'une pathologie lombaire préexistante, son rapport n'apporte aucune précision ni démonstration sur la part qu'aurait pu prendre l'infection nosocomiale et la réamputation dans cette causalité. Dans ces conditions, les préjudices examinés par le rapport du Pr A..., neurochirurgien, en lien avec les trois opérations lombaires réalisées en mars et octobre 2016 et juillet 2018 ne présentent pas un lien non sérieusement contestable avec l'infection nosocomiale en litige, et ne peuvent par suite donner lieu à une provision en référé. 11. Le déficit fonctionnel temporaire certainement imputable à l'infection doit dès lors être estimé seulement sur la période du 15 novembre 2013, date de l'opération de reprise du moignon à la suite du constat d'une collection purulente, jusqu'au 28 février 2014, date à laquelle le Dr F... estime la fin du déficit temporaire de classe 2. Si une première période de déficit total jusqu'à la fin du séjour en établissement de rééducation le 5 décembre 2013, peut être regardée comme un déficit total entièrement imputable à l'infection, l'incapacité partielle ultérieure aurait également été subie à la suite de la seule amputation, pour laquelle les expertises n'ont pas relevé de faute du centre hospitalier, et n'est donc que partiellement en lien avec l'infection. Il en va de même pour le déficit fonctionnel temporaire de classe 1 estimé ensuite par la CCI jusqu'à la consolidation. Dans ces conditions, il y a lieu d'évaluer, sur une base de 600 euros par mois pour un déficit total, la part non sérieusement contestable de la créance à ce titre à 1 000 euros. 12. Les souffrances en lien avec l'amputation ont été estimées par l'expert à 3,5/7. Toutefois, seules celles en lien avec le surcroît d'amputation, les deux opérations subies de ce fait et les conséquences psychologiques sont en lien certain avec l'infection nosocomiale. Dans ces conditions, la provision à ce titre peut être fixée à 3 000 euros. 13. De même, le préjudice esthétique temporaire globalement fixé à 4/7 n'est que partiellement imputable à l'infection, et il sera fait une équitable appréciation de la provision de ce chef en l'évaluant également à 3 000 euros. 14. Il résulte de tout ce qui précède que la société Relyens Mutual Insurance est fondée à demander que la provision que la SHAM, aux droits de laquelle elle vient, a été condamnée à verser à M. E... soit ramenée à 7 000 euros, et que l'appel incident de M. E... doit être rejeté. Sur les frais liés au litige : 15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. ORDONNE : Article 1er : La provision que le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'assureur du CHU de Bordeaux à verser à M. E... est ramenée à 7 000 euros. Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Relyens Mutual Insurance, au Centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à M. D... E..., et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. Fait à Bordeaux, le 15 novembre 2023. La juge d'appel des référés, G... C... La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. 2 No 23BX02082 |
||||
CETATEXT000048424287 | J4_L_2023_11_00022NT01730 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424287.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT01730, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT01730 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | SCP KERMARREC | M. Stéphane DERLANGE | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part sous le n° 1902274, d'annuler la délibération du 11 mars 2019 par laquelle le comité du syndicat intercommunal du Port du Bélon (SIPB) a approuvé la convention d'occupation temporaire d'une dépendance du domaine public maritime située en rive nord côté Riec-sur-Bélon pour y mener une activité de dégustation de produits de la mer et autorisé la signature de cette convention par la présidente du syndicat et l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public du 22 mars 2019, d'autre part sous le n° 1902290, d'annuler la décision du 24 avril 2019 du préfet du Finistère refusant d'établir un procès-verbal de contravention de grande voirie à l'encontre du restaurant " Chez Jacky " situé à Riec-sur-Belon, enfin sous le n° 2002047, d'annuler la délibération du 12 mars 2020 par laquelle le comité du syndicat intercommunal du Port du Belon a approuvé la convention d'occupation temporaire d'une dépendance du domaine public maritime située en rive nord côté Riec-sur-Belon pour y mener une activité de dégustation de produits de la mer et autorisé la signature de cette convention par la présidente du syndicat et l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public du 16 mars 2020 signée par la présidente du syndicat intercommunal. Par un jugement nos 1902274, 1902290, 2002047 du 4 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a donné acte à M. C... de son désistement de la demande n° 1902274 et a rejeté les deux autres demandes. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 3 juin 2022, M. C..., représenté par Me Nkoghe, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 4 avril 2022 en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la délibération du 12 mars 2020 et de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public du 16 mars 2020 ; 2°) d'annuler la délibération du 12 mars 2020 et l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public du 16 mars 2020 ; 3°) de mettre à la charge du défendeur une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la délibération du 12 mars 2020 est illégale en raison de l'illégalité de la procédure de mise en concurrence préalable de l'autorisation d'occupation du domaine public litigieuse, faute d'habilitation régulière donnée à la présidente du SIPB par la délibération n° 2-2019 du 11 mars 2019 compte tenu de son caractère trop imprécis ; - la procédure de mise en concurrence a méconnu l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; - en vertu du transfert de gestion de 2015, le syndicat intercommunal du Port du Bélon était incompétent pour délivrer l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public du 16 mars 2020 ; - la convention d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public méconnait l'article L. 2121-1 et l'article L. 2124-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; - elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté préfectoral n° 2015041-0005 du 10 février 2015 fixant les limites administratives du port du Bélon au regard des dispositions de l'article L. 2124-1 du code général de la propriété publique ; - elle est illégale en raison de l'absence de conformité des locaux à l'usage allégué et de ses conséquences ; - elle est illégale en raison du montant manifestement trop faible de la redevance par rapport à l'avantage retiré par l'occupant ; - elle n'a pour autre but que de pérenniser une situation aussi ancienne qu'illégale de l'exploitation d'un restaurant sur le domaine public maritime naturel, ce qui constitue un détournement de pouvoir. Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2022, la SARL " Chez Jacky ", représentée par Me Gicquelay, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de M. C... ; 2°) de mettre à sa charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête de M. C... était irrecevable devant le tribunal administratif et qu'en tout état de cause les moyens qu'il soulève ne sont pas fondés. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2023, la commune de Riec-sur-Bélon, représentée par la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieur, demande à la cour : 1°) de rejeter la requête de M. C... ; 2°) de mettre à sa charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que la requête de M. C... est irrecevable et qu'en tout état de cause les moyens qu'il soulève ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code général de la propriété des personnes publiques ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Derlange, président assesseur, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Plunier, pour la commune de Riec-sur-Belon. Considérant ce qui suit : 1. Les consorts A... exploitent, dans un cadre familial, depuis plusieurs dizaines d'années, sur le port du Bélon à Riec-sur-Bélon (Finistère) une activité de culture marine, qui fait l'objet d'une autorisation d'occupation du domaine public maritime, et une activité de restauration destinée à la dégustation de fruits de mer, sous l'enseigne " Chez Jacky ", dont l'établissement est situé sur le domaine public portuaire géré par le syndicat intercommunal du port du Bélon (SIPB) et pour lequel les intéressés ont bénéficié d'autorisations d'occupation de ce domaine public. Par un jugement du 15 octobre 2018, le tribunal administratif de Rennes a annulé, pour incompétence, l'arrêté du 27 novembre 2015 par lequel la présidente du SIPB avait autorisé, pour dix ans, Mme A... à occuper le domaine public portuaire. Le 22 mars 2019, une nouvelle autorisation d'occupation du domaine public lui a été délivrée pour la période du 1er avril au 15 octobre 2019. Parallèlement, une procédure de sélection pour l'attribution de cette autorisation d'occupation du domaine public a été engagée, au terme de laquelle, seule la SARL " Chez Jacky " s'étant portée candidate, par une délibération du 12 mars 2020 le comité syndical du SIPB a approuvé un projet d'autorisation d'occupation du domaine public par celle-ci et le 16 mars 2020 la présidente du syndicat lui a accordé une autorisation d'occupation temporaire d'une durée de cinq ans. M. C... a contesté cette délibération et cette autorisation d'occupation du domaine public devant le tribunal administratif de Rennes. Il relève appel du jugement du 4 avril 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande. 2. Eu égard à sa présentation sous la forme d'un arrêté signé par la présidente du syndicat intercommunal du port du Bélon et au fait qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la définition des conditions et obligations liées à l'occupation du bien en cause procèderait d'une volonté commune du SIPB et de Mme A..., l'autorisation d'occupation du domaine public du 16 mars 2020 doit être regardée comme une décision unilatérale. Sur la recevabilité de la requête d'appel : 3. La requête de M. C..., à laquelle était joint le jugement attaqué, ne constitue pas la simple reproduction de sa demande de première instance et énonce à nouveau l'argumentation qui lui paraît devoir fonder ses conclusions à fin d'annulation des décisions contestées. Une telle motivation répond aux conditions énoncées à l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Riec-sur-Bélon doit être écartée. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par la SARL " Chez Jacky " : 4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est propriétaire de plusieurs parcelles riveraines du domaine public maritime et de bâtiments inscrits au titre des monuments historiques, à une dizaine de mètres du restaurant " Chez Jacky ", où il réside et exploite une petite ferme ostréicole " historique ", qui propose la dégustation d'huîtres. Par suite, il justifie d'un intérêt pour agir à l'encontre des décisions contestées. La fin de non-recevoir opposée par la SARL " Chez Jacky " doit donc être écartée. En ce qui concerne la légalité de la délibération du 12 mars 2020 du comité syndical du SIPB : 5. En premier lieu, en l'absence de réglementation particulière, toute autorité gestionnaire du domaine public est compétente, sur le fondement des dispositions des articles L. 2122-1, L. 2125-1 et L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques, pour délivrer les permissions d'occupation temporaire de ce domaine et fixer le tarif de la redevance due en contrepartie de cette occupation, en tenant compte des avantages de toute nature que le titulaire de l'autorisation est susceptible de retirer de cette occupation. 6. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le syndicat intercommunal n'était pas compétent pour accorder l'autorisation d'occupation en litige. 7. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 2123-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 peuvent opérer, entre elles, un transfert de gestion des immeubles dépendant de leur domaine public pour permettre à la personne publique bénéficiaire de gérer ces immeubles en fonction de leur affectation. ". 8. Il résulte de l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2020 portant autorisation d'occupation que celle-ci est " destinée à l'exploitation d'un restaurant de dégustation de produits de la mer ". Contrairement à ce que soutient M. C..., un tel objet est conforme à l'affectation d'une dépendance du domaine public maritime portuaire. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il n'entrait pas dans la compétence du SIPB de délivrer une telle autorisation pour un établissement de restauration constituant une activité économique indépendante de l'activité portuaire, s'agissant d'un port de mouillages de plaisance. 9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction issue de l'article 3 de l'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, applicable aux titres d'occupation délivrés à compter du 1er juillet 2017 : " Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l'article L. 2122-1 permet à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique, l'autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester (...). ". 10. Il ressort des pièces du dossier qu'un appel à candidature a été diffusé le 26 décembre 2019 par le quotidien Ouest-France et sur le site internet de la commune. Il est constant que l'avis ainsi paru comportait tous les éléments utiles, tels que l'objet de l'activité économique envisagée, la description des lieux, l'autorité gestionnaire, la durée de cinq ans, la redevance prévue, le contenu du dossier de candidature éventuel... Il ressort de la délibération du 12 mars 2020 que la SARL Chez Jacky, seule candidate, a présenté un dossier de candidature reçu le 10 décembre 2019 et il n'est pas établi que M. C... aurait manifesté la moindre velléité de se porter lui-même candidat. La seule circonstance que la dépendance du domaine public portuaire en cause était déjà exploitée par la SARL Chez Jacky ne suffit pas à établir la partialité de la procédure de sélection préalable librement organisée par le SIPB en application des dispositions précitées de l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques. Par suite, M. C... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la procédure d'attribution du bien à la SARL Chez Jacky était entachée de partialité et d'un défaut de transparence. 11. En quatrième et dernier lieu, M. C... ne peut utilement invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'arrêté préfectoral n° 2015041-0005 du 10 février 2015 fixant les limites administratives du port du Bélon dès lors que la délibération litigieuse n'a pas été prise pour l'application de cet arrêté et que celui-ci n'en constitue pas directement la base légale. En ce qui concerne la légalité de l'autorisation d'occupation temporaire délivrée le 16 mars 2020 par la présidente du SIPB : 12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les biens du domaine public sont utilisés conformément à leur affectation à l'utilité publique. Aucun droit d'aucune nature ne peut être consenti s'il fait obstacle au respect de cette affectation. ". 13. Il résulte de l'article 1er de l'arrêté du 16 mars 2020 portant autorisation d'occupation que celle-ci est " destinée à l'exploitation d'un restaurant de dégustation de produits de la mer ". Contrairement à ce que soutient M. C..., un tel objet est conforme à l'affectation d'une dépendance du domaine public maritime portuaire. 14. En deuxième lieu, M. C... ne peut utilement invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de l'arrêté préfectoral n° 2015041-0005 du 10 février 2015 fixant les limites administratives du port du Bélon dès lors que l'autorisation litigieuse n'a pas été prise pour l'application de cet arrêté et que celui-ci n'en constitue pas directement la base légale. 15. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier au regard des plans et photographies produits, comme le soutient M. C..., sans d'ailleurs fonder son argumentation sur des dispositions précises opposables, que l'autorisation contestée serait illégale en raison de l'absence de conformité des locaux à l'usage allégué et de ses conséquences. 16. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. ". 17. Il ressort des pièces du dossier que la redevance de 20 022,60 euros par an prévue par l'autorisation d'occupation temporaire du 16 mars 2020 a été fixée par référence à celle évaluée à 19 727 euros par an à la suite d'une consultation du service de France Domaine du Finistère intervenue le 1er juillet 2015. Si M. C... soutient que France Domaine n'a pas procédé à une nouvelle évaluation et met en cause la consistance du bien évalué il ne conteste pas qu'elle porte sur une surface limitée à 140 m². Dans ces conditions, le SIPB n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant le montant de la redevance annuelle due par la SARL " Chez Jacky " à hauteur de 20 022,60 euros. 18. Enfin, la circonstance que l'autorisation délivrée à Mme A... ait permis de régulariser une situation ancienne d'occupation sans autorisation jusqu'en 2015 ne suffit pas à démontrer que les décisions contestées seraient intervenues dans un but étranger aux intérêts qu'il appartient au SIPB de garantir alors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment l'activité de restauration de la SARL " Chez Jacky " est conforme à l'affectation d'une dépendance du domaine public maritime portuaire et présente un intérêt économique et touristique pour le port du Bélon. 19. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la SARL " Chez Jacky " ou de la commune de Riec-sur-Bélon, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de celui-ci la somme de 1 500 euros, à verser respectivement à la SARL " Chez Jacky " et à la commune de Riec-sur-Bélon, sur le fondement des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : La requête de M. C... est rejetée. Article 2 : M. C... versera la somme de 1 500 euros respectivement à la S.A.R.L. " Chez Jacky " et à la commune de Riec-sur-Bélon, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la S.A.R.L. " Chez Jacky " et à la commune de Riec-sur-Bélon. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, S. DERLANGE Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT01730 |
CETATEXT000048424288 | J4_L_2023_11_00022NT01804 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424288.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT01804, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT01804 | 4ème chambre | plein contentieux | C | M. LAINÉ | GROLEAU | M. Stéphane DERLANGE | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société AXA France IARD a demandé au tribunal administratif de Rennes, à titre principal, de condamner in solidum, ou à défaut les uns ou les autres, la CRAMA, la société Entreprise Bihannic, la société Mutuelle d'Assurance du BTP (SMABTP), la société FCPL, la Mutuelle des architectes français (MAF), la société Sofresid Engineering, la société Soprema, la compagnie AXA Corporate Solutions, la société Aluminium Bretagne, la société Le Bel et associés, la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles, la société Groupe F2E, la compagnie Allianz, la société Avel Acoustique, la compagnie Les Souscripteurs du Lloyd's de Londres, la société Bureau Véritas à lui verser la somme de 242 665,46 euros au titre des travaux réparatoires des désordres affectant le centre culturel " Le Triskell " situé sur le territoire de la commune de Ploeren, majorée des intérêts au taux légal capitalisés et la somme de 55 143,29 euros au titre des dépens, correspondant aux frais de l'expertise judiciaire et, à titre subsidiaire, de condamner la CRAMA à lui verser la somme de 96 999,60 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre du désordre A relatif aux fissures et décollements des façades, la société Entreprise Bihannic et son assureur, la SMABTP, la société FCLP et son assureur, la MAF, la société Sofresid Engineering et son assureur, la compagnie AXA Corporate Solutions, et la société Bureau Véritas à lui verser la somme de 60 117,11 euros au titre des infiltrations par la toiture en zinc, la société Aluminium Bretagne et son assureur, la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles, à lui verser la somme de 3 243,43 euros TTC au titre des infiltrations par les verrières et menuiseries extérieures, la CRAMA, la SMABTP, la société Soprema et son assureur, la compagnie AXA Corporate Solution, à lui verser la somme de 15 583,64 euros au titre des infiltrations par les relevés d'étanchéité, la CRAMA, la SMABTP, la société FCPL et son assureur, la MAF, la société Le Bel et associés et son assureur, la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles, à lui verser la somme de 12 578,40 euros TTC au titre des infiltrations par colmatage, la société Le Bel et associés et son assureur, la compagnie MMA IARD Assurances Mutuelles, à lui verser la somme de 14 141,58 euros TTC au titre de la glissance des sols, la société Avel Acoustique et son assureur, la compagnie Les Souscripteur du Lloyd's de Londres, la société Sofresid et son assureur, la compagnie AXA Corporate Solutions, la société Groupe F2E et son assureur, la compagnie Allianz, à lui verser la somme de 12 000 euros TTC au titre de l'acoustique déficiente des salles de musique et la compagnie CRAMA à lui verser la somme de 7 200 euros TTC au titre des fissures sur le mur du parking Les Eglantiers. Par un jugement n° 1803231 du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Rennes a condamné la société Bihannic, la société FCLP et la société Sofresid Engineering in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 51 679,09 euros TTC au titre des désordres affectant la couverture en zinc de l'ouvrage (article 1er), la société Aluminium Bretagne à verser à la société AXA France IARD une somme de 3 243,43 euros TTC au titre des désordres résultant des infiltrations par les verrières et menuiseries extérieures, la société CCSB, la société SCEG et la société Soprema in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 14 509,63 euros TTC au titre des désordres tenant aux défauts des relevés d'étanchéité, la société SCEG, la société CCSB et la société FCLP in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 8 804,88 euros TTC au titre des désordres résultant des infiltrations par colmatage (article 4), la société Le Bel et associés à verser à la société AXA France IARD une somme de 9 806,88 euros au titre des désordres affectant la glissance des sols, la société Avel Acoustique, la société Groupe F2E et la société Sofresid Engineering in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 12 000 euros TTC au titre des désordres tenant à la déficience acoustique des salles de musique (article 6) et la société SCEG à verser à la société AXA France IARD une somme de 7 200 euros TTC au titre des désordres relatifs aux fissures du mur du parking Les Eglantiers (article 7), ces sommes étant assorties des intérêts à compter du 6 juillet 2018 et de leur capitalisation à la date du 6 juillet 2019 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date (article 8), et a condamné la société Bihannic à garantir la société FCLP et la société Sofresid Engineering à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à l'article 1er de ce jugement, la société FCLP à garantir la société Bihannic et la société Sofresid Engineering à hauteur de 15 % de la condamnation prononcée à l'article 1er de ce jugement, la société Sofresid Engineering à garantir la société Bihannic et la société FCLP à hauteur de 5 % de la condamnation prononcée à l'article 1er de ce jugement, la société CCSB à garantir la société FCLP à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée à l'article 4 de ce jugement, la société SCEG à garantir la société FCLP à hauteur de 10 % de la condamnation prononcée à l'article 4 de ce jugement, la société Avel Acoustique à garantir la société Groupe F2E et la société Sofresid Engineering à hauteur de 35 % de la condamnation prononcée à l'article 6 de ce jugement, la société Groupe F2E à garantir la société Avel Acoustique et la société Sofresid Engineering à hauteur de 55 % de la condamnation prononcée à l'article 6 de ce jugement et la société Sofresid Engineering à garantir la société Avel Acoustique et la société Groupe F2E à hauteur de 10 % de la condamnation prononcée à l'article 6 de ce jugement. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 13 juin 2022, la société AXA France IARD, représentée par Me Labourdette, demande à la cour de réformer le jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 avril 2022 en ce qu'il a rejeté le surplus de sa demande au titre de la responsabilité décennale et : 1°) de condamner la société SCEG à lui verser la somme de 96 999,60 euros TTC au titre des fissures et décollements des façades ; 2°) de condamner in solidum les sociétés Avel Acoustique, Sofresid Engineering, SCEG, Groupe F2E, FCLP, Bihannic, Aluminium Bretagne, CCSB, Soprema et Le Bel et associés à lui verser la somme de 20 801,70 euros TTC au titre des frais annexes ; 3°) de condamner in solidum, d'une part, les sociétés Bihannic, FCLP et Sofresid Engineering à lui verser la somme de 8 438,02 euros au titre des mesures provisoires pour les infiltrations par les couvertures zinc, et d'autre part les sociétés CCSB, SCEG et Soprema à lui verser la somme de 1 074,01 euros TTC au titre des mesures provisoires pour les défauts d'étanchéité ; 4°) de condamner in solidum les sociétés Avel Acoustique, Sofresid, SCEG, Groupe F2E, FCLP, Bihannic, Aluminium Bretagne, CCSB, Soprema et Le Bel et Associés à lui verser la somme de 55 143,29 euros TTC au titre des frais d'expertise ; 5°) de mettre à la charge solidaire des sociétés Avel Acoustique, Sofresid, SCEG, Groupe F2E, FCLP, Bihannic, Aluminium Bretagne, CCSB, Soprema et Le Bel et Associés une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le désordre A relatif aux fissures et décollement des façades engage la responsabilité décennale de la société SCEG malgré les réserves émises dès lors qu'il s'est révélé dans son ampleur et sa gravité postérieurement à la réception et qu'en tout état de cause il ressort du procès-verbal de réception du lot peinture que les reprises de peintures ont été faites en septembre 2008 postérieurement aux reprises des fissures ; - elle est fondée à demander, en tant que subrogée dans les droits de la commune de Ploeren, la condamnation in solidum des défenderesses à lui rembourser la somme de 20 801,70 euros qu'elle a été condamnée à verser par le tribunal administratif de Rennes au titre des frais annexes ; - elle est fondée à demander, en tant que subrogée dans les droits de la commune de Ploeren, la condamnation in solidum des sociétés Bihannic, FCLP et Sofresid Engineering à lui verser la somme de 8 438,02 euros au titre des mesures provisoires pour les infiltrations par les couvertures zinc et des sociétés CCSB, SCEG et Soprema à lui verser la somme de 1 074,01 euros au titre des mesures provisoires pour les défauts d'étanchéité ; - la seul circonstance qu'elle n'ait pas engagé son action subrogatoire en même temps que la demande de la commune de Ploeren ne peut changer la nature et donc le bien-fondé de sa demande de condamnation solidaire des défenderesses à lui rembourser les frais d'expertise. Par un mémoire, enregistré le 17 août 2022, la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Bretagne-Pays de Loire, en sa qualité d'assureur de la société caudanaise d'entreprise générale (SCEG), représentée par Me Mouliere, demande à la cour de rejeter les conclusions de la société AXA France IARD à son encontre et de mettre à sa charge une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le désordre A relatif aux fissures et décollement des façades n'engage pas la responsabilité décennale de la société SCEG dès lors que les réserves émises n'ont pas été levée et qu'il ne relève pas eu égard à sa gravité de la garantie de l'article 1792 du code civil ; - entreprise de gros œuvre, elle ne saurait être tenue de prendre en charge les frais annexes relatifs à la réparation de désordres dont elle n'est pas responsable ; - les conclusions de la société AXA France IARD à hauteur de 1 074,01 euros au titre des mesures provisoires pour les défauts d'étanchéité ne sont pas fondées alors qu'elles portent sur une ventilation dans le local rangement sans lien avec le désordre de fissuration imputable au maçon, qui n'a aucun caractère provisoire ; - dès lors que la société AXA France IARD a été condamnée par jugement du 31 août 2016 à rembourser les frais d'expertise à la commune qui les avait initialement exposés, elle ne peut invoquer sa qualité de subrogée dans les droits de la commune pour en demander le remboursement aux constructeurs ; si elle entend présenter une demande " au titre de son préjudice propre " et à l'encontre de sociétés privées, une telle demande ne relève pas de la compétence du juge administratif. Par des mémoires, enregistrés le 13 septembre 2022 et le 10 mai 2023, la société Sofresid Engineering, représentée par Me Majerholc-Oiknine, demande à la cour, à titre principal, de rejeter l'ensemble des conclusions à son encontre et par la voie de l'appel provoqué, à titre subsidiaire, de condamner in solidum toutes parties succombantes à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre et de limiter sa condamnation à 378,39 euros TTC au titre des frais annexes et à 5 % au titre des mesures provisoires pour les infiltrations par les couvertures zinc (421,91 euros), des frais d'expertise (2 757,17 euros) et de l'article L.761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause de mettre à la charge solidaire de toutes parties succombantes une somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa part de responsabilité est extrêmement limitée ; elle ne peut être rendue solidaire que dans cette mesure ; - les conclusions de la société Axa France IARD au titre des frais annexes et de la somme de 8 438,02 euros au titre des mesures provisoires sont irrecevables car nouvelles en appel ; - l'expert judiciaire n'a pas retenu la nécessité d'engager ces frais annexes à la réalisation des travaux ; - elle ne saurait être tenue de régler des frais annexes sur des travaux qu'elle n'a pas été condamnée à rembourser à AXA France IARD, s'agissant de désordres qui ne la concernent pas ; - la part des frais annexes susceptible de lui être imputée ne saurait excéder sa part de responsabilité retenue par le jugement attaqué ; - l'expert judiciaire avait déjà intégré le coût des mesures provisoires à hauteur de 3 937,20 euros dans son décompte des travaux de reprise des infiltrations par la couverture en zinc, si bien que la condamnation de 51 679,09 euros indemnisant la société AXA France IARD englobe le coût des mesures provisoires ; - la part au titre des mesures provisoires susceptible de lui être imputée ne saurait excéder sa part de responsabilité retenue par le jugement attaqué ; - les parties au présent litige n'ont pas à supporter des dépens qui relèvent d'une précédente instance auxquelles elles sont demeurées étrangères ; - les conclusions au titre des frais d'expertise constituent un prétendu préjudice propre de la société AXA France IARD à l'encontre de sociétés privées, qui ne relève pas de la compétence du juge administratif ; - la part au titre de ces frais susceptible de lui être imputée ne saurait excéder sa part de responsabilité retenue par le jugement attaqué ; - si un coût supplémentaire au titre des mesures provisoires relatives aux infiltrations par les couvertures zinc devait être alloué à la société AXA France IARD, elle ne saurait se voir imputer une part supérieure à sa part de responsabilité définitivement retenue par le tribunal au titre desdits désordres affectant la couverture en zinc, soit 5% correspondant à un montant maximum de 421,91euros ; - si le remboursement du coût de l'expertise devait être alloué à la société AXA France IARD, elle ne saurait se voir imputer une part supérieure à sa part de responsabilité définitivement retenue par le tribunal, soit 5% correspondant à un montant maximum de 2 757,17 euros ; - elle ne peut être condamnée in solidum avec les autres défendeurs, à les garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre, dès lors qu'elle n'a commis aucune faute à leur égard. Par un mémoire, enregistré le 19 décembre 2022, la société François Chochon - Laurent Pierre (FCLP) et la Mutuelle des Architectes Français (MAF), représentées par Me Groleau, demandent à la cour, à titre principal, de rejeter l'ensemble des conclusions à l'encontre de la société FCLP et, à titre subsidiaire, de limiter sa condamnation à 1 127 euros TTC au titre des frais annexes et de condamner in solidum toute autre partie succombante à la garantir des condamnations prononcées à son encontre et, en tout état de cause de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - elle ne peut être condamnée solidairement alors qu'il n'est pas établi qu'elle a concouru à la réalisation des dommages autres que ceux relatifs aux infiltrations par la couverture zinc et aux infiltrations par colmatage dans la salle de musique ; - les conclusions de la société Axa France IARD au titre des frais annexes et de la somme de 8 438,02 euros au titre des mesures provisoires sont irrecevables car nouvelles en appel ; - la part au titre des frais annexes susceptible de lui être imputée ne saurait excéder sa part de responsabilité retenue par le jugement attaqué, soit globalement la somme de 1 127 euros ; - l'expert judiciaire avait déjà intégré le coût des mesures conservatoires prises pour pallier aux infiltrations par la toiture zinc dans le montant global des travaux de reprise des infiltrations par la couverture en zinc, si bien que la condamnation de 51 679,09 euros indemnisant la société AXA France IARD englobe le coût des mesures provisoires ; - la société AXA France IARD ne peut faire valoir son recours subrogatoire alors qu'elle a été condamnée par le jugement du 31 août 2016 à supporter les frais d'expertise et, en tout état de cause ses conclusions au titre des frais irrépétibles constituent un préjudice propre à l'encontre de sociétés privées qui ne relève pas de la compétence du juge administratif ; - elle n'a eu qu'une part minime dans les désordres, ce qui devrait en tout état de cause conduire à limiter sa responsabilité à 10%. Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2022, la société Groupe F2E, représentée par Me Sion, demande à la cour de rejeter la requête de la société AXA France IARD, en tout état de cause, de limiter sa responsabilité au titre des frais annexes et des frais d'expertise à hauteur de sa responsabilité résiduelle et de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la société AXA France IARD ne peut pas demander, dans le cadre de la subrogation, à être remboursée de frais d'expertises auxquels elle a été condamnée dans le cadre d'un autre contentieux ; - si elle estime avoir subi un préjudice propre à ce titre, elle doit en réclamer la réparation au juge judiciaire ; - sa condamnation in solidum au titre des frais annexes et des frais d'expertise est exclue s'agissant de plusieurs désordres avec des responsabilités distinctes. Par un mémoire, enregistré le 30 janvier 2023, la société Soprema Entreprises, représentée par Me Collin, demande à la cour de condamner in solidum la société SCEG et la société CCSB à la garantir de la condamnation prononcée au titre des mesures conservatoires à hauteur de 70 %, de condamner in solidum les sociétés Avel Acoustique, Sofresid Engineering, SCEG, Groupe F2E, FCLP, Bihannic, Aluminium Bretagne, CCSB et Le Bel et associés à la garantir de toute condamnation prononcée au titre des frais annexes, des frais d'expertise et des frais irrépétibles à hauteur de 99 %, de débouter toutes parties de toutes demandes plus amples ou contraires, de rejeter toutes les conclusions de condamnation au titre des frais irrépétibles présentées à son encontre et, à tout le moins de les réduire à de plus justes proportions et de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa responsabilité a été estimée par l'expert à hauteur de 20 % de la somme de 14 509,63 euros, soit à peine plus de 1% du montant total des travaux, si bien que sa participation aux frais annexes ne devrait pas excéder 1 % de la somme de 20 801,70 euros ; - la somme de 1 074,01 euros, réglée par la société AXA France IARD, a bien servi à financer des mesures provisoires destinées à pallier l'apport d'humidité en lien avec les infiltrations (par les relevés d'étanchéité et par les fissures) observées dans le local rangement et ce, dans l'attente de la réalisation des travaux, si bien qu'en cas de condamnation, elle serait fondée à solliciter la condamnation in solidum de la société SCEG et de la société CCSB à la garantir de la condamnation prononcée à hauteur de 70 % au regard du partage de responsabilité établi par l'expert judiciaire et entériné par le tribunal administratif. Par un mémoire, enregistré le 12 avril 2023, la société Bihannic, représentée par Me Massip, demande à la cour, à titre principal, de rejeter l'ensemble des conclusions de la société AXA France IARD à l'encontre des sociétés CCSB et Bihannic, à titre subsidiaire de limiter les condamnations mises à sa charge à hauteur de sa part de responsabilité retenue par le tribunal administratif de Rennes, de condamner in solidum les sociétés FCLP et Sofresid Engineering à la garantir à hauteur de 20% des condamnations éventuellement prononcées à son encontre au titre des frais annexes, des mesures conservatoires et des frais d'expertise judiciaire, à titre très subsidiaire de condamner in solidum les sociétés FCLP, Sofresid Engineering, Soprema, Avel Acoustique, SCEG, Groupe F2E, Aluminium Bretagne et Le Bel et associés à la garantir de toutes les condamnations à son encontre et, en tout état de cause de ramener la demande de frais irrépétibles de la société AXA France IARD à de plus justes proportions et mettre à sa charge, le cas échéant in solidum avec toute autre partie succombante, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les sociétés CCSB et SMABTP ne sont pas parties à l'instance en cause d'appel ; - les conclusions de la société Axa France IARD au titre des frais annexes et de la somme de 8 438,02 euros au titre des mesures provisoires sont irrecevables car nouvelles en appel ; - la société AXA France IARD n'avait pas demandé sa condamnation au titre des frais annexes ; - ces frais annexes étant extrêmement liés aux coûts des travaux réparatoires, elle ne pourrait tout au plus qu'être condamnée in solidum avec les sociétés FCLP et Sofresid Engineering à verser à la société AXA France IARD la somme de 5 167,91 euros, correspondant à 10% du montant auquel elle a été condamnée en principal et est fondée à demander la condamnation in solidum de ces sociétés à la garantir à hauteur de 20% de la condamnation éventuellement prononcée à ce titre ; - la société AXA France IARD n'apporte aucun nouvel élément justificatif de nature à prouver d'une part qu'elle aurait indemnisé la commune de Ploeren pour des mesures conservatoires et d'autre part que ces mesures étaient nécessaires et liées au désordre des infiltrations par couverture ; - elle est fondée à demander la condamnation in solidum des sociétés FCLP et Sofresid Engineering à la garantir à hauteur de 20% de la condamnation éventuellement prononcée au titre des mesures conservatoires ; - l'exécution de la condamnation prononcée à l'encontre de la société AXA France IARD ne découle pas de l'assurance dommages-ouvrage mais tout au plus d'un préjudice propre de l'assureur, en dehors de sa police dommages ouvrage, ne relevant pas de la juridiction administrative ; - la condamnation aux dépens et en particulier aux frais d'expertise ne pourrait qu'être prononcée proportionnellement aux condamnations au principal, ce qui la limiterait à une condamnation in solidum des sociétés Bihannic, FCLP et Sofresid Engineering à verser à la société AXA France IARD la somme de 26 573,55 euros ; - elle est fondée à demander la condamnation in solidum des sociétés FCLP et Sofresid Engineering à la garantir à hauteur de 20% de la condamnation éventuellement prononcée au titre des frais d'expertise. Par un mémoire, enregistré le 26 mai 2023, la société Avel accoustique, représentée par la SCP Boquet-Dagorn, demande à la cour de rejeter la requête de la société AXA France IARD, subsidiairement de limiter sa part dans une quelconque condamnation prononcée à son encontre à 3,92 % du total, de rejeter toute demande de condamnation in solidum, et donc de garantie, et de mettre à la charge de la société AXA France IARD une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la demande au titre des frais annexes est irrecevable comme nouvelle en appel ; - le jugement rendu le 31 août 2016 par le tribunal administratif de Rennes n'a qu'une autorité relative à l'égard des tiers et la réserve sur le fait que la société AXA France IARD peut exercer des actions subrogatoires à l'encontre des participants aux opérations de construction n'est pas le soutien nécessaire du dispositif condamnant la société AXA France IARD au profit de la commune de Ploeren ; - la société AXA France IARD a été condamnée, non pas en qualité d'assureur dommages-ouvrage, mais en qualité de défendeur condamné aux dépens si bien qu'elle ne peut réclamer le paiement des dépens qu'elle a dû supporter dans le cadre d'une autre instance, à laquelle au surplus n'étaient pas parties les intimés ; - elle ne saurait, en tout état de cause, être condamnée qu'au prorata de sa part dans la condamnation totale prononcée en première instance, soit 3,92% ; - sa condamnation solidaire ne se justifie pas alors que les désordres acoustiques de la salle de musique n'ont pas le moindre rapport, quant à leur réalisation, avec les autres désordres affectant notamment la solidité du gros-œuvre, la glissance du sol ou l'étanchéité de la couverture. Par une ordonnance du 30 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 juin 2023. Un mémoire produit par la société AXA France IARD a été enregistré le 19 octobre 2023. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code des assurances ; - le code civil ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Derlange, président assesseur, - les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique, - et les observations de Me Nadalini, substituant Me Labourdette, pour la société AXA France IARD et de Me Boquet, pour la société Avel Acoustique. Considérant ce qui suit : 1. En 2004, la commune de Ploeren a décidé de construire un espace culturel multifonctionnel. La maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement d'entreprises, composé notamment de la société FCLP, en tant qu'architecte et mandataire, de la société Sofresid Engineering, en tant que bureau d'études techniques (BET) et de la société Avel Acoustique, en tant que bureau d'études acoustiques. Dix-neuf lots ont été attribués, notamment le lot n° 2 gros œuvre à la société SCEG. Par ailleurs, la commune de Ploeren a conclu, le 22 novembre 2006, un contrat d'assurance dommages-ouvrage, avec effet au 12 janvier 2006, avec la société AXA France IARD. Les travaux engagés le 12 janvier 2006 ont fait l'objet d'une réception avec réserves le 31 juillet 2008. Certaines de ces réserves n'ayant pu être levées et des désordres, notamment des infiltrations, étant apparus, la commune de Ploeren a obtenu la condamnation, le 31 août 2016, par le tribunal administratif de Rennes de la société AXA France IARD à lui verser la somme de 183 710,46 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts, au titre de la couverture de ces préjudices par le contrat d'assurance dommages-ouvrage souscrit et à lui rembourser les frais d'expertise exposés à hauteur de 55 143,29 euros, au titre des dépens. La société AXA France IARD, se prévalant de sa qualité d'assureur subrogé dans les droits de son assurée, a saisi le tribunal administratif de Rennes afin de faire condamner solidairement, ou à défaut chacun pour son fait, divers participants à cette opération de travaux, ainsi que leurs assureurs, à lui verser la somme de 242 665,46 euros au titre du coût des travaux réparatoires des désordres affectant l'ouvrage construit, ainsi que la somme de 55 143,29 euros au titre des frais d'expertise. 2. Par un jugement du 14 avril 2022, le tribunal administratif, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, en premier lieu, a condamné solidairement les sociétés Bihannic, titulaire du lot n° 5 couverture en zinc, FCLP, architecte mandataire du groupement de maîtrise d'œuvre, et Sofresid Engineering, BET du groupement de maîtrise d'œuvre, à verser à la société AXA France IARD une somme de 51 679,09 euros TTC au titre des désordres affectant la couverture en zinc (article 1er), puis a condamné la société Bihannic à garantir les deux autres à hauteur de 80 % de cette condamnation (article 12), la société FCLP à garantir Bihannic et Sofresid Engineering à hauteur de 15 % (article 13) et la société Sofresid Engineering à garantir Bihannic et FCLP à hauteur de 5 % (article 14), en deuxième lieu, a condamné la société Aluminium Bretagne, titulaire du lot n° 8 menuiseries extérieures, à verser à la société AXA France IARD une somme de 3 243,43 euros TTC au titre des désordres résultant des infiltrations par les verrières et menuiseries extérieures (article 2), en troisième lieu, a condamné solidairement les sociétés CCSB, lot n° 6 couvertures d'ardoise, SCEG, lot n° 2 gros œuvre, et Soprema, lot n° 7 étanchéité terrasses, à verser à la société AXA France IARD une somme de 14 509,63 euros TTC au titre des désordres tenant aux défauts des relevés d'étanchéité (article 3), en quatrième lieu, a condamné solidairement les sociétés SCEG, CCSB et FCLP à verser à la société AXA France IARD une somme de 8 804,88 euros TTC au titre des désordres résultant des infiltrations dans une salle de musique par colmatage d'une canalisation (article 4), et pour la répartition de cette indemnité a condamné les sociétés CCSB et SCEG à garantir la société FCLP à hauteur respectivement de 50 % (article 15) et 10 % (article 16), en cinquième lieu, a condamné la société Le Bel et associés, lot n° 13 revêtements de sols et faïences, à verser à la société AXA France IARD une somme de 9 806,88 euros au titre des désordres affectant la glissance des sols (article 5), en sixième lieu, a condamné solidairement les sociétés Avel Acoustique, FEE, lot n° 17 chauffage-ventilation, et Sofresid Engineering à verser à la société AXA France IARD une somme de 12 000 euros TTC au titre des désordres tenant à la déficience acoustique des salles de musique (article 6), et a condamné ces sociétés à se garantir mutuellement à hauteur respectivement de 35 % (article 17), 55 % (article 18) et 10 % (article 19), en septième lieu, a condamné la société SCEG à verser à la société AXA France IARD une somme de 7 200 euros TTC au titre des désordres relatifs aux fissures du mur du parking Les Eglantiers, en huitième lieu, a assorti les condamnations prononcées par les articles 1 à 7 des intérêts, à compter du 6 juillet 2018, et de leur capitalisation à compter du 6 juillet 2019 et à chaque échéance annuelle, en dernier lieu, a rejeté le surplus des conclusions de la société AXA France IARD et des autres parties (articles 9 à 11 et 20). La compagnie AXA France IARD relève appel de ce jugement et en demande la réformation en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, aux fins d'obtenir en outre 96 999,60 euros au titre des fissures et décollements des façades, 20 801,70 euros au titre des frais annexes, 9 512,03 euros au titre des mesures provisoires et 55 143,29 euros au titre des frais d'expertise. Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel : 3. D'une part, il ressort du dossier de première instance et du jugement attaqué, en particulier de ses visas et points 17 et 19, que la société AXA France IARD avait saisi le tribunal administratif de conclusions tendant au versement à son profit des sommes de 8 438,02 euros et 1 074,01 euros au titre des mesures conservatoires. Par suite, les fins de non-recevoir tirées de ce qu'il s'agirait de conclusions nouvelles en appel doivent être écartées. D'autre part, il ressort du dossier de première instance et du jugement attaqué, en particulier de ses visas, que la société AXA France IARD avait demandé au tribunal le versement à son profit de la somme globale de 242 665,46 euros au titre des travaux réparatoires, qui correspond au total des chefs de préjudice dont elle a demandé également l'indemnisation à titre subsidiaire et d'un montant de 20 801,70 euros qui correspond exactement au montant demandé à la cour au titre des frais annexes. Par suite, les fins de non-recevoir tirées de ce qu'il s'agirait de conclusions nouvelles en appel doivent être écartées, y compris s'agissant de la société Bihannic visée par la demande globale de 242 665,46 euros. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : 4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la subrogation légale de l'assureur dans les droits et actions de l'assuré est subordonnée au seul paiement à l'assuré de l'indemnité d'assurance en exécution du contrat d'assurance et ce, dans la limite de la somme versée. En ce qui concerne les fissures et décollements de façades : 5. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. En l'absence de stipulations particulières prévues par les documents contractuels, lorsque la réception est prononcée avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs ne se poursuivent qu'au titre des travaux ou des parties de l'ouvrage ayant fait l'objet des réserves. 6. La société AXA France IARD soutient, qu'en tant que subrogée dans les droits de la commune de Ploeren, elle a droit au remboursement de la somme de 96 999,60 euros relative à des fissures et décollements de façades malgré les réserves émises dès lors que ces désordres se sont révélés dans leur ampleur et gravité postérieurement à la réception et qu'en tout état de cause il ressort du procès-verbal de réception du lot peinture que les reprises de peintures ont été faites en septembre 2008 postérieurement aux reprises des fissures. 7. D'une part, il ressort du procès-verbal de réception du lot n° 2 gros œuvre du 31 juillet 2008 qu'il prononce la réception des travaux de ce lot avec des réserves mises à jour le 17 juillet 2008, portant notamment sur des fissures et cloquages des extérieurs des maisons et de la salle polyvalente, des fissures sur le mur de l'abri parents de l'extérieur de la médiathèque, des fuites en plafond et dans les angles dans la zone de circulation du secteur maison et une infiltration au niveau du sas menant à la salle polyvalente, supposant diverses reprises, réparations et finitions de la part de la société SCEG, titulaire du lot. Contrairement à ce que soutient la société AXA France IARD les vices qui ont été constatés par l'expert, page 17 de son rapport remis le 26 février 2015, ne sont pas distincts de ceux qui avaient fait l'objet de réserves le 31 juillet 2008, même si du fait de l'écoulement du temps certains des désordres constatés se sont aggravés, les fissures devenant infiltrantes et les cloquages entrainant des décollements en façades. Par suite, la commune de Ploeren doit être considérée comme ayant eu connaissance de ces vices lors de la réception et ne pouvait ignorer leurs conséquences à terme. 8. D'autre part, contrairement à ce que soutient la société AXA France IARD, le fait que le procès-verbal de réception du lot peinture, également établi le 31 juillet 2008, ne mentionne l'existence que d'une fissure et qu'il porte la mention " fait le 15/09 ", eu égard à l'objet spécifique de ce procès-verbal ne permet pas d'attester que des reprises des désordres constatés dans le procès-verbal de réception du lot n° 2 gros œuvre auraient été réalisées entre la date du 31 juillet 2008 et celle du 15 septembre 2008. 9. Il résulte des deux points précédents que, la responsabilité décennale des constructeurs ne pouvant être recherchée pour des désordres apparents à la réception, la société AXA France IARD n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de 96 999,60 euros relative à des fissures et décollements de façades. En ce qui concerne les " frais annexes " : 10. La société AXA France IARD se borne à demander la condamnation in solidum des défenderesses à lui verser la somme de 20 801,70 euros au motif que le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée à verser à la commune de Ploeren cette somme, correspondant à 10% du montant de 228 818,73 euros des travaux réparatoires, pour financer les interventions d'un maître d'œuvre, d'un contrôleur technique et d'un coordinateur sécurité protection santé et qu'elle lui a payé ladite somme en application du contrat d'assurance souscrit. 11. Toutefois, la seule qualité de subrogée dans les droits de la commune, sur le fondement du contrat d'assurance, ne lui ouvre pas le droit à être indemnisée par les constructeurs, sur le fondement de leur responsabilité décennale, faute de préciser à quel titre et dans quelle mesure chacun de ceux-ci devrait supporter la charge des sommes qu'elle a versées à son assurée. Dès lors que la société AXA France Iard ne précise pas pour quels motifs ces sociétés devraient prendre en charge ces frais de maîtrise d'œuvre, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande de 20 801,70 euros au titre de ces " frais annexes ". En ce qui concerne les mesures conservatoires : 12. D'une part, il ressort de la page 38 du rapport d'expertise que la commune de Ploeren, pour faire face aux désordres en cause, en particulier aux infiltrations, a dû prendre diverses mesures provisoires comme la mise en place de protections dans la médiathèque, l'intervention de personnel technique pour un cheminement extérieur, la fourniture de petit matériel et l'achat de bâches, pour un total de 8 438,02 euros, et la ventilation d'un local pour 1 074,01 euros. Il ne résulte pas de l'instruction que, comme le prétendent les sociétés FCLP et MAF, ces sommes auraient été intégrées dans le poste de 51 679,09 euros relatif aux désordres de la couverture zinc évalué par l'expert et repris par le tribunal administratif. En revanche, il résulte de l'instruction que ces sommes de 8 438,02 euros et 1 074,01 euros ont été prises en compte par le tribunal administratif de Rennes en 2016 pour condamner la société AXA France IARD à verser une indemnité totale de 183 710,63 euros à la commune de Ploeren, que la société lui a payé en lui transmettant un chèque de 242 665,46 euros correspondant à la condamnation au principal prononcée à son encontre, assortie des intérêts, des frais d'expertise et des frais de l'instance. Dans ces conditions, la société AXA France IARD est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ne lui ont pas alloué également ces sommes de 8 438,02 euros et 1 074,01 euros. 13. D'autre part, eu égard au fait que l'expert a constaté que ces préjudices sont en lien avec les désordres par la couverture zinc à l'exception du coût de ventilation en lien avec les désordres d'étanchéité et qu'il n'y a pas de contestation sérieuse sur la part de responsabilité de chaque constructeur dans la survenance de ces désordres, il y a lieu de fixer les taux de garantie dans le premier cas à 80 % pour la société Bihannic, 15 % pour la société FCLP et 5 % pour la société Sofresid Engineering, et dans le second cas à 50 % pour la société SCEG, 30 % pour la société CCSB et 20 % pour la société Soprema. Toutefois, dès lors que la société Soprema a limité ses conclusions d'appel en garantie à 70 % concernant les sociétés SCEG et CCSB, il y a lieu de fixer leur taux de garantie respectif à 45 % et 25 %. En ce qui concerne les frais d'expertise : 14. La société AXA France IARD n'est pas fondée à demander le remboursement à titre de dépens de la somme de 55 143,29 euros correspondant au coût des frais d'expertise exposés par la commune de Ploeren, qui a obtenu qu'elle soit mise à la charge de cette société aux termes du jugement du 31 août 2016, dès lors qu'elle n'a pas exposé de frais d'une telle nature dans le cadre du litige actuel. Au surplus, elle ne peut pas davantage prétendre à cette somme au titre de la subrogation légale de l'article L. 121-12 du code des assurances dès lors que ces frais remboursés au titre des dépens en 2016 ne relèvent pas d'un dommage du fait d'un tiers ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur au titre du contrat d'assurance. Par suite, la société AXA France IARD, qui se borne à soutenir qu'elle aurait obtenu les frais en cause si elle l'avait demandé en même temps que la commune de Ploeren, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande d'une somme de 55 143,29 euros au titre des frais d'expertise. Sur les frais liés au litige : 15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société AXA France IARD, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement des sommes que les autres parties demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge solidaire des parties condamnées aux points précédents la somme de 1 500 euros, à verser à la société AXA France IARD, sur le fondement des mêmes dispositions. D E C I D E : Article 1er : Les sociétés Bihannic, FCLP et Sofresid Engineering sont condamnées in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 8 438,02 euros au titre des mesures conservatoires de la couverture zinc. Article 2 : Les sociétés SCEG, CCSB et Soprema sont condamnées in solidum à verser à la société AXA France IARD une somme de 1 074,01 euros au titre des mesures conservatoires de ventilation. Article 3 : La société Bihannic garantira la société FCLP et la société Sofresid Engineering à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à l'article 1er. Article 4 : La société FCLP garantira la société Bihannic et la société Sofresid Engineering à hauteur de 15 % de la condamnation prononcée à l'article 1er. Article 5 : La société Sofresid Engineering garantira la société Bihannic et la société FCLP à hauteur de 5 % de la condamnation prononcée à l'article 1er. Article 6 : La société Soprema garantira la société CCSB et la société SCEG à hauteur de 20 % de la condamnation prononcée à l'article 2. Article 7 : La société CCSB garantira la société SCEG à hauteur de 30 % de la condamnation prononcée à l'article 2. Article 8 : La société SCEG garantira la société CCSB à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée à l'article 2. Article 9 : La société CCSB garantira la société Soprema à hauteur de 25 % de la condamnation prononcée à l'article 2. Article 10 : La société SCEG garantira la société Soprema à hauteur de 45 % de la condamnation prononcée à l'article 2. Article 11 : Le jugement du tribunal administratif de Rennes n° 1803231 du 14 avril 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 à 10 du présent arrêt. Article 12 : Les sociétés Sofresid, SCEG, FCLP, Bihannic, CCSB et Soprema verseront in solidum la somme de 1 500 euros à la société AXA France IARD, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 13 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 14 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Bretagne-Pays de Loire, à la société Bihannic, à la société François Chochon - Laurent Pierre (FCLP), à la mutuelle des architectes français (MAF), à la société Sofresid Engineering, à la société Soprema, à la société Aluminium Bretagne, à la société Le Bel et associés, à la société Groupe F2E, à la société Avel Acoustique et à la société AXA France IARD. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, S. DERLANGE Le président, L. LAINÉ Le greffier, C. WOLF La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT01804 |
CETATEXT000048424289 | J4_L_2023_11_00022NT02531 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424289.xml | Texte | CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/11/2023, 22NT02531, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02531 | 3ème chambre | plein contentieux | C | Mme BRISSON | SELARL CORNET VINCENT SEGUREL | M. Xavier CATROUX | M. BERTHON | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire du 11 mars 2019 rejetant sa demande tendant au paiement de la dotation jeunes agriculteurs. Par un jugement n° 1909772 du 9 juin 2022, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision. Procédure devant la cour : Par une requête enregistrée le 3 août 2022, la Région des Pays de la Loire, représentée par Me Marchand, demande à la cour : 1°) d'annuler ce jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes ; 2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal ; 3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - c'est à tort que le tribunal a annulé la décision de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire rejetant la demande de paiement de la dotation jeunes agriculteurs formée par de M. B... au motif qu'elle était entachée d'une erreur de droit, dès lors que la présidente du conseil régional des Pays de la Loire et la préfète de Maine-et-Loire étaient compétentes, dans le cadre de la marge de manœuvre reconnue par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne aux autorités des Etats membres pour appliquer le droit de l'Union, pour définir parmi les conditions du versement de l'aide précisées dans la décision d'attribution de cette aide du 4 avril 2017, la transmission de la demande de paiement accompagnée des pièces justificatives de son installation dans un délai de douze mois ; - la décision contestée était suffisamment motivée ; - aucune procédure contradictoire n'était obligatoire préalablement à l'édiction de la décision contestée, s'agissant d'une décision statuant sur une demande. Par une intervention, enregistrée le 1er mars 2022, et présentée à l'appui de la requête, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande à la cour d'annuler le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes et de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal. Il fait valoir que : - c'est à tort que le tribunal a annulé la décision de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire rejetant la demande de paiement de la dotation jeunes agriculteurs formée par de M. B... au motif qu'elle était entachée d'une erreur de droit, dès lors qu'en érigeant, notamment par l'instruction technique DGPAAT/SDEA/2015-330 du 9 avril 2015 du ministre de l'agriculture, comme préalable au versement de la dotation jeunes agriculteurs la communication par le bénéficiaire des pièces justificatives de son installation dans un délai de douze mois, l'administration s'est bornée à utiliser la marge de manœuvre dont elle dispose pour appliquer le droit européen sur le fondement de lignes directrices permettant de faire respecter sa mise en œuvre, et notamment le délai de neuf mois dans lequel l'installation doit intervenir ; - la décision contestée était suffisamment motivée ; - aucune procédure contradictoire n'était obligatoire préalablement à l'édiction de la décision contestée, s'agissant d'une décision statuant sur une demande ; - elle n'est pas entachée d'une erreur de fait, dès lors que l'administration ne disposait pas de l'ensemble des documents lui permettant de lui octroyer le premier acompte de l'aide. La requête a été communiquée à M. B..., qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces des dossiers. Vu : - le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ; - le règlement UE n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ; - le code rural et de la pêche maritime ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - l'arrêté du 22 août 2016 relatif à la mise en œuvre des aides à l'installation ; - l'arrêté du 22 août 2016 relatif aux conditions d'octroi de la dotation aux jeunes agriculteurs ; - l'arrêté du 28 décembre 2016 fixant les conditions de participation des chambres d'agriculture à la politique d'installation en agriculture ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Catroux, - les conclusions de M. Berthon, rapporteur public, - et les observations de Me Pasquet, représentant la région des Pays de la Loire. Considérant ce qui suit : 1. M. B... a sollicité, à la fin de l'année 2016, le bénéfice de la dotation jeunes agriculteurs pour son exploitation agricole, exerçant une activité laitière et avicole, située sur le territoire de la commune de Montilliers et de la commune nouvelle de Lys-Haut-Layon (Maine-et-Loire). Par une décision du 4 avril 2017 prise conjointement par la présidente du conseil régional des Pays de la Loire et la préfète de Maine-et-Loire, cette aide lui a été accordée pour un montant de 14 000 euros. M. B... a présenté, le 14 mars 2018, une demande tendant au paiement d'un acompte, de 80%, sur le montant de la dotation. Par une décision du 11 mars 2019, la présidente du conseil régional des Pays de la Loire a rejeté cette demande au motif qu'elle n'était pas conforme aux conditions d'octroi de l'aide, dès lors que plusieurs pièces justificatives à produire à l'appui de la demande de paiement, à savoir la copie des baux ruraux sur les parcelles d'assiette de l'exploitation ainsi que les justificatifs de réalisation des investissements nécessaires au démarrage de l'activité qui étaient inscrits dans le plan d'entreprise produit à l'appui de la demande tendant à l'attribution de l'aide, n'avaient été produites qu'au cours du mois de septembre de l'année 2018, soit après l'expiration du délai de douze mois à compter de la date d'attribution des aides. Par un jugement du 9 juin 2022, dont la Région Pays de la Loire relève appel, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire du 11 mars 2019. Sur l'intervention du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire : 2. Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a intérêt à l'annulation du jugement attaqué. Ainsi son intervention est recevable. Sur le cadre juridique : 3. En premier lieu, aux termes de l'article 63 du règlement (UE) n° 1306/2013 du 17 décembre 2013 visé ci-dessus : " Lorsqu'il est constaté qu'un bénéficiaire ne respecte pas les critères d'admissibilité, les engagements ou les autres obligations relatifs aux conditions d'octroi de l'aide ou du soutien prévus par la législation agricole sectorielle, l'aide n'est pas payée (...) ". 4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 du règlement (UE) n° 1305/2013 du 17 décembre 2013 : " 1. L'aide au titre de la présente mesure couvre : / a) l'aide au démarrage d'entreprises pour / i) les jeunes agriculteurs ; (...) 4. L'aide prévue au paragraphe 1, point a), est subordonnée à la présentation d'un plan d'entreprise. La mise en œuvre du plan d'entreprise commence au plus tard dans un délai de neuf mois à compter de la date de la décision d'octroi de l'aide. (...) 5. L'aide prévue au paragraphe 1, point a) est versée en deux tranches au moins, sur une période de cinq ans au maximum. Les tranches peuvent être dégressives. Le paiement de la dernière tranche, prévu au paragraphe 1, points a) i) et a) ii), est subordonné à la bonne mise en œuvre du plan d'entreprise. (...) ". Aux termes de l'article L. 330-1 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction applicable au litige : " L'Etat détermine le cadre réglementaire national de la politique d'installation et de transmission en agriculture, notamment la nature et les critères d'attribution des aides à l'installation. La mise en œuvre en est assurée à l'échelon régional sous l'autorité conjointe du préfet de région et du président du conseil régional (...) / Pour bénéficier du dispositif d'aide à l'installation, les candidats doivent justifier de leur capacité à réaliser un projet viable par la détention d'une capacité professionnelle. Les candidats élaborent un projet global d'installation couvrant les aspects économiques et environnementaux. ". 5. Aux termes de l'article D. 343-5 du code rural et de la pêche maritime : " Le bénéficiaire des aides mentionnées à l'article D. 343-3 s'engage à : / 1° Commencer de mettre en œuvre le plan d'entreprise mentionné à l'article D. 343-7 au plus tôt à la date de dépôt de la demande d'aide et dans un délai maximal de neuf mois à compter de la décision d'octroi d'aide (...) / 7° Se conformer aux obligations liées aux vérifications et contrôles administratifs relatifs à la mise en œuvre du plan d'entreprise ; / 9° S'installer et réaliser son projet conformément au plan d'entreprise et informer l'autorité compétente des changements dans la mise en œuvre du projet ; (...). " Aux termes de son article D. 343-7 du même code : " Le plan d'entreprise expose : / -la situation initiale de l'exploitation ; / -les étapes et les objectifs définis en vue de son développement ; / -l'évolution des moyens de production ; / -le programme d'investissements, comprenant la liste des investissements nécessaires au développement des activités et, le cas échéant, ceux relatifs à la mise aux normes ; / -les éléments justifiant des éventuelles modulations de la dotation jeunes agriculteurs ; / -l'évolution prévisionnelle du revenu disponible agricole pendant les quatre premières années d'activité. / Un arrêté du ministre chargé de l'agriculture précise les conditions de vérification de la viabilité du projet d'installation et de suivi du plan d'entreprise. ". Aux termes de l'article D. 343-12 du même code : " Les montants de la dotation jeunes agriculteurs sont fixés conjointement par le président du conseil régional et le préfet de région après consultation du comité régional à l'installation et à la transmission, dans des conditions définies par arrêté des ministres chargés de l'agriculture et du budget. / Ces montants comprennent la participation du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), de l'Etat et, le cas échéant, des autres financeurs. (...). ". Aux termes de l'article D. 343-17 de ce code : " Les décisions concernant les demandes d'aides relevant des programmes de développement rural sont prises par l'autorité de gestion mentionnée au I de l'article 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 relative à la modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, conjointement avec le préfet et, le cas échéant, les autres financeurs, ou par le préfet lorsque les décisions concernent les demandes d'aides ne relevant pas des programmes de développement rural régionaux dont l'Etat est unique financeur. / Préalablement à son installation, le candidat adresse sa demande au service chargé de l'instruction des dossiers dans le ressort duquel est situé le siège social de l'exploitation. (...) ". Aux termes de l'article D. 343-18 dudit code : " Le respect des engagements prévus aux articles D. 343-5 et suivants fait l'objet de contrôles sur pièces et sur place à l'initiative des autorités mentionnées à l'article D. 343-17. Ces contrôles sont effectués par les services chargés de l'instruction des dossiers ou par l'organisme payeur agréé. ". 6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 22 août 2016 relatif aux conditions d'octroi de la dotation aux jeunes agriculteurs visé ci-dessus : " Lorsque le bénéficiaire relève des formes d'installation à titre principal ou à titre secondaire, le paiement de la DJA est effectué en principe en deux versements. / Le premier, à hauteur de 80 % est effectué au moment de la constatation de l'installation comme chef d'exploitation. Le second, à hauteur de 20 % a lieu au cours de la cinquième année, après contrôle de la bonne mise en œuvre du projet. (...). ". 7. En dernier lieu, une décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention. Il en résulte que les conditions mises à l'octroi d'une subvention sont fixées par la personne publique au plus tard à la date à laquelle cette subvention est octroyée. Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges : 8. Aux termes de l'article 5, relatif au versement de la dotation jeunes agriculteurs, de la décision précitée du 4 avril 2017 d'attribution de l'aide, ce versement " est effectué en deux fractions : - la première fraction (acompte) (...) est versée sur justification de la réalisation de l'installation. Cette réalisation de l'installation sera confirmée par l'établissement d'un certificat de conformité. Elle devra être conforme à la situation initiale décrite dans le plan d'entreprise et s'être effectuée au plus tard 9 mois à compter de la date de la présente décision (...). Le bénéficiaire doit adresser à la Chambre d'agriculture de Maine-et-Loire le formulaire de demande de paiement, ainsi que les pièces justificatives nécessaires au paiement, au plus tard dans un délai de 12 mois à compter de la date de la présente décision ". 9. La présidente du conseil régional de la Région Pays de la Loire, autorité de gestion de l'aide en cause, et la préfète de Maine-et-Loire étaient compétentes en vertu des dispositions précitées des articles D. 343-12 et D. 343-17 du code rural et de la pêche maritime pour décider de cette aide et en fixer le montant. Elles tenaient, dès lors, de leur qualité d'autrices de la décision du 4 avril 2017, le pouvoir d'imposer à son bénéficiaire, par cette décision, une condition à l'octroi de la subvention consistant dans la présentation dans un délai déterminé de la demande de paiement, complétée des pièces justificatives nécessaires au contrôle de sa conformité. En effet, le respect d'une telle condition, sans découler nécessairement de l'objet même de cette subvention, présentait une utilité pour la bonne mise en œuvre de celle-ci. 10. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a jugé que la décision du 11 mars 2019 de la présidente du conseil régional des Pays de la Loire était entachée d'une erreur de droit, faute de base légale. 11. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal. Sur les autres moyens soulevés par M. B... : 12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...)/ 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / 5° Opposent une prescription, une forclusion ou une déchéance ; / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ". 13. La décision contestée mentionne les considérations de droit qu'elle applique. Elle précise, en particulier, que l'intéressé ne répond pas aux conditions définies à l'article 19 du règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013, qui édicte les modalités d'octroi de la dotation jeunes agriculteurs. Elle est, par suite, contrairement à ce que soutient M. B..., suffisamment motivée en droit. 14. En deuxième lieu, la décision contestée a été prise sur demande de M. B.... De plus, elle se borne à exécuter la décision d'octroi de l'aide du 4 avril 2017 en tirant les conséquences du non-respect d'une condition posée par cette dernière. Elle n'en constitue donc pas le retrait. Enfin, elle n'a pas été prise en considération de la personne de l'intéressé. Le moyen tiré de l'absence de mise en œuvre de la procédure contradictoire préalablement à son édiction doit, dès lors, être écarté comme inopérant. 15. En dernier lieu, il est constant que la demande de paiement formée par M. B... n'a été complétée par la transmission d'une copie des baux ruraux et par celle des justificatifs des investissements nécessaires au démarrage de l'activité qu'en septembre 2018, soit plus de douze mois après l'octroi de la dotation jeunes agriculteurs. Les circonstances selon lesquelles l'intimé n'aurait pas reçu les relances de l'administration tendant à la production de ces pièces et que l'administration les aurait préalablement obtenues dans le cadre de l'instruction de la demande d'autorisation d'exploitation le concernant sont sans incidence sur le caractère tardif de la transmission dans le cadre de la demande de paiement de l'aide en litige. Les moyens tirés de l'erreur de fait et d'appréciation invoqués au regard de cette tardiveté doivent, dès lors, être écartés. 16. Il résulte de tout ce qui précède que la région Pays de la Loire est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la présidente de son conseil régional du 11 mars 2019. Sur les frais d'instance : 17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B..., la somme que la Région Pays de la Loire demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. DÉCIDE : Article 1er : L'intervention du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire est admise. Article 2 : Le jugement du 9 juin 2022 du tribunal administratif de Nantes est annulé. Article 3 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la Région des Pays de la Loire, à M. A... B... et au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Brisson, présidente, - M. Vergne, président assesseur, - M. Catroux, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. Le rapporteur, X. CATROUXLa présidente, C. BRISSON La greffière, A. MARTIN La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne, et à tous commisaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02531 |
CETATEXT000048424290 | J4_L_2023_11_00022NT02534 | CETAT | texte/juri/admin/CETA/TEXT/00/00/48/42/42/CETATEXT000048424290.xml | Texte | CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/11/2023, 22NT02534, Inédit au recueil Lebon | 2023-11-17 00:00:00 | CAA de NANTES | 22NT02534 | 4ème chambre | excès de pouvoir | C | M. LAINÉ | LEROY CHARLINE | Mme Pénélope PICQUET | Mme ROSEMBERG | Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de l'arrêté du 30 avril 2020 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor lui a ordonné de se dessaisir de toutes les armes en sa possession dans un délai de trois mois, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie et a prononcé le retrait de la validation de son permis de chasser. Par un jugement no 2002591 du 2 juin 2022, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Procédure devant la cour : Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2022, M. B..., représenté par Me Leroy, demande à la cour : 1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 2 juin 2022 ; 2°) d'annuler l'arrêté du 30 avril 2020 du préfet des Côtes-d'Armor ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la procédure de dessaisissement d'armes a été instruite dans des délais anormalement longs ; - il n'a pas eu accès à l'information transmise par l'agence régionale de santé du 17 février 2017, visée dans l'arrêté contesté ; - les faits qui lui sont reprochés sont anciens et les violences pour lesquelles il a été condamné ont lieu avec sa voiture, c'est-à-dire une arme par destination, et non une arme par nature ; - il ne revêt nullement un caractère de dangerosité, que ce soit pour lui-même ou pour les autres et, depuis les faits, sa vie est redevenue normale ; - dès lors que le dessaisissement sera annulé, il y aura lieu d'annuler également l'interdiction de détenir ou d'acquérir des armes enregistrée au fichier national des interdits d'acquisition et de détention d'armes ; - dès lors que le dessaisissement sera annulé, il y aura lieu d'annuler également le retrait de la validation du permis de chasser. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2022, le préfet des Côtes-d'Armor conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est irrecevable dès lors qu'elle se borne à reproduire à l'identique la demande de première instance ; - il était en situation de compétence liée et en tout état de cause, les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés. Vu : - le code pénal ; - le code de la sécurité intérieure ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Picquet, - et les conclusions de Mme Rosemberg, rapporteure publique. Considérant ce qui suit : 1. Le 24 novembre 2016, M. B... a déclaré auprès des services préfectoraux l'acquisition d'une carabine de marque Marlin. Le préfet des Côtes-d'Armor a alors constaté que l'intéressé avait fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits commis le 7 novembre 2013 de refus par un conducteur d'obtempérer à une sommation de s'arrêter dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité, de délit de fuite après un accident par le conducteur d'un véhicule terrestre et de violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité. Par courrier du 10 mars 2017, M. B... a été informé qu'une procédure de dessaisissement des armes en sa possession était envisagée et invité à présenter ses éventuelles observations. En réponse, M. B... a proposé de se soumettre à une expertise psychologique. Le 12 octobre 2018, le préfet des Côtes-d'Armor lui a rappelé qu'il demeurait en attente de cette expertise auprès d'un médecin agréé pour prendre sa décision. Par arrêté du 30 avril 2020, le préfet des Côtes-d'Armor a ordonné à M. B... de se dessaisir de toutes les armes en sa possession dans un délai de trois mois, lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes de toute catégorie, a retiré la validation de son permis de chasser et l'a informé de son inscription au Fichier national des interdits d'acquisition et détention d'armes (FINIADA). M. B... a demandé au tribunal administratif de Rennes l'annulation de cet arrêté préfectoral. Par un jugement du 2 juin 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande. Il fait appel de ce jugement. 2. Aux termes de l'article L. 312-11 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice des dispositions de la sous-section 1, le représentant de l'Etat dans le département peut, pour des raisons d'ordre public ou de sécurité des personnes, ordonner à tout détenteur d'une arme, de munitions et de leurs éléments de toute catégorie de s'en dessaisir. (...) ". Aux termes de l'article L. 312-3 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Sont interdites d'acquisition et de détention d'armes, de munitions et de leurs éléments des catégories A, B et C : 1° Les personnes dont le bulletin n° 2 du casier judiciaire comporte une mention de condamnation pour l'une des infractions suivantes : (...) - violences volontaires prévues aux articles 222-7 et suivants dudit code ; (...) ". Aux termes de l'article 222-13 du code pénal : " Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail sont punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende lorsqu'elles sont commises (...) 10° Avec usage ou menace d'une arme ; (...) ". Aux termes de l'article 132-75 du code pénal : " Est une arme tout objet conçu pour tuer ou blesser. Tout autre objet susceptible de présenter un danger pour les personnes est assimilé à une arme dès lors qu'il est utilisé pour tuer, blesser ou menacer ou qu'il est destiné, par celui qui en est porteur, à tuer, blesser ou menacer. (...) ". Aux termes de l'article L. 312-16 du code de la sécurité intérieure : " Un fichier national automatisé nominatif recense : (...) 2° Les personnes interdites d'acquisition et de détention d'armes des catégories A, B et C en application de l'article L. 312-3 ; (...) ". Aux termes de l'article R. 312-67 de ce code : " Le préfet ordonne la remise ou le dessaisissement de l'arme ou de ses éléments dans les conditions prévues aux articles L. 312-7 ou L. 312-11 lorsque : 1° Le demandeur ou le déclarant se trouve dans une situation prévue aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 312-16 ; (...) ". 3. Il ressort de l'arrêté contesté du 30 avril 2020 que le préfet des Côtes-d'Armor, pour ordonner à M. B... de se dessaisir de toutes les armes en sa possession dans un délai de trois mois s'est fondé sur l'article L. 312-3 du code de la sécurité intérieure, en retenant que le bulletin n° 2 du casier judiciaire de l'intéressé comportait une condamnation mentionnée à l'article précité. Il ressort des pièces du dossier que le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc a prononcé à l'encontre de M. B..., le 20 janvier 2014, une peine de cinq mois d'emprisonnement notamment pour violence avec usage ou menace d'une arme sans incapacité. Le requérant ne saurait utilement se prévaloir de ce que les faits sont anciens, dès lors qu'il n'est ni établi ni même allégué qu'il aurait obtenu l'effacement de la condamnation précitée du bulletin n° 2 de son casier judiciaire. En tout état de cause, contrairement à ce qu'il soutient, une voiture peut être regardée comme une arme par destination au sens de l'article 132-75 du code pénal donc comme une arme au sens de l'article 222-13 du même code. Dans ces conditions, et quelle que soit par ailleurs l'attitude de l'intéressé depuis cette condamnation, le préfet était tenu, en application des dispositions précitées du 1° de l'article L. 312-3, et des articles L. 312-16 et R. 312-67 du code de la sécurité intérieure de prendre à son encontre une mesure d'interdiction d'acquisition et de détention d'armes des catégories A, B et C et de dessaisissement de ses armes, ainsi que, par voie de conséquence, de procéder à son inscription au FINIADA et au retrait de son permis de chasse. Compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait le préfet, les autres moyens soulevés par M. B... à l'encontre de l'arrêté contesté, qui n'ont pas pour objet de remettre en cause cette compétence liée, sont inopérants. 4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le préfet, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige. DECIDE : Article 1er : La requête de M. B... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au préfet des Côtes-d'Armor. Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023, à laquelle siégeaient : - M. Lainé, président de chambre, - M. Derlange, président assesseur, - Mme Picquet, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 novembre 2023. La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier La rapporteure P. Picquet Le président L. LainéLe greffier C. Wolf La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 22NT02534 |